Jour J : Le rôle joué par les trois armées canadiennes pendant l’opération Overlord
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Article de nouvelles / Le 6 juin 2019
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Par Chris Charland
Le 6 juin 2019 marquera le 75e anniversaire du jour J, l’invasion de la Normandie par les Alliés.
L’opération, qui s’est révélée un succès, a constitué un tournant dans la Seconde Guerre mondiale.
En février 1943, Franklin D. Roosevelt, président des États-Unis, Winston Churchill, premier ministre britannique, et leurs conseillers respectifs tiennent une conférence de haut niveau à Casablanca, au Maroc. Ils se réunissent pour discuter de la conduite future de la guerre.
Ils déterminent qu’il faut donner la priorité aux plans de retour en Europe et commencer à rassembler les forces et l’équipement nécessaires à la prochaine invasion.
En mars 1943, Dwight D. Eisenhower, général de l’armée de terre des États-Unis, nomme le lieutenant-général Frederick Morgan, lieutenant-général intérimaire de l’armée britannique, chef d’état-major du commandant suprême des Forces alliées qui vont envahir l’Europe du Nord. On considère le lieutenant-général Morgan comme l’organisateur initial de cette invasion.
Durant la Conférence de Québec, en août 1943, on traite des préoccupations et des divergences d’opinions tenaces au sujet de l’opération Neptune, c’est-à-dire le volet assaut de l’opération Overlord. À cette occasion, on convient que l’invasion de la France aura lieu en mai 1944.
Le 28 novembre 1943, le général Eisenhower, affectueusement surnommé « Ike », assume la fonction de commandant suprême des Forces alliées. On ne lui demande rien de moins que de gagner le continent européen avec tous les autres pays alliés, de mener des opérations visant le cœur de l’Allemagne et d’en détruire les forces. En raison des marées observées en Normandie et du fait que la lune sera presque pleine, la date de l’invasion d’une ampleur sans précédent est fixée au 5 juin 1944.
L’audacieuse entreprise se révèle un cauchemar logistique monumental. Au total, pas moins de 7 000 navires transportant plus de 150 000 soldats devront traverser la Manche sans être repérés et arriver en France à l’heure prévue pour établir une tête de pont. Une fois les détails de l’invasion coordonnés, les forces terrestres, qui relèvent du feld-maréchal sir Bernard L. « Monty » Montgomery énoncent les besoins logistiques. Sir Trafford Leigh-Mallory, maréchal en chef de l’Air de la Royal Air Force, assumera, quant à lui, assurer le commandement de toutes les opérations aériennes alliées.
Dans le cadre de cette opération, on doit également prévoir le débarquement de renforts sans interruption pendant cinq à six semaines après le débarquement, tout retard engendrant de lourdes conséquences.
Le débarquement initial est reporté de 24 heures, c’est-à-dire le 6 juin, en raison d’une tempête qui cause indirectement le naufrage du dragueur de mines USS Osprey. La violente houle endommage également une péniche de débarquement de chars, la United States LCT2498, avant de la faire chavirer et couler.
Ce ne sont pas les Allemands qui portent les premiers coups durant l’opération Overlord, mais dame nature. Qu’à cela ne tienne, les forces alliées débarquent de façon massive sur les plages de Normandie dans la matinée du jour J, le 6 juin.
Le compétent 1er Bataillon canadien de parachutistes, commandé par le lieutenant-colonel G. F. P. Bradbrooke, fait partie de la 3e Brigade de durs à cuire de la 6e Division aéroportée britannique, dont les militaires ont acquis le surnom de « diables rouges ». Les diables rouges canadiens débarquent en France après 1 h, le 6 juin, soit une heure avant l’arrivée du reste de la brigade, afin de dégager la zone de largage, de capturer le quartier général ennemi établi à cet endroit et de détruire la station radio à Varaville. Il s’agit de la première unité canadienne à arriver en France.
Ensuite, les Canadiens doivent détruire les ponts routiers enjambant la rivière Dives et ses affluents, à Varaville. Une fois cette tâche accomplie, ils ont la mission de neutraliser diverses positions fortifiées au carrefour. Ils doivent également assurer la protection du flanc gauche (au sud) afin d’appuyer le 9e Bataillon, qui attaque la batterie ennemie, à Merville. Les Canadiens parviennent ensuite à occuper une position stratégique importante au carrefour de Le Mesnil.
