Chapitre 15 : Politiques et codes de conduite sur le sport sécuritaire
Partie II — Le sport sécuritaire au Canada
Sur cette page
- Politiques et codes de conduite au niveau national
- Politiques et codes de conduite aux niveaux provincial et territorial
- Politiques et codes de conduite sur le sport sécuritaire dans les organismes communautaires de sport, les universités et les collèges
- Perspectives des participants sur les politiques et les codes de conduite en matière de sport sécuritaire
Dans les chapitres précédents, nous avons défini la notion d’environnements sportifs sécuritaires et examiné les stratégies de prévention visant à contrer et à réduire la maltraitance dans le sport. Dans ce chapitre, nous nous concentrons sur les politiques en matière de sport sécuritaire adoptées par divers organismes sportifs au pays. Ces politiques sont généralement conçues pour protéger les athlètes, les entraîneurs, les officiels et le public contre diverses formes de maltraitance comme les abus, le harcèlement et la discrimination.
Nous débutons ce chapitre en présentant le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport (également appelé « CCUMS »). Ce Code de conduite universel est la principale politique en matière de sport sécuritaire au niveau national. Nous passons également en revue les politiques provinciales et territoriales en matière de sport sécuritaire et abordons brièvement celles adoptées par les organismes nationaux de sport, les organismes provinciaux et territoriaux de sport et les organismes de sport communautaire. Pour tous ces sujets, nous partageons des commentaires que nous avons reçus au cours de nos activités de mobilisation.
Ce chapitre pose les bases du chapitre 16, qui traite quant à lui des différents mécanismes de plainte mis en place pour assurer l’application des politiques. Nos conclusions et nos recommandations préliminaires sur les politiques et les codes de conduite en matière de sport sécuritaire étant étroitement liées à celles concernant les mécanismes de plainte, elles sont présentées ensemble, dans une seule série de conclusions et de recommandations préliminaires, à la fin du chapitre 16.
Politiques et codes de conduite au niveau national
La politique nationale en matière de sport sécuritaire est le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport. Publié en 2019 par le Centre canadien pour l’éthique dans le sport, le Code de conduite universel est une politique visant à créer un milieu sportif sécuritaire, respectueux et inclusif.
Comme nous le verrons plus loin, le Code de conduite universel établit des définitions standards des différentes formes de maltraitance et interdit la maltraitance dans le sport. Il s’applique directement à tous les organismes nationaux de sport et organismes de services multisports financés par le gouvernement fédéral, qui sont tenus de l’adopter pour bénéficier d’un tel financement. En plus du Code de conduite universel, certains de ces organismes ont mis en place leurs propres politiques ou codes de conduite en matière de sport sécuritaire afin d’encadrer des enjeux liés à la sécurité dans le sport.
Efforts ayant mené à la création du Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport
En février 2019, les ministres responsables du sport, de l’activité physique et des loisirs des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont adopté la « Déclaration de Red Deer – Pour la prévention du harcèlement, de l’abus et de la discrimination dans le sport ». Cette déclaration engage les deux paliers de gouvernement à éliminer les cas d’abus, de discrimination et de harcèlement dans le sportNote de bas de page 1.
L’Association canadienne des entraîneurs a ensuite organisé une série de sommets provinciaux et territoriaux sur le sport sécuritaire, qui ont débouché en mai 2019 sur le Sommet national pour le Sport en toute sécurité. Au cours de ce sommet national, un consensus s’est dégagé quant à l’élaboration d’un code unique et harmonisé pour encadrer le sport sécuritaire au Canada, et quant aux éléments que ce code devrait inclureNote de bas de page 2. Il a également été convenu qu’un organisme indépendant serait choisi pour mettre en œuvre ce code harmonisé et universelNote de bas de page 3.
