Traitement des demandes d'ERAR : interprétations des articles 96 et 97

Cette section contient des politiques, des procédures et des instructions destinées au personnel d’IRCC. Elle est publiée sur le site Web du ministère par courtoisie pour les intervenants.

Ce qui suit ne s’applique qu’aux demandeurs qui ne sont pas visés au L112(3)

Crainte fondée

On trouve au cœur même de la définition de « réfugié au sens de la Convention » l'exigence que le demandeur démontre une crainte de persécution fondée dans son pays d'origine. L'interprétation du terme « crainte fondée » a révélé deux composantes :

  • la crainte de persécution, ressentie de façon subjective, et
  • le fondement de la crainte, selon un test objectif.
Crainte objective et subjective

La composante subjective se rattache à l'existence de persécution dans l'esprit du demandeur. Même si la crainte est un phénomène intériorisé, les actions du demandeur doivent refléter cette peur subjective. Voici certains des facteurs liés à la question de la peur subjective :

  • temps écoulé avant de quitter le pays où il allègue être exposé à des risques;
  • défaut d’avoir demandé une protection à la première occasion raisonnable;
  • défaut d’avoir demandé une protection dans d’autres pays;
  • temps écoulé avant de demander l’asile après son arrivée au Canada;
  • d’avoir le demandeur de se réclamer à nouveau de la protection de l’État;
  • réinstallation dans le pays où il allègue être exposé à des risques.

Si le demandeur n'est pas crédible, car ses actions ne concordent pas avec la présence d’une crainte subjective, il pourrait être statué que la demande ne comporte aucun fondement subjectif. La demande pourrait être rejetée même s'il est démontré qu'il existe de multiples atteintes aux droits humains dans le pays d'origine.

L'accent devrait t être porté sur le fondement objectif de la crainte de persécution. Une fois ce fondement établi, il est concevable que le demandeur éprouve aussi une crainte subjective.

Fardeau de la preuve

La composante objective exige une étude objective de la crainte du demandeur afin de déterminer s’il existe un fondement valide à cette crainte. La nature du test applicable à une crainte fondée de persécution est décrite en utilisant les termes « possibilité raisonnable » ou « possibilité sérieuse » : existe-t-il une possibilité raisonnable, qui soit plus qu’une simple possibilité, de persécution si le demandeur retourne dans son pays d'origine? Le demandeur n’a pas à démontrer la probabilité de la persécution. L'agent doit être d'opinion, selon la prépondérance de probabilités, que la crainte est bien fondée. La détermination du fondement objectif de la demande est objective et elle est basée sur les éléments de preuve relatifs à la situation du pays d’origine, particulièrement en ce qui a trait au dossier des droits humains.

Persécution passée et future

Le demandeur n'est pas tenu de démontrer qu'il a été persécuté dans le passé pour établir une crainte fondée de persécution. Cependant, les faits passés relatés par le demandeur, ainsi que toute autre preuve soumise, incluant les conditions dans le pays lors de la décision, peuvent démontrer que le demandeur serait objectivement exposé à un risque s'il était renvoyé. Ainsi, le test porte sur l'avenir, sauf dans les cas où il existe des motifs déterminants de persécution passée pour accorder la protection. La Convention relative au statut des réfugiés énonce au paragraphe C (5) et (6) de l'Article 1 :

« Étant entendu, toutefois, que les dispositions du présent paragraphe ne s'appliqueront pas à tout réfugié visé au paragraphe 1 de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser de retourner dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures. »

Si le demandeur n'est pas en mesure de présenter une preuve de persécution passée, la preuve de persécution à l'égard de personnes se trouvant dans une situation semblable dans le pays d'origine peut servir de fondement à une crainte de persécution future. Il peut s'agir de membres de la famille, de collègues politiques et de membres de la même classe sociale, race, religion ou du même groupe ethnique.

Persécution

La persécution est l'un des éléments clés dans la définition de réfugié au sens de la Convention. Pour être admissible à la protection à titre de réfugié au sens de la Convention, le demandeur doit démontrer une crainte de persécution. Le mot « persécution » n'est pas défini dans la Convention relative au statut des réfugiés ni dans la Loi.

