ARCHIVÉE - Note - Considérations concernant les utilisations antiparasitaires des médicaments antimicrobien

11 septembre 2009

1.0 But

Cette note vise à préciser les points pris en compte par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada lorsqu'elle examine toute demande d'homologation d'un médicament antimicrobien pour usage antiparasitaire. Le présent document fournit des éclaircissements aux intervenants sur la manière dont l'ARLA juge l'acceptabilité d'une telle demande d'homologation.

2.0 Contexte

Une résistance aux antimicrobiens survient lorsqu'une bactérie change de manière à réduire ou à éliminer l'efficacité d'un médicament antimicrobien. Une bactérie peut acquérir une résistance quand une mutation génétique a lieu dans l'organisme et que cette résistance est transmise aux cellules filles (transfert vertical). Par ailleurs, des gènes de résistance présents sur des plasmides peuvent être transférés sur d'autres bactéries, notamment des bactéries pathogènes pour l'humain (transfert horizontal). En situation de pression sélective, comme la présence d'un médicament antimicrobien, ces bactéries résistantes survivent et se multiplient pour émerger de la population générale, ce qui entraîne le développement de pathogènes pour les humains et les animaux qui sont encore plus virulents et qui ne peuvent être éliminés avec les médicaments antimicrobiens classiques. La capacité de combattre les maladies chez l'humain et les animaux est menacée, ce qui peut poser de sérieuses conséquences pour la santé publique en raison du nombre limité de médicaments, de leur coût élevé et de leurs effets secondaires.

Une résistance aux antimicrobiens a été observée à la suite de l'utilisation de médicaments vétérinaires. Une exposition faible mais prolongée aux médicaments antimicrobiens employés pour favoriser la croissance présente les conditions idéales pour le développement d'une résistance aux antimicrobiens. Les utilisations à des fins curatives impliquent généralement des doses élevées durant de courtes périodes, ce qui engendre possiblement moins de populations résistantes.

Bien que la résistance soit pratiquement inévitable peu importe où on utilise des médicaments antimicrobiens, une utilisation prudente et avisée de ces produits ainsi que de bonnes mesures de lutte contre les infections permettent de ralentir son apparition.

Le produit Streptomycin 17, contenant la matière active sulfate de streptomycine, est présentement le seul médicament antimicrobien homologué à des fins antiparasitaires au Canada. Il sert à lutter contre le feu bactérien sur les pommiers et les poiriers. Dans la décision de réévaluation sur la streptomycine, on a noté que bien que le nombre limité d'utilisations étudiées posait un risque acceptable du point de vue de la résistance aux antimicrobiens, il faudra examiner cette possibilité lors de futures demandes de renouvellement de l'homologation ou d'homologation de nouveaux usages.

L'atelier sur l'établissement des priorités relatives aux pesticides à usage limité organisé en 2008 par Agriculture et Agroalimentaire Canada a permis de relever quelques occasions d'étendre le profil d'emploi de Streptomycin 17 que l'ARLA a accepté d'examiner au cas par cas.

L'ARLA a noté le besoin de préciser l'expression « au cas par cas » en ce qui a trait à la réglementation des médicaments antimicrobiens à des fins pesticides. La démarche actuellement suivie par l'ARLA lors de l'évaluation des usages antiparasitaires de ces produits est résumée ci-dessous. Lors de la rédaction de cette ébauche, l'ARLA a consulté la Direction des médicaments vétérinaires (DMV) de même que le groupe de travail de Santé Canada responsable de l'évaluation des risques dans le cadre de sa collaboration au sein du groupe spécial sur la résistance aux antimicrobiens de la Commission du Codex Alimentarius. Elle a aussi pris en compte les facteurs de risque identifiés par le Fungicide Resistance Action Committee.

3.0  Réglementation des utilisations antiparasitaires des médicaments antimicrobiens au Canada

Les antimicrobiens sont employés en médecine, en médecine vétérinaire, en élevage, en productions végétales, en aquaculture et dans les produits de consommation. Santé Canada, par l'entremise de la DMV de la Direction générale des produits de santé et des aliments (DGPSA), travaille à l'échelle internationale sur la résistance aux antimicrobiens avec les autres membres du groupe de travail spécial de la Commission du Codex Alimentarius. Bien que les objectifs du groupe de travail soient d'offrir une orientation sur l'utilisation des antimicrobiens dans la production d'aliments pour les humains et les animaux, il a surtout traité des usages vétérinaires.

L'ARLA est préoccupée par les usages agricoles des médicaments antimicrobiens et les extensions du profil d'emploi découlant de tels usages en raison de la possibilité de développement de résistance. Les utilisations des antimicrobiens à des fins pesticides présentent des problèmes uniques comme l'exposition professionnelle et l'exposition environnementale. L'ARLA travaille avec la DMV, dans le cadre des efforts déployés pour la Commission du Codex Alimentarius, à l'élaboration d'une politique sur la réglementation des usages antiparasitaires des médicaments antimicrobiens. Pour le moment, l'ARLA appelle ses intervenants à donner des commentaires et des suggestions.

