Processus décisionnel : Norme de contrôle et marche à suivre pour prendre une décision raisonnable
Cette section contient des politiques, des procédures et des instructions destinées au personnel d’IRCC. Elle est publiée sur le site Web du ministère par courtoisie pour les intervenants.
Important : Dans la présente instruction sur l’exécution des programmes, le terme « agent » désigne toute personne qui prend une décision.
C’est le droit administratif qui régit les activités du gouvernement et qui permet de veiller à ce que ces activités soient autorisées par le Parlement ou par les assemblées législatives provinciales et à ce que les lois soient mises en œuvre et administrées de manière juste et raisonnable. Le droit administratif repose sur le principe que toute mesure gouvernementale, peu importe sa forme, doit être légale (strictement parlant). En outre, les citoyens qui sont touchés par les actes illégaux des fonctionnaires doivent disposer de recours efficaces pour que le système d’administration publique puisse être accepté et maintenu.
Éléments du principe de la primauté du droit :
- Les mesures du gouvernement doivent s’appuyer sur une autorisation de la loi.
- Le droit est au-dessus des autorités gouvernementales aussi bien que du simple citoyen.
- Un ordre réel de droit positif doit être créé et maintenu.
Les agents doivent prendre note qu’il y a une différence entre la norme de contrôle et la norme de preuve. La première est appliquée par les tribunaux qui doivent évaluer les décisions des agents, tandis que la norme de preuve se rapporte à la mesure dans laquelle un agent doit être convaincu qu’un fait a été prouvé.
Sur cette page
- Norme de contrôle
- Processus décisionnel
- déterminer les exigences qui doivent être satisfaites
- déterminer les faits à prouver
- appliquer la norme de preuve appropriée
- déterminer les éléments de preuve pertinents
- évaluer la crédibilité de la preuve
- établir la valeur probante des éléments de preuve (poids)
- déterminer si la preuve est suffisante ou ne l'est pas
- prendre une décision
- consigner la décision
Norme de contrôle
La norme de contrôle s’entend de l’approche juridique adoptée par les tribunaux afin d’analyser une décision administrative dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Les décisions administratives sont les décisions prises par les gouvernements ou toute personne agissant pour leur compte. Par exemple, les agents des services d’immigration, de la citoyenneté, des passeports et des services frontaliers prennent des décisions administratives qui sont susceptibles d’être révisées par un tribunal.
La norme de contrôle définit aussi le degré de retenue dont un tribunal doit faire preuve à l’égard de la décision administrative; cette norme orientera l’évaluation de la décision faite par le tribunal. Elle a été élaborée au fil des années par la jurisprudence. Plus récemment, la Cour suprême du Canada (la Cour) a décrit exhaustivement dans Vavilov les règles de droit qui sous-tendent cette norme et a fixé les paramètres qui doivent dorénavant être respectés.
Le cadre d’analyse établi dans Vavilov ne constitue pas un écart marqué par rapport à l’approche antérieure de la Cour dans l’arrêt Dunsmuir, qui reposait sur les « caractéristiques d’une décision raisonnable », à savoir la transparence, l’intelligibilité et la justification. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti.
Lorsqu’elle mène un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit tenir compte non seulement du résultat de la décision administrative, mais aussi de la justification du résultat. Elle doit centrer son attention sur la décision même qui a été prise, notamment sur sa justification, et non sur la conclusion à laquelle elle serait parvenue à la place du décideur administratif.
Les motifs écrits donnés par un organisme administratif comme IRCC ne doivent pas être évalués en fonction d’une norme de perfection. Il s’agit plutôt d’un exercice organique pendant lequel une cour de révision doit examiner le dossier dans son ensemble pour comprendre la décision et lire les motifs écrits du décideur, puis les interpréter de façon globale et contextuelle afin de comprendre le fondement sur lequel repose la décision.
La Cour suprême a déclaré que la norme de contrôle par défaut devrait être celle de la « décision raisonnable ».
