Le soin de la vannerie et des matières végétales
Janet Mason
Le soin de la vannerie et des matières végétales fait partie de la ressource Web Lignes directrices relatives à la conservation préventive des collections. Cette section présente les principaux aspects dont il faut tenir compte pour prendre soin de la vannerie et des matières végétales présentes dans les collections patrimoniales, en fonction des principes de la conservation préventive et de la gestion des risques.
Table des matières
- Comprendre la nature de la vannerie et des matières végétales
- Causes des dommages à la vannerie et aux matières végétales et stratégies de conservation préventive
- Exemples de pratiques de conservation préventive
- Bibliographie
Liste des abréviations et des symboles
Abréviations
- HEPA
- haute efficacité pour les particules de l'air
- HR
- humidité relative
- ICC
- Institut canadien de conservation
- format de document portable
- UBC
- Université de la Colombie-Britannique
- UV
- ultraviolet
Symboles
- cm
- centimètre
- po
- pouce
Comprendre la nature de la vannerie et des matières végétales
Certaines matières végétales provenant de plantes herbacées, d'arbustes et d'arbres, comme la paille, les tiges, les rameaux, les feuilles, les racines, l'écorce et les éclisses de bois, sont souvent tissées ou tressées en des assemblages complexes pour former des objets décoratifs ou utilitaires, comme des paniers, des chapeaux, des tapis et des sacs. Certains objets peuvent être petits, finement assemblés et décoratifs. D'autres peuvent avoir été fabriqués solidement afin de résister à une utilisation intensive ou de supporter de lourdes charges, comme un panier fait d'éclisses de bois servant à transporter des fruits ou une assise de chaise tissée en canne de rotin. La vannerie se définit généralement comme des objets faits d'un assemblage bi ou tridimensionnel de longues fibres végétales de calibre plus gros que celui des fibres textiles. Les objets faits de feuilles d'écorce (par exemple, de bouleau) liées ensemble seront aussi traités dans cette ressource.
Matières végétales courantes
Contrairement aux cellules des tissus animaux, les cellules végétales sont dotées d'une paroi pectocellulaire qui les rend rigides et leur fournit un soutien structurel. La cellulose, l'hémicellulose et la pectine sont parmi ses principaux composants. La cellulose, un polymère d'hydrates de carbone à chaîne longue, donne aux cellules végétales leur résistance mécanique. L'hémicellulose entoure la cellulose, mais n'établit pas de liaison chimique avec elle. La pectine forme un gel qui constitue une matrice protégeant la cellulose et améliorant la flexibilité des cellules. Les plantes qui poussent sur le sol contiennent également de la lignine, qui leur donne leur rigidité et leur résistance. D'autres polymères, comme la subérine et la cutine, peuvent aussi être présents dans la paroi pectocellulaire.
Les matières végétales ont une grande capacité d'absorption et de désorption de l'eau. Elles peuvent par conséquent gonfler et rétrécir. Les nouvelles matières à base de cellulose sont souples lorsqu'elles sont mouillées ou exposées à une humidité élevée et peuvent donc être tressées ou assemblées en des formes complexes, lesquelles deviennent plus rigides une fois séchées.
Les grandes catégories de matières végétales utilisées pour fabriquer des objets sont décrites ci-dessous.
Écorce
L'écorce correspond aux couches externes des tiges, des branches et des racines des plantes ligneuses. Le tissu externe d'un arbre est composé principalement de tissus morts appelés « cellules de liège ». Ces tissus contiennent de la subérine, une substance grasse et cireuse qui rend l'écorce externe plus résistante à l'eau et à l'action microbienne.
L'écorce contient également des lenticelles, qui agissent comme des pores sur les arbres vivants et qui permettent les échanges gazeux. Elles peuvent se présenter sous la forme de taches ou de lignes claires ou foncées et servir aux fins d'identification (figure 1).
L'écorce de bouleau (« Betula papyrifera », appelé « bouleau blanc », « bouleau à papier » ou « bouleau à canot ») est couramment utilisée dans plusieurs communautés autochtones du Canada pour fabriquer des objets, comme des récipients ouverts, des boîtes, des berceaux, des rouleaux avec pictogrammes, des ornements décoratifs (écorce mordelée), des couvertures d'abris ou des coques de canots. L'écorce de bouleau est récoltée en hiver ou en été, mais l'écorce d'hiver est généralement plus robuste et plus épaisse, et prend aussi une teinte plus sombre, allant généralement du rouge orangé au brun foncé. La couche foncée peut être partiellement retirée, ce qui permet de créer des motifs décoratifs (figure 2). L'écorce est plus facile à retirer au début de l'été lorsque la sève coule, mais si elle est enlevée de l'arbre par temps chaud, elle peut se séparer en couches minces (Adney et Chapelle). Avant de l'utiliser, on trempe habituellement l'écorce dans l'eau pour la rendre plus souple; il est ainsi plus facile de lui donner la forme voulue. De nature, l'écorce de bouleau est imperméable et résiste à la décomposition. Lorsqu'elle est bien cousue et étanchéifiée, l'écorce de bouleau peut servir à fabriquer des récipients pouvant contenir de l'eau ou des canots étanches et flottables (figure 3).
Certaines écorces sont fibreuses, comme ce qui est couramment nommé « écorce de cèdre » (figure 4), qui consiste en l'écorce interne du cèdre de l'Ouest (« Thuja plicata ») ou du cyprès de Nootka (« Cupressus nootkatensis »). Sur un arbre vivant, les cellules d'écorce interne se trouvant le plus à la périphérie de l'arbre meurent progressivement, formant ainsi une couche protectrice. À mesure que les cellules situées sous la couche protectrice meurent et que le diamètre de l'arbre augmente, les couches d'écorce périphériques se détachent. Dans le cas d'une récolte traditionnelle aux fins d'utilisation, une longue bande d'écorce est détachée de l'arbre, la surface externe rude est retirée, puis l'écorce interne est séchée. Le tissage ou tout autre assemblage de bandes d'écorce permet de fabriquer des paniers, des tapis, des chapeaux, des vêtements (figures 5a et 5b) et des cordes. L'écorce fixée sur des objets peut former des franges, comme sur les masques autochtones de la côte du Nord-Ouest.