Fait remarquable, au milieu de la journée, le 6 juin, les parachutistes canadiens ont accompli toutes leurs tâches.
La 3e Division de l’Armée canadienne, menée par le major-général R. F. « Rod » Keller, et la 2e Brigade blindée canadienne, relevant du brigadier R. A. Wyman, font partie de la 2e Armée britannique, commandée par le général Miles Dempsey.
Un peu plus de 14 000 Canadiens débarquent sur la plage Juno. Large de huit kilomètres, la plage compte deux secteurs principaux, Mike et Nan, subdivisés, eux, en plus petites zones désignées par le nom du secteur suivi d’une couleur. De nombreux actes héroïques ont lieu ce premier jour passé sur la plage Juno. Les Alliés n’en attendent pas moins. La poursuite acharnée des objectifs de l’Armée canadienne se mesure toutefois en devises humaines; en effet, parmi les 14 000 Canadiens qui prennent d’assaut la plage Juno, 340 perdent la vie, 574 subissent des blessures et 49 sont capturés par les Allemands.
Il s’agit d’une issue légèrement réjouissante, parce qu’on avait prévu un taux de pertes beaucoup plus élevé.
La 3e Division d’infanterie canadienne* comprenait les unités suivantes :
- Royal Winnipeg Rifles
- Regina Rifle Regiment
- Canadian Scottish Regiment
- Queen's Own Rifles of Canada
- Régiment de la Chaudière
- North Shore (New Brunswick) Regiment
- Highland Light Infantry of Canada
- Stormont, Dundas, and Glengarry Highlanders
- Nova Scotia Highlanders
- Cameron Highlanders of Ottawa (M.G.)
- 17th Duke of York's Royal Canadian Hussars
- 12e Régiment de campagne, Artillerie royale canadienne
- 13e Régiment de campagne, Artillerie royale canadienne
- 14e Régiment de campagne, Artillerie royale canadienne
- 19e Régiment de campagne de l’armée, Artillerie royale canadienne
- 3e Régiment antichar, Artillerie royale canadienne
- 4e Régiment de DCA légère, Artillerie royale canadienne
- 5e Compagnie de campagne, Corps of Royal Canadian Engineers
- 6e Compagnie de campagne, Corps of Royal Canadian Engineers
- 16e Compagnie de campagne, Corps of Royal Canadian Engineers
- 18e Compagnie de campagne, Corps of Royal Canadian Engineers
- 3e Compagnie canadienne du parc du Génie, Corps of Royal Canadian Engineers
- Peloton de pontage de la 3e Division, Corps of Royal Canadian Engineers
- Service des transmissions de la 3e Division d’infanterie
- Compagnie de troupes de la 3e Division d’infanterie
- 14e Ambulance de campagne
- 22e Ambulance de campagne
- 23e Ambulance de campagne
- 6e Régiment blindé canadien (1st Hussars)
- 10e Régiment blindé canadien (Fort Garry Horse)
- 27e Régiment blindé canadien (Fusiliers de Sherbrooke)
* Des unités du Corps du Génie électrique et mécanique royal canadien et du Corps royal canadien des magasins militaires ont également joué un rôle d’appui essentiel dans le cadre du débarquement.
- 48th Royal Marine Commando
- 4th Special Service Brigade
- 26th Assault Squadron
- 80th Assault Squadron
- 5th Assault Regiment, Royal Engineers
- 6th Assault Regiment, Royal Engineers
- Deux détachements du 22nd Dragoons et de la 79th Armoured Division
- 3rd Battery, 2nd Royal Marine Armoured Support Regiment
- 4th Battery, 2nd Royal Marine Armoured Support Regiment
- « C » Squadron, Inns of Court Regiment
La Marine royale du Canada (MRC) joue un rôle extrêmement actif aussi bien avant que pendant la première journée de l’opération Overlord.
Une force composée de 19 corvettes escorte les nombreux navires et quais flottants qui se dirigent vers des lieux de rassemblement sur la côte sud de l’Angleterre. Une semaine avant l’invasion, onze frégates, neuf destroyers et cinq corvettes se joignent à la Royal Navy afin de fournir un écran de détection de lutte anti-sous-marine autour des voies d’approche occidentales de la Manche. Cette démarche vise à protéger les participants au débarquement contre la menace constante que représentent les sous-marins allemands.