Les tribunaux ont défini la persécution en s'appuyant sur la définition proposée par le dictionnaire : « harceler ou infliger avec acharnement des traitements cruels et violents. » Il faudra évaluer si le harcèlement ou les sanctions que le demandeur craint sont suffisamment graves pour constituer de la persécution. Les menaces de mort et les atteintes à la liberté d’une personne pour l’une des raisons énoncées dans la définition constituent des actes de persécution, tout comme les violations d'autres droits humains fondamentaux. D'autres sanctions infligées à une personne peuvent ou non être considérées comme des actes de persécution. Dans certains cas, l'effet cumulatif d’actes de discrimination ou une série d'incidents constitue un acte de persécution. Il n’est pas nécessaire que ces sanctions soient infligées à la personne elle-même; elles peuvent également avoir été imposées aux membres de sa famille ou à une personne se trouvant dans une situation semblable. Des actes de harcèlement de moindre gravité, comme la discrimination en milieu de travail, peuvent ne pas constituer un motif suffisant pour conclure à la persécution. La jurisprudence illustre des situations dans lesquelles le harcèlement ne constitue pas un acte de persécution.

La protection n'est pas accordée dans tous les cas de préjudice infligé à un individu. Dans certains cas, le préjudice peut être si superficiel qu'il ne justifie pas une protection; dans d'autres cas, le préjudice peut résulter de mesures de sécurité de nature non discriminatoire imposées à une population entière. Cependant, dans certains cas, une loi imposée à une population entière peut relever de la persécution. La Cour d’appel fédérale s’est penchée sur cette question dans le contexte du service militaire, dans les affaires Zolfagharkhani c. MEI, [1993] 3 CF 540 et Al-Maisri c. MEI (1995), 183 N.R. 234, ainsi que dans le contexte des lois régissant la sortie des nationaux, dans l’affaire Valentin c. MEI, [1991] 3 CF 390.

Il n'est pas nécessaire que l'État en soit l'instigateur direct, et la seule question déterminante est de savoir si l'État veut et peut fournir une protection.

Évaluation des cas de persécution impliquant des poursuites judiciaires

Dans le cas d’une poursuite judiciaire, il faut examiner les circonstances particulières. La poursuite judiciaire doit être suffisamment sérieuse pour être qualifiée de persécution. Si la preuve démontre que la poursuite judiciaire est liée à la race, à la religion, à la nationalité, à l'appartenance à un groupement social ou à l'opinion politique, il pourrait être pertinent d’examiner les éléments suivants :

  • la nature de la loi que le demandeur a violée (si le respect de la loi constitue une violation des normes internationales en matière légale, la poursuite peut constituer une forme de persécution);
  • la nature de la loi en vertu de laquelle l'individu sera poursuivi (sanctionner arbitrairement un comportement acceptable peut constituer une forme de persécution);
  • si la peine infligée pour l'infraction est disproportionnée par rapport à l'infraction elle-même;
  • le dossier en matière de droits humains du pays qui a intenté la poursuite;
  • le statut du système judiciaire du pays;
  • les motifs pour lesquels le gouvernement veut intenter des poursuites;
  • les motifs du demandeur au moment où l'infraction a été commise.
Étude du motif de la persécution – connexion

Selon la définition de réfugié au sens de la Convention, il est nécessaire de déterminer si le préjudice est infligé pour l'une des raisons énoncées à la définition : le préjudice qui est craint doit être lié à la race du demandeur :

  • à sa religion
  • à sa nationalité,
  • à son appartenance à un groupe social particulier
  • à ses opinions politiques

S'il n'existe aucune connexion évidente, le demandeur ne répond pas à la définition d'un réfugié au sens de la Convention. Dans certains cas survenant dans le cadre d'une guerre civile, il se peut que la crainte constitue simplement une crainte d'oppression généralisée et qu'elle n’ait aucune connexion directe avec la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupement social particulier ou les opinions politiques de la personne ou d’un groupe particulier.

