I. Introduction
A. Fondement constitutionnel des travaux du comité
Les juges militaires sont des membres d’une magistrature fédérale qui sont de nomination fédérale en vertu d’un décret en conseil. Ils sont également des officiers commissionnés dans les Forces armées canadiennes (FAC) de Sa Majesté. Ils consacrent tout leur temps à leur fonction de juge militaire.
Le Parlement a créé le comité d’examen de la rémunération des juges militaires pour fournir des conseils indépendants et impartiaux au gouvernement sur la rémunération des juges militaires. Comité indépendant, le CERJM a pour rôle d’examiner la question de savoir si la rémunération des juges militaires est satisfaisante et de recommander une rémunération pour la période correspondant à son examen (dans le présent cas, il s’agit de la période allant du 1er septembre 2019 au 31 août 2023). La création d’un comité indépendant pour donner des recommandations sur la rémunération résulte directement de la décision de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada dans R. c. Lauzon (1998) 6 CMAR 19, qui disposait que l’indépendance judiciaire et la dépolitisation du processus d’établissement des salaires devaient être assurées. Dans Lauzon, la Cour a également disposé que la rémunération devait être juste et raisonnable, objective et guidée par l’intérêt public. La Cour a suivi la décision antérieure de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, [1997] 3 RCS 3, qui disposait qu’un comité indépendant devait faire une recommandation à l’autorité compétente et que les négociations entre le gouvernement et les juges étaient interdites. Mais surtout, elle disposait que le niveau de salaire des juges ne devait pas être tel qu’il risquerait de mettre un juge dans une situation où il pourrait faire l’objet de manipulation financière.
Le processus d’établissement de la solde des juges militaires est similaire au processus applicable aux juges de nomination fédérale où, conformément à la Loi sur les juges, L.R.C. 1985, ch. J-1 (ci-après la « Loi sur les juges »), une commission indépendante recommande une rémunération appropriée à l’autorité compétente. Il est à noter que le langage législatif utilisé par le législateur pour créer la Commission d’examen de la rémunération des juges (CERJ) est quasiment identique à celui qui crée le CERJM.
La principale tâche du comité est d’« examiner la question de savoir si la rémunération des juges militaires est satisfaisante » (art. 165.34 de la LDN). Le terme « satisfaisant » est également présent dans le mandat de la CERJ énoncé dans la Loi sur les juges, qui est d’« examiner la question de savoir si les traitements et autres prestations prévues par la présente loi, ainsi que, de façon générale, les avantages pécuniaires consentis aux juges sont satisfaisants ». Il s’ensuit que la jurisprudence concernant le terme « satisfaisant » au sens de la Loi sur les juges constitue un guide utile sur la manière d’interpréter ce terme dans la LDN.
La jurisprudence de la Cour suprême du Canada précise que le processus par lequel la rémunération des juges est établie doit être indépendant, efficace et objectif, et que les travaux du comité doivent avoir un « effet concret » sur la détermination de la rémunération (Bodner c. Alberta, 2005 CSC 44). Le comité est un moyen de s’assurer que ces objectifs sont atteints. En ce qui concerne le montant de la rémunération, la Cour suprême du Canada a statué que le mandat de déterminer une rémunération satisfaisante « n’a pour objectif ni de déterminer le seuil minimum ni d’établir quelles seraient les conditions maximales ». Le mandat consiste plutôt à recommander « un niveau de rémunération approprié » (Bodner, par. 67). Pour cela, il faut tenir compte de l’exigence constitutionnelle d’indépendance judiciaire, y compris la sécurité financière, ainsi que des facteurs énoncés dans la loi. Par conséquent, le caractère satisfaisant ne s’entend ni du strict minimum pour répondre à l’exigence constitutionnelle de sécurité financière, ni du montant maximal idéal. Le caractère satisfaisant doit être évalué en plaçant la rémunération quelque part entre ces deux montants en fonction des facteurs énoncés dans la loi.
B. Texte législatif
Lorsque la LDN a été modifiée pour inclure les articles 165.33 à 165.37 établissant les fonctions et la procédure du CERJM, les aspirations du Parlement semblaient claires et efficientes : tous les quatre ans, le CERJM ferait des recommandations au gouvernement sur les salaires des juges militaires en tenant compte de l’état de l’économie, du rôle de la sécurité financière des juges militaires dans la préservation de l’indépendance judiciaire, et du besoin de recruter les meilleurs officiers. Même si les fonctions du comité se limitaient à faire des recommandations au gouvernement au lieu de prendre des décisions contraignantes, les fonctions et la procédure du comité en tant que partie essentielle de la LDN établissent l’importance du rôle du CERJM dans la gestion globale « des Forces canadiennes [et de] toutes les questions de défense nationale », comme précisé à l’article 4 de la LDN, dans les responsabilités du ministre.
Malheureusement, nous observons que le processus établi par le Parlement n’a pas été suivi avec vigueur et ne s’est pas avéré efficace. Il s’agit du sixième comité à être convoqué en vertu de la LDN. Comme nous l’expliquerons en détail, le long retard dans la nomination des membres du comité et le rejet par le gouvernement de la recommandation principale en matière de rémunération qui a été formulée par les deux précédents comités a sapé l’efficacité souhaitée du processus.
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