Psychologie Médico-Légale Partie 4 : Chapitre 9 : Évaluation des délinquants
Chapitre 9
Lignes directrices sur l'évaluation des délinquants sexuels
Sharon M. Williams, docteure en psychologie clinique Note de bas de page 1
Objectifs
1) Établir des lignes directrices à l'intention des intervenants chargés d'orienter les délinquants sexuels vers les ressources de traitement.
2) Déterminer les questions théoriques et pratiques essentielles à l'évaluation des délinquants sexuels.
3) Examiner la compétence professionnelle des praticiens.
4) Donner une bibliographie.
Prologue
L'évaluation des délinquants sexuels devient de plus en plus complexe et attire énormément d'attention. La population des délinquants sexuels continue d'augmenter à un rythme plus rapide que la population carcérale générale et le public suit la question de plus près.
En décembre 1992 (Administration centrale, 1993), on comptait 3 700 délinquants sexuels sous responsabilité fédérale, soit plus de 17 % de la population carcérale totale. Ce chiffre représente une augmentation de 28 % sur une période de quatre ans. La demande en matière d'évaluation et de traitement est toujours supérieure aux ressources bien que celles-ci soient abondantes. On a également affecté des ressources à la recherche sur l'évaluation des délinquants sexuels, surtout dans le domaine de la prévision et de la gestion du risque.
Lignes directrices à l'intention des intervenants
L'évaluation des délinquants sexuels revêt une importance particulière par rapport à leur plan correctionnel ainsi qu'au traitement et à la gestion du risque dans la collectivité. Les intervenants doivent connaître les articles du Code criminel se rapportant aux délinquants sexuels. Le nouveau Code criminel comprend 64 infractions sexuelles (voir l'annexe A) allant des plus obscures (séduction de passagères à bord de navires) aux plus courantes (viol et agression sexuelle).
Malheureusement, la négociation de plaidoyer permet parfois de réduire une accusation d'agression sexuelle à une accusation d'introduction par effraction, d'entrée non autorisée ou de voies de fait causant des lésions corporelles. Dans le cas d'une condamnation pour meurtre, seule l'infraction la plus grave est mentionnée dans la condamnation même si une infraction sexuelle a été commise.
Il est donc primordial de connaître les détails d'une affaire avant de diriger un délinquant vers un programme en particulier.
Au moment d'évaluer un délinquant en vue de le diriger vers les ressources pertinentes, il convient de se poser les questions suivantes :
- Quels sont les besoins ou les problèmes actuels du délinquant?
- Quels programmes répondraient le mieux à ses besoins?
- Quand et où faudrait-il lui faire suivre le programme choisi?
- Comment estime-t-on la motivation du délinquant et sa capacité d'être traité?
- Quelles stratégies d'intervention pourraient compléter les services spécialisés (p. ex., programme de traitement de la toxicomanie, programme de développement des aptitudes cognitives) et quand faudrait-il y recourir?
Après la mise en œuvre d'une stratégie d'intervention pertinente, il convient de se poser les questions suivantes :
- Le risque a-t-il été réduit et dans quelle mesure l'a-t-il été?
- Quel est le niveau de risque que présente actuellement le délinquant?
- Peut-on réduire davantage ou mieux gérer le risque de récidive que présente le délinquant? Comment peut-on y arriver?
- Quel est le cycle criminel du délinquant?
- Quelles sont les situations à risque élevé pour le délinquant et comment peut-on y faire face?
- Quel est le plan de prévention de la récidive du délinquant?
- Comment ce plan peut-il être réalisé adéquatement?
- Quelles sont les meilleures méthodes à adopter pour assurer la surveillance de ce délinquant dans la collectivité?
- En cas de récidive, quelle est la meilleure méthode à adopter?
- Quels sont les signes avant-coureurs d'une récidive? Comment peut-on faire face à cette situation?
Aspects théoriques et pratiques
i) Évaluation phallométrique
L'évaluation des délinquants sexuels est un domaine relativement nouveau où se dessinent un certain nombre de tendances. Actuellement, plusieurs centres élaborent et perfectionnent des évaluations psychométriques et phallométriques, des examens de dossier, des entrevues normalisées et des évaluations comportementales (Barbaree et al., 1994; Knight, Prentky et Cerce, 1994). Il faut toutefois considérer ces méthodes comme des tendances nouvelles et non comme des règles définitives ou normatives.