Racines
Les racines servent à fabriquer des lanières ou des attaches, et leur tressage permet de créer des objets finement ouvragés (figure 6). Les peuples autochtones du Canada utilisent souvent les racines d'épinette; ils emploient également les racines du cèdre de l'Ouest, du pin et d'autres arbres. Les cellules de base qui constituent la racine sont essentiellement comme celles présentes dans le tronc, mais leur paroi cellulaire est plus mince et le tissu qu'elles forment est plus poreux. On récolte des racines jeunes et solides provenant d'épinettes matures au printemps, lorsque l'écorce est plus facile à retirer. Peu après la récolte des racines, on en retire l'écorce; la racine ainsi décortiquée présente une surface lisse et satinée. On fend ensuite les racines, puis on les sèche afin d'empêcher la formation de moisissures. Avant de les utiliser, on les trempe dans l'eau pour les assouplir.
Éclisses de bois
Certaines essences de feuillus (par exemple, l'érable, le frêne et le chêne blanc) sont fendues, ce qui produit des éclisses minces, plates et souples pouvant servir à fabriquer divers objets. Une des méthodes de fabrication d'éclisses consiste à tailler une bûche et à la battre jusqu'à ce qu'il soit possible d'en détacher des bandes le long des cernes de croissance. Les bandes peuvent être amincies et lissées, coupées à la largeur désirée, puis utilisées pour créer un objet (figure 7).
Feuilles, tiges et pailles
On utilise de nombreux types de feuilles, de tiges et de pailles pour fabriquer ou décorer des paniers (figure 8), des chapeaux, des sacs à main, des tapis ou d'autres objets, ainsi que pour tresser du cordage. Certaines tiges et pailles sont fragiles, comme celles de l'adiante du Canada, plante principalement utilisée comme élément décoratif, alors que d'autres sont très solides et rigides, comme celles du bambou ou du rotin. De nature, les plantes herbacées n'ont pas, ou ont très peu, de xylème ou de tissus ligneux, et le cœur de leur tige est vide. De nombreux types de plantes herbacées possèdent une structure allongée, mince et facile à manipuler, mais leurs tiges sont généralement moins solides que les tiges provenant de tissus ligneux. On cueille la paille de ces plantes lorsqu'elle a atteint la taille souhaitée; ensuite, selon le type de plante, on peut lui faire subir un traitement avant de la faire sécher soigneusement. Le séchage à l'ombre préserve les couleurs, alors que l'exposition à la lumière du soleil blanchit ou éclaircit les couleurs. Les feuilles longues et résistantes, comme les feuilles de maïs, de palmier et de raphia, peuvent aussi être utilisées en vannerie (figure 9).
Canne
« Canne » désigne habituellement les bandes de l'écorce brillante du rotin (le terme « rotin » renvoie à plusieurs types de palmiers grimpants d'Asie tropicale, qui possèdent de longues tiges minces et robustes), lesquelles servent à fabriquer des assises ou des dossiers de chaises dans un certain style de vannerie appelé « cannage ». « Canne », « jonc » et « roseau » sont des termes courants faisant référence à diverses plantes ayant une tige longue et mince; beaucoup de ces plantes peuvent servir en vannerie.
Osier
Le terme « osier » désigne des tiges et rameaux, entiers ou fendus, provenant de plus d'une vingtaine d'arbustes de la famille des saules. On utilise l'osier pour fabriquer des objets de vannerie relativement solides (paniers, meubles, etc.), et on l'associe à un style distinctif de vannerie dite « clayonnée ». Le terme « osier » est parfois utilisé de façon plus générale pour faire référence à des montants et à des brins robustes, entiers ou fendus, provenant d'autres espèces végétales.
Préparation des matières végétales
On recueille les parties de plantes à des périodes particulières de l'année et à différents stades de croissance afin de s'assurer qu'elles seront suffisamment souples et résistantes une fois séchées. On doit effectuer le séchage avec soin pour éviter la formation de moisissures pendant l'entreposage. On peut les préparer avant de les utiliser en les trempant dans de l'eau à différentes températures. Un trempage contrôlé permet d'améliorer la souplesse des matières végétales et d'en retirer certains éléments, comme l'amidon, la sève ou la gomme.
Teintures
Certaines parties de plante peuvent facilement être teintes, tandis que d'autres ne permettent pas à la teinture de pénétrer suffisamment. On peut se servir d'écorces, de fleurs et d'autres parties de plante pour teindre les objets faits de matières végétales tressées, bien que, depuis peu, les artisans et les artistes utilisent plutôt des teintures synthétiques.
Anciennement, pour obtenir des matières organiques de couleur foncée, on avait recours à une technique qui consistait à tremper les matières dans un bain d'écorces et de brindilles riche en tanins, puis à les immerger dans une solution ou une substance riche en fer (par exemple, de l'eau dans un pot en fer, de l'eau dans laquelle on ajoutait des copeaux de fer ou des clous, ou encore une boue riche en fer). Chimiquement, le fer sert de mordant dans le processus de teinture et se lie à la matière végétale. Selon les types d'écorces et de brindilles sélectionnés au départ, on peut obtenir du noir ou des tons très foncés de brun, parfois avec des nuances vert olive). Cependant, le fer a la capacité d'agir aussi comme un catalyste dans certaines réactions chimiques, et peut notamment catalyser la dégradation de la cellulose. C'est pourquoi les matières végétales teintes de cette façon sont particulièrement sujettes aux dommages physiques et aux pertes, puisque le fer lié aux fibres en provoque la détérioration active (figures 10a et 10b). Lorsqu'une matière se détériore à un rythme beaucoup plus rapide que d'ordinaire en raison de composés internes provenant de sa méthode de fabrication, on qualifie ce phénomène de « défaut inhérent » à la matière.
Techniques de fabrication de la vannerie
De nombreux assemblages de vannerie sont formés d'éléments passifs, soit les montants, semblables aux fils de chaîne d'un textile, qui en forment l'armature, et d'éléments actifs ou mobiles, soit les brins, semblables aux fils de trame d'un textile), qui s'enchevêtrent autour des montants de diverses façons. Il existe trois modes d'assemblage de base : la vannerie spiralée, la vannerie tressée et la vannerie à nappes dont les brins sont tissés (qui s'apparente au tissage). Chaque technique de base peut présenter de nombreuses variantes.
