Décision no 143

Décision de la commissaire et motifs

Sommaire

1. Dans un procès-verbal émis le 24 juin 2021 (le procès-verbal) conformément à l’art. 22(2) de la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (Loi), le personnel de la Direction de la surveillance et de la mise en application de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (personnel de l'ACFC) allègue que la Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC ou Banque) a commis trois violations au Règlement sur le coût d'emprunt (banques) (Règlement).

2. Aux termes des art. 8, 9 et 10 du Règlement, une banque qui conclut une convention de crédit doit fournir à l’emprunteur une déclaration écrite qui, en plus de certains renseignements précis, comprend la nature et le montant des frais applicables non liés aux intérêts.

3. Dans le procès-verbal et comme décrit de façon plus détaillée dans le rapport de conformité émis le 11 juin 2021 et joint au procès-verbal (rapport de conformité), le personnel de l’ACFC allègue que, de 2001 à 2020, la Banque a omis de communiquer avec exactitude les frais d’enregistrement, de recherche et de renouvellement pour les prêts à taux d’intérêt fixe garantis par une sûreté sur des biens meubles ou des placements (violation no1), les prêts à taux variable garantis par une sûreté sur des biens meubles ou des placements (violation no2), et sur les marges de crédit garanties par des placements (violation no3), (collectivement appelés violations).

4. Le montant de la pénalité proposée est de 3,2 millions de dollars pour les violations no 1 et no3, et de 3,7 millions de dollars pour la violation no 2, pour un total de 10,1 millions de dollars.

5. Le 15 février 2022, en réponse à ma demande, le personnel de l'ACFC a soumis des renseignements supplémentaires concernant évaluation des critères pertinents à l’affaire et l'application du Cadre des sanctions administratives pécuniaires de l'ACFC (Cadre des SAP)Note de bas de page 1.  Ces renseignements ont été reçus et fournis à la Banque le 15 février 2022.

6. Dans ses observations écrites reçues le 26 juillet 2021 et le 16 mars 2022 (observations), la Banque admet que des manquements au Règlement ont eu lieu. Cependant, elle remet en question les conclusions du personnel de l'ACFC concernant la durée des manquements, et leur évaluation concernant la gravité du tort et de la négligence. La Banque soutient que les montants des pénalités proposées devraient être réduits. 

7. Les questions à trancher dans cette affaire sont de déterminer : i) si les violations alléguées dans le procès-verbal ont été commises ; et ii) s’il faut imposer les pénalités proposées, des pénalités moindres, ou aucune pénalité.

8. J'ai examiné le dossier qui m’a été soumis, soit le rapport de conformité, le procès-verbal, ainsi que les renseignements supplémentaires relatifs au Cadre des SAP et les observations. Je conclus que la Banque a commis les violations telles qu’alléguées. Je conclus également qu’il serait approprié d’imposer des pénalités de 1,7 million de dollars pour les violations no1 et no3, et une pénalité de 2,2 millions de dollars pour la violation no2, pour un montant total de 5,6 millions de dollars. Les motifs de ma décision sont exposés ci-après.

Contexte

9. En avril 2019, dans le cadre d'un examen interne, CIBC a identifié des problèmes de conformité avec ses documents d'information initiale relativement à certains des frais, facturés par des tiers, pour plusieurs produits de prêts garantis.

10. L'examen et l'analyse subséquente ont révélé que les documents d’information initiale de ces produits de prêts ne communiquaient pas l’existence de frais de recherche relatifs aux sûretés mobilières et indiquaient par erreur un montant de 0 $ pour les frais d'enregistrement des sûretés mobilières ainsi que pour les frais de renouvellement des sûretés mobilières, le cas échéant (frais d'administration relatifs aux sûretés).

11. En réalité, ces frais d'administration relatifs aux sûretés variaient entre 6 $ et 67 $ pour chaque cas. Ceux-ci étaient débités des comptes clients et versés directement à des tiers, y compris les gouvernements provinciaux, Teranet et Le Registre des droits personnels et réels mobiliers.

12. Ces constatations ont amené la Banque à soumettre un Rapport sur les cas de conformité à signaler (CCS) à l'ACFC le 28 juin 2019. Les banques doivent signaler à l’ACFC les cas de non-conformité qui satisfont aux critères définis. Dans le CCS, CIBC a indiqué l’année 2001 comme étant la date de début pour le manquement, sous réserve de confirmation. CIBC n'a pas été en mesure de vérifier la conformité avant 2012, car celle-ci n'a pas conservé les dossiers de ses clients antérieurs conformément à sa politique et procédures en matière de conservation des dossiers.