La mesure de l'excitation sexuelle peut rendre plus précise l'évaluation des intérêts sexuels déviants. L'évaluation phallométrique a fait l'objet d'analyses minutieuses au cours des trente dernières années. La plupart du temps, l'évaluation de la tumescence pénienne déclenchée par divers stimulus se fait au moyen d'une jauge de contrainte au mercure, laquelle est placée à peu près au milieu du pénis. La circonférence du pénis augmente au fur et à mesure que l'excitation grandit, et les changements sont enregistrés de façon presque continue par ordinateur. L'emploi d'un dispositif volumétrique offre une mesure plus précise, qui est cependant plus difficile à obtenir.
L'évaluation doit avoir lieu dans un endroit calme où le délinquant et le technicien sont séparés l'un de l'autre. Le délinquant est partiellement déshabillé et une serviette est placée sur ses genoux. Il faut prévoir un équipement d'intercommunication pour faciliter les échanges entre le délinquant et le technicien. Il est bon de surveiller le délinquant au moyen d'une caméra en circuit fermé afin de réduire le risque de distorsion volontaire des résultats.
Avant l'évaluation, il faut familiariser le délinquant avec le matériel, le laboratoire et les techniques utilisées aux fins de l'évaluation phallométrique. Il sera ainsi moins nerveux et pourra donner un consentement éclairé. Le délinquant doit pouvoir mettre fin à l'évaluation s'il s'oppose à l'une ou l'autre de ses composantes.
ii) Évaluations des préférences d'âge et de sexe et de la violence sexuelle
Pour l'évaluation des préférences d'âge et de sexe, on montre au délinquant une variété de diapositives dont la moitié portent sur des sujets de sexe masculin et l'autre moitié, sur des sujets de sexe féminin. On peut diviser les sujets en quatre grandes catégories d'âge : prépubertaire, pubertaire, adulte et neutre (Malcolm, Andrews et Quinsey, 1993). Un certain nombre de règles régissent la mise en train de l'évaluation, la durée de projection des diapositives, la distribution aléatoire de ces dernières et le retour au niveau de base. Ces questions sont complexes et dépassent la portée du présent chapitre (Harris, Rice, Quinsey, Chaplin et Earls, 1992). Pour une plus grande fiabilité des résultats, il est bon d'évaluer les préférences d'âge et de sexe du délinquant deux fois, de préférence à au moins un jour d'intervalle.
La violence est souvent évaluée à l'aide de stimulus enregistrés sur bande sonore correspondant à des interactions sexuelles neutres, consensuelles et non consensuelles. Ces interactions peuvent mettre en cause des enfants ou des adultes des deux sexes. Les bandes sonores utilisées en Ontario ont été mises au point au Centre de santé mentale de Penetanguishene et ont été décrites en détail par Lalumière et Quinsey (1994). On estime que les stimulus les plus violents sont ceux qui permettent de distinguer le mieux les délinquants des sujets «normaux».
La cotation des résultats a pris diverses formes. La meilleure méthode consiste à convertir les scores bruts en scores Z, lesquels peuvent ensuite faire l'objet d'un traitement statistique. L'évaluation phallométrique présente une validité discriminante et prédictive. Elle permet de recueillir des renseignements valables qui peuvent s'ajouter aux données recueillies par le biais des entrevues, des examens de dossier et des études psychométriques. Elle fait également partie de la Statistical Prediction of Violent Recidivism by Sex Offenders (Harris, Rice et Quinsey, 1993; Quinsey, Rice, Harris et Lalumière [sous presse]), et elle peut donc améliorer la prévision du risque.
Malheureusement, les données recueillies grâce à l'évaluation phallométrique sont parfois difficiles à interpréter. Les délinquants cherchent souvent à fausser les résultats par des moyens évidents : en fermant les yeux, en soulevant la jauge pénienne avec un doigt ou un crayon, en se blessant intentionnellement (avec une punaise, p. ex.) pour diminuer leur réaction, en tentant d'imaginer d'autres stimulus ou en contractant (effet de « pompage ») les faisceaux pubo-coccygiens pour accentuer leur réaction. Pour diminuer ces distorsions, on peut observer le délinquant à l'aide d'un système de télévision en circuit fermé et analyser soigneusement les données recueillies. La distorsion volontaire des résultats demeure toutefois un problème, et les chercheurs se penchent actuellement sur la question.