Vannerie spiralée
Un objet est façonné par l'enroulement en spirale d'un montant sur lui-même (une ou plusieurs tiges, ou un faisceau de pailles plus fines), les spires étant fixées les unes aux autres à l'aide de brins cousus. Le point de couture peut percer la spire, ou l'on peut utiliser différentes techniques pour coudre les spires ensemble. Étant donné que les brins constituant les coutures sont les éléments actifs de l'assemblage, ils sont généralement plus souples que le matériau utilisé comme montant, qui est l'élément passif de la structure. On peut créer des motifs décoratifs selon les brins que l'on choisit (figure 10a) ou en faisant varier la taille du montant ou l'espace entre les spires.
Pour créer des motifs, il est possible d'utiliser différents matériaux et techniques de couture. Un matériau différent de celui utilisé pour confectionner l'objet peut également être plaqué contre la structure de base de l'objet et fixé à celle-ci à l'aide de coutures. Une autre technique, appelée « imbrication » (superposition), consiste à appliquer une bande de matériau décoratif sur le bord externe du panier, recouvrant chaque brin le long d'une rangée de spire. Pour garder en place la bande recouvrant un brin, on la replie et l'on coince le pli sous le brin, lequel est ensuite tendu de façon à bien serrer la bande. Le bout de la bande qui dépasse est rabattu contre la face du brin, puis replié; le pli est ensuite glissé sous le brin suivant (figure 11a). Cette opération est répétée jusqu'à ce que l'on obtienne le motif désiré (figure 11b). Il est également possible de créer des motifs décoratifs en glissant la bande décorative sous plusieurs brins de couture de façon à cacher la bande sur une certaine longueur, avant de la faire réapparaître plus loin.
Vannerie tressée
Dans la vannerie tressée, les montants verticaux (chaînes) sont passifs, alors que les brins horizontaux (trames) sont actifs. Habituellement, deux brins sont utilisés ensemble : un brin va vers l'avant du panier, l'autre vers l'arrière, et les deux brins s'entrecroisent. Si les mêmes montants sont utilisés pour chaque rangée, il s'agit alors d'un tressage simple ou ordinaire (armure toile). Si les montants croisés par les brins sont décalés, on obtient alors un tressage à lignes obliques (armure sergée). La vannerie à nappes superposées liées s'apparente à la vannerie tressée, mais consiste à utiliser deux montants passifs superposés perpendiculairement l'un contre l'autre, liés ensemble au moyen d'un brin souple. Les figures 12a et 12b montrent un assemblage consistant en un brin souple, qui maintient ensemble des montants rigides disposés en deux nappes perpendiculaires. Les montants peuvent également être disposés en nappes obliques, auquel cas le brin est tressé horizontalement le long des rangées où les montants se croisent.
Figures 12a et 12b. Nasse à crabes (à gauche) tressée à l'aide de deux montants superposés, liés ensemble par un brin flexible (à droite). Cet objet appartient au Museum of Anthropology de l'Université de la Colombie-Britannique (numéro d'acquisition : A2191).
La fausse broderie est utilisée pour incorporer des motifs ornementaux à la structure d'un objet tressé en une simple armure toile. Un matériau décoratif (par exemple, des tiges de graminée, des piquants de porc-épic) est enroulé autour du brin du côté extérieur du panier, de sorte que le motif apparaît seulement sur la surface externe de l'objet. Le matériau décoratif est incliné à l'opposé de l'inclinaison du brin (figure 13). Il est également possible de superposer au brin de base de la vannerie un brin mince de matériau décoratif et de faire passer ce dernier en arrière des montants. On crée ainsi un motif décoratif à la fois visible sur les faces interne et externe d'un objet (figure 14).
Vannerie à nappes (brins tissés)
Dans ce type de vannerie, il n'est pas possible de distinguer les brins des montants : tous les éléments sont actifs et ont souvent la même taille. La vannerie à nappes perpendiculaires enchevêtrées (ou vannerie de type « natte ») produit une armure toile (motif en damier) lorsque les éléments dans chaque direction passent alternativement au-dessus et au-dessous des éléments qu'ils croisent. Des motifs obliques (en sergé) peuvent aussi être créés.
Vannerie en osier (vannerie clayonnée)
La vannerie en osier fait appel à des types d'assemblages solides (la vannerie clayonnée) qui conviennent pour assembler des rameaux d'osier (jeunes pousses de saule) et permettent de créer des objets comme des paniers robustes et des meubles. L'osier est le matériau traditionnel de choix pour la fabrication de ce genre d'objets, mais on peut aussi utiliser d'autres matériaux solides, comme les joncs et la canne. Étant donné que les matériaux utilisés sont plutôt rigides, les montants et les brins gardent une certaine mobilité dans leur assemblage. Les brins ne croisent pas d'autres brins dans une même rangée.
Ouvrages en éclisses de bois
Habituellement, des éclisses (ou lattes) de largeur différente sont assemblées en nappes tissées. Il est également possible d'incorporer de minces bandes à la trame et de les torsader afin de créer des motifs décoratifs proéminents sur la surface externe d'un panier (figure 15). Il est aussi possible de renforcer le rebord des paniers en y fixant un cerceau, par exemple en bois sculpté.
Feuilles d'écorce
On peut utiliser un morceau entier d'écorce de bouleau ou encore le découper, le plier ou le coudre pour lui donner la forme désirée (figure 16). La partie de l'écorce qui était à l'intérieur lorsqu'elle était sur l'arbre constitue généralement la surface externe d'un objet. L'écorce peut aussi être coupée en bandes et tressée. Elle est parfois ornée de piquants de porc-épic (figures 16 et 17).