13. Dans son analyse, CIBC a attribué sa non-conformité principalement à des problèmes de systèmes et processus. En effet, le document d’information initiale pour tous les produits en question était généré par le même système et incluait des frais au montant de 0 $ et/ou des frais manquants, sauf si ceux-ci étaient saisis manuellement ou corrigés par le personnel de première ligne.

14. Le 17 août 2020, CIBC a mis en œuvre une mesure provisoire qui a permis de cesser de facturer à ses clients des frais d'administration relatifs aux sûretés pour ces produits, mettant ainsi fin au manquement. CIBC prévoyait de plus procéder à une mise à niveau de ses systèmes afin d’assurer la conformité de ses documents d’information initiale et recommencer à facturer à ses clients les frais d'administration relatifs aux sûretés avant la fin de l’année 2021. Durant cette période intérimaire, CIBC a absorbé les coûts facturés par des tiers.

15. Aux fins des mesures correctives et des exigences de déclaration à l'ACFC, CIBC a présumé que sa non-conformité avait affecté tous ses clients pour ces produits de prêt, pour la période entre le 1er septembre 2001 et le 16 août 2020. La date d’entrée en vigueur du Règlement est le 1er septembre 2001.

16. CIBC a embauché un consultant externe et a obtenu des renseignements de tiers pour l’assister dans son analyse et pour identifier tous les clients potentiellement touchés. Lorsque les dossiers des clients n’étaient pas disponibles, CIBC a procédé à une extrapolation à partir de ses données existantes et a eu recours à des hypothèses prudentes concernant l'impact potentiel sur les clients.

17. L'analyse de la Banque a permis d’estimer à environ 200 000 le nombre de clients touchés et à environ 11 millions de dollars le total des frais et intérêts à être remboursés. Lorsque la Banque n’était pas en mesure d’identifier les clients, celle-ci a versé la somme due à un organisme de bienfaisance. L’estimation du remboursement moyen par client était de 53 $ pour la violation no1, 51 $ pour la violation no2 et de 101 $ pour la violation no3.

Analyse et conclusions

Violations

18. En vertu du Règlement, lorsqu’une banque conclut une convention de crédit pour un prêt à taux d’intérêt fixe d’un montant fixe (art. 8(1)(q)), pour un prêt à taux variable d’un montant fixe (art. 9(1)), ou pour une marge de crédit (art. 10(1)(c)), celle-ci est tenue de fournir à l'emprunteur une déclaration écrite indiquant la nature et le montant de tous les frais applicables non liés aux intérêts. Les frais d'administration relatifs aux sûretés font partis de cette catégorie de frais et doivent être communiqués à l'emprunteur.

19. Dans ses observations, CIBC reconnaît qu’il y a eu manquement aux art. 8(1)(q), 9(1) et 10(1)(c) du Règlement. La Banque remet toutefois en question la preuve à l’appui de l’’allégation du personnel de l'ACFC selon laquelle les violations ont commencé le 1er septembre 2001.

20. Selon CIBC, sa décision d'utiliser le 1er septembre 2001 comme date de début, pour les fins des mesures correctives, avait été prise par précaution afin de s’assurer que tous les clients potentiellement touchés soient identifiés. La Banque soutient qu'il serait injuste de s'appuyer sur cette décision pour déterminer la date de début des violations puisque le seul élément de preuve direct confirmant que le manquement date de 2012.

21. Je conclus qu’il existe suffisamment d’éléments de preuve au dossier qui appuient l'allégation du personnel de l'ACFC selon laquelle la date du 1er septembre 2001 est une date de début probable pour les violations.

22.À mon avis, l'explication donnée par de la Banque, quant à sa non-conformité en matière de divulgation, fournit des éléments de preuve appuyant la probabilité que la divulgation était non conforme à partir du moment où le Règlement est entré en vigueur (1er septembre 2001).