Il arrive que des pédophiles réagissent « normalement » aux stimulus (soit davantage aux adultes qu'aux enfants) et que d'autres agresseurs sexuels qui s'en prennent aux adultes montrent une préférence pour les stimulus consensuels par rapport aux stimulus coercitifs, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a risque accru du moment qu'une préférence déviante est décelée, quelle que soit la valeur absolue de l'excitation.
Ainsi, un profil «normal» de réaction est considéré comme révélateur d'un risque faible, une absence de différenciation correspond à un risque modéré (communication personnelle de Barbaree, 1994) et une réaction déviante représente généralement un facteur de risque élevé. En résumé, l'évaluation de l'excitation sexuelle fournit des données supplémentaires qui influent tant sur l'évaluation du risque que sur les stratégies d'intervention.
iii) Typologie
La typologie constitue le second domaine d'intérêt pour l'évaluation des délinquants sexuels. On élabore actuellement des méthodes de classement des délinquants de plus en plus précises et on associe les catégories établies à divers niveaux de risque (Knight et al., 1994). L'examen du dossier du délinquant et des entrevues cliniques spécifiques peuvent s'avérer utiles pour déterminer le niveau de risque que présente le délinquant et pour choisir les stratégies d'intervention les mieux adaptées à ses besoins. Les antécédents du délinquant (problèmes de comportement durant l'enfance, p. ex.) sont des moyens passifs de prévision du risque, mais il existe d'autres facteurs plus dynamiques, comme la réaction phallométrique et les attitudes à l'égard du sexe et du crime, qui peuvent être sensibles aux techniques d'intervention.
Le classement des délinquants en sous-catégories est une tâche fastidieuse, mais déterminer les motivations du délinquant et son niveau de compétence permet de mieux cerner les agresseurs sexuels. Voici quelques sous-catégories possibles : colérique permanent, non sadique, sadique, opportuniste et vindicatif. On peut encore subdiviser chaque sous-catégorie selon le niveau de compétence du délinquant. Barbaree et al. (1994) n'ont repéré qu'un seul colérique permanent dans leur analyse, et ils ont donc mis cette sous-catégorie de côté.
Le groupe des pédophiles peut être subdivisé selon l'âge de la victime, la fréquence des agressions, le degré d'intimité des contacts et l'usage d'une arme. On exclut souvent les auteurs d'actes incestueux des études parce qu'ils ont énormément de similitudes avec la population non carcérale et qu'ils sont très peu susceptibles de récidiver (Khanna, Malcolm, Brown et Williams, 1989). Prentky (1994) considère en outre que le sexe de la victime ne constitue pas une composante importante de la variance lorsque la fréquence des infractions sexuelles et d'autres variables plus déterminantes (temps passé avec des enfants, vigueur de l'appétit sexuel, impulsivité, antécédents antisociaux, perversion sexuelle, toxicomanie et aptitude sociale) sont contrôlées.
v) Examen du dossier et entrevue structurée
A l'établissement Millhaven (Ontario), on a mis au point une batterie de tests psychométriques pour étudier cinq domaines, soit l'intelligence, les connaissances et les attitudes sexuelles, les antécédents sexuels, les échelles de risque ainsi que le biais de la désirabilité sociale (voir l'annexe B). On peut évaluer également l'hostilité en général, l'hostilité envers les femmes, l'empathie, certaines questions sexuelles (identité sexuelle, répression), l'affirmation de soi et l'anxiété sexuelle. Selon Walbek (1993),1'Inventaire sexuel multiphasique, conçu par Nichols et Molinder (1984, 1992), est utile à l'évaluation des changements qui surviennent pendant et après le traitement.