En réponse, Sport Canada a demandé au Centre canadien pour l’éthique dans le sport de rédiger les éléments clés d’un code universel. Il s’agissait notamment de principes directeurs, de définitions de cas d’inconduite, de comportements prohibés, y compris toutes les formes d’abus (sexuels, physiques et psychologiques), et des sanctions qui s’y rapportentNote de bas de page 4. Le Centre canadien pour l’éthique dans le sport s’est ensuite associé au Centre de documentation pour le sport afin de mener un vaste processus de mobilisationNote de bas de page 5.
La première version du Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport a été publiée en 2019 par le Centre canadien pour l’éthique dans le sport (version 5.1)Note de bas de page 6. Une version révisée a été publiée le 31 mai 2022 par le Centre de règlement des différends sportifs du Canada et est entrée en vigueur le 30 novembre 2022 (version 6.0)Note de bas de page 7. La version actuelle a été publiée le 17 janvier 2025 par le Centre canadien pour l’éthique dans le sport et est entrée en vigueur le 1eravril 2025 (version 7.0)Note de bas de page 8. Nous comprenons qu’il n’y a eu aucun changement substantiel entre les versions 6.0 et 7.0 du Code de conduite universel et que la version 7.0 reflète simplement le transfert de son administration du Bureau du Commissaire à l’intégrité dans le sport vers le Centre canadien pour l’éthique dans le sport, comme nous le verrons plus en détail au chapitre 16.
Contenu et objectif du Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport
Le Code de conduite universel est le « document de base qui établit les règles harmonisées que doivent adopter les organismes de sport qui reçoivent du financement du Gouvernement du Canada pour faire progresser une culture sportive respectueuse qui offre des expériences sportives de qualité, inclusives, accessibles, accueillantes et sécuritaires »Note de bas de page 9.
Le Code de conduite universel définit et interdit diverses formes de maltraitance, appelées « comportements prohibés ». Il décrit également d’autres comportements qui, même s’ils ne constituent pas en eux-mêmes de la maltraitance, demeurent des comportements prohibés. Le Code de conduite universel fournit ensuite un cadre pour appliquer des sanctions appropriées lorsque de tels comportements prohibés sont détectésNote de bas de page 10.
Les différentes formes de maltraitance visées par le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport sont les suivantes :
- maltraitance psychologiqueNote de bas de page 11
- maltraitance physiqueNote de bas de page 12
- négligenceNote de bas de page 13
- maltraitance sexuelleNote de bas de page 14
- conditionnement (grooming)Note de bas de page 15
- transgressions des limitesNote de bas de page 16
- discriminationNote de bas de page 17
Les autres comportements prohibés sont les suivants:
- exposition d’un participant à un risque de maltraitanceNote de bas de page 18
- complicité dans la commission d’un acte de maltraitance ou d’un autre comportement prohibéNote de bas de page 19
- omission de signaler un éventuel cas de maltraitance ou un autre comportement prohibéNote de bas de page 20
- signalement intentionnel d’une fausse allégationNote de bas de page 21
- entrave ou manipulation d’une procédure d’enquête ou d’un examen disciplinaireNote de bas de page 22
- représaillesNote de bas de page 23
Les sanctions possibles sont les suivantes :
- excuses verbales ou écritesNote de bas de page 24
- avertissement verbal ou écritNote de bas de page 25
- formationNote de bas de page 26
- probationNote de bas de page 27
- suspensionNote de bas de page 28
- restrictions de l’admissibilitéNote de bas de page 29
- suspension permanenteNote de bas de page 30
- autres sanctions discrétionnaires (par exemples, perte du droit d’assister à des manifestations sportives, amende ou paiement monétaire pour compenser des pertes directes, ou interdictions d’entrer en contact avec une personne)Note de bas de page 31
Le Code de conduite universel définit des règles et des violations pour les « participants ». Ainsi, seules les personnes physiques (et non les organisations) sont visées par le Code.