Groupement social particulier

Dans l’affaire Canada c. Ward (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1993] 2 RCS 689, la Cour suprême du Canada a fait remarquer qu'il faudrait tenir compte des thèmes généraux sous-jacents des droits humains et de la non-discrimination qui sont le fondement du programme international de la protection des réfugiés, lorsqu'il est question de la signification de « groupe social particulier ». Il y a trois catégories possibles :

  • les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable;
  • les groupes dont les membres s'associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu'ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association;
  • les groupes associés par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique.

Dans l’affaire Ward (précitée), la Cour suprême a clairement statué que la persécution fondée sur le sexe d'une personne peut suffire à justifier une demande d'asile. Cependant, la Cour n'a pas affirmé que le sexe en soi était suffisant pour définir un groupe social particulier. La Cour a statué que des sous-catégories particulières de femmes, comme les femmes battues et les femmes victimes de violence conjugale, constituaient un groupe social particulier. La Cour a également statué que les femmes contraintes de subir la stérilisation constituaient en effet un groupe social. La reconnaissance du sexe comme motif de protection à titre de réfugié ne s'est pas limitée aux demandes présentées par des femmes. La CISR a émis des directives en matière de sexe; il est recommandé aux agents d'ERAR de consulter ces directives pour les aider dans leur processus décisionnel.

Opinions politiques

La Cour suprême du Canada a défini la notion d’« opinions politiques » dans l’arrêt Ward, 746-747. La Cour a adopté la définition du prof. Goodwin-Gill : « toute opinion dans laquelle l'appareil étatique, gouvernemental et politique peut être engagé. » La Cour a ajouté deux précisions. D’abord, il n’est pas nécessaire que les opinions politiques aient été clairement exprimées. Elles peuvent avoir été déduites des gestes du demandeur. Aussi, il n’est pas nécessaire que les opinions politiques attribuées au demandeur reflètent ses véritables convictions. L’évaluation devrait reposer sur une approche du point de vue de l’agent de la persécution. Malgré que les victimes de crime n’entrent généralement pas dans la définition de « groupe social particulier » dont la portée a été établie dans l’arrêt Ward, il existe certaines situations dans lesquelles la définition d’« opinions politiques » peut s’appliquer. La Cour d’appel fédérale s’est penchée sur cette question dans l’arrêt Klinko c. MCI [2000] 3 CF 327 (T.D.)et a conclu que la dénonciation de fautes commises par les fonctionnaires ou les élus peut constituer une opinion politique, si l'appareil étatique, gouvernemental et politique « peut être engagé. » Cependant, les risques attribuables à une vendetta privée ou à une vengeance personnelle de la part d’un représentant du gouvernement peuvent relever d’activités criminelles plutôt que de la persécution. Voir Rivero c. MCI [1996] F.C.J. No 1517 (T.D.).

Risque de torture ou de mort ou de traitements ou peines cruels ou inusités

Risque de torture

La norme qui gouverne la demande basée sur l’allégation d’un risque de torture est définie par la loi comme la croyance que celui-ci existe et que cette croyance est fondée sur des motifs sérieux. Le degré de risque de torture requis, selon l'expression « motifs sérieux de croire » est que le risque doit être plus probable que le contraire. Voir Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)(2005 FCA 1). La norme n'est pas la même que celle que l'on retrouve à la définition de réfugié : un risque sérieux que l'individu sera exposé à un risque de torture ne répond pas aux critères du test légal. Cependant, il n'est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable (voir les Commentaires généraux sur la mise en application de l'article 3 de la Convention contre la torture dans le contexte de l'article 22 : 21/11/97). Des documents et des faits objectifs doivent démontrer une possibilité d'un risque pour le demandeur s'il est renvoyé dans son pays d'origine.

Examen objectif d'un risque de torture

L'examen visant à déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que le demandeur serait personnellement exposé à un risque de torture doit reposer sur une base objective. Il n'y a aucune exigence d’établir une crainte subjective [voir Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2005 CAF 1]). Cependant, le danger doit viser personnellement le demandeur. Tout comme dans la Convention relative au statut des réfugiés, l'examen peut porter sur des faits antérieurs, mais il est axé sur l'avenir : la question est de savoir si les faits relatés par le demandeur, ainsi que tous les autres éléments de preuve, incluant les conditions dans le pays au moment de la décision, démontrent que le demandeur serait exposé à la torture s'il était renvoyé dans son pays.