iv) Psychométrie
À l'établissement Millhaven (Ontario), on a mis au point une batterie de tests psychométriques pour étudier cinq domaines, soit l'intelligence, les connaissance et les attitudes sexuelles, les antécédents sexuels, les échelles de risque ainsi que le biais de la désirabilité sociale (voir l'annexe B). On peut évaluer également l'hospitalité en général, l'hostilité envers les femmes, l'empathie, certaines questions sexuelles (identité sexuelle, répression), l'affirmation de soi et l'anxiété sexuelle. Selon Walbek (1993), l'Inventaire sexuel multiphasique conçu par Nichols et Molinder (1984, 1992), est utile à l'évaluation des changements qui surviennent pendant et après le traitement.
v) Examen du dossier et entrevue structurée
Les évaluations du risque, dont celles qui ont été élaborées par Hare (1991) ainsi que par Harris, Rice et Quinsey (1993), reposent sur l'exactitude des données recueillies. Même si une faible proportion de délinquants sexuels est considérée comme étant à risque élevé d'après la PCLR (Barbaree et al., 1994), cette information, ajoutée aux données phallométriques et psychométriques, peut mener à l'attribution d'un niveau de risque. Il est également utile de recourir à d'autres outils de mesure du risque comme l'Inventaire du niveau de supervision (Andrews, 1983) et l'Échelle d'information statistique sur la récidive (Nuffield, 1989).
Au cours de l'entrevue structurée, il faut aborder notamment les antécédents familiaux, le développement en bas âge, les études, les relations avec les pairs, la première relation sexuelle, le profil de l'appétit sexuel (pensées, fantasmes), les antécédents criminels (délinquance juvénile et adulte), les antécédents professionnels, les unions de fait, les mariages et les autres engagements sexuels. L'étude minutieuse du comportement sexuel déviant et de ses signes avant-coureurs revêt une importance capitale. Il faut examiner le comportement du délinquant au cours de mises en liberté antérieures et, s'il y a lieu, les raisons de leur cessation. Il est aussi important de déterminer si le délinquant a des antécédents de toxicomanie et des activités de loisirs constructives. Enfin, la motivation du délinquant envers le traitement ainsi que son attitude à l'égard du crime et de la victime sont des facteurs prépondérants dans l'évaluation de la pertinence d'une intervention.
vi) Évaluation comportementale
Une évaluation de la sociabilité du délinquant enregistrée sur vidéocassette exige certes du temps, mais elle permet de recueillir d'autres données utiles au processus d'évaluation. Le délinquant peut, en effet, fausser volontairement les réponses aux tests psychométriques, mais il lui est beaucoup plus difficile de montrer qu'il possède une compétence complexe s'il ne possède pas les éléments comportementaux requis. Au Centre psychiatrique régional des Prairies et au Centre régional de traitement de l'Ontario, on a mis au point une méthode destinée à évaluer la capacité des délinquants à soutenir une conversation, à s'affirmer et à montrer de l'empathie.
Grosso modo, l'évaluation de l'aptitude à soutenir une conversation comporte un entretien de cinq minutes avec des interlocuteurs de sexe féminin et masculin. Ces entretiens sont notés par l'interlocuteur ou un évaluateur anonyme d'après deux paramètres : l'anxiété et la compétence.
L'évaluation de l'affirmation de soi se fait au moyen de vingt courts scénarios faisant appel à des interlocuteurs de sexe féminin et masculin à l'intérieur et à l'extérieur des murs. L'évaluation de l'empathie (Williams et Khanna, 1987, 1990) met en scène une interlocutrice aux prises avec un grave problème. Le délinquant doit cerner le problème et manifester à la fois de la compréhension et de la compassion pour l'interlocutrice. Cette mesure sert à distinguer les délinquants des non-délinquants et témoigne des changements résultant du traitement.
Une évaluation approfondie comportant un examen du dossier, des entrevues structurées ainsi qu'une évaluation psychométrique et phallométrique permet d'identifier les facteurs influant sur le risque d'une nouvelle agression sexuelle. On se fonde sur ces facteurs, dont certains sont passifs et d'autres dynamiques, pour décider s'il y a lieu d'offrir un traitement et pour déterminer l'intensité des programmes, leur durée et l'endroit où ils sont mis en œuvre.
vii) Stratégies de traitement et d'intervention
L'évaluation a permis de dégager plusieurs difficultés importantes que connaissent de nombreux délinquants sexuels. En voici une liste partielle :
- distorsions cognitives au sujet de l'infraction sexuelle;
- incapacité d'interrompre le cycle criminel ou absence de motivation à cet égard;
- déficits sur le plan des compétences sociales, y compris la maîtrise de la colère et l'empathie, qui nuisent à l'établissement de relations intimes;
- excitation sexuelle déviante;
- toxicomanie.