Quelques heures seulement avant l’invasion, les dragueurs de mines canadiens de la classe Bangor déminent les couloirs de navigation avant de s’assurer que le mouillage est dégagé. La dernière partie de leur mission consiste à balayer les couloirs de navigation jusqu’à la limite de l’eau profonde pour appuyer les bateaux d’assaut. Sous le clair de lune, les dragueurs de mines se glissent à moins de 2,4 km du rivage, presque sous le nez des Allemands, qui ne se doutent de rien.
Heureusement, les dragueurs passent inaperçus, sans quoi les canons côtiers allemands les auraient anéantis.
Les deux bâtiments de débarquement de la MRC, le NCSM Prince Henry et le NCSM Prince David, transportent 14 péniches de débarquement d’infanterie jusqu’à un endroit où on peut les mettre à l’eau pour qu’ils se dirigent vers la tête de pont. Dans le secteur britannique, 30 destroyers de la classe Fleet, dont le NCSM Algonquin et le NCSM Sioux, fournissent un appui-feu direct aux péniches de débarquement transportant une partie de la 3e Division d’infanterie canadienne après leur mise à l’eau depuis les bâtiments de débarquement.
Les mines et autres obstacles sous-marins constituent une menace constante pour les péniches de débarquement, et peu s’en sortent indemnes. La deuxième vague de combattants voyage à bord de 26 péniches de débarquement des 260e, 262e et 264e flottilles de la MRC, qui transportent une force combinée de 4 617 soldats principalement issus de la 3e Division d’infanterie canadienne. Six vedettes lance-torpilles, petits bâtiments aussi rapides que mortels, sont chargées de patrouiller dans l’estuaire de la Seine. Les corvettes de la MRC doivent escorter d’autres convois dans la baie de la Seine pendant le reste de la journée. Les pertes navales se révèlent « incroyablement faibles », surtout si l’on tient compte du nombre de canons navals ennemis à longue portée et des autres armes toujours fonctionnelles au moment du débarquement.
Les navires suivants de la MRC ont participé à l’invasion de la Normandie :
- NCSM Haida
- NCSM Huron
- NCSM Algonquin
- NCSM Sioux
- NCSM Gatineau
- NCSM Kootenay
- NCSM Qu’Appelle
- NCSM Ottawa (II)
- NCSM Chaudière
- NCSM Restigouche
- NCSM Skeena
- NCSM St. Laurent
- NCSM Saskatchewan
- NCSM Meon
- NCSM Teme
- NCSM Cape Breton
- NCSM Grou
- NCSM Matane
- NCSM Outremont
- NCSM Port Colberne
- NCSM Saint John
- NCSM Swansea
- NCSM Waskesiu
- NCSM Alberni
- NCSM Baddeck
- NCSM Camrose
- NCSM Drumheller
- NCSM Louisburg (II)
- NCSM Lunenburg
- NCSM Mayflower
- NCSM Moose Jaw
- NCSM Summerside
- NCSM Prescott
- NCSM Mimico
- NCSM Calgary
- NCSM Kitchener
- NCSM Port Arthur
- NCSM Regina
- NCSM Woodstock
- NCSM Lindsay
- NCSM Prince David
- NCSM Prince Henry
- NCSM Bayfield
-
NCSM Guysborough
- NCSM Vegreville
- NCSM Kenora
- NCSM Mulgrave
Vedettes lance-torpilles no 459, 460, 461, 462, 463, 464, 465 et 466
Vedettes lance-torpilles no 726, 727, 735, 736, 743, 744, 745, 747 et 748
Grosses péniches de débarquement d’infanterie no 117, 121, 166, 177, 249, 266, 271, 277, 285, 298 et 301
Grosses péniches de débarquement d’infanterie no 115, 118, 125, 135, 250, 252, 262, 263, 270, 276, 299 et 306
Grosses péniches de débarquement d’infanterie no 255, 288, 295, 302, 305, 310 et 311
Bâtiments d’assaut de débarquement no 736, 850, 856, 925, 1021, 1033, 1371 et 1372
Bâtiments d’assaut de débarquement no 1957, 1059, 1137, 1138, 1150, 1151, 1374 et 1375
Les militaires du 6e Groupe (Aviation royale canadienne) du Bomber Command déploient un effort maximum dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. Une force de 190 aéronefs, qui comprend notamment des bombardiers lourds quadrimoteurs Avro Lancaster et Handley Page Halifax, effectue 230 sorties à l’appui des opérations avant l’invasion. Les appareils atteignent un grand nombre de leurs cibles, accordant une attention particulière aux emplacements d’artillerie côtière allemande sur la tête de pont. En tout, on largue plus de 870 tonnes d’explosifs de grande puissance et perd un seul Handley Page Halifax canadien.