Causes des dommages à la vannerie et aux matières végétales et stratégies de conservation préventive
Les objets de vannerie tressée, spiralée ou à nappes faits de fibres végétales ou de feuilles d'écorce peuvent être très fragiles et sont généralement sensibles aux agents de détérioration suivants : forces physiques, incendie, eau, ravageurs, polluants, lumière, température inadéquate et humidité relative (HR) inadéquate. Ces agents n'agissent habituellement pas de manière isolée. Les dommages que causent la lumière, la chaleur ou une HR faible ou élevée contribueront à fragiliser l'objet, auquel cas celui-ci risque davantage d'être endommagé par des forces physiques. Certains polluants peuvent accélérer la détérioration des objets en présence d'une température et d'une humidité élevées. La fragilité d'un objet dépendra grandement de la matière végétale utilisée : les matières végétales robustes et épaisses, comme l'écorce de bouleau et les racines, ont tendance à être plus résistantes que d'autres plus fragiles, comme les minces pailles de graminée ou l'écorce de cèdre de l'Ouest. Cette section explique comment ces agents altèrent les matières végétales et présente des stratégies générales visant à prévenir ou à réduire les risques de détérioration d'objets faits de ces matières.
Forces physiques
Parmi les dix agents de détérioration, les forces physiques constituent de loin l'agent qui cause le plus fréquemment des dommages. Ceux-ci sont souvent la conséquence de l'affaiblissement de la structure en raison d'utilisations antérieures à la mise en collection, ou peuvent aussi être le résultat de mauvaises techniques de manipulation et de mise en réserve une fois que l'objet fait partie de la collection.
Certaines méthodes de fabrication peuvent aussi créer des contraintes physiques dans les matériaux, ce qui peut mener à des dommages (figure 18).
Le point de rencontre entre une partie flexible d'une structure et une partie rigide peut s'avérer fragile; il s'agit, par exemple, du rebord ou de la base de certains paniers (figure 19), ou encore du pourtour d'une assise de chaise cannée, là où elle est reliée à la structure en bois. Des contraintes apparaissent aux endroits où le mouvement des éléments constitutifs d'une structure est interrompu. Un tapis en vannerie à nappes à brins tissés peut supporter un certain degré de contraintes, puisque les montants et les brins ne sont pas fixés les uns aux autres et qu'ils peuvent bouger de manière indépendante lorsqu'ils sont soumis à des contraintes. Dans le cas de la vannerie spiralée, les brins (éléments actifs) se brisent généralement en premier, ce qui produit des cassures le long des spires. Sur les paniers tressés, des lignes de rupture peuvent apparaître le long des brins ou le long des montants (figure 20), et apparaissent souvent aux deux endroits à la fois. Les éléments décoratifs, comme les imbrications sur les paniers en vannerie spiralée ou la fausse broderie sur les paniers tressés, peuvent se défaire ou se briser.
Les poignées, les rebords de panier ou les bases fixées sont très susceptibles d'être endommagés, car, en général, ces endroits sont déjà fragilisés en raison des contraintes subies, de façon répétée, lorsque l'objet était utilisé (figures 21 et 22).
D'autres zones peuvent s'avérer fragiles, comme les cordages, les filons ou les lanières faits de fibres végétales et servant à fixer ou à relier entre eux différents éléments d'un objet (figure 23). Les fils ou autres attaches subissent des contraintes lorsque l'assemblage fléchit, ce qui arrive souvent lorsque l'objet est déplacé. Plus un élément dépasse du plan de la structure tressée, plus il risque d'être endommagé. Par exemple, les boucles décoratives que l'on trouve dans certains ouvrages en éclisses de bois s'endommagent facilement (figure 24). Les éléments décoratifs ajoutés, comme la fausse broderie ou les brins superposés, dépassent légèrement de la surface et sont donc à risque de subir des accrocs.
Les franges ornant certains objets, comme celles en écorce de cèdre que l'on trouve sur certains masques de la côte du Nord-Ouest (figure 25), pendent librement sans appui et sont ainsi exposées aux risques de dommages physiques et de pertes. L'écorce de cèdre qui a vieilli devient très fragile et cassant, ce qui explique pourquoi le moindre petit déplacement peut faire céder de fins brins d'écorce et causer des pertes.
Les objets creux, comme les paniers ou les chapeaux, sont fragiles parce qu'ils ne comportent aucune structure de soutien interne permettant d'absorber ou de supporter les contraintes auxquelles ils sont soumis. À mesure que les matériaux deviennent plus fragiles et cassants, les contraintes exercées causent de plus en plus de dommages. Une fois fracturée, la structure d'un objet devient plus fragile et risque davantage de s'endommager ou d'être détruite.
Sous l'effet de la gravité, les matières végétales souples peuvent lentement se déformer. Les structures tressées peuvent se déformer en raison de l'absence de support, particulièrement si elles sont exposées à une forte humidité. De plus, les matières végétales, en particulier les plus vieilles, ne résistent pas à un pliage et peuvent se briser le long des plis (figure 26).
Si des objets de vannerie sont entreposés dans des réserves trop encombrées, le risque est grand que leur structure subisse des déformations et même des bris. L'encombrement peut aussi causer des abrasions et d'autres dommages en surface qui peuvent altérer l'aspect des objets, surtout si l'altération touche les éléments décoratifs, comme la fausse broderie ou les motifs gravés dans l'écorce de bouleau. L'empilement de paniers permet peut-être d'économiser de l'espace, mais il peut également entraîner la déformation ou l'abrasion des objets empilés et rendre plus difficile l'accès à ceux situés à l'intérieur d'autres objets.
Recommandations
- S'assurer de disposer de suffisamment d'espace sur les tablettes pour chaque objet, et ce, afin de pouvoir plus facilement repérer un objet, l'examiner et le manipuler. Utiliser de bonnes techniques de manipulation. S'assurer qu'aucun élément proéminent ne risque d'être heurté ou accroché.
- Rembourrer l'intérieur des paniers souples afin d'en préserver la forme, mais éviter d'utiliser trop de bourre. Utiliser des matériaux souples qui ne risquent pas d'accrocher des éléments internes, comme du papier de soie d'archives froissé ou un assemblage de morceaux de mousse de polyéthylène recouverts de tissu ou de non-tissé de polyéthylène (Tyvek) (figures 27a et 27b). On peut aussi utiliser un sac en tissu, en plastique polyéthylène ou en non-tissé de polyéthylène (Tyvek) et le remplir peu à peu de bourre de polyester. S'assurer de conserver les déformations témoignant de l'usage d'origine de l'objet.