Le Code de conduite universel exige la création d’une base de données ou d’un registre consultable de personnes dont l’admissibilité à participer au sport a été restreinteNote de bas de page 32. Ce registre est actuellement tenu par le Centre canadien pour l’éthique dans le sportNote de bas de page 33. Le Registre public du programme canadien de sport sécuritaire est abordé au chapitre 17.
Le Code de conduite universel prévoit que le Centre canadien pour l’éthique dans le sport a la responsabilité d’administrer le CodeNote de bas de page 34. Toutefois, le Code ne contient aucune disposition procédurale, comme la manière de déposer ou d’examiner les plaintes par exemple. Ces éléments sont plutôt couverts par les Règlements du programme canadien de sport sécuritaire que nous abordons au chapitre 16.
Enfin, le Code de conduite universel ne s’applique pas automatiquementNote de bas de page 35. Les organismes sportifs doivent adopter le Code pour qu’il s’applique à leurs participants.
Applicabilité du Code de conduite universel aux organismes nationaux de sport
Comme nous l’avons mentionné au chapitre 5, les organismes nationaux de sport, les organismes nationaux de services multisports et les centres canadiens multisports doivent tous adopter le Programme canadien de sport sécuritaire afin de recevoir un financement fédéral par l’entremise du Programme de soutien au sport de Sport CanadaNote de bas de page 36.
Comme nous le verrons au chapitre 16, le Programme canadien de sport sécuritaire permet au Centre canadien pour l’éthique dans le sport d’administrer et d’appliquer le Code de conduite universel de manière indépendante. Pour ce faire, le Centre reçoit et traite les signalements de comportement prohibé. Il élabore et met aussi en œuvre des politiques et des activités de sensibilisation et de préventionNote de bas de page 37.
Le Programme canadien de sport sécuritaire exige des organismes sportifs participants qu’ils signent un contrat d’adoption. Ce contrat leur impose d’accepter formellement le Programme canadien de sport sécuritaire et le Code de conduite universel (y compris toute modification future) et de les inclure dans leurs politiques et procédures internesNote de bas de page 38.
Comme nous le verrons aussi au chapitre 16, le Programme canadien de sport sécuritaire ne s’applique qu’à un groupe limité de personnes au sein d’un organisme sportifNote de bas de page 39 et seulement dans des situations particulièresNote de bas de page 40.
Applicabilité du Code de conduite universel aux organismes sportifs qui ne sont pas de niveau national
Le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport peut s’appliquer indirectement aux organismes sportifs qui ne sont pas des organismes nationaux. Cela s’explique par la nature hiérarchique du sport au Canada, où un système de « cascade » permet aux règles établies au niveau national de s’appliquer à tous les paliers, jusqu’au sport communautaireNote de bas de page 41.
Par exemple, de nombreux organismes nationaux de sport exigent de leurs membres provinciaux et territoriaux qu’ils adoptent et respectent des politiques nationales sur le sport. Cette exigence pourrait inclure l’adhésion au Code de conduite universel. À leur tour, les organismes provinciaux et territoriaux de sport imposent cette même exigence à leurs membres, qui sont généralement des associations et des clubs locauxNote de bas de page 42.
Les organismes qui ne font pas partie de cette hiérarchie et qui ne sont pas financés par le gouvernement fédéral, comme les universités (tel que discuté ci-après), peuvent choisir d’adopter volontairement le Code de conduite universel pour ensuite exiger que leurs participants s’y conforment.
Nous constatons par ailleurs que certains organismes n’adoptent que partiellement le Code de conduite universel. C’est par exemple ce qu’a fait le département d’athlétisme de l’Université Trent. Leur manuel de l’étudiant-athlète indique que le département d’athlétisme a adopté les sections 1 à 5 du Code de conduite universelNote de bas de page 43, ce qui signifie qu’il n’a pas adopté les règles du Code en matière de sanctions. Le manuel précise également que les étudiants-athlètes et les entraîneurs sont tenus de respecter les valeurs, les principes et les lignes directrices du Code de conduite universelNote de bas de page 44.
