Questions et approches possibles, Loi canadienne sur la protection de l’environnement : document de discussion, chapitre 4


4. Prévention de la pollution marine

Entouré par trois océans, l’Arctique, l’Atlantique et le Pacifique, le Canada possède le littoral le plus long du monde avec ses 243 790 km de côtes, incluant les côtes des 52 455 îles du pays. Les océans sont une part importante de l’histoire et de l’économie de notre pays. Les ports et les havres sont utilisés pour l’expédition de divers biens et services; un dragage d’entretien régulier des voies navigables est donc nécessaire afin que celles-ci restent libres d’obstacles et sécuritaires. Les déblais de dragage qui en découlent sont habituellement immergés en mer. En plus, l’immersion de certains matériaux autres que les déblais de dragage qui sont considérés à faible risque sont également couramment immergés en mer.

Le Canada empêche la pollution issue de l’immersion en mer de déchets et autres matières en exerçant un contrôle à l’échelle fédérale par l’intermédiaire d’un système de permis, et ce, depuis 1975. Ce système est conçu afin de veiller à ce que le Canada respecte ses obligations en vertu de deux conventions internationales auxquelles il est Partie, soit le Protocole de 1996 de la Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières (le Protocole de Londres) et la Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières, 1972 (la Convention de Londres).

Conformément à la Convention de Londres et au Protocole de Londres, la section 3 de la partie 7 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE) interdit l’élimination de substances dans les eaux ou sur la glace depuis un navire, une plateforme, un aéronef, une plate-forme ou un autre ouvrage, à moins qu’elle ne soit réalisée dans le cadre d’un permis délivré par Environnement et Changement climatique Canada (ECCC). L’incinération en mer et l’importation et l’exportation d’une substance pour la rejeter en mer sont également interdites.

Seule une courte liste de déchets et autres matières, qui sont indiqués à l’annexe 5 de la loi, peut être considérée pour les permis d’immersion. Ces substances sont évaluées individuellement afin de garantir que leur immersion constitue l’option de gestion préférable pour l’environnement, que la matière n’a pas un autre usage pratique, qu’il n’y aura pas de pollution et que tout conflit avec d’autres utilisations légitimes de la mer sera évité. Les conditions prévues par le permis garantissent que les quantités, les sites d’immersion et les mesures d’atténuation particulières seront respectés.

Le programme qui gère le régime d’immersion en mer fonctionne à l’aide du recouvrement des coûts. ECCC recouvre les coûts liés au traitement des permis et à la surveillance dans les sites d’immersion représentatifs.

Le régime d’immersion en mer est solide et fonctionne bien. Il serait toutefois possible d’apporter des modifications à la LCPE afin de le mettre à jour en raison des changements apportés récemment au Protocole de Londres, de protéger davantage l’environnement marin en modifiant la façon dont des activités particulières sont contrôlées, et de renforcer les outils d’application de la loi du régime.

4.1 Permettre le stockage de dioxyde de carbone (CO2) dans les formations géologiques du sous-sol marin

Question

Le captage et le stockage du carbone impliquent l’extraction du CO2 des gaz de combustion habituellement émis lors de la production d’électricité, le traitement de combustibles et autres processus industriels et le stockage dans des formations géologiques. La LCPE interdit le stockage de CO2 dans les formations géologiques du sous-sol marin. Cette position était conforme au Protocole de Londres, jusqu’à ce que ce dernier soit modifié en 2006 et en 2009 afin d’autoriser la séquestration du CO2 dans les formations géologiques du sous-sol marin et son transport entre frontières internationales aux fins de séquestration. Par le biais de ces modifications, la communauté mondiale a reconnu l’importance d’atténuer les répercussions des changements climatiques et que le stockage du CO2 en mer peut être effectué sans causer de pollution marine, si des mesures de protection appropriées sont mises en place.

Approche possible pour aborder cette question

La LCPE pourrait être modifiée afin d’autoriser explicitement la ministre d’ECCC à délivrer des permis pour le stockage de CO2 dans des formations géologiques du sous-sol marin et de permettre l’importation et l’exportation de CO2 à des fins de séquestration.

L’activité permise serait menée d’une façon qui protège l’environnement marin, puisque les projets soumis seraient assujettis à une évaluation et à des conditions imposées par la ministre à l’aide d’un permis. On refléterait ainsi les modifications apportées au Protocole de Londres.

