Efficacité de l'outil CANRISK pour détecter la dysglycémie chez les membres des Premières Nations et les Métis au Canada

Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada

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Gina Agarwal, MBBS, Ph. D.Note de bas de page 1; Ying Jiang, M.D.Note de bas de page 2; Susan Rogers Van Katwyk, B. Sc.Note de bas de page 2; Chantal Lemieux, Ph. D.Note de bas de page 2,Note de bas de page 3; Heather Orpana, Ph. D.Note de bas de page 2,Note de bas de page 3; Yang Mao, Ph. D.Note de bas de page 2; Brandan Hanley, Ph. D.Note de bas de page 4; Karen Davis, Ph. D.Note de bas de page 5; Laurel Leuschen, Ph. D.Note de bas de page 5; Howard Morrison, Ph. D.Note de bas de page 2

https://doi.org/10.24095/hpcdp.38.2.02f

Cet article de recherche quantitative originale a fait l'objet d'une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs :

Endnote 1

Département de médecine familiale et Département d'épidémiologie clinique et de biostatistique, Université McMaster, Hamilton (Ontario), Canada

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Endnote 2

Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario), Canada

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Endnote 3

École de psychologie, Université d'Ottawa, Ottawa (Ontario), Canada

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Endnote 4

Ministère de la Santé et des Affaires sociales du Yukon, Whitehorse (Yukon), Canada

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Endnote 5

Région sanitaire de Saskatoon, Saskatoon (Saskatchewan), Canada

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Correspondance : Gina Agarwal, Département de médecine familiale, Université McMaster, Hamilton (Ontario)  L7N 1A3; tél. : 905-525-9140, poste 28520; courriel :gina.agarwal@gmail.com

Résumé

Introduction : Le diabète touche en plus grande proportion et à un plus jeune âge la population des Premières Nations et des Métis que le reste de la population canadienne. Cet article vise principalement à évaluer l'efficacité et les scores de risque de CANRISK (Questionnaire canadien sur le risque de diabète, un outil de dépistage du diabète destiné aux Canadiens de 40 ans et plus) pour détecter la dysglycémie chez les participants issus des Premières Nations et d'origine métisse en incluant les moins de 40 ans. L'objectif secondaire de cette étude est de déterminer si une modification des seuils relatifs au tour de taille (TT) et à l'indice de masse corporelle (IMC) améliore la valeur prédictive de modèles de régression logistique lorsque les variables du questionnaire CANRISK sont utilisées pour prédire la dysglycémie.

Méthodologie : Nous avons recueilli auprès de 1479 participants métis et des Premières Nations des données provenant d'un questionnaire CANRISK autoadministré, de mesures anthropométriques et de résultats d'épreuve standard d'hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO). Nous avons calculé la sensibilité et la spécificité des scores CANRISK en appliquant les seuils usuels de classification des risques. Une régression logistique a été effectuée en utilisant des seuils tenant compte de l'origine ethnique pour l'IMC et le TT pour prédire la dysglycémie à l'aide des variables CANRISK.

Résultats : Appliqué aux résultats de l'épreuve d'HGPO, le score seuil CANRISK à 33 points a conduit à une sensibilité et une spécificité de l'outil CANRISK de respectivement 68 % et 63 % chez les 40 ans et plus, et de respectivement 27 % et 87 % chez les moins de 40 ans. L'utilisation d'un seuil inférieur, à 21 points, a fait monter à 77 % la sensibilité chez les moins de 40 ans, avec une spécificité de 44 %. Malgré la faible spécificité correspondant à ce seuil, l'augmentation de la sensibilité montre son importance à identifier les personnes à risque au sein de cette population. Après modification des seuils d'IMC et de TT, les modèles de régression logistique ont présenté une valeur prédictive comparable.

Conclusion : L'utilisation du questionnaire CANRISK s'est révélée efficace comme première étape de dépistage du diabète chez les membres des Premières Nations et les Métis d'un large éventail d'âge au Canada, dans la mesure où le seuil CANRISK a été adapté aux moins de 40 ans, et sans que l'on constate d'amélioration différentielle en modifiant les seuils d'IMC et de TT.

Mots-clés : CANRISK, diabète de type 2, Premières Nations, Métis, dépistage, sensibilité, spécificité

Points saillants

  • Nous avons analysé les données d'études utilisant CANRISK et ciblant les membres des Premières Nations et les Métis de 18 ans et plus et nous avons constaté que 69 % des participants avaient moins de 40 ans et 15 % d'entre eux étaient atteints soit de prédiabète, soit de diabète.
  • Avec le score seuil habituel de 33 points du questionnaire CANRISK, nous avons obtenu le degré de précision attendu dans l'échantillon de membres des Premières Nations et de Métis de 40 ans ou plus et, avec un seuil inférieur à 21 points, nous avons obtenu une plus grande sensibilité chez les moins de 40 ans.
  • La modification des seuils d'IMC et de TT pour tenir compte de l'origine ethnique n'a pas amélioré la valeur prédictive du modèle de régression logistique fondé sur les variables du questionnaire CANRISK.