Les escadrons de chasseurs et de chasseurs-bombardiers de l’ARC assurent la protection des forces terrestres canadiennes lorsque l’invasion prend de l’ampleur. L'activité aérienne au-dessus de la Normandie était comparables à ceux que feraient des nuages de sauterelles; les avions semblent affluer sans fin. Environ 1 000 aéronefs de 39 des 42 escadrons de l’Aviation royale canadienne à l’étranger assurent un soutien aérien pendant l’invasion en effectuant des missions de bombardement, de supériorité aérienne, d’attaque au sol et de reconnaissance photographique.
Les escadrons suivants de l’ARC ont participé aux activités avant l’invasion et l’ont appuyé.
Pour en savoir plus sur les escadrons qui ont participé au jour J, leurs aéronefs et leurs fonctions, lisez l’article Qui était dans les airs le jour J?
- 400e Escadron de chasseurs de reconnaissance « Ville de Toronto »
- 414e Escadron de chasseurs de reconnaissance « Sarnia Imperials »
- 430e Escadron de chasseurs de reconnaissance « Ville de Sudbury »
- 401e Escadron de chasse « Ram »
- 411e Escadron de chasse « Grizzly Bear »
- 412e Escadron de chasse « Falcon »
- 403e Escadron de chasse « Wolf »
- 416e Escadron de chasse « Lynx »
- 421e Escadron de chasse « Red Indian »
- 438e Escadron de chasseurs-bombardiers « Wild Cat »
- 439e Escadron de chasseurs-bombardiers « Westmount »
- 440e Escadron de chasseurs-bombardiers « Ville d’Ottawa »
- 441e Escadron de chasse « Silver Fox »
- 442e Escadron de chasse « Caribou »
- 443e Escadron de chasse « Hornet »
- 402e Escadron de chasse « Ville de Winnipeg »
- 409e Escadron de chasse nocturne « Nighthawk »
- 410e Escadron de chasse nocturne « Cougar »
- 406e Escadron de chasse nocturne « Lynx »
- 418e Escadrille de harcèlement « Ville d’Edmonton »
- 408e Escadron de bombardiers « Goose »
- 419e Escadron de bombardiers « Moose »
- 420e Escadron de bombardiers « Snowy Owl »
- 424e Escadron de bombardiers « Tiger »
- 425e Escadron de bombardiers « Alouette »
- 426e Escadron de bombardiers « Thunderbird »
- 427e Escadron de bombardiers « Lion »
- 428e Escadron de bombardiers « Ghost »
- 429e Escadron de bombardiers « Bison »
- 431e Escadron de bombardiers « Iroquois »
- 432e Escadron de bombardiers « Leaside »
- 433e Escadron de bombardiers « Porcupine »
- 434e Escadron de bombardiers « Bluenose »
- 405e Escadron de bombardiers « Vancouver »
- 422e Escadron de reconnaissance générale « Flying Yachtsman »
- 423e Escadron de reconnaissance générale
- 415e Escadron de bombardiers-torpilleurs « Swordfish »
- 404e Escadron de chasseurs côtiers « Buffalo »
- 407e Escadron de reconnaissance générale « Demon »
Dans l’ensemble, les combattants canadiens des trois armées se surpassent au cours du premier jour de la bataille. Ils ne cessent jamais de se distinguer grâce à leur détermination acharnée et à leurs actes altruistes d’héroïsme; ils contribuent tous à mettre un terme au prétendu règne millénaire du Troisième Reich et à clore ce chapitre de notre histoire.
M. Charland est historien adjoint principal de l’ARC.