4.2 Prévenir la pollution marine issue de la fertilisation des océans et d’autres activités de géo-ingénierie marine

Question

Des modifications au Protocole de Londres ont été apportées le 18 octobre 2013 afin de créer un mécanisme abordant expressément la fertilisation des océansNote de bas de page5 et d’autres activités de géo-ingénierie marine - définie comme « une intervention délibérée dans le milieu marin visant à manipuler des processus naturels, notamment contrecarrer les changements climatiques d’origine anthropique et/ou leurs incidences, et qui est susceptible de se traduire par des effets nuisibles, en particulier lorsque ces effets peuvent être étendus, durables ou graves ». Les modifications apportées au Protocole interdisent la fertilisation des océans, mais permettent la délivrance de permis dans des cas où l’activité est considérée comme des travaux de recherche scientifique légitimes et n’étant pas contraire aux objectifs du Protocole. Cette modification crée un mécanisme permettant de contrôler des activités de géo-ingénierie marine supplémentaires de la même façon à l’avenir. Les dispositions actuelles relatives à l’immersion en mer de la LCPE interdisent la fertilisation des océans. Il serait toutefois possible de modifier la loi afin de la rendre plus explicite quant à la façon dont elle aborde cette question, afin de donner les pouvoirs requis pour la délivrance de permis à des fins de travaux de recherche scientifique légitimes et d’inclure d’autres éléments des modifications apportées au Protocole de Londres de 2013.

Approche possible pour aborder cette question

La LCPE pourrait être modifiée afin de codifier expressément les changements apportés récemment au Protocole de Londres. On pourrait étudier cette recommandation conjointement avec le point 4.3 mentionné ci-dessous.

4.3 Prévenir la pollution marine issue d’autres activités de placement

Question

Le régime d’immersion en mer de la LCPE (RIM LCPE) reflète le Protocole de Londres en n’assujettissant pas des activités particulières aux interdictions d’immersion et n’exige donc pas la délivrance de permis afin qu’elles puissent avoir lieu. C’est le cas pour le « placement » d’une substance à une fin autre que sa simple élimination, sous réserve que le placement n’est pas incompatible avec l’objet du RIM LCPE et du Protocole de Londres. On l’illustre ainsi :

Figure 1. Diagramme

Figure 1. Diagramme (Voir description longue ci-dessous.)
Description longue de la figure 1

Description longue d’image 1.

Il s’avère parfois difficile pour un promoteur potentiel de déterminer si le placement d’une substance donnée est (ou n’est pas) incompatible avec l’objet du RIM LCPE et du Protocole de Londres et, donc, s’il doit être assujetti aux interdictions d’immersion. En outre, la participation d’ECCC est nécessaire, dans certains cas, afin de garantir qu’un placement est effectué d’une façon qui réduit au minimum les répercussions sur l’environnement marin.

Si un promoteur détermine que son activité est un placement qui n’est pas incompatible avec l’objet du RIM LCPE ou du Protocole de Londres, il n’y a aucune obligation explicite de discuter de cette activité de placement avec ECCC ou de mener cette activité sous réserve de conditions ou de mesures d’atténuation qu’ECCC pourrait suggérer. En outre, la LCPE n’autorise pas explicitement le ministère à exiger la surveillance de l’activité ou à demander des renseignements supplémentaires sur cette dernière.

Approche possible pour aborder cette question

En plus de codifier les modifications apportées au Protocole de Londres en 2013, qui se limitent à n’aborder que les activités de géo-ingénierie marine, la LCPE pourrait être modifiée afin de créer un régime qui règle du même coup l’incertitude entourant les activités de placement particulières, qui se sont avérées problématiques par le passé, en plus d’offrir un cadre pour faciliter le contrôle d’activités de placement supplémentaires à l’avenir.

