Recherche quantitative originale – Surveillance de niveau supérieur : surveillance par sentinelle des blessures et des intoxications associées au cannabis

André S. Champagne, M.S.P.; Steven R. McFaull, M. Sc.; Wendy Thompson, M. Sc.; Felix Bang, M.S.P

https://doi.org/10.24095/hpcdp.40.5/6.07f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs

Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario), Canada

Correspondance : André Champagne, Centre de surveillance et de recherche appliquée, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario) K1A 0K9; tél. : 613-296-3654; courriel : andre.champagne@canada.ca

Résumé

Introduction. En octobre 2018, le Canada a légalisé la consommation de cannabis à des fins non médicales pour les adultes. Notre étude visait à présenter le profil le plus récent possible des blessures et des intoxications liées au cannabis recensées dans la base de données de la plateforme électronique du Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes (eSCHIRPT) et à fournir une synthèse descriptive des caractéristiques des blessures concernant les cas liés au cannabis consignés sur une période de neuf ans.

Méthodologie. Nous avons effectué une recherche dans la base de données de l’eSCHIRPT des cas liés au cannabis déclarés entre avril 2011 et août 2019. La population de l’étude est constituée des patients âgés de 0 à 79 ans ayant visité l’un des 19 services d’urgence au Canada participant au programme de l’eSCHIRPT. Nous avons produit des estimations descriptives en examinant l’intentionnalité, la cause externe, le type et la gravité des cas liés au cannabis afin de mieux comprendre les facteurs contextuels de ces cas. Nous avons également mené des analyses des tendances au fil du temps à l’aide du logiciel Joinpoint afin de saisir les évolutions dans les cas liés au cannabis, tant chez les enfants et les jeunes que chez les adultes.

Résultats. Entre le 1er avril 2011 et le 9 août 2019, 2 823 cas liés au cannabis ont été enregistrés dans l’eSCHIRPT, soit 252,3 cas pour 100 000 cas de l’eSCHIRPT. La majorité (63,1 %; 1780 cas) concernait la consommation de cannabis combinée à une ou plusieurs autres substances; dans 885 cas (31,3 %), seul le cannabis était présent et 158 cas (5,6 %) étaient associés à des produits comestibles contenant du cannabis. Chez les enfants comme chez les adultes, l’intoxication était la principale cause externe de blessure. La grande majorité des cas était de nature involontaire, avec une augmentation récente dans les tendances du nombre de cas, chez les enfants et les jeunes comme chez les adultes. Sur l’ensemble, 15,1 % des cas correspondaient à des blessures graves ayant nécessité une admission à l’hôpital.

Conclusion. Les cas liés au cannabis répertoriés dans la base de données de l’eSCHIRPT sont relativement rares, ce qui peut indiquer que les troubles mentaux et comportementaux découlant de l’exposition au cannabis ne sont généralement pas consignés dans ce système de surveillance et dans les sites participants au Canada. Avec les récentes modifications apportées à la réglementation canadienne en matière de cannabis, il sera impératif de surveiller en permanence les effets du cannabis sur la santé pour faire avancer les données probantes et protéger la santé des Canadiens.

Mots-clés : cannabis, eSCHIRPT, légalisation, produits comestibles, blessures, intoxications, Canada

Points saillants

  • Entre le 1er avril 2011 et le 9 août 2019, 2 823 cas liés au cannabis ont été enregistrés dans la base de données de la plateforme électronique du Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes (eSCHIRPT), soit une fréquence de 252,3 cas pour 100 000 cas de l’eSCHIRPT.
  • Les hommes représentaient invariablement une proportion plus élevée de cas dans tous les groupes d’âge, à l’exception du groupe des 10 à 14 ans, pour lequel la proportion de filles était légèrement plus élevée.
  • Sur les 2 823 cas, 158 cas (5,6 %) concernaient des produits comestibles contenant du cannabis.
  • Une augmentation significative de la variation annuelle en pourcentage (VAP) du nombre de cas liés au cannabis a été relevée dans tous les groupes au cours des dernières années : chez les adultes, une VAP de 27,9 % a été observée entre 2013 et 2018; chez les enfants, une VAP de 35,6 % a été observée entre 2016 et 2018 et, pour l’ensemble des cas, une VAP de 30,1 % a été observée entre 2015 et 2018.
  • Dans tous les groupes, l’intoxication s’est révélée la principale cause externe de blessure.

Introduction

En octobre 2018, le Canada est devenu le deuxième pays au monde à légaliser la consommation de cannabis à des fins non médicales pour les adultes, presque deux décennies après l’entrée en vigueur de son Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales en 2001. La consommation de cannabis est devenue de plus en plus fréquente dans les dernières décennies à l’échelle nationale. À titre d’exemple, entre 2004 et 2017, la consommation de cannabis au cours de l’année précédente au sein de la population des ménages canadiens âgée de 15 ans et plus est passée de 9,4 % à 14,8 %Note de bas de page 1. Les statistiques nationales depuis la légalisation affichent également une augmentation de la consommation de cannabis pour cette population : une comparaison des estimations des premiers trimestres de 2018 et de 2019 montre une augmentation de 29 % de la consommation au cours des trois derniers mois (de 14 % à 18 %)Note de bas de page 1. Pendant cette courte période, on a constaté une augmentation importante de la consommation de cannabis chez les hommes âgés de 18 à 64 ansNote de bas de page 1, et le nombre de nouveaux consommateurs a presque doublé chez les deux sexes (de 327 000 à 646 000)Note de bas de page 2.