Comme ce chapitre vise essentiellement à étudier les divers aspects du processus d'évaluation, on ne donnera qu'un bref aperçu des méthodes d'intervention.
Au Canada, la plupart des programmes de traitement reposent sur un modèle cognitivo-comportemental (Administration centrale, 1993), lequel s'attache à modifier les émotions, les pensées et les comportements pouvant conduire à la perpétration d'une infraction. La thérapie de groupe est souvent citée comme étant la principale méthode de traitement, car elle permet de susciter, à un coût raisonnable, une confrontation des attitudes et des connaissances entre pairs. Mais on utilise également, dans la plupart des programmes, des rencontres individuelles pour traiter l'excitation sexuelle déviante, comprendre davantage le cycle criminel idiosyncrasique du délinquant, se pencher sur certaines inaptitudes sociales particulières et étudier en profondeur, avec le délinquant, sa propre victimisation et les séquelles qu'elle a laissées dans sa vie émotive et ses attitudes.
En général, la dénégation, la minimisation et la rationalisation sont ciblées au début de la thérapie. On peut procéder de diverses façons, mais le délinquant donne habituellement sa version des faits devant un groupe. On cherche ensuite à faire concorder cette version avec le rapport de police officiel et la déclaration de la victime sur les répercussions de l'infraction. Selon les programmes, on cherche à atteindre la concordance avec plus ou moins de vigueur, parfois par la thérapie individuelle.
Dans le cadre des programmes peu intenses offerts aux délinquants à faible risque et dont les besoins sont mineurs, on utilise un modèle de prévention de la récidive (Laws, 1989; Pithers, 1990) qui permet d'examiner le cycle criminel, les situations à risque élevé ainsi que les façons de s'en sortir ou de les éviter. On aborde également l'empathie envers la victime. Les programmes destinés aux délinquants qui présentent un faible risque sont souvent non dirigés et de courte durée (de 8 à 10 semaines).
Dans le cas des délinquants qui présentent un risque de récidive plus élevé et dont les besoins en matière de traitement sont plus importants, on intègre généralement aux programmes un module visant l'amélioration des compétences sociales, des attitudes à l'égard de la sexualité et des connaissances sur le plan sexuel et on aborde souvent la question de l'excitation sexuelle déviante. L'empathie envers la victime et la prévention de la récidive font également partie du traitement. On peut traiter, de façon individuelle, d'autres problèmes idiosyncrasiques tels que la maîtrise de l'anxiété et la victimisation. Ces programmes, dont la durée peut varier de cinq à huit mois, sont offerts dans des établissements à sécurité moyenne ou dans des centres résidentiels comme les centres psychiatriques ou les centres de traitement régionaux. Ils sont offerts au rythme d'environ 15 heures par semaine. À la fin des programmes, des séances portant sur la prévention de la récidive sont souvent offertes dans des établissements à sécurité minimale ou dans la collectivité. Cette approche diversifiée devrait répondre efficacement aux besoins de la plupart des délinquants sexuels.
Dans certaines circonstances, le délinquant sexuel est incapable de résister à ses pulsions sexuelles en dépit de sa motivation et de sa participation à des programmes de traitement complets. Pour atténuer les fantasmes sexuels et les comportements déviants, on a donc recours à la castration chimique obtenue par l'acétate de médroxyprogestérone (MPA) et l'acétate de cyprotérone (CPA) (Cooper, 1986) ou à des inhibiteurs du recaptage sérotoninergique tels que le Lupron (Federoff, 1994). Les traitements à base de MPA et de CPA sont encore souvent mal observés par les délinquants, tandis que le Lupron semble causer moins de problèmes (Federoff, 1994). Les opinions sur l'efficacité du traitement des délinquants sexuels sont très divergentes. Selon Quinsey, Harris, Rice et Lalumière (1993), il n'y a pas assez de preuves méthodologiques solides en faveur de l'efficacité du traitement. Marshall (1993) ainsi que Marshall et Pithers (1994) défendent cependant la thèse contraire avec la même énergie. Selon ces derniers, mises à part les questions méthodologiques, le traitement permet de réduire les coûts qui incombent à la société (victimisation, procès et incarcérations). Marques (1995) mène actuellement une étude à grande échelle sur ce sujet en Californie. À cause d'un certain nombre de facteurs fortuits comme l'insuffisance du financement, les délinquants ont été répartis de façon aléatoire entre le groupe traité et le groupe témoin. Des résultats préliminaires ont été présentés, mais ils sont difficiles à interpréter en raison du petit nombre de délinquants mis en liberté pendant une période adéquate. Il se dégage toutefois de cette étude que les volontaires non traités sont plus souvent réincarcérés et que le traitement semble donc avoir effectivement une certaine incidence.