- Placer les objets sur une base ou un support externe adapté (figure 27c). Fabriquer ce support à l'aide d'un bloc de mousse de polyéthylène partiellement évidé et recouvert d'une mince feuille de mousse, d'un tissu ou d'un non-tissé de polyéthylène (Tyvek). De tels supports sont nécessaires, notamment dans le cas des paniers dont la base est plus étroite que la partie centrale. On peut aussi fabriquer une base en forme d'anneau, par exemple en tissu ou en jersey tubulaire médical (tricot de coton ou de polyester ou constitué d'un mélange des deux) et rembourrée de fibres de polyester, ou encore à partir d'une gaine de mousse isolante en polyéthylène pour tuyauterie, dont on joint les deux extrémités avec un ruban ou un peu de colle chaude.
- Ranger les objets fragiles ou délicats dans des boîtes d'archivage ou des contenants en plastique (figures 27c et 27d). Si l'on range plus d'un objet par boîte, les protéger les uns des autres à l'aide d'une mince feuille de mousse. Sur l'extérieur des boîtes et des contenants, indiquer les numéros d'acquisition des objets et coller des images de ceux-ci pour éviter de devoir manipuler les objets inutilement.
- Dans le cas des objets plus larges ou plus lourds, comme les canots recouverts d'écorce, il peut être nécessaire de placer plusieurs supports à des endroits stratégiques. Songer à utiliser de la mousse rigide découpée, du bois taillé et capitonné ou des sangles ajustables. (Pour savoir à quoi ressemble une sangle ajustable, consulter R. L. Barclay, 1988.)
- Maintenir ensemble les éléments partiellement ou totalement détachés de l'objet à l'aide de bandes de tissu souple. Ne pas utiliser de ruban adhésif (figure 28).
- Ne pas empiler les paniers les uns sur les autres, même s'ils sont en bon état. L'empilage convient uniquement aux objets plats (par exemple, les tapis et les feuilles de tapa), à condition de placer une feuille intercalaire de papier d'archives ou de papier léger entre chaque objet. L'objet placé au bas de la pile doit pouvoir supporter tout le poids de cette dernière.
- Ranger les objets plats dans des meubles de rangement à tiroirs étroits ou dans des boîtes d'archivage. Enrouler les objets de grandes dimensions autour de tubes de gros diamètre de façon à réduire l'espace nécessaire à leur rangement et à faciliter la manipulation et le déplacement. Il est à noter qu'il faut préalablement couvrir chaque tube de Mylar ou d'une feuille de polyéthylène, et ensuite l'envelopper entièrement de papier de soie sans acide (pH neutre) et sans réserve alcaline ou de coton à drap prélavé. Pour en savoir davantage sur le rangement à l'aide de tubes, consulter la Note de l'ICC 13/3 Rangement des textiles à l'aide de tubes.
Consulter La manipulation des objets patrimoniaux pour en apprendre davantage sur les pratiques à adopter pour manipuler en toute sécurité des collections et des objets patrimoniaux.
Incendie
Les matières végétales sèches brûlent facilement et rapidement, surtout si la texture est en clair (structure à claire-voie) et constituée d'éléments de faible épaisseur ou de faible largeur. Les objets en écorce de bouleau, en particulier ceux dont l'écorce se sépare en couches, sont facilement inflammables.
Consulter Agent de détérioration : incendie pour prendre connaissance de stratégies permettant de réduire les risques d'incendie et d'endommagement.
Eau
Lorsque les matières végétales sont mouillées, leur rigidité et leur solidité diminuent. Les matières végétales détériorées réagissent mal à l'eau : leur poids augmente alors qu'en même temps, elles se ramollissent et s'affaiblissent, ce qui les rend plus susceptibles de se déformer et de se briser. Les matières végétales moins détériorées réagiront différemment, en fonction des parties de plante dont elles proviennent (écorce, pailles, etc.) et de leur souplesse lorsqu'elles sont humides. Les fibres fines et souples peuvent subir d'importantes déformations, tandis que les parties de plante plus rigides sont moins exposées à ce type de dommages. De plus, les fibres végétales sont anisotropes, c'est-à-dire qu'elles se gonflent et se contractent à différents degrés selon la direction de la fibre, ce qui crée des tensions lorsqu'une vannerie est mouillée. Les éléments les plus fins de l'assemblage, c'est-à-dire souvent les brins du tressage ainsi que les coutures de l'assemblage (par exemple, celles reliant un fond aux parois), risquent alors de céder sous la pression exercée par le gonflement des autres éléments en contact (souvent les montants).
Les matières végétales contiennent souvent des composants solubles dans l'eau, certains d'entre eux émanant de la dégradation de ces matières. Une humidification non homogène peut entraîner la formation de taches claires ou foncées et des cernes d'eau. Les cernes sont des lignes ou des anneaux caractérisés par une teinte prononcée, habituellement foncée. Ils apparaissent lorsqu'un matériau est en contact avec un liquide et que des matières solubles migrent par capillarité pour ensuite s'arrêter plus loin lorsque le liquide commence à s'évaporer (figures 29a et 29b). De plus, certains colorants appliqués pour teindre les fibres à des fins décoratives sont solubles dans l'eau et peuvent migrer et ainsi tacher d'autres parties du panier. Plus rarement, les colorants peuvent disparaître complètement.
Recommandations
- Conserver la vannerie et les autres objets faits de matières végétales à l'abri des sources d'eau, comme les conduites d'eau ou les réserves situées sous les toilettes.
- Si des objets faits de matières végétales s'humidifient, les déposer sur une planche ou un plateau rigide et les déplacer vers un endroit bien ventilé et sec. Si la structure est déformée, procéder délicatement à une remise en forme en soutenant la structure à l'aide de bandes de mousse mince ou d'un sac de plastique rempli de papier de soie froissé, de bourre de polyester ou de retailles de mousse. Après un certain temps de séchage, vider le sac de plastique et le remplacer par du papier de soie froissé pour que l'objet continue de sécher.