Autres politiques et codes de conduite au niveau national du sport
Les organismes nationaux de sport et les organismes nationaux de services multisports disposent généralement de leurs propres politiques et de leurs propres codes de conduite et d’éthique. Ces documents décrivent les comportements attendus des personnes qui sont impliquées dans l’organisme et les cas dans lesquels des mesures disciplinaires peuvent être imposéesNote de bas de page 45. Ces politiques et codes s’appliquent généralement aux athlètes, aux entraîneurs, aux officiels, aux membres des conseils d’administration et des comités, au personnel et aux bénévoles. Ils couvrent souvent des comportements qui vont au-delà des enjeux de sport sécuritaire, comme l’utilisation de drogues récréatives dans le cadre des programmes et des activités d’organismes sportifsNote de bas de page 46.
Nous constatons également que de nombreux éléments du code de conduite d’un organisme sportif peuvent recouper ceux de sa politique de prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail. En effet, les deux visent à créer un environnement sécuritaire et respectueux.
En plus d’un code de conduite et d’éthique, certains organismes nationaux de sport appliquent des politiques spécifiques en matière de sport sécuritaire. En général, le code de conduite ou la politique en matière de sport sécuritaire décrivent les mesures disciplinaires et correctives qui s’appliquent en cas de violation. Dans certains cas, ils peuvent renvoyer à une politique disciplinaire interne distincte. Ces mesures disciplinaires prévoient souvent le renvoi des plaintes à des mécanismes établis par des tiers indépendants. Nous examinerons ce processus plus en détail au chapitre 16.
Quant à eux, les organismes nationaux de sport et des services multisports qui sont financés par le gouvernement fédéral et qui adoptent le Programme canadien de sport sécuritaire transmettent au Centre canadien pour l’éthique dans le sport les signalements pour maltraitance et autres comportements prohibés qui s’inscrivent dans le champ d’application du Programme canadien de sport sécuritaire. Le Programme canadien de sport sécuritaire est examiné en détail au chapitre 16.
Nous constatons également que, particulièrement depuis l’essor du mouvement Black Lives Matter en 2020, de nombreux organismes nationaux de sport et de services multisports ont adopté des politiques ou des stratégies en matière d’antiracisme et d’équité, diversité et inclusion (EDI)Note de bas de page 47.
Politiques et codes de conduite aux niveaux provincial et territorial
Les provinces et territoires du Canada se trouvent actuellement à des stades différents dans l’élaboration de leurs politiques en matière de sport sécuritaire. À ce jour, aucun gouvernement provincial ou territorial n’a exigé que tous les organismes sportifs qui relèvent de leur compétence adoptent le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport.
D’une part, certains gouvernements provinciaux et territoriaux imposent des politiques en matière de sport sécuritaire aux organismes sportifs qui relèvent de leur compétence. D’autre part, certains organismes nationaux de sport obligent les organismes provinciaux et territoriaux de sport qui en sont membres à adopter le Code de conduite universel ou d’autres politiques en matière de sport sécuritaire comme condition d’adhésion. Ce phénomène s’observe généralement lorsqu’il y a un haut degré d’alignement vertical entre les organismes nationaux de sport et leurs homologues provinciaux et territoriaux.
Compte tenu de ce qui précède, les provinces et les territoires ont mis en œuvre trois grandes approches à l’égard des politiques en matière de sport sécuritaire. Ces approches sont abordées plus en détail ci-dessous :
- Le gouvernement ou la fédération provinciale ou territoriale d’organismes sportifs élabore une politique ou un code de conduite universel en matière de sport sécuritaire. Les organismes sportifs de la province ou du territoire sont alors tenus d’adopter le code ou la politique pour recevoir un financement (Colombie-Britannique et Saskatchewan).