Exemple : La Cour européenne des droits de l’homme a statué que la Suède avait légitimement renvoyé un demandeur au Chili, même si ce dernier souffrait d'un stress post-traumatique résultant de la torture dont il avait été victime dans ce pays. Il n’existait plus de fondement sérieux à la crainte de torture exprimée par le demandeur en raison du changement de gouvernement [Cruz Varas et autres c. Suède, jugement prononcé le 20 mars 1991 (Série A, no 201)].

Lignes directrices du Comité contre la torture

Le Comité contre la torture a proposé les lignes directrices suivantes :

  1. Le pays visé présente-t-il un dossier d'atteintes répétées, graves, flagrantes et multiples aux droits humains?
  2. Le demandeur a-t-il été torturé ou maltraité dans le passé par ou à l'instigation ou avec le consentement ou l'acquiescement d'un officier public ou d'une autre personne agissant à titre officiel? Dans l'affirmative, s'agit-il d'un passé récent?
  3. Existe-t-il une preuve médicale ou autre preuve indépendante au soutien de la demande démontrant qu'il a été torturé ou maltraité dans le passé? La torture a-t-elle laissé des séquelles?
  4. La situation évoquée au paragraphe a) a-t-elle changé? La situation interne en matière de droits humains a-t-elle changé?
  5. Le demandeur s'est-il engagé dans des activités politiques ou autres activités à l'intérieur ou à l'extérieur du pays visé ayant pour effet de le rendre particulièrement vulnérable au risque de torture s'il était expulsé, renvoyé ou extradé dans le pays visé?
  6. Y a-t-il des faits contradictoires dans le cadre de la demande? Dans l'affirmative, sont-ils pertinents?

Questions pertinentes dans le but de déterminer s'il y a eu torture

L'agent d'ERAR peut poser les questions suivantes dans le but de déterminer s'il y a eu torture :

  1. Qui est le demandeur?
  2. Le demandeur s'expose-t-il à de graves souffrances physiques ou mentales, infligées intentionnellement?
  3. Les douleurs/souffrances ont-elles été infligées dans un but spécifique comme obtenir de l'information, punir ou intimider?
  4. Les douleurs/souffrances ont-elles été infligées par l'État? L'État a-t-il eu connaissance ou devrait-il avoir eu connaissance de ces douleurs/souffrances mais n’a rien fait pour les empêcher?
  5. Existe-t-il une PRI?
  6. Les douleurs/souffrances résultent-elles, sont-elles liées ou incidentes à des sanctions légitimes?
Examen de la menace à la vie ou du risque de traitements ou peines cruels et inusités

L’agent d’ERAR doit évaluer s'il existe des motifs considérables de croire que le demandeur serait personnellement exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités.

Le concept de « traitements ou peines cruels et inusités » se trouve à l'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés. Par conséquent, la jurisprudence entourant l’interprétation de l’article 12 s’applique. Des notions semblables à celle de l'article 12 de la Charte se trouvent également dans les conventions internationales signées par le Canada, notamment la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, connue sous le nom de Convention contre la torture (CAT) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP). La jurisprudence internationale, sans revêtir de caractère obligatoire, peut donc s'avérer utile.

Les propositions suivantes, tirées des décisions relatives à la Charte, sont applicables :

  • la peine ou le traitement sont de telle nature ou de telle durée qu'ils pourraient offenser la conscience des Canadiens ou qu'il serait dégradant de renvoyer quiconque pour y faire face;
  • la peine ou le traitement sont excessifs par rapport à la réalisation d'un objectif social valide, ils sont imposés de manière arbitraire ou sont si abusifs qu'ils sont incompatibles avec la dignité humaine.

Ces risques comprennent les actes susceptibles de constituer des violations des droits humains fondamentaux, notamment – mais de manière non limitative – les offenses graves contre l'intégrité physique et psychologique d'une personne.