Pour en savoir davantage sur les problèmes généraux liés aux risques de dommages causés par l'eau et sur la prévention de ces risques, consulter Agent de détérioration : eau.
Ravageurs
Au Canada, les insectes les plus courants qui endommagent les matières végétales présentes dans les collections sont la vrillette du tabac (« Lasioderma serricorne ») et la stégobie des pharmacies (« Stegobium paniceum »). Les insectes se dissimulent bien; on détecte le plus souvent leur présence lorsqu'on aperçoit la poudre qu'ils génèrent en rongeant, accumulée à la surface de l'objet ou à proximité de ce dernier, sur le meuble d'exposition ou encore sur l'étagère où l'objet est rangé.
Les rongeurs peuvent ronger les matières végétales et les souiller d'urine et d'excréments (figure 30).
Recommandations
- Maintenir de bonnes pratiques de mise en réserve afin que les objets soient facilement accessibles et visibles.
- Concevoir et appliquer un programme de lutte intégrée contre les ravageurs.
- Placer tous les objets dans des sacs scellés lorsque la présence d'insectes est soupçonnée. Avant de les intégrer au reste de la collection, isoler les nouvelles acquisitions ou les prêts afin de les examiner et de détecter la présence éventuelle d'insectes.
- Si la présence d'insectes vivants est confirmée, employer une méthode permettant de les éliminer.
Pour obtenir des conseils sur l'identification des ravageurs et les stratégies à utiliser pour contrôler les dommages qu'ils causent, notamment les stratégies de lutte intégrée contre les ravageurs, consulter les ressources suivantes :
- Agent de détérioration : ravageurs
- MuseumPests.net (en anglais seulement)
- Note de l'ICC 3/1 Stratégies de lutte préventive contre les infestations et méthodes de détection
- Note de l'ICC 3/2 Détection des infestations : inspection des installations et liste de contrôle
- Note de l'ICC 3/3 Lutte contre les insectes par exposition au froid
Polluants
On doit examiner les taches ou les résidus de matières présents sur les objets utilitaires, comme les paniers, car ils peuvent apporter des renseignements sur l'utilisation de ces objets. Ces matières ne sont généralement pas éliminées.
La poussière et la saleté peuvent s'accumuler sur les surfaces complexes et inégales des vanneries (figure 31). Le nettoyage prend un temps considérable et risque de soumettre les structures et matériaux délicats à des tensions, particulièrement si la poussière ou la saleté s'est incrustée pendant des mois ou des années. À la suite d'un incendie, les dépôts de suie, qui consistent en de fines particules pouvant aussi contenir des composants gras, peuvent également s'avérer très difficiles à éliminer des surfaces rugueuses de fibres végétales tressées.
Les matières végétales sales ou couvertes de suie doivent être manipulées le moins possible jusqu'à ce qu'un premier nettoyage puisse être effectué, car la pression exercée contre les surfaces sales incruste la saleté ou la suie. Il est parfois impossible d'éliminer les restes de saleté ou de poussière incrustés. Porter des gants, en particulier des gants de nitrile ou de latex ajustés qui permettent d'avoir une bonne sensibilité tactile.
Par le passé, on a parfois recouvert de cires, de polyéthylèneglycol ou de glycérine les paniers ou autres objets constitués de matières végétales afin de les rendre moins secs et moins fragiles. Initialement, ces produits pourraient avoir amélioré superficiellement l'état des objets, mais ils pourraient aussi avoir provoqué l'assombrissement des surfaces et, à long terme, un dessèchement accru et une plus grande détérioration. Ils pourraient même avoir rendu leur surface collante et donc sujette à retenir la poussière.
Dans les collections plus anciennes, les matières végétales peuvent contenir des pesticides résiduels. Si l'on trouve en surface une substance poudreuse ou cristalline de teinte claire, il est recommandé de faire des analyses pour déterminer s'il s'agit de composés naturels provenant de la matière végétale ou de matières (toxiques ou non) appliquées sur l'objet après que celui-ci eut été intégré dans la collection. Il importe aussi de noter que les pesticides résiduels ne laissent pas nécessairement des traces visibles. Si l'objet fait partie d'une collection publique située au Canada, le musée ou les archives qui le conservent peuvent effectuer une demande d'analyse à l'ICC. Pour en savoir davantage, consulter Services scientifiques.
Recommandations
- Maintenir de bonnes pratiques d'entretien ménager et assurer la propreté des zones où se trouvent les collections. Pour offrir une plus grande protection en réserve, garder la vannerie et les autres objets composés de matières végétales dans des meubles de rangement fermés ou les recouvrir d'un papier de soie ou d'une housse en plastique légère. Dans les espaces d'exposition, présenter les objets de préférence dans une vitrine, sinon à plusieurs mètres de l'itinéraire qu'empruntent les visiteurs.
- Porter des gants, préférablement des gants de nitrile ajustés, pour manipuler les objets. Si l'on constate la présence de matériaux poudreux sur l'objet, il faut en analyser la composition. S'ils sont toxiques, consulter un restaurateur pour connaître les procédures de manipulation appropriée.
- Manipuler le moins possible les objets sales. Les placer sur un support et les déplacer en manipulant le support uniquement. La poussière, la saleté et la suie peuvent gêner l'inspection visuelle de l'objet. Elles peuvent aussi être abrasives et attirer des insectes. Voici quelques notes expliquant la façon d'éliminer en toute sécurité la poussière, la saleté et la suie à l'aide d'un aspirateur :
- S'assurer que la présence de saleté n'apporte aucun renseignement sur un usage ancien (indice anthropologique).
- Porter des gants bien ajustés (de latex ou de nitrile) et éviter autant que possible de manipuler l'objet.
- Choisir un aspirateur équipé d'un régulateur de succion, ou alors percer des trous dans le tube ou l'embout de l'aspirateur pour en réduire la puissance de succion. Dans la mesure du possible, utiliser un aspirateur équipé d'un filtre à haute efficacité pour les particules de l'air (HEPA). Afin d'empêcher les pièces détachées d'être aspirées, couvrir l'ouverture avec un filet ou un filtre à mailles en plastique en le fixant à l'aide d'un élastique ou d'une cordelette.