Introduction

Dans l'Enquête nationale auprès des ménages de 2011, 4,3 % des Canadiens ont déclaré être autochtones (Premières Nations, Inuits ou Métis). Parmi eux, 28 % avaient 14 ans ou moins et 18,2 %, entre 15 et 24 ansNote de bas de page 1. Des études ont montré que la population autochtone du Canada court un risque accru de diabète de type 2 en raison de nombreux facteurs ayant trait notamment au mode de vie, à l'environnement et à l'héréditéNote de bas de page 2

L'occidentalisation du régime alimentaire et du mode de vie des Autochtones canadiens a eu en un siècle des répercussions importantesNote de bas de page 3. Les aliments traditionnels (gibier, poisson, fruits de mer, plantes sauvages comestibles), riches en protéines animales et pauvres en matières grassesNote de bas de page 4, ont été supplantés par des aliments commerciaux, qui contiennent davantage de glucides raffinés et de matières grasses et moins de fibres protectrices. Ces changements ont tous contribué de façon importante à l'augmentation des taux de diabète chez les Premières NationsNote de bas de page 5. Qui plus est, l'achat d'aliments du commerce entraîne une réduction de l'activité physique, en diminuant les activités de pêche, de chasse, de piégeage et d'agricultureNote de bas de page 4,Note de bas de page 6.

Parallèlement, différents facteurs environnementaux, dont un faible accès aux soins de santéNote de bas de page 7 et à des aliments sainsNote de bas de page 8 dans beaucoup de communautés des Premières Nations, sont susceptibles de contribuer à la survenue du diabète et de ses complications et de retarder également le diagnostic et le traitement préventifNote de bas de page 2. Des chercheurs ont suggéré que certaines populations autochtones posséderaient des gènes qui favorisent la conservation des calories en période de disetteNote de bas de page 9. Des polymorphismes particuliers reliant obésité et diabète ont été observés chez de petits groupes de membres des Premières Nations et semblent appuyer cette hypothèseNote de bas de page 10,Note de bas de page 11,Note de bas de page 12.

Les effets cumulatifs de ces facteurs ont conduit à une prévalence accrue du diabète dans de nombreuses communautés des Premières Nations et métisses, avec en 2012 une prévalence moyenne normalisée selon l'âge de 21 % chez les 25 ans ou plusNote de bas de page 13. En outre, l'augmentation de la prévalence du diabète chez les jeunes des Premières Nations est supérieure à celle de la population générale du CanadaNote de bas de page 2,Note de bas de page 14. Les taux supérieurs de complications chez les membres des Premières Nations, en particulier les néphropathies et les neuropathies, sont exacerbés par l'apparition précoce du diabète comparativement au reste de la population canadienneNote de bas de page 15,Note de bas de page 16. Ces facteurs montrent l'importance de l'élaboration d'un outil simple et peu coûteux apte à dépister la dysglycémie au sein des populations des Premières Nations et des populations métisses, qui présentent un risque élevé de diabète de type 2 à un jeune âgeNote de bas de page 17.

Au Canada, le Questionnaire canadien sur le risque de diabète (CANRISK) a été créé à partir d'un outil similaire élaboré en Finlande (FINDRISC)Note de bas de page 17. Pour tenir compte de la diversité ethnique de la population canadienne et des autres corrélats du diabète, CANRISK inclut des questions sur l'origine ethnique des parents, le niveau de scolarité, le sexe et les bébés de poids élevé à la naissance (macrosomie). La version usuelle de l'outil CANRISK offre trois groupes de risque : risque faible (score de moins de 21), risque modéré (score de 21 à 32) et risque élevé (score de 33 ou plus). CANRISK a été élaboré et validé au moyen d'une étude auprès de 6 223 Canadiens, pour la plupart âgés de 40 ans ou plus, dont 12 % étaient autochtones d'après l'origine ethnique de la mèreNote de bas de page 17.

Même si les Autochtones ont été surreprésentés dans l'échantillon initial, la capacité de CANRISK à déterminer efficacement la dysglycémie (prédiabète et diabète) n'a pas été établie spécifiquement chez les membres des Premières Nations et les Métis. Par ailleurs, les données de plusieurs études indiquent que l'indice de masse corporelle (IMC) et le tour de taille (TT) sont des prédicteurs importants du diabèteNote de bas de page 15,Note de bas de page 18,Note de bas de page 19. Certaines données montrent aussi que les Premières Nations et les Métis du Canada ont des taux élevés d'obésitéNote de bas de page 15 et atteignent des distributions de la glycémie sérique à des valeurs d'IMC considérablement plus basses que les EuropéensNote de bas de page 20. De façon générale, un membre des Premières Nations dont l'IMC est de seulement 21,8 kg/m2 présentera un taux de glucose sérique correspondant à un IMC de 30 kg/m2 chez un EuropéenNote de bas de page 20. Comme CANRISK se fonde sur les valeurs seuils normalisées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour le TT et l'IMC, il semble avisé de vérifier si, en abaissant ces seuils, on améliore l'exactitude de l'évaluation des risques chez les Premières Nations et les Métis. À cet égard, il est intéressant de noter que l'outil australien d'évaluation du risque de diabète (AUSDRISK) comprend des catégories de TT validées pour la population aborigène de l'AustralieNote de bas de page 21. En outre, les seuils d'IMC recommandées par l'OMS pour les Asiatiques se sont révélés plus pertinents pour prédire l'obésité au sein de cette populationNote de bas de page 22,Note de bas de page 23.

Objectifs principal et secondaire

L'objectif principal de cet article est d'évaluer l'efficacité de l'outil CANRISK et de ses valeurs seuils actuelles pour détecter la dysglycémie chez les participants des Premières Nations et les participants métis, à la fois dans les groupes d'âge supérieurs (40 ans et plus) et inférieurs (moins de 40 ans). Un objectif secondaire est de comparer, en modifiant les seuils relatifs au TT et à l'IMC, la valeur prédictive de modèles de régression logistique fondés sur les variables CANRISK, afin d'évaluer la probabilité de dysglycémie dans un échantillon de membres des Premières Nations et de Métis.