Dans l'arrêt Cruz et autres c. Suède (15576/89 [1991] CEDH 26 20 mars 1991), la Cour européenne des droits de l'homme a expliqué en ces termes le minimum de gravité constituant un traitement inhumain :

« Il échet de rappeler que pour tomber sous le coup de l'article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum est relative par essence; elle dépend de l'ensemble des données de la cause, et notamment de la nature et du contexte du traitement ainsi que de ses modalités d'exécution, de sa durée, de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime. »

Application du fardeau de la preuve

La norme qui gouverne la demande basée sur la menace à la vie ou sur le risque de traitements ou de peines cruels et inusités est la « prépondérance des probabilités », la norme généralement applicable en matière de procédures civiles. Il s'agit également de la norme applicable à l'article 12 de la Charte. Des documents et des faits objectifs doivent démontrer la possibilité d'un risque pour le demandeur s'il est renvoyé dans son pays d'origine.

Examen de la protection offerte par l'État (agent étatique et agent non étatique)

Même si la jurisprudence internationale porte généralement sur des cas dans lesquels l'État est l'instigateur du traitement inhumain, la notion de traitements cruels et inusités, telle qu’elle est définie dans la LIPR, n'est pas limitative; les traitements ou peines cruels et inusités ne comportent pas l'exigence relative à une complicité de l'État. Dans tous les cas, il faudra se pencher sur la question de la protection offerte par l'État.

Examen de la menace objective à la vie ou du risque objectif de traitements ou peines cruels et inusités

L'examen servant à déterminer s'il existe des motifs considérables de croire que le demandeur serait personnellement exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités repose sur une base objective. Le risque doit viser directement le demandeur. L'examen peut porter sur des faits passés mais il est axé sur l'avenir : la question à déterminer est de savoir si les faits relatés par le demandeur, ainsi que tous les autres éléments de preuve, incluant les conditions dans le pays au moment de la décision, démontrent que le demandeur serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, s'il était renvoyé dans son pays d'origine. Il y a lieu d'examiner les facteurs pertinents comme les conditions dans le pays et la preuve d'atteintes répétées, graves, flagrantes et multiples aux droits humains par l'État visé, si le cas s'applique.

Assurances à obtenir dans les cas impliquant la peine de mort

La Cour suprême du Canada (CSC) a statué en 2001 que la Constitution exige l’obtention d’assurances diplomatiques avant le renvoi d’une personne exposée à la peine capitale (peine de mort), à moins de circonstances exceptionnelles. Ainsi, on ne doit pas exécuter le renvoi d’une personne dans un pays où il y a plus qu’une simple possibilité qu’elle soit condamnée à la peine de mort, avant d’avoir demandé et obtenu une assurance raisonnable auprès du pays de destination. Ces assurances doivent énoncer explicitement que la peine de mort ne sera pas imposée ou, si elle est imposée, qu’elle ne sera pas exécutée. Cette ligne de conduite ne peut subir que de rares exceptions.

Dans l’affaire Roger Judge c. le Canada, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a conclu que le Canada a une obligation internationale, en vertu de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de ne pas renvoyer une personne exposée à la peine de mort, sans assurance que la sentence ne sera pas exécutée.

La Cour suprême du Canada (CSC) a statué en 2001, dans l’affaire États-Unis c. Burns, que l’extradition entraînant une exposition à la peine capitale est inconstitutionnelle, puisqu’elle contrevient aux dispositions concernant le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne édictées à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Par conséquent, le gouvernement doit déterminer s’il doit obtenir des assurances afin de rendre le renvoi légal et conforme à la Charte.

Dans certaines situations, les personnes qui ont commis ou qui ont été déclarées coupables d'un crime grave font potentiellement face à la peine de mort infligée par le système judiciaire dans le pays vers lequel elles pourraient être renvoyées. Malgré le fait que ces peines résultent de sanctions légitimes, il faut procéder à l'examen de ces cas en tenant compte des principes reconnus à l'échelle internationale en matière de droits humains auxquels le Canada adhère, ainsi que de la jurisprudence des tribunaux canadiens.