- Travailler sous un bon éclairage.
- Selon la puissance de succion, maintenir le tube ou l'embout de l'aspirateur à une distance de 8 à 20 cm (3 à 8 po) de l'objet. La puissance de succion doit être ajustée de sorte que la poussière et la saleté sont aspirées sans qu'aucune partie de l'objet ne soit soulevée. Les petits accessoires d'aspirateur peuvent s'avérer utiles pour nettoyer les objets de vannerie finement ouvragés.
- Utiliser un pinceau à poils souples et propres (pinceau d'artiste ou de maquillage) pour dégager la poussière et la diriger vers l'embout de l'aspirateur. Dépoussiérer ainsi tout l'objet en balayant lentement, et de manière méthodique, la surface à nettoyer. Repasser l'aspirateur sur la surface en soulevant plus de poussière à l'aide du pinceau. Pour éviter tout risque de nettoyage excessif, effectuer une succession de passages légers d'aspirateur sur toute la surface au lieu de nettoyer seulement une zone en particulier. Un mauvais nettoyage est irréversible.
- Si, en cours de processus, on note que la surface de la matière végétale s'altère ou que des éléments décoratifs deviennent lâches et qu'ils risquent de se détacher de l'objet, il faut arrêter et consulter un restaurateur.
Lumière et ultraviolet
L'absorption de la lumière visible et des rayons ultraviolets (UV) déclenche des réactions qui détériorent la structure des matières végétales. Ces matières se fragilisent et peuvent jaunir, se décolorer ou s'assombrir (figure 32). Les teintures ou peintures présentes sur les objets peuvent être très sensibles et se décolorer facilement (figure 33).
Certains produits issus de la détérioration des matériaux par la lumière sont très solubles dans des solvants polaires (par exemple, eau, alcool), ce qui augmente les risques de formation de taches s'ils sont exposés à l'eau (comme il est expliqué sous Eau).
Les gommes et les résines pouvant être utilisées pour maintenir ensemble divers composants (par exemple, le mastic étanchéifiant les joints d'un canot d'écorce de bouleau) peuvent être fragilisées lorsqu'ils sont exposés à la lumière et au rayonnement UV.
Pour en savoir davantage, consulter Agent de détérioration : lumière, ultraviolet et infrarouge.
Recommandations
- Éloigner les matières végétales des fenêtres. Dans les espaces d'exposition, réduire l'éclairement lumineux de sorte qu'il avoisine les 50 lux, en particulier dans le cas où les matières végétales sont colorées.
- Éteindre la lumière dans les réserves lorsque personne n'a besoin d'y accéder. Placer les objets dans des meubles fermés ou sur des tablettes recouvertes de toiles de protection.
Température et humidité relative inadéquates
Température inadéquate
Les températures élevées accélèrent les réactions chimiques et, à l'inverse, les températures plus basses les freinent. Dans le cas des fibres teintes au moyen d'un processus utilisant du fer, la détérioration catalysée par le fer, qui rend les fibres très fragiles et cassantes (figure 34), ralentit quand la température ambiante est plus basse. Il peut être nettement bénéfique d'abaisser la température de quelques degrés seulement.
Si l'augmentation des températures se traduit par une diminution de l'HR, alors les matières végétales se dessèchent et se fragilisent.
Les cires, les gommes ou les résines utilisées pour fixer les matières végétales peuvent se ramollir à de hautes températures et casser à de basses températures, ce qui pourrait poser un risque pour l'intégrité structurale des objets.
Recommandations
- La température des réserves et des salles d'exposition est généralement ajustée de manière à être confortable pour les personnes, mais une réduction de la température, ne serait-ce que de quelques degrés Celsius, permet de ralentir la détérioration chimique. Éloigner les matières végétales des sources de chaleur, comme les bouches de soufflage d'air chaud ou les sources de lumière générant de la chaleur telles que les fenêtres et les systèmes d'éclairage.
- Déterminer quels sont les objets de la collection qui contiennent des fibres teintes à l'aide de fer; ces fibres sont foncées et, le plus souvent, visiblement faibles et fragiles. Les indicateurs à base de bathophénanthroline permettent de faire un test ponctuel simple et concluant pour le fer. Communiquer avec l'ICC pour en savoir davantage à cet effet. Traiter ces objets avec le plus grand soin, les manipuler le moins possible et leur procurer des supports. Il est recommandé de ranger ce type d'objets dans un lieu frais et sombre, de même que dans des conditions d'HR faible à modérée.
- Les matières végétales sèches gardées à des températures très froides (par exemple, dans un musée saisonnier situé sous un climat froid) ne devraient pas se détériorer si elles sont correctement manipulées et soutenues au moyen d'un support approprié. Les gommes et les résines pouvant toutefois s'avérer fragiles, aucune pression ne devrait être appliquée sur la structure où elles se trouvent. Dans le cas d'une congélation à des fins de désinsectisation, placer les objets traités dans des sacs de plastique scellés hermétiquement après en avoir extrait le plus d'air possible. Attendre que l'objet soit à la température de la pièce avant d'ouvrir le sac.
Humidité relative inadéquate
Lorsque le taux d’humidité est élevé, c’est-à-dire quand l’HR dépasse 65 %, de la moisissure peut se former. Consulter la figure 4 dans Agent de détérioration : humidité relative inadéquate qui présente un graphique indiquant la période au bout de laquelle la moisissure apparaît en fonction de l’HR.
Une humidité élevée peut avoir pour effet de ramollir certains matériaux ou d'entraîner la distorsion d'éléments qui avaient été humidifiés de manière à pouvoir être façonnés, puis séchés pour être maintenus en place. Si des éléments de fixation endommagés se ramollissent, ils peuvent alors devenir trop souples pour maintenir la structure d'origine, et des distorsions peuvent s'ensuivre.
La vannerie consiste en un assemblage de fibres sous contraintes, étant donné qu'elles sont liées, tissées ou autrement tressées. De grandes variations de l'HR provoquent le gonflement et le rétrécissement anisotropes des fibres (comme cela est décrit dans la section Eau), et peuvent occasionner des distorsions, des bris et des pertes. D'habitude, ces dommages touchent d'abord les brins, car ceux-ci sont des éléments plus minces qui sont enroulés ou tressés autour de montants ou autour d'autres éléments plus substantiels (figure 35).