23. CIBC affirme que, parce que son cadre de contrôle en matière de conformité s'appuyait sur des tests effectués sur le système lorsqu'une nouvelle exigence réglementaire entrait en vigueur ou était mise à jour, le personnel de première ligne s'attendait à ce que le système soit précis pour ces produits peu familiers (0,1 % du portefeuille de prêts en cause). Par conséquent, le personnel n'a peut-être pas reconnu les erreurs à signaler et corriger. CIBC s'appuie également sur ces circonstances particulières pour expliquer la raison pour laquelle sa non-conformité en matière de divulgation a persisté sans être détectée pendant de nombreuses années. 

24. Il n’y a aucune preuve d’une raison évidente pour laquelle divulgation non conforme aurait pu être introduite après 2001. Aucune modification importante n’a été apportée au Règlement depuis sa date d’entrée en vigueur, le 1er septembre 2001. Par conséquent, la divulgation non conforme n’a pas pu être ajoutée par inadvertance lors d’une modification au système pour satisfaire à une exigence réglementaire. D’ailleurs, la Banque n’a fourni aucune autre explication quant à la façon et au moment où la divulgation non conforme a été créée.

25. De plus, dans le CCS du 28 juin 2019, CIBC indiquait la date du 1er septembre 2001 comme date de début, sous réserve de confirmation. Ce rapport est antérieur aux mesures correctives de CIBC et n'est pas lié à celles-ci. 

26. Ainsi, depuis le 1er septembre 2001, tous les clients de ces produits de prêt auraient reçu une divulgation non conforme générée par le système de la Banque. Bien que j'accepte la possibilité que le personnel de première ligne de la CIBC ait pu corriger la non-conformité de sa divulgation avant 2012, lorsque les dossiers ne sont pas disponibles, je trouve cette hypothèse très improbable compte tenu de l'absence de preuve de cette mesure corrective dans les dossiers des clients après 2012.

27. Par conséquent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que CIBC a commis les violations alléguées dans le procès-verbal.

Montant des pénalités

28. En ce qui concerne les montants des pénalités proposées dans le procès-verbal, la question à trancher est de savoir s’il faut imposer le montant de la pénalité proposée, une pénalité moindre, ou ne pas imposer de pénalité.

29. Les critères pertinents à prendre en considération sont énoncés à l'art. 20 de la Loi, y compris la nature de l’intention ou de négligence, la gravité du tort causé, la durée de la violation ainsi que les antécédents de violation de la Banque au cours des cinq années précédant la date à laquelle la violation a eu lieuNote de bas de page 2 .

30. Il n'y a aucune allégation ou preuve qui indique que le manquement au Règlement de la part de CIBC était intentionnel. CIBC n'a pas tiré de profit de du manquement puisque tous les frais exigibles étaient versés directement des comptes clients à des tiers.

31. L'analyse du personnel de l'ACFC quant au degré de négligence et à la durée de la non-conformité était la même pour toutes les violations. Cette analyse distinguait les différents degrés du tort causé entre les violations selon le nombre de clients touchés et la valeur totale en dollars de l'impact. Ces distinctions quant à la gravité du tort causé sont à l'origine des différents montants des pénalités proposées pour les violations.

32. CIBC conteste cependant l’analyse du personnel de l’ACFC relativement au degré de la négligence et à la gravité du tort causé pour toutes les violations, et demande une réduction proportionnelle des montants des pénalités proposées. De plus, CIBC s’oppose au choix du personnel de l’ACFC de tenir compte de la durée de la non-conformité dans le cadre de son analyse de la négligence et du tort causé.

33. CIBC soutient que chaque critère doit être considéré séparément et non comme un élément principal ou un élément contributeur aux autres critères. À son avis, l'approche du personnel de l'ACFC crée un effet cumulatif qui est contraire à la Loi et injuste pour CIBC puisque les pénalités qui en résulteraient seraient basées sur le même critère appliqué à plusieurs reprises.

34. Je ne suis pas d’accord avec l'argument de CIBC selon lequel l'exigence de tenir compte de chacun des critères pertinents m'empêche de tenir compte de l'interaction véritable qui existe entre chaque critère.

35. À mon avis, il est tout à fait approprié de reconnaître, comme l’a fait le personnel de l'ACFC, que la preuve liée au critère de la durée de la non-conformité fait souvent partie intégrante de la preuve liée aux critères de la négligence et du tort causé. Par exemple, pour évaluer le degré de négligence, celui-ci peut être démontré par la durée pendant laquelle une pratique non conforme se poursuit sans être détectée et sans mesure corrective. De même, les résultats approximatifs acceptables qui sont utilisés pour estimer la gravité du tort causé (par exemple, le nombre de clients et les montants en dollars) peuvent naturellement augmenter si le manquement se poursuit pendant une période plus longue.