Méthodologie

Afin de valider le questionnaire CANRISK, l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a recueilli en deux phases des données auprès d'un vaste échantillon de Canadiens. Notre étude porte sur un sous-échantillon de cet ensemble de données provenant des deux phases de collecte et qui comprend uniquement les participants membres des Premières Nations ou métis (n = 1 469).

Au cours de la phase 1 (2007 à 2011) et de la phase 2 (2013 à 2014) de l'étude CANRISK, des résidents de 18 ans et plus de sept provinces (Colombie-Britannique, Saskatchewan, Manitoba, Ontario, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse et Île-du-Prince-Édouard) et de deux territoires (Yukon et Nunavut) du Canada dont la présence (ou non) de diabète n'était pas connue ont été invités à participer à une étude d'évaluation du risque de dysglycémie. La plupart des participants de la phase 1 avaient 40 ans ou plus et ont été recrutés lors de consultations dans des centres de santé communautaires. Certains participants ont été recrutés à la suite d'envois postaux effectués par les centres de santé communautaires et les autorités sanitaires régionalesNote de bas de page 17. La phase 2 de l'étude visait spécifiquement à recruter des participants plus jeunes (20 à 39 ans) dans certains groupes ethniques à risque élevé, dont les Premières Nations et les Métis. Au cours de la phase 2, des communiqués à la radio et dans les médias sociaux, des affiches, des brochures et des dépliants ont également servi à diffuser la demande de recrutement de participants. On pouvait s'adresser au personnel infirmier local en santé publique pour les questions relatives au recrutement. Les personnes ayant déjà reçu un diagnostic de diabète, les femmes enceintes et les personnes n'étant pas en mesure de répondre au questionnaire CANRISK en anglais ou en français ont été exclues. Les participants de la phase 2 ont reçu à Vancouver une rémunération de 50 $ et dans les lieux de collectes du Nunavut, du Yukon et de Saskatoon un bon alimentaire de 50 $ échangeable dans les épiceries locales.

Afin de s'assurer de la présence de personnes d'ascendance autochtone, on a cherché à recueillir des données dans plusieurs communautés comptant une forte proportion de résidents des Premières Nations et de résidents métis, avec le concours des autorités sanitaires locales. L'effectif de participants des Premières Nations ou métis le plus important a été recruté par l'entremise du ministère de la Santé et des Affaires sociales du Yukon et de la Région sanitaire de Saskatoon. En accord avec les exigences des trois Conseils concernant la recherche au sein des communautés autochtones, des approbations relatives à l'éthique ont été obtenues auprès du Comité d'éthique de la recherche de Santé Canada et de l'ASPC ainsi que de chaque bureau ou comité local d'éthique de la recherche. Notre analyse a porté sur le sous-groupe des Premières Nations et des Métis de la population visée par l'étude CANRISK. Les participants ayant indiqué qu'au moins un de leurs parents était issu des Premières Nations ou d'origine métisse ont été inclus dans l'analyse. Pour la phase 1, les données relatives à l'origine autochtone ont été regroupées en une variable, car il s'est révélé impossible de distinguer les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits. Nous avons donc attribué l'appartenance au groupe ethnique des Premières Nations et des Métis à tous les participants de la phase 1 recrutés à Saskatoon et ayant déclaré être d'ascendance autochtone. Comme moins de 1 % de la population autochtone de Saskatoon se déclare inuiteNote de bas de page 24, nous pensons que le nombre de participants inuits classés comme membres des Premières Nations ou Métis est demeuré négligeable.

Évaluation des risques et procédures de collecte des données

Deux procédures différentes de collecte de données ont été employées dans les deux phases. Pour la première phase, la collecte des données a débuté au moment du recrutement avec le consentement éclairé, et la consigne a été donnée de se présenter un autre jour à jeun sur le site de collecte des données. Sur le site de collecte, la personne répondait elle-même au questionnaire CANRISK et des infirmières ou autres professionnels de la santé recueillaient sur place des mesures anthropométriques et deux échantillons de sang veineux pour déterminer l'état glycémique (voir ci-dessous les détails de l'épreuve d'hyperglycémie provoquée par voie orale, ou HGPO). Pour la seconde phase, en revanche, le consentement éclairé, les scores CANRISK et les mesures anthropométriques ont été consignés lors de la première visite. Les participants devaient ensuite se présenter un autre jour, à jeun, sur le site de prélèvement sanguin pour que soient prélevés les deux échantillons de sang veineux (pour la détermination de l'état glycémique par épreuve d'HGPO). Les mesures anthropométriques ont été prises conformément aux procédures normalisées, par un personnel formé à cet effet dans le cadre du projet. Les participants ont été pesés avec un pèse-personne numérique en position debout, sans chaussures et en vêtements d'intérieur, un ruban à mesurer normalisé fixé au mur a servi à mesurer la taille et la mesure du TT s'est faite en observant la circonférence minimale entre le nombril et le processus xiphoïde.