À l'heure actuelle, l'ARLA adopte une démarche selon le poids de la preuve pour l'évaluation des usages antiparasitaires des médicaments antimicrobiens. Un certain nombre de facteurs sont pris en compte (voir la section 4.0) et le demandeur d'homologation doit présenter une justification scientifique fondée sur ces facteurs afin d'appuyer l'homologation de son produit.

4.0 Considérations

4.1 Considérations relatives à la santé et à l'environnement

  1. Importance clinique du médicament antimicrobien en médecine : En règle générale, on peut prévoir que le développement d'une résistance à un médicament très important aura des répercussions plus graves sur la santé humaine que dans le cas d'un médicament de moindre importance. Par conséquent, les médicaments de grande importance seront examinés plus rigoureusement lors de l'évaluation de l'innocuité microbiologique, notamment la résistance aux antimicrobiens, comparativement aux médicaments faisant partie d'une catégorie de produits moins importants. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, l'Organisation mondiale de la santé et l'Organisation mondiale de la santé animale ont classé les médicaments antimicrobiens par ordre d'importance clinique.1
  2. Étendue et fréquence de l'utilisation : Le profil d'emploi (par exemple, une application en serre par rapport à une application à l'extérieur, le nombre d'applications, l'usage préventif par rapport à l'usage curatif, le cycle de production des cultures/rotation des cultures, l'étendue de l'utilisation) détermine le niveau d'exposition professionnelle et environnementale et, indirectement, le potentiel de développement d'une résistance. Les usages prolongés à faibles doses, particulièrement ceux en espace clos, sont jugés moins désirables, car ils risquent davantage d'entraîner une résistance.
  3. Potentiel de résistance croisée : Une résistance croisée à un médicament antimicrobien peut se développer lorsqu'une bactérie traitée avec un médicament devient résistante à d'autres produits de la même famille ou d'une famille différente (par exemple, Staphylococcus aureus multirésistant résiste à un certain nombre d'antibiotiques de la famille des bêta-lactames, notamment la méthicilline, la dicloxacilline, la nafcilline et l'oxacilline). La résistance croisée est le résultat d'un seul mécanisme biochimique (par exemple, un mécanisme de résistance par efflux du médicament confère souvent une résistance à plusieurs médicaments antimicrobiens). Les médicaments antimicrobiens qui sélectionnent selon des mécanismes associés à la résistance croisée sont les plus préoccupants.
  4. Potentiel de corésistance : Les gènes qui encodent la résistance à plusieurs médicaments antimicrobiens sont souvent liés ensemble (par exemple, les gènes de résistance à la bêta-lactamase et à l'aminoglycoside coexistent couramment sur le même plasmide). La corésistance peut être le résultat de plusieurs mécanismes biochimiques différents (par exemple, inactivation des enzymes et altération des sites de liaison des médicaments). L'utilisation d'un médicament antimicrobien peut, par conséquent, entraîner une résistance à un médicament non relié. Les médicaments antimicrobiens qui sélectionnent selon des gènes de résistance liés sont les plus préoccupants.
  5. Transférabilité génétique de la résistance : Les gènes de résistance peuvent être transférés à d'autres bactéries. L'endroit où se situe un gène (c'est-à-dire chromosome, plasmide, transposon) détermine la facilité avec laquelle le transfert de résistance se fera.
  6. Exposition environnementale : L'interaction dans l'environnement entre la bactérie résistante et les bactéries pathogènes pour l'humain offre une occasion de transférer la résistance.
  7. Procédé de fabrication : Dans le cas de l'utilisation des médicaments antimicrobiens en milieu industriel (par exemple, production d'éthanol à partir de la drêche de distillerie), on doit fournir une description exhaustive du procédé de fabrication. Les procédés de fabrication qui contiennent des procédures pour dégrader/inactiver ou enlever/filtrer le médicament antimicrobien et tout autre microorganisme sont jugés plus acceptables.

4.2 Considérations relatives à la valeur et à la durabilité

Certains hyperliens donnent accès à des sites d'organismes qui ne sont pas assujettis à la  
. L'information qui s'y trouve est donc dans la langue du site.

L'homologation d'un médicament antimicrobien pour lutter contre des maladies bactériennes sur des plantes doit être examinée tant du point de vue de la valeur que de la santé humaine. En ce qui concerne la valeur et la durabilité, les facteurs qui influent sur le développement d'une résistance aux antimicrobiens sont divisés en trois catégories : risques associés au médicament antimicrobien, risques associés à l'organisme pathogène et risques associés au profil d'emploi. Consulter le site Web du  Fungicide Resistance Action Committee pour obtenir plus de renseignements sur ces facteurs de risques. Le Fungicide Resistance Action Committee est un groupe de travail formé de spécialistes de CropLife International, dont le mandat est de proposer des lignes directrices en matière de gestion de la résistance aux fongicides afin de prolonger l'efficacité des fongicides « à risque » et de limiter les pertes de rendement en cas de résistance. Ces lignes directrices sont reconnues à l'échelle internationale.