36. Quant à la position de CIBC selon laquelle la seule option valide est de procéder à une analyse indépendante des données probantes relatives à la durée, celle-ci semble créer une séparation artificielle qui ne tient pas compte de la réalité pratique de l’interdépendance de ces critères. Or, cette solution pourrait créer le risque que CIBC cherche à éviter, c’est-à-dire gonfler indûment l’incidence de la durée en exigeant que celle-ci soit comptabilisée séparément, alors que le facteur temps est déjà inévitablement inclus dans l’analyse de la négligence et du tort causé.

Négligence

37. En ce qui concerne les détails précis de cette affaire, le personnel de l'ACFC allègue que CIBC a fait preuve de négligence à l’égard de ses obligations réglementaires et n'a pas pris les mesures nécessaires pour s'assurer que la divulgation en question reflétait les frais réels qui étaient facturés, comme l'exige le Règlement.

38. Le personnel de l'ACFC a tenu compte de la durée des manquements dans son analyse de la négligence, et a conclu qu’il s’agissait d’un facteur aggravant du niveau de négligence. Malgré l’existence d’un cadre de contrôle qui comprenait des tests de systèmes, la formation du personnel de première ligne et des systèmes de surveillance de la conformité, CIBC n'a pas identifié ce problème pendant plus de 17 ans.

39. Cette défaillance apparente du cadre de contrôle de CIBC fournit les preuves nécessaires pour appuyer l’évaluation par le personnel de l'ACFC du degré de négligence au niveau 2 ou "négligence importante", et ce pour chaque violation.

40. CIBC conteste l'analyse du personnel de l'ACFC et soutient qu'une évaluation plus précise de ses manquements en matière de divulgation seraient de niveau 1 ou ‘’certaine négligence’’. La Banque attribue le délai d’identification de la non-conformité à l’incidence relativement faible de ces prêts plutôt qu’à des lacunes importantes dans ses systèmes de contrôle et de surveillance de la conformité.

41. CIBC souligne le fait qu’elle a elle-même identifié le problème, la correction subséquente de celui-ci, ainsi que l'élaboration d'une entente de conformité avec le personnel de l'ACFC, comme étant des éléments qui démontrent son engagement envers la conformité.

42. CIBC soutient également que l’approche du personnel de l’ACFC permettant de traiter chaque manquement comme un incident isolé avec des montants de pénalité distincts est injuste, car les violations ont été causées par les mêmes défaillances du système. De l’avis de la Banque, cette approche surestime significativement et injustement le niveau réel de négligence et par conséquent le montant total cumulatif de la pénalité.

43. Je conclus que la prise en compte de la durée de la non-conformité dans l’analyse de la négligence faite par personnel de l'ACFC est appropriée dans cette affaire. De plus, je conclus que cette analyse est soutenue par la preuve au dossier, et je suis d'accord avec la conclusion selon laquelle l’apparent défaut initial d’assurer la conformité en matière de divulgation, ainsi que le défaut subséquent d’identifier cette non-conformité pendant de nombreuses années, démontrent une négligence importante.

44. C’est le fait que les manquements se sont poursuivies pendant de nombreuses années sans identification qui remet en question le cadre de contrôle de CIBC, nonobstant son auto-identification éventuelle. Je note que cette conclusion serait valide, peu importe que la durée des violations soit de 8 ans comme l’admet CIBC ou soit de près de 20 ans, tel que conclu ici.

Tort causé

45. En ce qui concerne les violations no1 et no3, l’analyse du personnel de l’ACFC a conclu que les montants totaux en dollars, ainsi que le nombre de clients touchés, étaient relativement bas (violation no1 – 21 956 clients pour un montant de 1,2 million de dollars; violation no3 – 19 327 clients pour un montant de 1,9 million de dollars). Cependant, lorsque le personnel de l’ACFC a ajouté sa conclusion en ce qui a trait à la longue durée de la non-conformité, il a évalué globalement que la gravité du tort causé était de niveau 2, ce qui correspond à un tort grave.