Une décision est raisonnable lorsque la cour de révision est en mesure de suivre le raisonnement du décideur sans rencontrer de lacunes fatales dans sa logique globale et qu’elle est convaincue qu’il y a un axe d’analyse dans les motifs donnés qui pourrait raisonnablement amener le tribunal administratif, au vu de la preuve dont il est saisi, à la conclusion à laquelle il est arrivé.
Remarque : Le cadre d’examen établi dans Vavilov ne vise pas le contrôle applicable aux questions relatives à l’équité procédurale, car il doit être suivi uniquement lorsqu’un tribunal évalue une décision administrative sur le fond. Les principes de common law en matière d'équité procédurale devraient servir à déterminer si le processus décisionnel a été équitable.
Processus décisionnel
La loi exige que tout fonctionnaire délégataire du pouvoir de prendre des décisions, ayant des conséquences sur le public, agisse de manière équitable. La décision doit donc être à la fois :
- fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent;
- justifiée à la lumière des éléments juridiques et factuels propres au contexte de la décision.
Selon le critère du raisonnement intrinsèquement cohérent, pour être raisonnable, une décision doit être fondée sur un raisonnement à la fois rationnel et logique. Une décision sera jugée déraisonnable lorsque les motifs ne font pas état d’une analyse rationnelle ou montrent que la décision est fondée sur une analyse irrationnelle. Une décision peut également être remise en question lorsque les motifs sont entachés d’erreurs manifestes sur le plan rationnel — comme lorsque le décideur a suivi un raisonnement tautologique ou a recouru à de faux dilemmes ou à des généralisations non fondées.
En outre, la décision doit être justifiée au regard de l’ensemble du droit et des faits pertinents et ne doit pas outrepasser les pouvoirs qui ont été délégués au décideur.
Voici les étapes que les agents doivent suivre afin de s’assurer qu’ils prennent des décisions raisonnables :
Déterminer les exigences qui doivent être satisfaites
Chaque catégorie de demande s’assortit d’exigences à satisfaire avant qu’un décideur puisse se prononcer. Ces exigences sont définies dans les dispositions législatives applicables, et des directives sont données aux agents dans les instructions sur l’exécution de chaque programme.
Les exigences de nature générale peuvent être décomposées en éléments précis qui doivent être corroborés par la preuve. Par conséquent, la première étape du processus décisionnel relativement à une demande doit consister à cerner clairement les exigences devant être satisfaites.
Exemples de dispositions décomposées en leurs éléments
Loi sur la citoyenneté, alinéa 3(1)a) : Sous réserve des autres dispositions de cette loi, a qualité de citoyen toute personne née au Canada après le 14 février 1977
Les exigences peuvent être décomposées comme suit :
- il faut être une personne;
- née au Canada;
- après le 14 février 1977.
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, paragraphe 181(1) : L’étranger peut demander la prolongation de son autorisation de séjourner à titre de résident temporaire si, à la fois :
- il en fait la demande à l’intérieur de sa période de séjour autorisée;
- il s’est conformé aux conditions qui lui ont été imposées à son entrée au Canada.
Les exigences peuvent être décomposées comme suit :
- il faut être un ressortissant étranger;
- qui présente une demande;
- en vue de prolonger son autorisation de séjour;
- à titre de résident temporaire;
- la demande doit être présentée avant la fin de la période de séjour en cours;
- l’étranger doit s’être conformé à toutes les conditions qui lui ont été imposées.
Déterminer les faits à prouver
Un fait désigne une chose dont on sait qu’elle est vraie. Il s’agit en général d’un élément d’information qui est corroboré par une preuve fiable (vérifiable). Un agent peut dire qu’un fait a été démontré par le demandeur quand l’élément de preuve que ce dernier a fourni permet bel et bien à l’agent de croire que le fait est probable. Si l’élément de preuve présenté ne permet pas de croire que le fait est probable, alors l’agent peut dire que le fait n’a pas été établi.