Voici des indicateurs positifs de risques de développement d'une résistance aux antimicrobiens :

A) Risques associés au médicament antimicrobien

Mode d'action
Un médicament antimicrobien qui n'agit que sur un seul site de l'organisme nuisible visé présente un risque plus élevé de développement de résistance, car une seule mutation (résistance monogénique ou à une étape) peut survenir plus facilement qu'une mutation de plusieurs gènes (résistance polygénique ou à étapes multiples).
Résistance croisée
Un organisme pathogène qui devient résistant à un médicament antimicrobien peut présenter une diminution de la sensibilité à d'autres médicaments antimicrobiens touchés par la même mutation génique.

B) Risques associés à l'organisme pathogène

Temps de génération
Une multiplication rapide de l'organisme pathogène et la présence de grandes populations offrent de meilleures occasions de mutation. Un temps de génération plus court exige une exposition plus fréquente au médicament antimicrobien, ce qui accélère la vitesse de développement d'une résistance.
Diffusion de l'organisme pathogène
Les organismes pathogènes qui se déplacent facilement d'une plante, d'une culture ou d'une région à l'autre entraînent une dispersion plus rapide d'une résistance à partir du site d'origine.
Antécédents de résistance
Tout cas confirmé de résistance dans une culture ou de résistance induite en laboratoire est préoccupant.
Condition des souches résistantes
La présence d'une souche résistante qui est capable d'entrer en compétition avec des souches plus vulnérables accroît la probabilité qu'une résistance subsiste même si la matière active n'est plus utilisée.
Capacité d'infecter une plante à divers stades de croissance
Une infection qui subsiste tout au long de la durée de vie d'une plante demande des applications répétées de pesticide, ce qui entraîne le développement d'une résistance.

C)Risques associés au profil d'emploi

Applications séquentielles
Des applications répétées d'un médicament antimicrobien sur une population d'organismes pathogènes favorisent la sélection de souches résistantes.
Dépendance envers les médicaments antimicrobiens comme seule option de traitement
L'emploi des médicaments antimicrobiens comme seul moyen de traitement favorise le développement de résistance. Un plan de rotation des cultures qui inclut l'usage d'autres produits homologués possédant des modes d'action différents réduit ce risque.
Absence de mesures de lutte complémentaires
Les stratégies de prévention et de réduction des maladies non fondées sur des produits chimiques, comme la rotation des cultures, la sélection de variétés résistantes, les seuils, les programmes de prévision et les mesures d'hygiène, contribuent à ralentir le développement de résistance. Si ces mesures ne sont pas disponibles ou non adoptées, le risque de voir apparaître une résistance est plus élevé.
Isolation géographique des organismes phytopathogènes
Une serre isole la population bactérienne et empêche le retour de souches plus vulnérables, ce qui permet aux souches plus résistantes de se reproduire plus rapidement.
Superficie de la culture à traiter
Des superficies plus étendues offrent plus d'occasions de sélection. Plus l'aire à traiter est grande, plus la sélection est étendue et plus il y aura d'organismes résistants.
Utilisation de cultivars sensibles
Les cultivars sensibles encouragent la croissance d'une plus grande population d'organismes pathogènes, ce qui exige des applications de pesticide plus fréquentes. Des applications répétées d'un médicament antimicrobien favorise le développement de résistance.
Applications préventives de routine
L'application préventive d'un médicament antimicrobien à risque sans utiliser de système permettant de prédire les moments d'infection primaire augmente le risque de développement d'une résistance.
Cycles de culture multiples
La présence de plusieurs cycles de culture dans une serre qui nécessitent des traitements avec un médicament antimicrobien expose la population d'organismes pathogènes au médicament avec une plus grande fréquence.
Absence d'un plan de gestion de la résistance
L'utilisation d'un médicament antimicrobien sans avoir de plan de gestion de la résistance bien défini et réalisable augmente le risque de développement d'une résistance.

5.0 Implications pour les demandeurs d'homologation

On encourage vivement les demandeurs à demander une consultation préalable au dépôt d'une demande d'homologation auprès de l'ARLA afin de recevoir plus d'orientation axée sur leur produit. Lors de la préparation d'une demande d'homologation d'un médicament antimicrobien pour un usage antiparasitaire, on doit déterminer les facteurs de risques concernant la santé et la valeur qui s'appliquent à l'usage proposé. Il faut, si possible, adopter des mesures de réduction de ces risques. La demande d'homologation serait alors évaluée selon une démarche basée sur le poids de la preuve afin de déterminer son admissibilité. De plus, s'il y a lieu, les évaluations seront effectuées en consultation avec d'autres organismes nationaux et internationaux.

6.0 Futurs travaux

L'ARLA continuera de travailler avec ses partenaires ministériels et internationaux à l'élaboration d'une politique sur la résistance aux antimicrobiens.

7.0 Mise en oeuvre

Cette note documente et précise les pratiques actuelles de l'ARLA concernant les exigences entourant les usages antiparasitaires des médicaments antimicrobiens qui sont en vigueur en date de la publication de cette note.

8.0 Questions

Si vous avez des questions au sujet de cette note, veuillez communiquer directement avec le Service de renseignements sur la lutte antiparasitaire de l'ARLA.

Détails de la page

Date de modification :