À l’exception des cas où l’imposition de la peine de mort n’est pas plus qu’une simple possibilité dans les lois du pays de destination, le décideur de l’ERAR doit généralement obtenir des assurances auprès du pays. Il doit vérifier si la peine de mort sera demandée. Il doit aussi s’enquérir des mesures qui seront prises pour s’assurer que la peine de mort ne sera pas imposée ou, si elle imposée, le décideur doit s’assurer qu’elle ne sera pas exécutée. Les particularités de ces assurances obtenues par les voies diplomatiques peuvent varier en fonction du système judiciaire en place dans le pays de destination. Pour rendre sa décision relativement à la demande de protection, le décideur de l’ERAR évalue cet élément de preuve, ainsi que tous les autres éléments de preuve pertinents, afin de déterminer s’il y a plus qu’une simple possibilité que le demandeur soit exposé à la peine de mort. Le seuil applicable dans de tels cas est différent du fardeau de la preuve décrit au L97 de la LIPR; il est moins élevé.

Enclenchement d’une demande d’assurances

La décision de demander des assurances ou non doit être prise le plus tôt possible dans le processus d’exécution de la loi. Lorsque l’agent de renvoi de l’ASFC(1) sait que la personne visée par la mesure de renvoi en vigueur est exposée à un risque d’exécution dans le pays où elle serait renvoyée, il envoie un rapport électronique au coordonnateur de l’unité Danger pour le public/Réhabilitation avant d’informer la personne visée de la possibilité de demander un ERAR.

Pour la marche à suivre détaillée concernant les renseignements que l’ASFC transmet à la DGRC, voir le guide ENF 10.

Le coordonnateur de la DGRC prépare une recommandation que le directeur général de la DGRC prend en considération pour déterminer s’il y a lieu d’obtenir des assurances. La question est réglée dès que le directeur général de la DGRC décide de ne pas demander d’assurances ou une fois que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) a transmis les assurances demandées.

Le processus de demande d’ERAR ne peut commencer tant qu’une décision n’a pas été prise quant à la nécessité d’obtenir des assurances. Si la décision penche pour la nécessité de ces assurances, le processus d’ERAR ne peut commencer tant que les assurances n’ont pas été obtenues de la part du pays de destination.

Aucune décision d’ERAR ne doit être rendue avant la résolution de la question des assurances (soit la décision, par la DGRC, de ne pas demander d’assurances, soit la réception de ces dernières du MAECI). Une fois les assurances obtenues, ces demandes se voient accorder la plus haute priorité possible.

(1) Ce point fait référence à l’agent de l’ASFC qui convoque ou qui s’apprête à convoquer la personne pour l’informer de la possibilité qui lui est offerte de faire une demande d’ERAR avant l’enclenchement du processus de renvoi.

Renvoi des cas pour lesquels la question des assurances n’est pas résolue

Dans les cas où un avis d’ERAR a été donné et où l’agent d’ERAR s’aperçoit que le demandeur peut être exposé à la peine de mort, avant que la DGRC ait été contactée, l’agent doit immédiatement suspendre la procédure et aviser le coordonnateur de l’ERAR. Le coordonnateur de l’ERAR alerte alors l’ASFC de la nécessité de communiquer avec le coordonnateur de l’unité Danger pour le public/Réhabilitation de la DGRC, tel que décrit ci-dessus.

Décision de demander des assurances ou non

Un analyste de l’unité Danger pour le public/Réhabilitation de la DGRC examine le rapport et prépare une recommandation à l’intention du directeur général de la DGRC. Si le directeur général adhère à la recommandation de demander des assurances, il demande au MAECI de demander ces dernières.

Le coordonnateur (DGRC) envoie à l’agent de renvoi de l’ASFC un courrier électronique l’informant que la requête a été envoyée au MAECI ou qu’il a été décidé de ne pas demander d’assurances.

À la réception des assurances

Si les assurances ont été demandées et obtenues avant que la personne soit informée de la possibilité de demander un ERAR, l’agent de renvoi de l’ASFC inclut les assurances dans la documentation qu’il remet à la personne au moment de l’informer de la possibilité de demander un ERAR. La personne peut soumettre des observations écrites relativement aux assurances et dispose à cet effet du même délai que pour les observations sur l’ERAR, soit 15 jours. Si les assurances ont été demandées et obtenues après l’enclenchement du processus de demande d’ERAR, l’agent de renvoi informe le demandeur que les assurances ont été obtenues. Il fournit aussi au demandeur et au coordonnateur de l’ERAR une copie de ces assurances. Le demandeur dispose alors d’un délai de quinze jours pour répliquer à ces assurances, avant que l’agent d’ERAR ne poursuive l’examen de la demande. Le demandeur peut demander une prolongation du délai qui lui est accordé pour répliquer. L’accord d’une telle prolongation est à la discrétion de l’agent, mais ce dernier ne peut pas la refuser sans motif raisonnable.