Compétences professionnelles
L'évaluation et le traitement des délinquants sexuels exigent un éventail de compétences qui varient selon le rôle joué au cours de ce processus.
L'évaluation phallométrique doit être confiée à un technicien qui a reçu une formation dans un collège communautaire ou a fait un baccalauréat spécialisé et a déjà effectué de telles évaluations sous supervision. Les résultats de ces évaluations sont habituellement interprétés par un psychologue suffisamment expérimenté pour percevoir les modifications, souvent subtiles, des profils d'excitation sexuelle.
L'évaluation psychométrique et l'examen du dossier peuvent être effectués par des employés, sous la supervision d'un psychologue, mais l'interprétation des résultats relève d'un psychologue agréé ou supervisé par un psychologue agréé, conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Le Comité national sur la stratégie de traitement des délinquants sexuels (1995) a mis au point des normes nationales provisoires de prestation de services aux délinquants sexuels. Ces normes sont en cours de révision, mais elles doivent être adoptées en 1995.
Résumé
Le domaine des infractions sexuelles est complexe compte tenu de l'hétérogénéité des délinquants et des tendances nouvelles dont témoigne la documentation. L'évaluation est une première étape essentielle dans l'élaboration d'un plan d'intervention adéquat et l'évaluation des résultats du traitement. De plus, comme le risque que présente le délinquant pour la collectivité est d'une importance primordiale, son évaluation doit constituer l'un des principaux objectifs du processus. C'est en combinant les renseignements utiles fournis par les tests psychométriques, l'évaluation comportementale, l'entrevue, l'examen du dossier et l'évaluation phallométrique qu'on arrivera à tracer un portrait des plus fidèles des caractéristiques des délinquants.
L'efficacité des programmes de traitement est encore à l'étude, mais les programmes les plus prometteurs doivent avoir un contenu adapté aux besoins et aux risques. Les délinquants qui présentent un faible risque et ont des besoins mineurs doivent recevoir un court traitement de faible intensité. Par contre, les délinquants à risque élevé et qui ont de grands besoins doivent recevoir un traitement plus intensif, plus long et plus complet et faire l'objet d'une surveillance plus étroite dans la collectivité. Le maintien en incarcération jusqu'à la date d'expiration du mandat peut compromettre le suivi du délinquant et doit donc être évalué avec soin.
Bibliographie
Administration Centrale. Treatment Capacity for Sex Offenders, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 1993.
Andrews, D.A., Kiessling, O.J. & Kommos S. The Level of Supervision Inventory (LSI-6) Interview and Scoring Guide, Toronto (Ontario), Ministry of Correctional Services, 1983.
Barbaree, H.E., Seto, H.C., Serin, R.C., Amos, N.L. & Preston, D.L. «Comparison between sexual and nonsexual rapist subtypes», Criminal Justice and Behavior, Vol. 21, no 1, 1994, p. 95 à 114.
Comité ational sur la stratégie concernant les délinquants sexuels. (1995). Stratégie nationale concernant les délinquants sexuels, Ébauche.
Cooper, A.J. «Progestogen in the treatment of male sex offenders: A review», Revue canadienne de psychiatrie, Vol. 31, 1986, p.73 à79.
Federoff, J.P. Treatment of Sex Offenders with Serotenergic Medications, Clarke Conference on Assessment and Management of Risk in the Sex Offender, Toronto, 1994.