À l’inverse, on a observé chez les jeunes une diminution de la consommation de cannabis au cours de la dernière décennie. Entre 2008-2009 et 2014-2015, la consommation de cannabis au cours de la dernière année a diminué chez les jeunes de la 7e à la 12e année, passant de 27,3 % à 16,5 %Note de bas de page 3. Cependant, des données plus récentes datant de 2016-2017 et 2018-2019 indiquent que la consommation de cannabis au cours de la dernière année dans ce groupe est demeurée stable depuis 2014-2015, à 18,1 %Note de bas de page 4Note de bas de page 5. On a également constaté, au cours de cette période, des changements considérables dans la perception des risques liés à cette substance, ce qui semble indiquer que le cannabis est de moins en moins perçu comme une substance nocive. En effet, alors qu’en 2014-2015, la consommation régulière de cannabis ne présentait « aucun risque » selon 7 % des répondants, ce pourcentage atteignait 9 % en 2016-2017Note de bas de page 4Note de bas de page 6. En outre, lorsqu’on demandait à ces jeunes si le fait de consommer régulièrement du cannabis constituait un « risque élevé » pour la santé, une diminution statistiquement significative a été observée (de 58 % à 54 %)Note de bas de page 4. De tels changements de perception au sein de cette population sont préoccupants, compte tenu des conclusions d’une récente étude pancanadienne de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) qui révèle que, sur les 23 580 hospitalisations à la suite de blessures causées par la consommation de substances chez des jeunes de 10 à 24 ans en 2017 et 2018, les hospitalisations liées au cannabis se sont révélées plus fréquentes (38,5 %) que celles liées à toute autre substance, que ce soit l’alcool, les opioïdes ou la cocaïneNote de bas de page 7. De plus, on mentionne dans ce rapport que 81 % des hospitalisations liées au cannabis relèvent d’un problème de santé mentale concomitant.

Diverses études épidémiologiques ont également examiné dans quelle mesure le cannabis a une incidence sur la santé des populations. Un domaine de recherche ayant beaucoup retenu l’attention est la manière dont la consommation de cannabis nuit à la conduite d’un véhicule automobile. Des expériences de simulation de conduite, par exemple à la suite d’une consommation aiguë de cannabis, ont révélé que les fonctions cognitives nécessaires à la conduite d’un véhicule en toute sécurité sont susceptibles d’être perturbées, ce qui augmente le risque de collisionNote de bas de page 8Note de bas de page 9. On a également constaté ces effets chez des consommateurs réguliers de cannabis ayant participé à ce type d’études de simulation de conduiteNote de bas de page 9. Des études observationnelles ont également permis d’établir des associations significatives entre intoxication aiguë au cannabis et collisions de véhicules automobilesNote de bas de page 10, dont des collisions ayant entraîné des décèsNote de bas de page 11Note de bas de page 12. Comme on peut s’y attendre, la prévention d’une « conduite sous l’influence d’une drogue » est devenue une priorité pour les gouvernements et les forces de l’ordre au CanadaNote de bas de page 13. À l’échelle fédérale, par exemple, le gouvernement du Canada a lancé en 2017 la campagne Ne conduis pas gelé, une vaste initiative de sécurité publique visant à sensibiliser la population canadienne par l’intermédiaire de plateformes médiatiques, notamment la télévision, le cinéma et les applications de médias sociaux populairesNote de bas de page 14.

Diverses études médicales dressant un tableau clinique de l’ingestion aiguë de cannabis chez les enfants et les adultes ont également été entreprises dans le but de mieux informer les praticiens. Ces études ont fait état de patients en pédiatrie présentant des pertes de conscience, de la confusion, de l’anxiété, de l’ataxie et de la détresse respiratoire à la suite d’une exposition au cannabisNote de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17. Dans le cas des adultes, une étude réalisée au Colorado sur des visites aux services d’urgence a révélé que les problèmes de santé les plus souvent associés aux consultations liées à l’inhalation de cannabis étaient les troubles gastro-intestinaux, l’intoxication et des symptômes psychiatriquesNote de bas de page 18.

En raison des récentes modifications apportées à la réglementation canadienne en matière de cannabis et des changements de tendance observés quant à la prévalence et aux perceptions vis-à-vis de cette substance, la nécessité d’une surveillance continue des effets du cannabis sur la santé s’impose. Dans le prolongement de l’étude de Rao de 2018Note de bas de page 19, notre étude a pour but de présenter un profil des tendances les plus récentes en matière de blessures et d’intoxications liées au cannabis recensées dans la base de données de la plateforme électronique du Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes (eSCHIRPT) et de fournir un sommaire descriptif des caractéristiques des blessures concernant les cas liés au cannabis consignés depuis le 1er avril 2011. Plus précisément, nous avons, dans le cadre de cette étude, 1) analysé trois années additionnelles de données relatives au cannabis en utilisant une méthodologie similaire dans l’eSCHIRPT, 2) examiné les facteurs mis en jeu dans les cas où il y a eu consommation de produits comestibles contenant du cannabis et 3) établi une base de référence pour les futures études relatives au cannabis au moyen de la base de données de l’eSCHIRPT.