À cette étape du processus décisionnel, l’agent cerne les faits qui doivent être prouvés d’après l’information dont il dispose. Un fait doit être un élément essentiel de la décision.
Il est recommandé d’énumérer tous les éléments à établir et d’indiquer quels faits présentés par le demandeur correspondent à quels éléments.
Appliquer la norme de preuve appropriée
Une fois que les exigences à satisfaire et les faits à prouver ont été établis, l’agent doit évaluer la preuve. Les éléments de preuve seront solides ou ne le seront pas selon le degré de corroboration qu’ils offrent à l’appui des faits examinés et selon la mesure dans laquelle ils permettent de convaincre le décideur, compte tenu de la norme de preuve applicable.
La norme de preuve décrit le seuil qui doit être respecté pour qu’il soit possible de déterminer si une allégation est vraie ou si les exigences relatives à une demande sont satisfaites. Comme la procédure et les décisions en matière d’immigration sont de nature civile, la norme de preuve générale est celle qui s’applique aux affaires civiles : la prépondérance des probabilités. Un fait est prouvé suivant la prépondérance des probabilités quand il est plus probable qu’il soit vrai que faux (probabilité supérieure à 50 %).
En qualité de décideur, l’agent doit passer en revue la preuve qui lui a été présentée au regard de chaque élément puis l’évaluer afin de décider si la norme de preuve a été respectée.
Le niveau de preuve requis, à partir du plus faible jusqu’au plus exigeant, se décrit comme suit :
- simple possibilité ou soupçon – il ne s’agit peut-être de rien de plus qu’une possibilité non corroborée par des faits;
- motifs raisonnables de croire – on peut croire de bonne foi qu’il est fort possible qu’un fait ait été établi en raison d’éléments de preuve crédibles;
- prépondérance des probabilités – l’existence d’un fait est plus probable que son absence et l’enjeu à déterminer est non seulement possible, mais probable, plutôt qu’improbable;
- hors de tout doute raisonnable.
À moins d’indication contraire dans des dispositions précises d’un texte législatif, la prépondérance des probabilités est la norme qui s’applique aux décisions administratives des agents en ce qui a trait à l’immigration et à la citoyenneté.
Déterminer les éléments de preuve pertinents
L’agent doit savoir quels éléments de preuve sont pertinents pour corroborer un fait.
Un élément de preuve est quelque chose qui est présenté pour appuyer une affirmation, établir un fait ou prouver un élément. Catégories générales de preuve :
- Preuve documentaire – toute preuve sous la forme de documents, habituellement d’écrits sur papier (p. ex. une facture, un contrat ou un testament), mais aussi tout support sur lequel de l’information peut être conservée et communiquée, comme des photos, des enregistrements, des films et des courriels imprimés.
- Preuve matérielle – tout objet autre qu’un document; il peut s’agir d’éléments qui prouvent qu’une personne se trouve physiquement au Canada, du fait qu’elle a été vue sur un chantier de construction portant une ceinture à outils et avec un outil à la main pour prouver qu’elle travaille ou bien d’une preuve génétique établissant un lien de parenté.
- Preuve orale – témoignage donné en personne ou par téléphone; il peut s’agir aussi d’informations obtenues par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada durant une entrevue (questions et réponses) qui sont ensuite consignées dans les notes de l’agent ou une déclaration sous serment.
Les documents constituent la catégorie de preuve la plus fréquemment présentée afin d’étayer les assertions d’une demande. Cependant, la preuve documentaire peut être appuyée au moyen de témoignages recueillis et consignés par le décideur durant et après une entrevue avec le demandeur ou toute autre personne qui possède des renseignements pertinents.
Tout élément de preuve pertinent doit être examiné au cours du processus décisionnel relatif à une demande. L’élément sera pertinent s’il est essentiel à la décision de l’agent. Afin de déterminer la pertinence d’un élément de preuve, il faut décider s’il est lié à un élément qui doit être établi par le demandeur.