- Il n’existe pas de politique ou de code de conduite universel en matière de sport sécuritaire, mais les organismes provinciaux et territoriaux de sport sont tenus d’adopter les leurs. Cette exigence découle d’une loi (Québec), ou d’une condition pour obtenir un financement (Nouveau-Brunswick).
- Il n’existe pas de politique ou de code de conduite universel en matière de sport sécuritaire ni d’obligation générale pour que les organismes provinciaux et territoriaux de sport adoptent les leurs. Les organismes sportifs peuvent décider de mettre en œuvre ou non leurs propres politique ou code en matière de sport sécuritaire.
Provinces et territoires disposant d’une politique ou d’un code de conduite universel en matière de sport sécuritaire
Il existe des politiques ou des codes universels pour lutter contre la maltraitance dans le sport en Colombie-Britannique et en Saskatchewan. Il existe également des initiatives centralisées dans les Territoires du Nord-Ouest et au Manitoba.
Colombie-Britannique
Le gouvernement provincial et ViaSport ont créé le « British Columbia Universal Code of Conduct ». Tous les organismes sportifs de la Colombie-Britannique qui bénéficient d’un financement provincial doivent se conformer à ce codeNote de bas de page 48. Il intègre notamment des éléments clés du Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sportNote de bas de page 49.
L’application du Code de conduite universel de la Colombie-Britannique est actuellement décentralisée. Chaque organisme sportif est responsable d’enquêter sur les violations du Code et de gérer les mesures disciplinaires qui s’imposent. Ces actions doivent être menées conformément à leur politique en matière de discipline et de plaintes (ou un équivalent)Note de bas de page 50.
Toutefois, comme nous le verrons au chapitre 16, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé son intention de créer un organisme à but non lucratif indépendant qui serait responsable d’administrer un mécanisme de plainte indépendantNote de bas de page 51.
Saskatchewan
Sask Sport a rendu obligatoire l’adoption de son « Safe Sport Manual and Procedures » (manuel et procédures pour le sport sécuritaire) pour tous les organismes provinciaux de sport et de services multisports qui en sont membresNote de bas de page 52. L’adoption de ce manuel est nécessaire pour bénéficier d’un financement de Sask Sport.
Il est important de noter que ce manuel intègre le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport en tant que document fondamental, et que les organismes sportifs qui sont membres de Sask Sport doivent l’adopterNote de bas de page 53.
Territoires du Nord-Ouest
En 2022, les Territoires du Nord-Ouest ont adopté un cadre qui décrit la stratégie du gouvernement en matière de sport sécuritaireNote de bas de page 54.
Ce cadre, qui n’est pas obligatoire, vise à ce que tous les organismes territoriaux de sport et les organismes de loisirs utilisent des politiques compatibles ou équivalentes afin d’assurer leur cohérence. Cette mission doit être soutenue par la création d’un modèle de politiques en matière de sport sécuritaire. En outre, le cadre recommande de faire appel à un tiers indépendant pour entendre les plaintes relatives au sport sécuritaire sur le territoire.
Manitoba
Les organismes provinciaux de sport reconnus par Sport Manitoba sont actuellement tenus d’intégrer des principes de sport sécuritaire à leurs politiquesNote de bas de page 55. Toutefois, le 6 mars 2025, le gouvernement du Manitoba a présenté le projet de loi 21, Loi sur la protection des jeunes sportifsNote de bas de page 56. Si le projet de loi est adopté, la loi qui en découlera exigera que Sport Manitoba établisse une politique en matière de sport sécuritaire qui est « conçue pour veiller à ce que les jeunes sportifs aient une expérience positive et sécuritaire lorsqu’ils pratiquent un sport »Note de bas de page 57.
La politique devrait établir des procédures pour le dépôt de plaintes et les enquêtes. Elle décrirait également les mesures disciplinaires qui pourraient être imposées si une personne fait preuve de maltraitance ou adopte un comportement contraire à la politiqueNote de bas de page 58. Tous les organismes provinciaux de sport reconnus par Sport Manitoba seraient tenus d’adopter et de mettre en œuvre la politiqueNote de bas de page 59.