L'outil CANRISK recueille des données sur le sexe, l'âge, l'origine ethnique de la mère et du père, l'activité physique autodéclarée (comme la marche rapide pendant au moins 30 minutes par jour), la consommation de fruits et de légumes autodéclarée, les antécédents d'hypertension, les antécédents d'hyperglycémie, les antécédents familiaux de diabète et le niveau de scolaritéNote de bas de page 17. L'outil CANRISK est disponible à l'adresse : http://canadiensensante.gc.ca/fr/canrisk. Le score CANRISK de chaque participant a été généré selon les modalités de calcul de l'outil CANRISK accessible au publicNote de bas de page 25. Comme l'outil CANRISK était initialement destiné à des personnes de plus de 40 ans, le groupe de référence (0 point) pour l'âge était de 40 à 44 ans. Par conséquent, dans notre étude, les participants de moins de 40 ans ont aussi reçu 0 point pour le risque lié à l'âge.

L'état glycémique des participants a été déterminé au moyen d'une épreuve standard d'hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) composée d'une glycémie à jeun et d'une glycémie 2 heures après l'ingestion de 75 grammes de glucose, conformément aux recommandations de l'OMS et aux lignes directrices de 2013 de l'Association canadienne du diabète (ACD)Note de bas de page 26,Note de bas de page 27. Le prédiabète a été défini comme une glycémie à jeun comprise entre 6,1 et moins de 7,0 mmol/L, ou une glycémie 2 h après l'ingestion de glucose comprise entre 7,8 et 11,0 mmol/L. On a considéré un individu comme diabétique si sa glycémie à jeun était de 7,0 mmol/L ou plus, ou si la glycémie 2 h après l'ingestion de glucose atteignait plus de 11,0 mmol/L. La dysglycémie, correspondant à une HGPO positive, désignait une glycémie à jeun de 6,1 mmol/L ou plus ou une glycémie 2 h après l'ingestion de glucose de 7,8 mmol/L ou plus.

Analyse des données

Nous avons utilisé des analyses descriptives pour décrire les caractéristiques des participants et nous avons également décrit l'état glycémique correspondant aux résultats de l'HGPO. Nous avons effectué dans SAS 9.3 une régression logistique comprenant toutes les covariables de CANRISK, en utilisant comme variable dépendante la présence ou l'absence de dysglycémie. Nous avons fondé les catégories de référence sur le modèle CANRISK validé antérieurement car il est représentatif d'un bon état de santéNote de bas de page 27. Nous avons construit quatre modèles de régression logistique en utilisant les seuils habituels de CANRISK et des seuils adaptés28-30 pour le TT et l'IMC, selon les modalités décrites ci‑dessous. Nous avons comparé l'ajustement de ces modèles au moyen d'une courbe caractéristique de la performance d'un test (ROC) en mesurant l'aire sous la courbe (ASC) et au moyen d'un test de validité de l'ajustement de Hosmer-LemeshowNote de bas de page 31.

Dans l'outil CANRISK, les catégories d'IMC sont : moins de 25 kg/m2 2 (poids insuffisant ou normal; référence), de 25 à 29,9 kg/m2 (surpoids), de 30 à 34,9 kg/m2 (obésité classe 1) et 35 kg/m2 ou plus (obésité classe 2 et 3)Note de bas de page 17. Les catégories de TT sont : petit (moins de 94 cm pour les hommes et moins de 80 cm pour les femmes; référence), moyen (de 94 à 102 cm pour les hommes et de 80 à 88 cm pour les femmes) et grand (plus de 102 cm pour les hommes et plus de 88 cm pour les femmes)Note de bas de page 17. Les catégories d'IMC adaptées pour les Autochtones sont dans l'outil AUSDRISKNote de bas de page 17 : moins de 23 kg/m2 (poids insuffisant ou normal; référence), de 23 à moins de 27,5 kg/m2 (surpoids) et de 27,5 kg/m2 ou plus (obésité). La répartition des catégories de TT recommandée par l'OMS pour les AsiatiquesNote de bas de page 22,Note de bas de page 23  sont : petit (moins de 90 cm pour les hommes et moins de 80 cm pour les femmes; référence), moyen (de 90 à 100 cm pour les hommes et de 80 à 90 cm pour les femmes) et grand (plus de 100 cm pour les hommes et plus de 90 cm pour les femmes).

Nous avons déterminé la sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive et les taux d'exactitude en fonction des catégories de risque originales correspondant au score CANRISK (« risque légèrement élevé » : score de 21 et plus ; « risque élevé » : score de 33 et plus)Note de bas de page 24 pour l'ensemble de l'échantillon, pour les moins de 40 ans et pour les 40 ans et plus. Nous avons défini la sensibilité comme la proportion d'individus ayant un score CANRISK positif parmi ceux ayant obtenu un résultat positif à l'épreuve d'HGPO, la spécificité comme la proportion d'individus ayant un score CANRISK négatif parmi ceux ayant obtenu un résultat négatif à l'épreuve d'HGPO, la valeur prédictive positive (VPP) comme la probabilité que les sujets ayant un score de risque CANRISK positif présentent une véritable dysglycémie (c'est-à-dire une HGPO positive) et enfin la valeur prédictive négative (VPN) comme la probabilité que les sujets ayant un résultat négatif au questionnaire CANRISK ne présentent réellement aucune dysglycémie (confirmé par un résultat négatif à l'épreuve d'HGPO). Les valeurs prédictives tant positive que négative sont influencées par la prévalence sous-jacente de l'affection, tandis que les scores de sensibilité et de spécificité sont indépendants de cette prévalence. Le taux d'exactitude est le nombre de scores CANRISK positifs confirmés et le nombre de scores CANRISK négatifs confirmés par rapport au nombre total de participants. Le calcul de ces mesures visait à déterminer si les seuils actuels de CANRISK étaient valides lorsqu'on les appliquait à une population issue des Premières Nations ou d'origine métisse et globalement plus jeune.