Hare, R. Manual for the Revised Psychopathy Checklist, Toronto, Multihealth Systems, 1991.
Harris, G.T., Rice, M.E. & Quinsey, V.L. «Violent recidivism of mentally disordered offenders: The development of a statistical prediction instrument», Criminal Justice and Behavior, Vol. 20, 1993, p.315 à335.
Harris, G.T., Rice, M.E., Quinsey, VIL., Chaplin, T.C. & Earls, C. «Maximizing the discriminant validity of phallometric assessment data», Psychological Assessment, Vol. 4, no 4, 1992, p. 502 à 511.
Khanna, A., Brown, P., Malcolm, P.B. & Williams, S.M. Outcome Data on Sex Offenders Assessed and Treated at the Regional Treatment Centre (Ontario), First Annual Research Conference, Ottawa, 1989.
Knight, R.A., Prentky, R.A. & Cerce, D.D. «The development, reliability and validity of an inventory for the multidimensional assessment of sex and aggression», Criminal Justice and Behavior, Vol. 21, no 1, 1994, p. 72 à 94.
Lalumière, M.L. & Quinsey, V.L. «The discriminability of rapists from non-sex offenders using phallometric measures: A metaanalysis », Criminal Justice and Behavior, Vol. 27, no 1, 1994, p. 150 à 175.
Laws, D.R. Relapse Prevention with Sex Offenders, New York, Guildford, 1989.
Malcolm, P.B., Andrews, D.A. & Quinsey, V.L. «Discriminant and predictive validity of phallometrically measured age and gender preference», Journal of Interpersonal Violence, Vol. 8, no 4, 1993, p. 486 à 501.
Marques, J. Does Treatment Work? Findings and Lessons from California's Outcome Study, Document présenté à Towards a National Strategy — A Conference on Intervention with Sex Offenders, Toronto, 1995.
Marshall, W.L. «The treatment of sex offenders: What does the outcome data tell us? A reply to Quinsey, Harris, Rice and Lalumière», Journal of Interpersonal Violence, Vol. 8, no 4, 1993, p. 524 à 530.
Marshall, W.L. & Pithers, W.D. «A reconsideration of treatment outcome with sex offenders», Criminal Justice and Behavior, Vol. 21, n°1, 1994, p. 10 à 27.
Nichols, H.R. & Molinder, I. Multiphasic Sex Inventory Manual, Tacoma, Washington, Nichols & Molinder, 1984.
Nuffield, J. «La formule de prévision statistique sur la récidive (PSR) : comment faut-il l'appliquer?», Forum - Recherche sur l'actualité correctionnelle, Vol. 1, n° 2, 1989, p. 23 à 27.
Pithers, W.D. «Relapse prevention with sexual aggressors. A method for maintaining therapeutic change and enhancing external supervision», dans W.L Marshall, D.R. Laws & H.E. Barbaree (Eds.), The Handbook of Sexual Assault, Theories and Treatment of the Offender, New York, Plenum, 1990, p. 343 à 361.
Prentky, R. A Taxonomy for Child Molesters and the Assessment of Risk, Clarke Conference on Assessment and Management of Risk in the Sex Offender, Toronto, 1994.
Quinsey, V.L., Harris, G.T., Rice, M.E. & Lalumière, M.L. «Assessing treatment efficacy in outcome studies of sex offenders», Journal of Interpersonal Violence, Vol. 8, n° 4, 1993, p. 512 à 523.
Quinsey, V.L., Rice, M.E., Harris, G.T. & M.L. Lalumière, «Predicting sex offences», dans J. Campbell (Eds.), Assessing Dangerousness, sous presse.
Walbeck, N.H., Haroldson, P. & Johnson, R. Multiphasic Sex Inventory Scores with Sexual Offenders against Children, Présenté à l'Association for Treatment of Sexual Abusers, Boston, 1993.
Williams, S.M. & Khanna, A. Empathy Training for Incarcerated Sex Offenders, Document présenté à l'Ontario Psychological Association, Toronto, 1987.
Williams, S.M. & Khanna, A. «Empathy training for sex offenders», Proceedings of the Third Symposium on Violence and Aggression. Publié par l'Université de la Saskatchewan et le Centre psychiatrique régional (Prairies), 1990.
Détails de la page
- Date de modification :