Nous soulignons également qu’en vertu de la Loi, Sport Manitoba devrait nommer un tiers indépendant responsable d’entendre et de trancher les plaintes pour maltraitance à l’endroit d’un jeune sportifNote de bas de page 60.
Provinces et territoires ne disposant pas de politique ni de code de conduite universels en matière de sport sécuritaire
Les organismes provinciaux et territoriaux de sport qui exercent leurs activités dans des provinces et territoires ne disposant pas d’une politique ou d’un code de conduite universel en matière de sport sécuritaire (autres que le Québec) ne sont généralement pas tenus de mettre en œuvre leurs propres politiques à cet égard.
Le Québec est une exception puisque la province a adopté la Loi sur la sécurité dans les loisirs et les sportsNote de bas de page 61, laquelle oblige les organismes sportifs de la province à adopter une réglementation sur le sport sécuritaireNote de bas de page 62.
Dans certaines provinces, comme l’Ontario et l’Alberta, les organismes provinciaux de sport qui veulent être admissibles à un financement du gouvernement sont tenus d’adopter un code de conduite ou une politique en matière d’abusNote de bas de page 63.
Il y a également certains endroits où l’adoption d’un code de conduite ou d’une politique sur le sport sécuritaire n’est pas requise. C’est le cas à l’Île-du-Prince-Édouard, au Yukon et dans les Territoires du Nord-OuestNote de bas de page 64.
Enfin, certains organismes provinciaux et territoriaux de sport peuvent être amenés à adopter des politiques sur le sport sécuritaire en raison de leur affiliation à un organisme national de sport, plutôt qu’en raison d’exigences provincialesNote de bas de page 65. Ces politiques peuvent faire référence directement au Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport. Par exemple, Volleyball Canada dispose d’une politique pancanadienne en matière d’abus, laquelle s’applique à Volleyball Canada et à tous ses homologues provinciaux et territoriauxNote de bas de page 66.
Tout comme les organismes nationaux de sport, de nombreux organismes provinciaux et territoriaux de sport ont intégré des politiques en matière d’antiracisme et d’équité, diversité et inclusion (EDI) à leur réglementation, en plus de leur code de conduite existantNote de bas de page 67.
Politiques et codes de conduite sur le sport sécuritaire dans les organismes communautaires de sport, les universités et les collèges
Organismes communautaires de sport
Au niveau local, les clubs, les associations et les programmes sportifs communautaires peuvent avoir leur propre politique en matière de sport sécuritaire. Toutefois, à ce niveau de sport, les organismes ne sont généralement pas tenus d’adopter des politiques sur le sport sécuritaire ou le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport. Il existe deux exceptions notables à cette règle.
Tout d’abord, au Québec, certains organismes locaux et communautaires peuvent être considérés comme des « organismes sportifs » au sens de la Loi sur la sécurité dans les loisirs et les sports. Les associations sportives, les ligues et les clubs qui correspondent à cette définition sont tenus d’adopter des règles de sécurité conformément à la Loi et à ses règlementsNote de bas de page 68.
Ensuite, certains organismes locaux et communautaires peuvent être tenus d’adopter des politiques de sport sécuritaire en raison de leur affiliation à un organisme provincial ou territorial de sport. Comme nous l’avons mentionné précédemment, ils pourraient même être tenus d’adopter le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport.
Même sans ces exigences, les organismes sportifs locaux et communautaires peuvent toujours choisir de mettre en œuvre volontairement leurs propres politiques ou codes de conduite. Il va sans dire que le contenu des politiques et des codes de conduite sur le sport sécuritaire des organismes locaux et communautaires peut varier d’un organisme à l’autre.