Résultats

Au total, 1 479 membres des Premières Nations et Métis ont pris part à l'étude CANRISK, à raison de 834 personnes dans la phase 1 et de 645 personnes dans la phase 2. L'échantillon de l'étude se composait à 57 % de femmes, et 69 % des participants avaient entre 18 et 39 ans tableau 1). Moins de 10 % des participants avaient obtenu un diplôme d'études collégiales ou universitaires, et 46 % d'entre eux n'avaient pas de diplôme d'études secondaires. La proportion de participants considérés comme en surpoids ou obèses atteignait 73 % avec les critères originaux de CANRISK et 80 % avec les critères adaptés pour l'IMC. De même, pour le TT, en appliquant les critères de CANRISK et les critères adaptés, respectivement 68 % et 69 % se situaient dans la catégorie la plus élevée. Lorsque les critères originaux étaient appliqués aux résultats d'HGPO, 15 % des participants étaient atteints de prédiabète ou de diabète tableau 2).

Tableau 1. Caractéristiques de l'échantillon de l'étude
Caractéristiques Effectifs Proportion (%) Données manquantes
Sexe
Femme 847 57,3 0
Homme 632 42,7
Âge (ans)
18 à 29 536 36,2 0
30 à 39 479 32,4
40 à 44 140 9,5
45 à 54 206 13,9
55 à 64 88 6,0
65 et plus 30 2,0
IMC (kg/m2) – seuils CANRISK
Normal/insuffisant (moins de 25) 400 27,1 0
Surpoids (25 à 29,9) 474 32,1
Obésité non morbide (30 à 34,9) 350 23,7
Obésité morbide (35 et plus) 255 17,2
IMC (kg/m2) – seuils adaptés
Normal/insuffisant (moins de 23) 300 20,3 0
Surpoids (23 à moins de 27,5) 357 24,1
Obésité (27,5 et plus) 822 55,6
TT – seuils CANRISK
Hommes < 94, femmes < 80 263 18,0 16
Hommes 94 à 102, femmes 80 à 88 209 14,3
Hommes > 102, femmes > 88 991 67,7
TT – seuils adaptés
Hommes < 90, femmes < 80 195 13,3 16
Hommes 90 à 100, femmes 80 à 90 261 17,8
Hommes > 100, femmes > 90 1007 68,8
Activité physique soutenue chaque jour
Oui 1061 71,9 4
Non 414 28,1
Consommation quotidienne de fruits et légumes
Oui 778 52,6 1
Non 700 47,4
Hypertension artérielle
Oui 252 17,1 4
Non 1223 82,9
Hyperglycémie
Oui 172 88,3 5
Non 1302 11,7
Nombre de parents au 1er degré atteints de diabète
0 685 49,1 85
1 424 30,4
2 217 15,6
3 63 4,5
4 5 0,4
Antécédents familiaux de diabète
Aucun parent atteint de diabète 282 19,1 0
Parent au 2e degré atteint de diabète (frère, sœur ou autre) 448 30,3
Parent au 1er degré atteint de diabète (mère, père ou enfant) 620 41,9
Cas soupçonnés mais sans confirmationNote de bas de tableau 1 - a 129 8,7
Niveau de scolarité
Sans diplôme d'études secondaires 686 46,4 0
Diplôme d'études secondaires 279 18,9
Études collégiales ou universitaires partielles 371 25,1
Diplôme universitaire ou collégial 143 9,7
Antécédents de macrosomie (% de femmes) 228 26,9 0

Abréviations : IMC, indice de masse corporelle; m, mètre; TT, tour de taille.

Remarque : Nombre total de participants = 1 479.

Tableau 2. Résultats des analyses sanguines de dépistage du prédiabète et du diabète
s.o. Proportion (%) Effectifs
Prédiabète
A) GJ seulement (6,1 à moins de 7,0 mmol/L) 2,7 40
B) G2h seulement (7,8 à 11,0 mmol/L) 5,3 78
C) GJ et G2h 1,6 24
D) Total pour le prédiabète (A+B+C) 9,6 142
Diabète
E) GJ seulement (7,0 mmol/L et plus) 1,7 25
F) G2h seulement (plus de 11,0 mmol/L) 1,4 21
G) GJ et G2h 2,0 30
H) Total pour le diabète (E + F + G) 5,1 76
Total pour le prédiabète et le diabète 14,7 218

Abréviations : G2h, glycémie 2 heures après l'ingestion de glucose; GJ, glycémie à jeun.

Remarque : Nombre total de participants = 1 479.

Le tableau 3 fournit les rapports de cotes correspondant aux quatre modèles de régression logistique ajustés portant sur les variables CANRISK. L'échantillon pris en compte dans les modèles de régression logistique est de 1 373 participants sur 1 479, car au moins une variable était inconnue chez 7 % de l'échantillon. Le modèle A est fondé sur les seuils originaux de CANRISK pour l'IMC et le TT. Le modèle B utilise les seuils originaux pour l'IMC, mais des seuils modifiés pour le TT, ceux fondés sur les seuils adaptés aux Aborigènes employés dans l'outil AUSDRISKNote de bas de page 28. Le modèle C inclut les seuils originaux pour le TT, mais des seuils modifiés pour l'IMC, ceux fondés sur les recommandations de l'OMS pour les AsiatiquesNote de bas de page 29,Note de bas de page 30. Enfin, le modèle D intègre les seuils modifiés à la fois pour le TT et l'IMC. Les quatre modèles de régression logistique ont passé le test de validité de l'ajustement de Hosmer-Lemeshow en obtenant des valeurs p qui se situaient entre 0,35 et 0,75 (voir le tableau 3). Chaque modèle a également une bonne valeur de prédiction de la dysglycémie, les ASC avoisinant toutes 0,75. Autrement dit, la modification des seuils d'IMC ou de TT n'a pas amélioré la valeur prédictive du modèle, car l'ASC était similaire à celle du modèle de référence.