Méthodologie

Source des données

L’eSCHIRPT est un système de surveillance sentinelle qui recueille des données sur les blessures et les intoxications auprès de 19 services d’urgence sélectionnés au Canada, dont 11 sont principalement des hôpitaux pédiatriques, les autres hôpitaux desservant une clientèle d’enfants et d’adultes. Par conséquent, la base de données de l’eSCHIRPT contient une plus grande proportion de blessures et d’intoxications impliquant des enfants et des jeunes. Le programme a été conçu pour aider les chercheurs à mieux comprendre les modalités de survenue des blessures et des intoxications, grâce à une description narrative obtenue auprès des patients, des soignants ou du personnel de l’eSCHIRPT sur place. Il s’agit en général de répondre aux questions qui consistent à savoir comment, où et pourquoi ces blessures se sont produites. Des renseignements supplémentaires sont également consignés dans les rapports par les fournisseurs de soins de santé et les codeurs de l’eSCHIRPT, ce qui fournit des données cliniques et contextuelles, entre autres la présence de consommation de substances, la ou les parties du corps touchée(s) par les blessures, le lieu (p. ex. le domicile, un lieu public) où les blessures sont survenues et la nature et les causes externes des blessures. La saisie de facteurs contextuels par le système de surveillance sentinelle eSCHIRPT en fait une ressource importante dans le domaine de la prévention des blessures. En effet, depuis presque 30 ans, les données du programme du SCHIRPT contribuent à la recherche sur les blessures en alimentant rapidement les études et les rapports épidémiologiques produits en milieu universitaire et organisationnel sur un éventail de sujets, notamment les fracturesNote de bas de page 20Note de bas de page 21, les blessures causées par des produits ou des équipementsNote de bas de page 22Note de bas de page 23 et les blessures liées au sportNote de bas de page 24Note de bas de page 25.

Extraction des données

Nous avons effectué le 9 août 2019 une extraction de tous les dossiers de l’eSCHIRPT saisis dans le système depuis le 1er avril 2011 (1 118 930 au total), couvrant ainsi une période de neuf ans.

Groupes d’âge

Nous avons procédé à des analyses descriptives en examinant les blessures et les intoxications en fonction de trois groupes : les enfants et les jeunes (17 ans et moins), les adultes (18 ans et plus) et tous les individus combinés. Afin de présenter une plus fine granularité des données, nous avons également effectué des analyses approfondies pour examiner des groupes d’âge plus restreints, même si l’étude ne visait pas principalement ces groupes.

Identification des cas

Pour identifier tous les cas liés au cannabis, nous avons examiné trois variables dans les dossiers de l’eSCHIRPT : la consommation de substance, l’identification de la substance et la description narrative de la blessure. Le code de consommation de substance a été la principale variable utilisée pour identifier les cas liés au cannabis. Nous avons passé au crible tous les dossiers dont le champ de consommation de substance indiquait « oui » ou était laissé vide lors d’une recherche par mots-clés relatifs au cannabis dans les champs de description narrative et d’identification de la substance. Par la suite, en tenant compte de l’erreur humaine de codage, nous avons mené un processus similaire pour les dossiers dont le champ de consommation de la substance indiquait « non ».

Caractéristiques des blessures

Comme dans l’étude de Rao de 2018Note de bas de page 19, nous avons regroupé les caractéristiques des blessures en quatre grandes catégories, de façon à examiner l’intentionnalité, la cause externe, le type et la gravité de l’ensemble des cas liés au cannabis. Le tableau 1 présente les codes de l’eSCHIRPT utilisés dans les analyses et en fournit une description.

Tableau 1. Caractéristiques et codes des blessures liées au cannabis, eSCHIRPT, 2011 à 2019

Tableau 1. Caractéristiques et codes des blessures liées au cannabis, eSCHIRPT, 2011 à 2019
Caractéristique des blessures Description Codes eSCHIRPT Justification de l’inclusion dans l’analyse
Intention de la blessure ou de l’intoxication Blessure non intentionnelle 10IN, 16IN Pour examiner la nature intentionnelle de la blessure ou de l’intoxication. Des termes de recherche par mots-clés ont également été utilisés pour la classification.
Agression physique 15IN
Automutilation 11IN
Participation du personnel d’intervention d’urgence (PIU) 19IN
Agression sexuelle 12IN
Maltraitance 13IN, 14IN
Cause externe Intoxication 210EC, 301EC Pour examiner le mécanisme de la blessure ou de l’intoxication. Des termes de recherche par mots-clés ont également été utilisés pour la classification.
Chute 201EC, 2011EC
Agression 400EC, 4001EC
Moyen de transport 100EC, 101EC, 102EC
Agent extérieur 202EC, 203EC, 205EC, 209EC, 302EC, 305EC, 309EC
Nature de la blessure Intoxication 50NI Pour examiner le type de blessures subies. Des termes de recherche par mots-clés ont également été utilisés pour la classification.
Plaie externe 10NI, 11NI
Plaie interne 24NI, 25NI, 26NI, 27NI, 52NI, 53NI, 60NI, 77NI
Traumatisme crânien 41NI, 42NI, 43NI
Fracture, entorse ou foulure (ou termes clés) 12NI, 13NI, 14NI, 15NI, 16NI, 17NI, 75NI
Gravité Grave 700T, 800T, 900T La gravité des blessures ou des intoxications a été dichotomisée en fonction des résultats du traitement. L’état des patients admis dans les hôpitaux ou dont le décès a été prononcé dans les services d’urgence a été jugé grave, tandis que l’état des patients ayant besoin d’un traitement ou de soins d’observation dans les services d’urgence a été jugé non grave.
Non grave 100T, 200T, 300T, 400T, 500T, 600T