Il incombe au demandeur de prouver qu’il satisfait à toutes les exigences. Le demandeur doit donc fournir suffisamment de preuves pour convaincre le décideur que les exigences relatives à la demande ont effectivement été respectées.
Remarque : Le fardeau de la preuve repose sur le demandeur. Celui-ci doit prouver qu’il a satisfait aux exigences de la catégorie ou du programme visé par sa demande. La norme de preuve désigne le critère minimal à respecter pour que l’agent puisse se prononcer.
Afin de déterminer la preuve pertinente pour chaque élément, l’agent doit se demander quel document, quelle déclaration ou quel élément l’amènerait à prêter foi à une assertion ou à accepter un élément comme étant un fait établi.
Évaluer la crédibilité de la preuve
Pour chaque élément qui doit être prouvé, l’agent déterminera si la preuve suffit à respecter la norme de preuve.
Pour chaque élément (exigence), l’agent devra évaluer ou soupeser la preuve présentée afin de décider s’il est convaincu que la norme de preuve est respectée. Deux questions fondamentales peuvent l’aider à cette fin :
- La première concerne la crédibilité de la preuve : l’élément de preuve est-il plausible ou fiable? Pourquoi? L’agent doit pouvoir énoncer rationnellement pourquoi un élément de preuve est acceptable ou inacceptable.
- Deuxième question : si l’élément de preuve est crédible, quelle est sa valeur probante? Dans quelle mesure est-il solide ou convaincant?
Par « élément de preuve crédible », on entend un élément de preuve auquel on peut intrinsèquement croire ou qui provient d’une source compétente ou fiable. Lorsqu’il examine un élément de preuve, l’agent doit tenir compte de sa source et de l’élément de preuve lui-même, puis se demander s’il peut y croire ou s’y fier.
Il y a une présomption que les faits ou les éléments de preuve présentés par un demandeur sont présumés être véridiques à moins qu’il y ait un motif valable et convaincant de douter de leur véracité ou de leur crédibilité.
L’agent doit déterminer si un document manque de crédibilité au point où il ne devrait pas être pris en considération ou que sa présentation pourrait avoir un effet défavorable sur la décision. L’agent doit rester à l’affût de ce qui suit au moment où il évalue la crédibilité d’une preuve documentaire :
- les incohérences ou les fautes d’orthographe (en particulier si le document se veut un document officiel);
- le caractère incomplet, par exemple si le document n’a pas été dûment signé ni daté;
- les incohérences entre le document et d’autres renseignements fiables;
- la présence d’un parti pris;
- des traces de modifications ou de contrefaçon;
- des indices portant à croire que le document est un faux;
- les dommages subis par le document qui en réduisent la lisibilité.
Les points qui suivent peuvent soulever des questions quant à la crédibilité d’une preuve orale recueillie durant une entrevue, une audition ou une vérification :
- les contradictions ou les incohérences – les écarts doivent être suffisamment importants et doivent être en lien avec la pertinence des questions examinées afin de justifier une conclusion défavorable; il doit s’agir de contradictions ou divergences réels de nature importante ou grave;
- l’incohérence, l’ambiguïté ou le manque de détails – une conclusion défavorable doit tenir compte des antécédents et des caractéristiques personnelles de l’auteur des déclarations ainsi que du degré de cohérence, de précision ou de détail auquel on peut raisonnablement s’attendre;
- le comportement général – c’est-à-dire la manière dont la personne répond aux questions, notamment ses expressions faciales, son ton de voix, ses gestes, son intégrité générale, son intelligence et sa mémoire; toutefois, le comportement est un indicateur du manque de crédibilité beaucoup moins direct, et il faut donc user de prudence avant de l’utiliser pour tirer des conclusions au sujet de la crédibilité – en règle générale, le comportement n’est qu’un indicateur parmi d’autres d’un manque de crédibilité.
La Cour fédérale a indiqué clairement que, lors de l’évaluation de la crédibilité, il est important de ne pas oublier que l’ensemble de la preuve, orale et documentaire, doit être pris en considération et évalué, pas seulement certaines parties de la preuve.