Tableau 3. Comparaison des modèles de régression logistique pour la prédiction de la dysglycémie
Variable Modèle A
avec les seuils CANRISK
Modèle B
avec les seuils adaptés pour le TT
Modèle C
avec les seuils adaptés pour l'IMC
Modèle D
avec les seuils adaptés pour l'IMC et le TT
s.o. RC IC à 95 % RC IC à 95 % RC IC à 95 % RC IC à 95 %
Âge (ans)
18 à 29 0,44 0,25 0,77 0,43 0,24 0,77 0,46 0,26 0,81 0,45 0,25 0,80
30 à 39 0,61 0,36 1,05 0,61 0,35 1,04 0,62 0,36 1,06 0,61 0,36 1,05
40 à 44 Réf. Réf. Réf. Réf.
45 à 54 1,18 0,66 2,12 1,16 0,65 2,08 1,14 0,64 2,04 1,12 0,62 2,00
55 à 64 2,24 1,15 4,36 2,21 1,13 4,32 2,16 1,11 4,20 2,12 1,09 4,13
65 et plus 3,28 1,24 8,71 3,31 1,24 8,83 2,91 1,10 7,67 2,92 1,10 7,77
IMC (kg/m2) – seuils CANRISK
Normal/insuffisant (moins de 25) Réf. Réf. s.o. s.o.
Surpoids (25 à 29,9) 1,21 0,69 2,12 1,12 0,62 2,01 s.o. s.o.
Obésité, non morbide (30 à 34,9) 1,57 0,84 2,94 1,38 0,73 2,63 s.o. s.o.
Obésité, morbide (35 et plus) 3,08 1,64 5,79 2,71 1,42 5,16 s.o. s.o.
IMC (kg/m2) – seuils adaptés
Normal/insuffisant (moins de 23) s.o. s.o. Réf. Réf.
Surpoids (23 à moins de 27,5) s.o. s.o. 1,07 0,57 2,00 1,01 0,52 1,95
Obésité (27,5 et plus) s.o. s.o. 1,78 0,94 3,36 1,54 0,78 3,04
TT – seuils CANRISK
Hommes < 94, femmes < 80 Réf. s.o. Réf. s.o.
Hommes 94 à 102, femmes 80 à 88 0,94 0,46 1,92 s.o. 0,91 0,45 1,87 s.o.
Hommes > 102, femmes > 88 1,34 0,68 2,63 s.o. 1,42 0,72 2,80 s.o.
TT – seuils adaptés
Hommes < 90, femmes < 80 s.o. Réf. s.o. Réf.
Hommes 90 à 100, femmes 80 à 90 s.o. 0,66 0,31 1,40 s.o. 0,65 0,31 1,40
Hommes > 100, femmes > 90 s.o. 1,36 0,66 2,83 s.o. 1,46 0,68 3,10
Activité physique soutenue chaque jour
Oui Réf. Réf. Réf. Réf.
Non 1,50 1,06 2,14 1,51 1,06 2,15 1,56 1,10 2,21 1,56 1,10 2,21
Consommation quotidienne de fruits et légumes
Oui Réf. Réf. Réf. Réf.
Non 1,06 0,76 1,47 1,05 0,76 1,45 1,04 0,75 1,44 1,03 0,75 1,43
Hypertension artérielle
Oui 1,13 0,76 1,68 1,10 0,74 1,64 1,18 0,79 1,75 1,15 0,77 1,70
Non Réf. Réf. Réf. Réf.
Hyperglycémie
Oui 2,73 1,78 4,21 2,75 1,79 4,23 2,72 1,78 4,18 2,75 1,79 4,22
Non Réf. Réf. Réf. Réf.
Antécédents familiaux de diabète
Aucun Réf. Réf. Réf. Réf.
Parent au 1er degré 1,26 1,06 1,51 1,26 1,06 1,50 1,28 1,07 1,52 1,27 1,07 1,51
Sexe
Femme Réf. Réf. Réf. Réf.
Homme 1,77 1,21 2,59 1,79 1,24 2,60 1,69 1,16 2,47 1,71 1,18 2,48
Niveau de scolarité
Pas de diplôme d'études secondaires 1,18 0,81 1,72 1,17 0,81 1,71 1,19 0,82 1,73 1,18 0,81 1,71
Diplôme d'études secondaires 1,27 0,80 2,02 1,28 0,80 2,04 1,30 0,82 2,06 1,31 0,82 2,07
Études collégiales ou universitaires partielles Réf. Réf. Réf. Réf.
Antécédents de macrosomie
Non/ND Réf. Réf. Réf. Réf.
Oui 0,93 0,57 1,51 0,92 0,57 1,50 0,92 0,57 1,49 0,92 0,57 1,48
ASC 0,7412 0,7448 0,7296 0,7332
Validité de l'ajustement de Hosmer-Lemeshow p = 0,6602 (DL = 8) p = 0,6148 (DL = 8) p = 0,3453 (DL = 8) p = 0,7490 (DL = 8)

Abréviations : ASC, aire sous la courbe; DL, degrés de liberté; IC, intervalle de confiance; IMC, indice de masse corporelle; kg, kilogramme; m, mètre; ND, non disponible; RC, rapport de cotes; Réf., groupe de référence; TT, tour de taille.