Analyses statistiques

Les estimations des cas liés au cannabis recensés par rapport à l’ensemble des cas répertoriés dans la base de données sont présentées sous forme de proportion de cas liés au cannabis pour 100 000 dossiers dans l’eSCHIRPT. Les proportions des caractéristiques des blessures sont exprimées quant à elles par rapport à l’ensemble des cas liés au cannabis. Nous avons effectué des analyses de l’évolution des tendances au sein de trois groupes – les enfants et les jeunes, les adultes et tous les âges – sur une période de huit ans, au moyen du logiciel Joinpoint (version 4.6.0.0)Note de bas de page 26. Ce logiciel détecte les points d’inflexion, détermine si les variations annuelles en pourcentage (VAP) des segments sont significativement différentes de zéro (alpha = 0,05) et fournit des intervalles de confiance à 95 %. Dans notre étude, ces analyses de l’évolution des tendances sont basées sur la proportion du nombre de cas liés au cannabis par rapport à l’ensemble des cas répertoriés dans l’eSCHIRPT correspondant aux groupes sélectionnés.

Résultats

Entre le 1er avril 2011 et le 9 août 2019, 2 823 cas liés au cannabis ont été enregistrés dans l’eSCHIRPT, soit 252,3 cas pour 100 000 cas de l’eSCHIRPT. La majorité de ces 2 823 cas concernait la consommation de cannabis combinée à une ou plusieurs substances (63,1 %; 1 780 cas). Dans 885 cas (31,3 %), le cannabis seul était présent et 158 cas (5,6 %) étaient associés à des produits comestibles contenant du cannabis. À l’exception de ces cas mettant en cause des produits comestibles contenant cannabis, les hommes représentaient la plus grande proportion de cas (par rapport aux femmes), soit 60,9 % (n = 1 623). À l’inverse, parmi les cas en lien avec des produits comestibles, les femmes représentaient la part la plus grande, soit 53,2 % (n = 84), comme l’illustre le tableau 2.

Tableau 2. Nombre de cas liés au cannabis par groupe d’âge et par sexe, eSCHIRPT, 2011 à 2019

Tableau 2. Nombre de cas liés au cannabis par groupe d’âge et par sexe, eSCHIRPT, 2011 à 2019
Catégorie Total (colonne%) Hommes (%) Femmes (%)
Produits comestibles 158 (5,6 %) 74 (46,9) 84 (53,2)
Cannabis seulement 884 (31,3 %) 549 (62,1) 335 (37,9)
Polytoxicomanie 1 780 (63,1 %) 1 074 (60,3) 706 (39,7)
Tous les casNote a de Tableau 2 2 822 1697 (60,1) 1 125 (39,9)
Groupes d’âgeNote b de Tableau 2
Enfants et jeunes (17 ans et moins) 1 914 (67,8 %) 1 001 (52,3) 913 (47,7)
Adultes (18 ans et plus) 907 (32,2 %) 696 (76,7) 211 (23,3)
Moins de 10 ans 97 50 (51,6) 47 (48,4)
10 à 14 ans 477 237 (49,7) 240 (50,3)
15 à 19 ans 1 457 800 (54,9) 657 (45,1)
20 à 29 ans 383 307 (80,2) 76 (19,8)
30 à 39 ans 205 156 (76,1) 49 (23,9)
40 à 49 ans 99 70 (70,7) 29 (29,3)
50 à 64 ans 91 68 (74,7) 23 (25,3)
65 ans et plus 12 9 (75,0) 3 (25,0)

Le tableau 2 synthétise également les résultats pour les deux sexes en fonction de huit groupes d’âge. Les hommes forment systématiquement un pourcentage plus élevé de l’ensemble des cas liés au cannabis dans la majorité des groupes d’âge, à l’exception du groupe des 10 à 14 ans, dans lequel le pourcentage de filles s’est révélé légèrement plus élevé (50,3 % contre 49,7 %). Lorsqu’on compare les enfants et les jeunes (17 ans et moins) aux adultes, les premiers représentent la plus grande proportion de l’ensemble des cas liés au cannabis, soit 67,8 %, ce qui correspond à 1 914 cas ou 210,4 cas pour 100 000 cas dans l’eSCHIRPT. Les adultes représentent 907 cas liés au cannabis, soit 32,2 %, mais leur proportion est plus élevée que celle des enfants par rapport à l’ensemble des dossiers de l’eSCHIRPT, avec 434,6 cas/100 000 cas de l’eSCHIRPT.