Lorsqu’un agent a des doutes sur la crédibilité d’éléments de preuve et que ces doutes influeront sur la décision, il doit suivre les lignes directrices relatives à l'équité procédurale et donner au demandeur la possibilité de répondre.
Établir la valeur probante des éléments de preuve (poids)
Lorsqu’un agent doit déterminer la valeur probante d’éléments de preuve, il évalue la capacité de ces éléments d’établir le fait qu’ils sont censés prouver.
Les éléments de preuve indéfinis, vagues ou improbables se verront accorder moins d’importance que les éléments de preuve directs, détaillés et non réfutés. Par exemple, lorsqu’une personne affirme n’avoir jamais quitté le Canada, cette déclaration ne sera pas très déterminante si les timbres apposés dans le passeport de la personne montrent qu’elle s’est rendue dans d’autres pays.
Lorsqu’un agent examine la valeur probante d’un document, il doit se poser les questions suivantes :
- Quel est le rapport direct avec la question en cause?
- S’agit-il du meilleur document disponible?
- A-t-il été délivré par une autorité objective?
- A-t-il été délivré par une personne ou une autorité qui a le pouvoir de le faire?
- A-t-il été délivré par une personne ou une autorité qui n’a aucun intérêt direct à l’égard du résultat?
- S’agit-il du document le plus récent ou le plus proche dans le temps par rapport à la date de l’événement en cause?
- Est-ce que l’autorité de délivrance a la réputation d’être fiable?
- L’information contenue dans le document est-elle vérifiable?
- Dans quelles circonstances le document a-t-il été produit?
- Qui est l’auteur (p. ex. ses qualifications, son expertise, sa réputation) et quelle est la source de l’information?
- Dans quelle mesure le document se fonde-t-il sur des faits observables ou des opinions?
Remarque : Les duplicata et les photocopies sont admissibles et traités comme des originaux à moins qu’il n’y ait des raisons de mettre en doute l’authenticité de l’original, auquel cas celui-ci peut être réclamé en vue d’examen.
Lorsque l’agent évalue la force probante d’un témoignage, il peut poser des questions semblables au sujet de la source :
- La source a-t-elle un intérêt direct à l’égard du résultat?
- La source a-t-elle acquis cette connaissance de façon directe ou indirecte, ou par ouï-dire?
- L’information est-elle corroborée par d’autres éléments de preuve ou cohérente par rapport à d’autres faits établis?
- L’information présentée est-elle détaillée, précise et complète?
- Quelle est la pertinence directe de cette information pour la question examinée?
Remarque : Le recours à la conjecture, c’est-à-dire une affirmation qui semble plausible, mais qui n’est rien d’autre qu’une supposition, ne doit se voir accorder aucune importance. Des conclusions factuelles ne peuvent se fonder sur des éléments de preuve qui sont seulement des suppositions ou des hypothèses, et le décideur ne devrait pas non plus formuler ses propres hypothèses quand il tire ses conclusions.
Déterminer si la preuve est suffisante ou ne l’est pas
Une fois que l’agent a examiné l’ensemble de la preuve pertinente, puis qu’il a déterminé qu’elle était crédible et en a déterminé la valeur probante, il doit décider si elle est suffisante. Le demandeur n’est tenu de convaincre l’agent des faits que selon la « prépondérance des probabilités ». L’agent ne doit pas adopter d’approche exagérément suspicieuse ni douter de tous les éléments de preuve présentés, car cette façon de faire est incompatible avec la présomption de véracité qui sous-tend le processus et pourrait hausser la norme de preuve à respecter.
Si l’élément de preuve est « plus probable qu’improbable », le demandeur s’est acquitté de son fardeau, et l’agent peut prendre une décision.
Si les probabilités sont équivalentes ou si, selon la prépondérance des probabilités, les éléments de preuve penchent davantage du côté « non probable », le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve.