L’agent d’ERAR examine les assurances à la lumière de toutes les observations écrites et autres renseignements dont il dispose, ainsi qu’à la lumière du jugement de la Cour suprême dans l’affaire États-Unis c. Burns.

Cas où aucune assurance n’est obtenue

Si aucune assurance n’a été demandée ou si les assurances demandées n’ont pas été obtenues, la procédure d’ERAR commence ou reprend, selon le cas. L’agent de renvoi informe le demandeur et le coordonnateur de l’ERAR, par écrit ou en personne, du résultat des démarches entourant les assurances. L’agent de l’ERAR examine la demande à la lumière de toutes les observations écrites dont il dispose, ainsi qu’à la lumière du jugement de la Cour suprême dans l’affaire États-Unis c. Burns.

Examen de l'incapacité du pays de renvoi de fournir des soins médicaux

La législation prévoit que la menace à la vie ne doit pas résulter de l'incapacité du pays de renvoi à fournir des soins médicaux et de santé adéquats. Dans le cas impliquant une menace à la vie en vertu de l’article 97, l’agent n’a pas à évaluer si des soins médicaux et de santé adéquats sont dispensés dans le pays concerné [voir Covarrubias c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2006 CAF 365) et Singh c. le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2004 CF 288 (26 févr. 2004)]. L’agent d’ERAR utilise cette exception concernant les demandes d’ERAR soumises par des personnes dont il est évident que leur pays d’origine n’est pas en mesure de dispenser des soins médicaux adéquats ou choisit, de bonne foi, pour des raisons de priorités politiques et financières, de ne pas fournir de tels soins aux gens qui en ont la nationalité. Cette exception ne peut pas servir de base pour refuser la protection aux demandeurs dont le pays adopte des pratiques relevant de la persécution (ou de la discrimination, au point de constituer des formes de persécution) en ce qui touche l’offre de traitements médicaux. (Voir aussi Convention contre la tortureM. Suppiah Vivekanathan et autres, Communication No 49/1996).

Poser les questions pertinentes

Voici quelques exemples de questions que l’agent d’ERAR peut poser afin de déterminer si le demandeur est exposé à une menace pour sa vie ou s’il y a possibilité de traitements ou peines cruels et inusités.

  1. Qui est le demandeur?
  2. D'où vient le demandeur?
  3. Le demandeur fait-il face à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou de peines cruels et inusités?
  4. Le demandeur est-il personnellement exposé au risque ou les autres citoyens de ce pays sont-ils généralement exposés au même risque?
  5. La protection de l’État y est-elle adéquate? Y a-t-il une PRI ou le risque existe-t-il en tous lieux du pays?
  6. Existe-t-il une sérieuse possibilité de risque en tous lieux du pays ou ce risque est-il grandement minimisé? Dans la négative, cette partie du pays est-elle raisonnablement accessible?
  7. Y a-t-il des motifs déterminants résultant de traitements ou de peines infligés dans le passé pour accorder la protection?
  8. Les traitements ou les peines résultent-ils de sanctions légitimes?
  9. Les sanctions sont-elles infligées au mépris des normes internationales?
  10. La menace résulte-t-elle de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux et de santé adéquats?

L’absence de connexion

Il n'est pas nécessaire de démontrer que le demandeur serait exposé à une menace à sa vie ou à un risque de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités pour l'un des cinq motifs énumérés à la définition de réfugié. La seule question est de savoir s'il existe une menace importante et objective à la vie ou un risque de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités, sans égard au fait que cette menace ou ce risque soit fondé ou non sur l'un ou l'autre des motifs mentionnés à la définition de réfugié.

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