En ce qui concerne les profils d’évolution, nous avons procédé à des analyses des tendances en examinant les trois groupes (les enfants et les jeunes, les adultes et l’ensemble des cas). Il convient de noter que ces analyses ne comprenaient que les cas liés au cannabis et aux produits comestibles contenant du cannabis jusqu’à la fin de l’année 2018 et non jusqu’en 2019, en fonction des différentes périodes de saisie des dossiers dans l’eSCHIRPT. Comme l’illustre la figure 1, une augmentation significative de la variation annuelle en pourcentage (VAP) de tous les cas liés au cannabis a été relevée dans le logiciel Joinpoint au sein de chaque groupe au cours des dernières années : chez les adultes, une VAP de 27,9 % a été observée entre 2013 et 2018, chez les enfants et les jeunes, une VAP de 35,6 % a été observée entre 2016 et 2018 et pour l’ensemble des cas, une VAP de 30,1 % a été observée entre 2015 et 2018. Nous avons également remarqué une hausse significative de la VAP (26,0 %, IC à 95 % : 6,0 % à 49,8 %) entre 2011 et 2018 lorsque nous avons examiné l’ensemble des cas liés aux produits comestibles contenant du cannabis, même s’il faut interpréter ce résultat avec prudence, vu le faible nombre de ces cas (figure 1).

Figure 1. Évolution des cas liés au cannabis traités dans des services d’urgence, enfants, adultes et tous les cas, eSCHIRPT, 2011 à 2018Figure 1 note a

Figure 1. Évolution des cas liés au cannabis traités dans des services d’urgence, enfants, adultes et tous les cas, eSCHIRPT, 2011 à 2018

Description textuelle : Figure 1

Figure 1. Évolution des cas liés au cannabis traités dans des services d’urgence, enfants, adultes et tous les cas, eSCHIRPT, 2011 à 2018Figure 1 note a

Figure 1. Évolution des cas liés au cannabis traités dans des services d’urgence, enfants, adultes et tous les cas, eSCHIRPT, 2011 à 2018
Année Nombre de cas liées au cannabis/100 000 dossiers de l’eSCHIRPT
Tous les cas Produits comestibles Enfants et jeunes Adultes
2011 194,92 4,83 208,37 300,18
2012 188,17 6,09 201,38 256,35
2013 181,66 7,67 194,64 218,91
2014 175,37 9,66 188,11 279,99
2015 169,30 12,18 181,81 358,11
2016 163,44 15,34 236,45 458,03
2017 221,64 19,33 307,51 585,83
2018 300,56 24,36 399,92 749,28
VAP 2015 à 2018 : 30.1 % (24,9, 35,4) 2013 à 2018 : 27.9 % (13,8,43,8) 2016 à 2018 : 35.6 % (14,9, 60,1) 2013 à 2018 : 27.9 % (13,8, 43,8)

En examinant l’intentionnalité des cas liés au cannabis, nous avons dégagé des tendances similaires chez les enfants et les jeunes et chez les adultes. Comme l’indique la figure 2, la majorité des cas liés au cannabis étaient de nature non intentionnelle (intoxications, chutes et collisions de véhicules automobiles) dans les deux groupes (66,3 % chez les enfants, 58,2 % chez les adultes). Viennent ensuite les cas d’automutilation (p. ex. idées suicidaires et tentatives de suicide : 15,7 % chez les enfants et les jeunes et 19,8 % chez les adultes) et les agressions physiques (p. ex. altercations physiques ou coups portés sur des objets inanimés, 9,7 % chez les enfants et les jeunes et 16,9 % chez les adultes). Sur les 481 cas d’automutilation, 62,4 % concernaient des jeunes (n = 300), avec un âge médian de 16 ans, et les 37,6 % restants (n = 181) concernaient des adultes, avec un âge médian de 30 ans. Quant au degré de gravité des cas d’automutilation liés au cannabis, 29,3 % des jeunes et 18,3 % des adultes ont été admis à l’hôpital (données non présentées). Les cas impliquant le personnel d’intervention d’urgence et ceux liés à des agressions sexuelles et autres mauvais traitements représentent les proportions les plus faibles dans cette catégorie. Les cas impliquant le personnel d’intervention d’urgence (7,4 % chez les enfants et 4,0 % chez les adultes) correspondaient à des situations dans lesquelles les patients ne réagissaient pas ou troublaient l’ordre public. Les cas liés à des agressions sexuelles (0,7 % chez les enfants et 0,2 % chez les adultes) correspondaient à des situations dans lesquelles les patients avaient subi des attouchements ou avaient été forcés d’avoir des rapports sexuels. Il convient de noter que tous les cas d’agression sexuelle étaient associés à la présence d’autres substances outre le cannabis, notamment l’alcool, l’ecstasy et la cocaïne. Enfin, les cas de maltraitance (0,3 % chez les enfants et 1,0 % chez les adultes) correspondaient à des circonstances liées à la violence entre partenaires intimes ainsi qu’à des abus commis par des membres de la famille.