Ces modifications pourraient inclure les éléments qui suivent :

  • clarification des définitions des termes « immersion » et « placement »
  • clarification du statut des activités de placement particulières qui se sont avérées problématiques par le passé, des façons qui suivent :
    • interdire explicitement certaines activités de placement incompatibles avec l’objet du RIM LCPE et du Protocole de Londres, comme la fertilisation des océans;
    • interdire d’autres activités de placement incompatibles avec l’objet du RIM LCPE et du Protocole de Londres, à moins qu’elles ne soient menées conformément à un permis, comme celles qui suivent :
      • les travaux de recherche scientifique légitimes sur la fertilisation des océans;
      • l’utilisation des déblais de dragage pour la création d’une île artificielle;
    • préciser que des activités de placement précises qui ne sont pas incompatibles avec l’objet du RIM LCPE et du Protocole de Londres - si elles sont menées conformément à des critères particuliers - peuvent avoir lieu sans permis, comme celles qui suivent :
      • le déplacement des sédiments pendant la pose de câbles;
      • l’enterrement des restes humains en mer;
      • l’utilisation du matériel d’échantillonnage à des fins scientifiques;
  • créer un mécanisme qui pourrait facilement être mis à jour afin de clarifier le statut d’activités de placement supplémentaires à l’avenir.

4.4 Diversifier les outils d’application de la loi de la LCPE dans le régime d’immersion en mer

Question

Contrairement aux autres parties de la loi (p. ex., articles 95 ou 99 dans la partie 5), la section 3 de la partie 7 ne contient aucun pouvoir explicite pour la ministre d’ordonner à une personne qui a contrevenu à la section ou à un permis délivré en vertu de cette dernière de prendre des mesures précises pour remédier aux dommages causés par la violation. Il n’y a également aucune obligation explicite pour cette personne de prendre des mesures correctives immédiates lorsqu’une telle violation a eu lieu.

Approche possible pour aborder cette question

La LCPE pourrait être modifiée afin d’ajouter les pouvoirs explicites d’ordonner à une personne qui a contrevenu à la section 3 de la partie 7 de la LCPE ou à un permis d’immersion en mer de prendre des mesures précises pour corriger les répercussions de la violation et/ou ajouter des exigences particulières pour cette personne afin qu’elle prenne des mesures correctives immédiates. Ce point est lié à l’approche présentée au point 6.3 sur les mesures correctives.

4.5 Améliorer le fonctionnement du régime d’immersion en mer

Question

Un certain nombre d’enjeux mineurs se font sentir sur le fonctionnement du régime, y compris ceux qui suivent :

  • En vertu de l’alinéa 127(2)d) de la loi, le demandeur de permis d’immersion en mer est tenu de publier un préavis de la demande dans un journal circulant près du lieu proposé de chargement ou d’immersion. Certaines collectivités canadiennes ne possèdent pas de journal qui circule localement.
  • Afin d’immerger une substance dans les eaux de l’Arctique, un promoteur doit demander un permis d’immersion en mer en vertu de la LCPE et une autorisation en vertu de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques.
  • La LCPE ne prévoit pas de façon explicite que les permis pour immersion en mer peuvent être transférés dans des cas où, par exemple, une entreprise est vendue ou restructurée pendant la période de validité d’un permis. Cette situation donne lieu à un fardeau administratif indu.

Approche possible pour aborder cette question

La LCPE pourrait être modifiée afin de régler ces enjeux comme suit :

  • permettre officiellement à la ministre de préciser toutes les façons dont les avis de demande peuvent être publiés;
  • réduire le chevauchement entre le RIM LCPE et la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques;
  • permettre explicitement aux entreprises ayant obtenu des permis de les transférer, sous réserve de règlements.

4.6 Accroître la portée du pouvoir de révoquer ou de suspendre des permis

Question

Le paragraphe 129(3) de la loi autorise la ministre à suspendre ou à révoquer un permis d’immersion en mer ou de modifier ses conditions dans des circonstances très particulières (compte tenu de l’annexe 6 ou en lien avec la constitution d’un comité d’examen). Dans les cas où la ministre soupçonne qu’un détenteur de permis d’immersion en mer a contrevenu au permis ou à ses conditions, la loi ne prévoit aucun pouvoir explicite pour suspendre ou révoquer le permis. Un tel pouvoir formel serait utile afin d’ordonner à un promoteur de cesser l’immersion, le temps qu’ECCC évalue si des dommages à l’environnement marin ont été causés à la suite de la contravention par le promoteur.

Approche possible pour aborder cette question

La LCPE pourrait être modifiée afin de préciser que la ministre peut suspendre ou révoquer un permis lorsqu’elle soupçonne qu’un promoteur a contrevenu au permis ou à ses conditions.

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