Selon un sondage mené en 2020-2021 par l'Institut canadien de la recherche sur la condition physique et le mode de vie, 74 % des organismes sportifs, y compris les organismes nationaux de sport, les organismes provinciaux et territoriaux de sport et les organismes communautaires de sport, ont des politiques ou des lignes directrices écrites sur les abus et le harcèlement dans le sport. Selon le même sondage, un peu plus de la moitié ont des politiques qui abordent la discriminationNote de bas de page 69.
Sport en milieu universitaire et collégial
De manière générale, même si les établissements universitaires et collégiaux partagent de nombreux thèmes et bonnes pratiques, chacun dispose de son propre ensemble de politiques, de procédures et de mécanismes d’application en matière de sport sécuritaire.
Les universités et les collèges peuvent décider volontairement d’adopter le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport. Le fait que l’adoption du Code universel ne leur soit pas imposée explique en partie pourquoi son application varie et est généralement limitée aux programmes sportifs de ces établissements.
Néanmoins, le Code de conduite universel peut tout de même s’appliquer aux athlètes, aux entraîneurs, au personnel et à tous les autres participants désignés du milieu sportif postsecondaire, s’ils prennent part à certaines activités sportives universitaires ou collégiales organisées par des organismes nationaux de sport ou de services multisports ayant adopté ce CodeNote de bas de page 70.
C’est le cas, par exemple, de certains championnats nationaux organisés par U Sports et l’Association canadienne du sport collégial. En tant qu’organismes nationaux de services multisports bénéficiant d’un financement du gouvernement fédéral, ces institutions sont tenues d’adopter le Programme canadien de sport sécuritaire et le Code de conduite universelNote de bas de page 71.
Cependant, les établissements universitaires et collégiaux ne sont pas tous membres d’organismes nationaux de sport ou de services multisports. En juin 2025, U Sports comptait 58 universités membres, Note de bas de page 72 alors que l’Association canadienne du sport collégial en comptait 98Note de bas de page 73. L’Association canadienne du sport collégial compte parmi ses membres des collèges, des universités, des instituts techniques et des cégeps situés dans neuf provinces.
En plus des politiques sur le sport sécuritaire, les étudiants-athlètes, les entraîneurs et le personnel d’encadrement sont aussi soumis aux autres règles et politiques adoptées par leur établissement postsecondaire respectif. Il s’agit notamment de codes de conduite destinés aux étudiants-athlètes et de politiques contre la violence, le harcèlement et la discrimination, lesquels peuvent tous aborder divers aspects du sport sécuritaire.
Il est important de noter que ce ne sont pas tous les établissements universitaires et collégiaux qui adoptent des politiques propres au sport. Dans de telles situations, seules les politiques générales s’appliquent. Par ailleurs, d’autres politiques et conventions collectives peuvent prévaloir pour le personnel de ces établissements, comme les entraîneurs.
Perspectives des participants sur les politiques et les codes de conduite en matière de sport sécuritaire
Les participants ont exprimé des avis partagés au sujet du Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport. Néanmoins, il a été généralement accueilli comme une avancée positive, car il fournit des définitions standards de la maltraitance.
La plupart des personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus estiment qu’il est important d’avoir une compréhension commune de ce qui constitue la maltraitance dans le sport et de disposer de lignes directrices claires en ce qui concerne les comportements inappropriés.
Contenu du Code de conduite universel
Des organismes sportifs, des athlètes, des entraîneurs et d’autres participants ont émis des critiques à l’égard du Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport. Ils le trouvent trop compliqué et difficile à comprendre. Ils ont souligné que le Code était rédigé dans un jargon juridique dense, ce qui le rendait difficile à comprendre pour le lecteur moyen, et ont demandé à ce qu’il soit réécrit dans un langage clair et plus accessible.
Des participants ont également suggéré que le Code de conduite universel devrait :
- Être régulièrement revu et modernisé, notant au passage que certaines formes de maltraitance, comme la cyberintimidation et l’exploitation numérique sur les réseaux sociaux, sont actuellement absentes du Code.