Figure 2. Répartition des catégories d’intention parmi les cas de blessures liées au cannabis, eSCHIRPT, 2011 à 2019Figure 2 note a

Figure 2. Répartition des catégories d’intention parmi les cas de blessures liées au cannabis, eSCHIRPT, 2011 à 2019

Description textuelle : Figure 2

Figure 2. Répartition des catégories d’intention parmi les cas de blessures liées au cannabis, eSCHIRPT, 2011 à 2019Figure 2 note a

Figure 2. Répartition des catégories d’intention parmi les cas de blessures liées au cannabis, eSCHIRPT, 2011 à 2019
Catégories d’intention Proportion (%)
Tous les âges Enfants et jeunes Adultes
Blessure non intentionnelle 63,66 66,30 58,15
Agression physique 11,97 9,67 16,85
Automutilation 17,04 15,67 19,82
Participation de PIU 6,31 7,42 3,96
Agression sexuelle 0,53 0,68 0,22
Maltraitance 0,50 0,26 0,99

Dans les trois groupes, l’intoxication constituait la principale cause externe, comme l’illustre la figure 3. Les cas consignés dans cette catégorie englobent les patients qui ont présenté des réactions indésirables associées à la consommation de cannabis, mais aussi les incidents dans lesquels le cannabis était mis en cause en conjonction avec d’autres substances, notamment l’alcool, la cocaïne et la méthamphétamine. Alors que les chutes et les blessures liées aux moyens de transport étaient les deuxième et troisième causes externes les plus fréquentes chez les adultes (respectivement 18,9 % et 17,6 %), les agressions et les blessures causées par un agent extérieur étaient les deuxième et troisième causes externes les plus fréquentes chez les enfants (respectivement 6,6 % et 6,2 %). Cette catégorie englobe les cas intentionnels et non intentionnels pour lesquels les agents extérieurs étaient des facteurs ayant contribué aux blessures, que ce soit des fenêtres, des couteaux ou des meubles par exemple.

Figure 3. Répartition des causes externes parmi les cas de blessures liées au cannabis dans l’eSCHIRPT, 2011 à 2019Figure 3 note a

Figure 3. Répartition des causes externes parmi les cas de blessures liées au cannabis dans l’eSCHIRPT, 2011 à 2019

Description textuelle : Figure 3

Figure 3. Répartition des causes externes parmi les cas de blessures liées au cannabis dans l’eSCHIRPT, 2011 à 2019Figure 3 note a

Figure 3. Répartition des causes externes parmi les cas de blessures liées au cannabis dans l’eSCHIRPT, 2011 à 2019
Causes externes Proportion (%)
Tous les âges Enfants et jeunes Adultes
Intoxication 66,29 79,03 40,07
Chutes 9,29 4,64 18,86
Agression 9,00 6,61 13,92
Moyen de transport 8,15 3,55 17,62
Agents extérieurs 7,27 6,17 9,54

En ce qui concerne la nature des blessures ou des intoxications déclarées, la figure 4 illustre qu’une proportion écrasante de cas (84,6 %) est liée à une intoxication chez les enfants et les jeunes. Dans cette catégorie, l’âge médian était de 16 ans, et il s’agissait d’enfants et de jeunes ayant éprouvé des effets indésirables du cannabis consommé seul ou avec d’autres substances. Les plaies externes, qui représentent 7,7 % des cas, étaient le deuxième type de blessures le plus fréquent chez les enfants et les jeunes. Les cas inclus ici étaient les chutes, les altercations et les collisions de véhicules automobiles. Chez les adultes, nous avons décelé une tendance similaire, selon laquelle l’intoxication (42,5 %) était le type de blessures le plus fréquent (âge médian de 29 ans). Comme l’illustre la figure 4, les catégories des plaies externes (20,7 %) et des fractures, entorses ou foulures (20,2 %) constituaient les deuxième et troisième types de blessures les plus fréquentes.

Figure 4. Répartition de la nature des blessures parmi les cas liés au cannabis dans l’eSCHIRPT, 2011 à 2019Figure 4 note a

Figure 4. Répartition de la nature des blessures parmi les cas liés au cannabis dans l’eSCHIRPT, 2011 à 2019

Description textuelle : Figure 4

Figure 4. Répartition de la nature des blessures parmi les cas liés au cannabis dans l’eSCHIRPT, 2011 à 2019Figure 4 note a

Figure 4. Répartition de la nature des blessures parmi les cas liés au cannabis dans l’eSCHIRPT, 2011 à 2019
Nature des blessures Proportion (%)
Tous les âges Enfants et jeunes Adultes
Intoxication 71,06 84,59 42,51
Plaie externe 11,87 7,68 20,70
Plaie interne 3,05 1,83 5,62
Traumatisme crânien 6,02 3,66 11,01
Fracture, entorse ou foulure 8,01 2,25 20,15

Quant à la gravité des cas liés au cannabis, 15,1 % des cas concernaient des blessures graves exigeant une hospitalisation. Parmi ces cas, 238 (56 %) concernaient des enfants et des jeunes, avec un âge médian global de 16 ans, et une plus forte proportion de garçons (52,2 %; données non présentées). Dans cette catégorie de blessures graves subies par des enfants et des jeunes, les tentatives de suicide, les collisions de véhicules automobiles et la polytoxicomanie (consommation de multiples substances) étaient des facteurs contributifs. Chez les adultes, 187 cas ont nécessité une hospitalisation, dont 81,8 % concernaient des hommes (données non présentées). Les facteurs ayant contribué à ces cas chez les adultes étaient similaires à ceux visant les enfants et les jeunes, à savoir les agressions, les tentatives de suicide et les collisions de véhicules automobiles. Par ailleurs, un seul décès a été recensé dans cette étude, avec comme facteurs en cause la polytoxicomanie et une collision de véhicules automobiles.