Lorsque l'HR est inférieure à 40 %, les matières végétales se dessèchent et se fragilisent davantage. À de faibles taux d'HR, il est donc important d'utiliser de bons supports et de manipuler les objets en prenant des précautions supplémentaires afin d'éviter les dommages physiques.
Recommandations
- Éviter les taux élevés d'HR pouvant entraîner la formation de moisissures ou des distorsions.
- Éviter les grandes variations de l'HR et les variations répétées. Puisque la vannerie peut réagir à l'HR en quelques minutes (en particulier, celle faite de brins très minces), des périodes d'HR extrêmes peuvent causer des dommages, et ce, même si elles sont brèves.
- Utiliser des supports pour la manipulation et la mise en réserve de la vannerie.
Pour en savoir davantage, consulter Agent de détérioration : température inadéquate et Agent de détérioration : humidité relative inadéquate.
Exemples de pratiques de conservation préventive
Cette section présente des exemples pratiques relatifs au soin de la vannerie et des matières végétales.
Mise en réserve de la vannerie au Musée du Nouveau-Brunswick
Dee Stubbs-Lee
Restauratrice
Musée du Nouveau-Brunswick
Saint John, Nouveau-Brunswick
Les paniers en vannerie et les récipients en écorce de bouleau d'origine autochtone faisant partie de la collection du Musée du Nouveau-Brunswick sont, en réserve, en majeure partie placés sur des supports en mousse de polyéthylène à cellules fermées (de marque Ethafoam) faits sur mesure. Ces supports permettent d'éviter que les paniers s'entrechoquent dans les réserves et offrent une certaine protection contre les chocs et les vibrations. La couleur blanche des supports permet de surveiller régulièrement et très facilement la collection pour y détecter la présence éventuelle d'insectes, sans qu'il soit nécessaire de manipuler les objets (figure 36a). Les supports sont numérotés clairement, ce qui réduit davantage la nécessité de manipuler l'objet dans le simple but de trouver son numéro d'acquisition. Minimiser les manipulations réduit le risque d'endommager accidentellement la collection.
Tous les supports ont été conçus de telle sorte que leur largeur ne dépasse pas celle des tablettes standards sur lesquelles ils reposent. La fabrication de ces supports est simple et assez peu coûteuse. Des creux, adaptés à la forme et à la taille de chaque objet, sont taillés dans la planche de mousse de polyéthylène. Chaque creux est ensuite recouvert d'une feuille de non-tissé de polyéthylène (Tyvek). Les rebords de la feuille sont ensuite glissés dans une entaille créée tout autour du bord du creux (figure 36b). On maintient en place la feuille de non-tissé de polyéthylène en coinçant ses rebords dans l'entaille; nul besoin d'utiliser ni ruban adhésif ni épingle. La surface de la feuille est lisse, ce qui élimine tous les risques d'accrocs accidentels sur les fibres du panier reposant dessus. Dans le cas des objets plus fragiles, une couche de bourre de polyester peut être glissée entre la mousse et la feuille de non-tissé de polyéthylène si un rembourrage supplémentaire est nécessaire. Les objets de plus grandes dimensions ou ayant un centre de gravité élevé peuvent être davantage stabilisés à l'aide de ruban en sergé de coton fixé à la planche de mousse. Des encoches pour les doigts peuvent être découpées sous la planche de mousse afin d'en faciliter la manipulation ou de permettre de la glisser vers le devant des tablettes pour permettre l'examen des objets sur place (figure 37).
Supports de manipulation pour la vannerie au Musée d'anthropologie de l'Université de la Colombie-Britannique
Heidi Swierenga
Restauratrice principale
Musée d'anthropologie, Université de la Colombie-Britannique
Vancouver, Colombie-Britannique
À l'Université de la Colombie-Britannique, le Musée d'anthropologie utilise des supports de manipulation pour la mise en réserve et l'exposition de la vannerie. Ces supports ont été conçus pour permettre de déplacer efficacement et en toute sécurité les objets de la collection, tout en les manipulant le moins possible.
Différents modèles de supports pour la vannerie sont utilisés, en fonction du mode d'assemblage, ainsi que de la forme, de l'état et des dimensions du panier. Le modèle de plateau de loin le plus couramment employé se compose de petites cales en mousse de polyéthylène réticulé (Plastazote), lesquelles soutiennent et maintiennent en place chaque côté du panier placé au centre d'un plateau (figure 38a). Chaque plateau est taillé de façon à être légèrement plus long et large que l'objet qu'il supporte afin que les paniers ne se touchent pas lorsqu'ils sont disposés côte à côte sur une même tablette. Une bande métallique permet de fixer les coins du plateau (figure 38b) ainsi que les cales en mousse (figure 38c), ce qui évite l'utilisation de rubans ou d'adhésifs dans le processus de fabrication des supports. Tous les éléments des supports sont fabriqués sur mesure, de manière à être adaptés à la forme et à la taille de chaque panier, et tous les matériaux utilisés sont soumis à des essais Oddy, lesquels visent à vérifier qu'ils respectent les normes de conservation.
Comme une grande partie de la collection du Musée d'anthropologie est exposée selon le concept de la réserve visible, l'aspect esthétique est un élément important à prendre en considération au moment de concevoir des supports. Après avoir consulté de nombreux groupes d'utilisateurs, il est apparu qu'il était préférable d'utiliser des matériaux de teinte foncée pour la fabrication de supports au Musée d'anthropologie. En effet, les couleurs sombres sont plus discrètes et mettent davantage en valeur les objets, tandis que la mousse et le carton de couleur blanche donnent aux objets une apparence froide et aseptisée et qu'ils attirent le regard, créant ainsi une diversion par rapport à l'objet. Cependant, dans le cas de paniers en mauvais état, on utilise des matériaux blancs, ce qui facilite l'examen de ces objets et l'observation de leur détérioration.
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© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2018
Publié par :
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No de catalogue : CH57-4/6-3-2018F-PDF
ISBN 978-0-660-27964-0
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