- Être modifié pour tenir compte du rôle unique des médecins sportifs et de leurs propres codes d’éthique.
- Mieux aborder les enjeux liés à la gouvernance des organismes sportifs.
- Être révisé afin de garantir que les définitions d’abus et de maltraitance soient adaptées au contexte, notamment en ce qui concerne le para sport. Par exemple, les para-athlètes ont des besoins spécifiques et les règles doivent être interprétées de manière contextuelle pour s’assurer que les exigences uniques des athlètes qui ont des besoins de soutien élevés ne sont pas négligées.
Certains organismes nationaux de sport et athlètes de niveau national ont également fait remarquer que le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport avait une portée trop large. Ils ont fait valoir que le Code répondait à des « griefs » et des « questions frivoles », plutôt qu’à des enjeux de maltraitance ou d’abus.
Il a aussi été mentionné que les définitions « taille unique » n’étaient pas adaptées à l’environnement sportif de haute performance. Des athlètes de haute performance, par exemple, nous ont indiqué que même s’ils ont besoin d’être poussés pour mieux réussir, cela doit toujours se faire dans le respect et la dignité. Ils ont expliqué qu’il existe une zone grise entre le niveau de pression qui doit être exercé pour obtenir des résultats et ce qui pourrait être considéré comme de la maltraitance.
Portée limitée du Code de conduite universel
Des préoccupations ont constamment été soulevées concernant la portée limitée du Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport. Bien que nous comprenions que l’objectif principal du Code de conduite universel était d’établir une politique unique applicable à tous les niveaux du sport, nous avons été informés que très peu d’organismes sportifs de niveau provincial/territorial ou local l’ont effectivement adopté.
On nous a également signalé que le Code de conduite universel ne s’applique pas au sport de niveau local et communautaire. Ce constat était particulièrement préoccupant pour les participants qui ont souligné que la plupart des cas de maltraitance se produisent à l’échelle locale.
Dans le même ordre d’idées, nous avons appris que l’application du Code de conduite universel aux organismes de services multisports se limite aux grands jeux et à un sous-ensemble restreint de personnes associées à ces organismes de sport.
Application du Code de conduite universel
Dans l’ensemble, les participants ont dit avoir du mal à déterminer à quel moment et dans quelles circonstances le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport s’applique. La situation est d’autant plus complexe du fait que la plupart des organismes sportifs ont également leurs propres politiques, ce qui fait en sorte que plusieurs codes de conduite s’appliquent en même temps pour une même personne.
Les arbitres ont également fait valoir qu’il est difficile de trancher les litiges relatifs au sport sécuritaire lorsque plusieurs codes de conduite s’appliquent en même temps. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un club, un organisme provincial de sport et un organisme national de sport ont chacun leur propre code.
Autres politiques et codes de conduite applicables à tous les niveaux de sport
Outre le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport, des participants se sont dits très préoccupés par le fait que personne ne lit les politiques relatives au sport sécuritaire et que les organismes sportifs ne les appliquent pas. On nous a également rapporté l’absence généralisée de structures de signalement qui permettraient de tenir pour responsables les individus et les organismes qui contreviennent aux politiques en matière d’antiracisme et d’équité, diversité et inclusion (EDI).
Dans de nombreux cas, les organismes sportifs ont adopté des politiques sur le sport sécuritaire, mais celles-ci ne sont pas communiquées aux organismes de niveaux inférieurs du sport. Il y a également une incompréhension globale des politiques sur le sport sécuritaire. Par ailleurs, un commentaire récurrent a été que les politiques sur le sport sécuritaire, bien que différentes d’un organisme à l’autre, devraient s’appliquer au-delà du terrain de jeu, ce qui n’est pas toujours le cas. Par exemple, ces politiques devraient s’appliquer aux déplacements des équipes et aux communications virtuelles entre les entraîneurs et les athlètes.