Enfin, comme les produits comestibles contenant du cannabis ont été légalisés au Canada en octobre 2019, cette étude a porté sur les cas où de tels produits étaient mis en cause. Sur les 158 cas identifiés, une proportion considérable concernait des enfants et des jeunes (87,3 %), parmi lesquels légèrement plus de filles que de garçons, soit 56,5 %. Les symptômes étaient des étourdissements, de la somnolence et des vomissements. On a recensé 35 cas parmi les enfants de moins de 10 ans, tous de nature non intentionnelle, dont deux ont conduit à une admission à l’hôpital. D’après les récits, des produits comestibles avaient été laissés par mégarde à la portée des enfants ou leur avaient été donnés involontairement. Parmi les 20 cas touchant des adultes, 14 concernaient des hommes (70 %). Dans ce groupe, les personnes touchées présentaient de l’anxiété, de la désorientation et des vomissements.

Analyse

Dans cette étude, nous avons démontré que les cas de blessures et d’intoxications liées au cannabis sont relativement rares dans la base de données de l’eSCHIRPT. Une explication possible de ce résultat est fournie par l’étude de l’ICIS déjà mentionnéeNote de bas de page 7, dans laquelle on a constaté que la majorité des hospitalisations liées au cannabis sont plutôt attribuables à des problèmes de santé mentale concomitants, problèmes qui ne sont pas nécessairement consignés dans la base de données de l’eSCHIRPT.

Les conclusions de notre étude concordent avec celles d’autres études portant sur l’examen de données américaines obtenues auprès de centres antipoison et de services d’urgence, qui montrent que les hommes forment généralement la plus grande proportion des cas liés au cannabis enregistrés à ces endroitsNote de bas de page 27Note de bas de page 28. Au Canada, ce pourcentage plus élevé chez les hommes est peut-être en partie le reflet des habitudes de consommation du cannabis : les statistiques nationales passées comme récentes montrent que la prévalence de la consommation de cannabis chez les Canadiens âgés de 15 ans ou plus est statistiquement plus élevée chez les hommesNote de bas de page 1Note de bas de page 29. En outre, des résultats nationaux récents pour les Canadiens de 15 ans et plus ont révélé que la consommation quotidienne ou quasi quotidienne de cannabis était nettement plus élevée chez les hommes que chez les femmes, soit 7,6 % contre 4,5 %Note de bas de page 2.

Les analyses des tendances ont montré une augmentation de la VAP en ce qui concerne le pourcentage de cas liés au cannabis dans l’eSCHIRPT chez les enfants et les adultes pour certaines années au cours de la période à l’étude. Si l’augmentation récente de la prévalence de la consommation de cannabis au sein de la population adulte peut aider à expliquer un tel profil, la diminution observée de la prévalence de la consommation de cannabis chez les jeunes donne à penser qu’il en est autrement. Toutefois, malgré ces tendances, la consommation de cannabis chez les jeunes demeure proportionnellement plus élevée que chez les adultesNote de bas de page 1, ce qui tend à démontrer leur degré d’exposition plus élevé. Il est possible que la grande couverture médiatique et les discussions autour du cannabis dans les années précédant la légalisation en 2018 aient fait en sorte que les individus sont moins réticents à révéler leur consommation de cannabis lorsqu’ils se présentent aux services d’urgence, ce qui augmente en apparence le nombre global de cas liés au cannabis.

Une forte majorité de cas parmi les enfants et adultes ayant consulté un service d’urgence étaient de nature non intentionnelle, les patients ayant simplement subi les effets indésirables du cannabis. Il est toutefois préoccupant de voir comment de telles expositions involontaires au cannabis peuvent toucher les jeunes enfants. En effet, un examen systématique des effets d’une exposition involontaire au cannabis sur la santé a permis de conclure que lorsque des enfants se présentent aux services d’urgence avec une léthargie et une ataxie, les cliniciens doivent soupçonner une toxicité liée au cannabisNote de bas de page 30. La présence dans notre étude de 35 cas associés à une ingestion involontaire de produits à base de cannabis par des jeunes de moins de 10 ans renforce également la nécessité d’adopter des pratiques plus sécuritaires au sein des ménages, principalement en ce qui concerne l’entreposage de ces produits. Des emballages à l’épreuve des enfants, des emballages neutres et une limite fixée au taux de THC sont des exemples de mesures envisageables pour prévenir de telles situationsNote de bas de page 31. Et même si l’attention est surtout dirigée vers les produits comestibles, ce qui est souhaitable, il existe d’autres dangers cachés dont les parents et les personnes qui s’occupent d’enfants doivent tenir compte en présence de ces derniers, notamment la résine de cannabis et les jointsNote de bas de page 30.

Du point de vue de la santé publique, les incidents liés aux moyens de transport relatés dans cette étude témoignent non seulement des répercussions néfastes pouvant survenir à l’échelle de l’individu, mais également de celles pouvant toucher la population. Cet aspect de la consommation de cannabis va vraisemblablement continuer à constituer une priorité pour les forces de l’ordre et les organisations non gouvernementales telles que Les mères contre l’alcool au volant (MADD) CanadaNote de bas de page 32, compte tenu des récentes modifications apportées à la réglementation en matière de cannabis.