Remarque : Nombre de participants = 1 373.

Le tableau 4 présente des données statistiques sur la valeur prédictive de CANRISK par groupe d'âge ainsi que la sensibilité et la spécificité. Pour un seuil d'inclusion de 33 points pour la catégorie « risque élevé », la sensibilité et la spécificité atteignaient respectiveement 68 % et 63 % chez les 40 ans et plus et 27 % et 87 % chez les moins de 40 ans. En employant le seuil d'inclusion de 21 points pour la catégorie « risque légèrement élevé » de CANRISK, nous avons fait grimper à 77 % la sensibilité chez les moins de 40 ans, avec une spécificité de 44 %.

Tableau 4. Valeur prédictive de CANRISK selon le groupe d'âge
Groupe d'âge Ensemble Moins de 40 ans 40 ans et plus
n 1 479 1 015 464
Score CANRISK minimal 3,0 3,0 3,0
Score CANRISK maximal 65,0 56,0 65,0
Score CANRISK médian 25,0 22,0 31,0
Score CANRISK moyen 25,7 23,1 31,3
CANRISK (%) – Utilisation d'un seuil de 33 points (risque élevé selon les directives originales de CANRISK)
Sensibilité 49,1 26,7 68,4
Spécificité 80,2 86,8 62,8
Valeur prédictive positive 30,0 18,2 38,3
Valeur prédictive négative 90,1 91,5 85,5
Exactitude 75,6 80,8 64,2
CANRISK (%) – Utilisation d'un seuil de 21 points (risque légèrement élevé selon les directives originales de CANRISK)
Sensibilité 86,2 77,2 94,0
Spécificité 37,7 43,8 21,6
Valeur prédictive positive 19,3 13,2 28,8
Valeur prédictive négative 94,1 94,6 91,5
Exactitude 44,8 47,1 39,9

Chez les 40 ans et plus, avec le seuil original de 33 points, la VPP était de 38 % et la VPN de 86 %. Chez les moins de 40 ans, avec le seuil CANRISK original de 33, la VPP était de 18 % et la VPN de 92 % pour une exactitude globale de 81 %, tandis qu'avec le seuil plus sensible de 21, la VPP était de 13 % et la VPN de 95 % avec une exactitude globale de 47 %.

Analyse

Dans le but de déterminer si des seuils tenant compte de l'origine ethnique pour l'IMC et le TT permettaient une meilleure prédiction du risque de dysglycémie chez les membres des Premières Nations et les Métis au Canada, nous avons construit un modèle incluant les seuils originaux de CANRISK et trois modèles de régression logistique utilisant des seuils modifiés pour l'IMC et le TT. Or, contrairement à nos hypothèses, la modification des seuils d'IMC et de TT n'a pas amélioré l'ajustement du modèle. Quoique chaque modèle ait offert une bonne valeur prédictive (75 %), les modèles adaptés n'ont pas prédit plus précisément que le modèle original le risque de dysglycémie. Nos résultats semblent indiquer qu'utiliser les limites actuelles des catégories d'IMC et de TT de l'outil CANRISK est approprié pour une population composée de membres des Premières Nations et de Métis au Canada.

Chez les participants de 40 ans et plus, avec un score CANRISK de 33 comme seuil déterminant un risque élevé de dysglycémie, nous avons obtenu une sensibilité et une spécificité comparables à celles rapportées dans l'article de base sur la validation du modèle CANRISKNote de bas de page 17 : sensibilités de respectivement 68 % et 66 %, et spécificités de respectivement 63 % et 70 %. L'utilisation des mêmes scores seuils chez les jeunes adultes a donné une sensibilité inférieure (27 %) et une spécificité supérieure (87 %). La diminution à 21 du score seuil CANRISK chez les jeunes adultes a en revanche permis d'obtenir une sensibilité de 77 % et une spécificité de 44 %. En d'autres mots, pour obtenir une valeur prédictive comparable, on doit utiliser un score seuil CANRISK de 21 points chez les Canadiens adultes de moins de 40 ans membres des Premières Nations ou d'origine métisse.

La nécessité d'abaisser le score seuil chez les participants plus jeunes est logique. L'âge est une variable non modifiable essentielle dans le calcul du score CANRISK. Ainsi, un individu reçoit entre 0 point s'il est âgé de 40 à 44 ans et minimalement 15 points s'il est âgé de 65 à 74 ans, avec un score maximal possible de 93 points. Le score CANRISK maximal des participants de moins de 44 ans est donc inférieur à celui des participants de plus de 44 ans. En pratique, pour compenser, il faudrait utiliser un seuil de 21 points chez les personnes des Premières Nations et les Métis plus jeunes (de 18 à 39 ans), et un seuil de 33 points chez les personnes de 40 ans ou plus. Ces changements influencent toutefois la valeur prédictive positive (VPP) et l'exactitude du test. Dans une population de moins de 40 ans, comme la prévalence de la dysglycémie est moindre chez les jeunes, la VPP n'est que de 13 % avec un seuil de 33 points et de 18 % avec un seuil de 21 points. En comparaison, chez les 40 ans et plus, la VPP atteint 29 % pour un seuil de 33 points et 38 % pour un seuil de 21 points. La VPP supérieure aux deux seuils dans le groupe plus âgé reflète la prévalence croissante de la dysglycémie en fonction de l'âge. Chez les moins de 40 ans, bien que l'utilisation d'un seuil de 21 plutôt que de 33 fasse passer l'exactitude de 81 % à 47 %, l'obtention d'un niveau de sensibilité plus favorable compense la perte d'exactitude. La sensibilité accrue garantit que des tests cliniques de dépistage du diabète seront proposés aux jeunes potentiellement atteints, ce qui est plus important que l'obtention d'une exactitude optimale. L'utilisation de seuils créant un équilibre entre la sensibilité et la spécificité dans les deux groupes d'âge contribue donc à ce que les personnes potentiellement atteintes passent des tests cliniques de dépistage, tout en réduisant la nécessité d'un dépistage coûteux et laborieux chez les participants dont le risque est faible.