En fonction de la catégorie de la demande, l’agent peut prendre une décision finale ou exiger des documents supplémentaires du demandeur afin de dissiper le doute et d’établir les faits.
Prendre une décision
L’agent doit examiner les faits établis et décider s’ils montrent que le demandeur satisfait aux exigences ciblées à l’étape Déterminer les exigences qui doivent être respectées. S’il y a des éléments de preuve crédibles et convaincants pour chaque exigence, l’agent peut approuver la demande. Si l’une ou l’autre de ces exigences n’est pas satisfaite pour une raison quelconque, il est possible que la demande ne puisse être approuvée, selon le poids attribué à l’élément de preuve.
Au moment de prendre la décision, l’agent doit évaluer les éléments de preuve de façon équitable, conformément aux règles d’équité procédurale. L’équité est assurée grâce aux étapes décrites ci-dessus, mais il faut aussi, entre autres, que la décision soit prise en toute impartialité. Il y a partialité si l’agent a tiré une conclusion en s’appuyant sur un préjugé favorable ou défavorable à une chose, à une personne ou à un groupe et non pas sur la base de la preuve présentée.
Se montrer équitable signifie également que l’agent ne peut pas laisser d’élément de preuve de côté. Il est tenu d’examiner l’ensemble des éléments de preuve pertinents qui lui ont été présentés, et dans leur intégralité, ce qui signifie qu’il doit tenir compte des aspects favorables et défavorables de la preuve avant d’en tirer une conclusion.
Consigner la décision
Les décisions sont consignées pour des raisons de justification, de reddition de comptes, de transparence, de traçabilité et d’équité. Les motifs soulignent le raisonnement suivi par l’agent afin de parvenir à sa décision, de même que les faits et les éléments qui ont été pris en considération, et ils expliquent également la décision. Si celle-ci est portée en appel, durant le contrôle judiciaire, la Cour fédérale va passer en revue le processus décisionnel qui a été suivi afin de voir s’il a bien été exécuté.
Lorsqu’un agent consigne ses motifs, que ce soit sous forme de notes au dossier, de modèles de décision ou de lettres de décision, et dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC), il doit :
- utiliser un langage neutre, impartial et compréhensible;
- faire une lecture d’épreuve des notes, puisque la présence d’erreurs (p. ex. de nature factuelle ou d’orthographe) pourrait amener la cour de révision à remettre en question l’exactitude et la fiabilité du décideur sur des questions de fond;
- se reporter à toutes les dates en ordre chronologique et fournir d’autres détails comme de nouveaux éléments de preuve, etc.;
- s’assurer que toutes les questions critiques ont été abordées et évaluées; préciser son évaluation des faits et des éléments de preuve pris en compte, les dispositions législatives applicables et le raisonnement suivi. Il n’est pas nécessaire de mentionner chacun des éléments de preuve, mais l’omission d’analyser des points importants ou des arguments essentiels peut jeter un doute sur la profondeur de l’évaluation de la preuve réalisée par le décideur;
- entreprendre un dernier examen des notes pour veiller à ce que leur analyse appuie les conclusions qui ont été tirées et soit intrinsèquement cohérente.
L’évaluation comportera habituellement les éléments suivants :
- un résumé des faits ou de la preuve
- une analyse
- une conclusion
Le résumé des faits et l’analyse incluront ce qui suit :
- le contexte entourant les questions à trancher;
- les exigences à respecter et un aperçu des dispositions législatives applicables ainsi que des politiques ou des lignes directrices pertinentes;
- une liste des documents fournis ou consultés;
- les faits pris en compte ou rejetés, et la raison pourquoi ils l’ont été;
- un résumé des allégations et des éléments de preuve, y compris la preuve extrinsèque;
- une analyse expliquant pourquoi une interprétation est privilégiée par rapport à une autre;
- un renvoi à des documents particuliers et à des éléments de preuve importants;
- un texte soulignant les contradictions, les illogismes et les omissions.
La conclusion devrait fournir une réponse ou tirer une conclusion de fait à propos de chaque question à trancher.
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