Enfin, en ce qui concerne la gravité des cas liés au cannabis, l’étude a recensé 425 cas de blessures graves nécessitant une hospitalisation. Parmi ces cas, 56 % visaient des enfants et des jeunes. Si cette proportion plus importante est probablement due au fait que l’eSCHIRPT est plus susceptible de viser la population des enfants et des jeunes que celle des adultes, elle est néanmoins le signe qu’il faut continuer de garder les produits à base de cannabis hors de la portée des enfants. L’instauration d’un âge minimum légal par les provinces et territoires répond à cette nécessité, mais des efforts continus de surveillance des blessures et des intoxications liées au cannabis s’imposent afin de déterminer l’efficacité de ce règlement ainsi que celle des autres règlements instaurés à la suite de la légalisation en octobre 2018.

Forces et limites

La principale force de notre étude est l’utilisation des données de l’eSCHIRPT, ce programme permettant de consigner des renseignements contextuels sur les blessures ou les intoxications traitées dans des services d’urgence. Ces renseignements sont ensuite convertis sous forme de codage normalisé, ce qui en permet l’analyse. Cependant, il comporte certaines limites. Bien que les sites participants de l’eSCHIRPT soient localisés dans diverses régions du Canada, les estimations sur les blessures tirées de ce programme ne sont pas représentatives de la population du pays. Les blessures chez les jeunes constituent une légère exception, qui peut en fait refléter celles se produisant à l’échelle nationale. Par exemple, en comparant les résultats de l’Enquête sur les comportements liés à la santé des enfants d’âge scolaire (de l’Organisation mondiale de la santé) à ceux de l’eSCHIRPT, Pickett et ses collaborateursNote de bas de page 33 ont constaté que le programme pouvait être représentatif des tendances générales observées en ce qui concerne les blessures subies par les jeunes au Canada. Toutefois, cette constatation ne s’applique pas aux blessures et aux intoxications chez les adolescents plus âgés, les adultes, les populations des Premières Nations et des Inuits, ainsi que ceux qui vivent dans des régions rurales et éloignéesNote de bas de page 34. En outre, aux deux extrémités du spectre de gravité, l’eSCHIRPT ne tient pas compte des blessures ou des intoxications mortelles qui surviennent en dehors des services d’urgence ni des blessures ou des intoxications bénignes et pour lesquelles les traitements sont administrés dans d’autres établissements médicaux, dont les cliniques.

Ce qui est particulièrement pertinent pour notre étude, ce sont les fortes sensibilité et spécificité des variables utilisées pour identifier les cas liés au cannabis dans l’eSCHIRPT, qui ont été prouvées dans l’étude de Rao de 2018Note de bas de page 19, et qui sont le reflet d’une bonne saisie des données. Cependant, la réticence des patients à divulguer leur consommation de cannabis peut avoir entraîné une sous-déclaration des cas liés au cannabis dans l’eSCHIRPT, en particulier au cours des années précédant la légalisation de l’usage récréatif de cette substance. La sous-déclaration peut également se produire chez ceux qui consomment du cannabis de façon plus régulière et qui ne reconnaissent peut-être pas que cette substance constitue l’un des facteurs contribuant aux blessures. En outre, en raison des limites des données de l’eSCHIRPT, nous n’avons pas pu distinguer un usage du cannabis à des fins médicales d’un usage récréatif, ni déterminer la quantité de substance prise au moment de la blessure ou de l’intoxication. Obtenir ces renseignements pourrait permettre de mieux cerner à l’avenir les populations à risque et de mieux comprendre la relation dose-réponse de ces blessures.

Conclusion

L’objectif de notre étude était de présenter un profil des évolutions récentes de l’ensemble des blessures et intoxications liées au cannabis recensées dans la base de données de l’eSCHIRPT et de fournir une synthèse descriptive des caractéristiques des blessures concernant ces cas consignés sur une période de neuf ans, soit du 1er avril 2011 au 9 août 2019. Ce faisant, nous avons constaté une augmentation de la VAP du nombre de cas liés au cannabis chez les enfants et les jeunes ainsi que chez les adultes au cours des dernières années. Les hommes représentent systématiquement une proportion plus élevée de cas liés au cannabis, ce qui laisse entrevoir d’éventuelles occasions de sensibilisation. Bien qu’on ait constaté une augmentation du nombre de cas liés au cannabis comestible tout au long de la période, il ne s’agissait que d’une faible proportion de tous les cas liés au cannabis. Cette constatation révèle la nécessité pour les parents et les personnes qui s’occupent d’enfants d’adopter des pratiques d’entreposage plus sécuritaires. Même si elles ne sont pas représentatives de la population nationale, nos conclusions indiquent que les blessures liées au cannabis ont augmenté ces dernières années au sein de la base de données de l’eSCHIRPT, tant chez les enfants et les jeunes que chez les adultes. Il sera impératif de continuer à effectuer le suivi de ces blessures et intoxications au moyen de mesures de surveillance, compte tenu des récentes modifications apportées à la réglementation canadienne en matière de cannabis.

Remerciements

Nous tenons à remercier sincèrement Mme Deepa Rao. L’extraction et la catégorisation de tous les cas liés au cannabis ont été rendues possibles grâce à l’application de sa méthodologie. Nous remercions également M. James Cheesman, qui a fourni le fichier d’extraction de l’eSCHIRPT.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

ASC, SRM, WT et FB ont participé à la conception du projet. ASC a effectué les analyses de données et a rédigé l’article. Tous les auteurs ont contribué à l’interprétation des résultats et aux révisions de l’article.

Le contenu de cet article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs et ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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