Points forts et limites

Dans cet article, nous avons étudié l'efficacité de l'outil CANRISK à dépister le risque de dysglycémie dans un échantillon relativement important de membres des Premières Nations et de Métis du Canada. Nous avons également vérifié si la modification des seuils d'IMC et de TT permettait d'améliorer la valeur prédictive du modèle CANRISK pour la dysglycémie dans cette population. À notre connaissance, il s'agit du premier article qui traite des effets de l'utilisation de critères de classement modifiés pour l'IMC et le TT quant à la prédiction du risque de dysglycémie chez les Premières Nations et les Métis du Canada.

Par ailleurs, notre étude légitime le recours à l'outil CANRISK pour déterminer le risque de dysglycémie chez les jeunes adultes canadiens membres des Premières Nations ou d'origine métisse dans la mesure où un score seuil CANRISK de 21 points est utilisé. Ce seuil, malgré sa faible spécificité, constitue un compromis raisonnable, vu sa sensibilité accrue, lorsque l'outil CANRISK est employé chez les moins de 40 ans, car le but est surtout de repérer les personnes à risque au sein de cette population. Le dépistage est en effet important, en raison des taux élevés de diabète dans la population des Premières Nations et des Métis et de l'incidence supérieure de cette maladie à un plus jeune âgeNote de bas de page 2,Note de bas de page 10. L'outil CANRISK va faciliter le dépistage du diabète chez les jeunes des Premières Nations et les jeunes Métis en offrant des modalités pratiques de dépistage initial et en éliminant la nécessité d'un dépistage clinique coûteux auprès des jeunes à faible risque. D'ici à ce que des recherches futures permettent la mise au point d'un modèle optimal pour les jeunes des Premières Nations et les jeunes Métis, la valeur prédictive obtenue avec le seuil CANRISK original est acceptable pour une inclusion dans la catégorie « risque légèrement élevé ». La création d'algorithmes de risque distincts pour les hommes et les femmes pourrait se révéler utile.

Nous n'avons pas pu étudier le risque de dysglycémie au sein d'un échantillon parfaitement représentatif de la population des Premières Nations et des Métis au Canada, cette étude ayant porté sur un échantillon de commodité composé de volontaires francophones ou anglophones qui ont déclaré être membres des Premières Nations ou Métis d'après l'origine ethnique de leurs parents. Il se pourrait que l'utilisation de deux stratégies de recrutement différentes soit à l'origine de différences entre les participants des phases 1 et 2. De plus, l'exclusion des personnes ayant reçu un diagnostic antérieur de diabète empêche la comparaison des taux de diabète et des facteurs de risque entre la population à l'étude et l'ensemble de la population des Premières Nations et des Métis.

Conclusion

Appliqué à notre échantillon de membres des Premières Nations et de Métis canadiens, l'outil CANRISK est efficace comme première étape de dépistage du diabète non seulement chez les 40 ans et plus, mais aussi chez les moins de 40 ans si on ajuste la valeur seuil du score CANRISK. En revanche, notre étude a révélé que l'utilisation de seuils d'IMC et de TT spécifiques pour les Premières Nations et les Métis n'améliorait pas la valeur prédictive d'un modèle logistique fondé sur les variables CANRISK. Appliquer l'outil CANRISK à la population des Premières Nations et des Métis peut améliorer la détection précoce du diabète de type 2 et contribuer à mieux faire connaître les facteurs de risque.

Remerciements

Nous tenons à remercier le ministère de la Santé et des Affaires sociales du Yukon, la Yukon First Nations Association, la Région sanitaire de Saskatoon et toutes les communautés des Premières Nations et les communautés métisses participantes pour leur soutien lors de la collecte de données et pour la mobilisation locale.

Conflits d'intérêts

La Dre Gina Agarwal a dirigé ce projet dans le cadre d'un contrat attribué par la Division de l'intégration scientifique de l'Agence de la santé publique du Canada. L'approbation du comité local d'éthique de la recherche a été obtenue dans chacune des régions où des données ont été recueillies, et le Comité d'éthique de la recherche de Santé Canada et de l'Agence de la santé publique du Canada a également donné son approbation.

Les auteurs déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêts.

Contribution des auteurs et avis

GA, YJ, HM et YM ont grandement contribué à la conception de l'étude et ont rédigé l'article. HO a fourni des conseils méthodologiques pour l'analyse des données. SRVK et CL ont analysé les données. BH, KD et LL ont mis au point les protocoles de collecte dans les sites et ont effectué l'acquisition des données. YJ, CL et HO ont examiné et révisé l'article. Tous les auteurs ont lu et approuvé définitivement la présente version aux fins de publication et se portent garants du travail.

Le contenu de cet article et les opinions qui y sont exprimées n'engagent que les auteurs et ne sont pas forcément représentatifs de la position du Gouvernement du Canada.

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