46. Pour la violation no2, l’analyse du personnel de l’ACFC a donné lieu à une évaluation plus élevée de la gravité du tort causé que celle des violations no1 et no3, ce qui est lié au fait que les montants totaux en dollars et le nombre de clients touchés sont plus élevés (violation no2 – 161 960 clients pour un montant de 8,3 millions de dollars) ainsi qu’à la longue durée de la non-conformité. Le personnel de l’ACFC a proposé de tenir compte de cet écart dans la détermination du montant de la pénalité proposée le plus élevé pour la violation no2, bien que celui-ci se retrouve dans la même fourchette que le niveau 2, ce qui correspond à un tort grave.

47. CIBC conteste l'analyse du personnel de l'ACFC quant à la gravité du tort et soutient que celle-ci est exagérée. En effet, l’analyse de CIBC, menée par un consultant externe, n'a pu confirmer que la moitié du nombre de clients et des montants en dollars qui sous-tendent l'analyse du personnel de l'ACFC. CIBC maintient qu'une évaluation plus précise de la gravité du tort pour toutes les violations entraînerait une conclusion que celle-ci était de niveau 1 ou certain tort.

48. CIBC prétend que le personnel de l'ACFC a fait erreur en considérant l'absence de dossiers des clients avant 2012 comme étant un facteur aggravant, et ce, même si la Banque n'était pas tenue de conserver ces documents et aurait pu contrevenir à certaines obligations légales si elle l'avait fait.

49. En outre, CIBC allègue que l'analyse du personnel de l'ACFC n'a pas tenu compte de manière appropriée de plusieurs des facteurs atténuants. CIBC souligne le fait qu’une seule plainte a été déposée contre elle, que les frais étaient payables à des tiers et, qu’à son avis, les clients auraient probablement reçu une déclaration verbale des frais au cours du processus de vente, réduisant ainsi la portée du tort causé par la divulgation non conforme.

50. La Banque souligne également les coûts importants qu’elle a déjà encourus pour indemniser ses clients et les mesures qu’elle a prises pour prévenir d’autres cas de non-conformité, y compris en absorbant les coûts qui auraient autrement été légitimement payés par les clients. À son avis, ces mesures ont servi à réduire le degré du tort causé par les violations et cela devrait se refléter dans l’imposition d’un montant de pénalités moindre.

51. Bien qu'il soit impossible de connaître le tort réel causé aux clients en raison de la divulgation non conforme, il est entendu qu'il inclut à la fois un préjudice financier et un préjudice non financier. Les clients ont droit de recevoir des renseignements exacts. La confiance envers le système financier et envers la réputation de la Banque serait minée si des manquements aux dispositions relatives à la protection des consommateurs pouvaient persister sans être détectées et sans mesure corrective pendant des périodes prolongées.

52. Je suis d'accord que, dans cette affaire, l'évaluation par le personnel de l'ACFC du nombre total de clients potentiellement touchés et des montants en dollars est une approche raisonnable pour estimer le degré du tort causé. Cependant, je ne suis pas persuadée par les conclusions du personnel de l'ACFC en ce qui concerne l’évaluation du niveau de tort causé.

53. Tel que mentionné aux paragraphes 45 et 46, c’est la longue durée de la non-conformité, qui a amené le personnel de l’ACFC à faire passer son évaluation de la gravité du tort du niveau 1 ou certain tort au niveau 2 ou tort grave. Toutefois, je note que le nombre total de clients touchés et le montant total de l'impact ont été directement attribuables à la longue durée de la non-conformité en l’espèce, car le remboursement par client était relativement bas. Par conséquent, à mon avis, l'impact de la longue durée des violations sur le critère de la gravité du tort est suffisamment pris en compte dans les estimations du nombre total de clients et des montants totaux en dollars.

54. En ce qui a trait à ma conclusion sur le niveau inférieur du tort causé, celle-ci est également soutenue par les facteurs atténuants des hypothèses prudentes et exhaustives utilisées pour générer ces estimations et les mesures correctives complètes prises par CIBC, telles qu'acceptées par le personnel de l'ACFC. Dans la mesure du possible, tous les clients se sont vu rembourser les frais (avec intérêts) qu'ils auraient été tenus de payer en l'absence de la divulgation non conforme.

55. Par conséquent, je conclus que le niveau du tort causé devrait être évalué de manière plus appropriée, soit au niveau 1 ou certain tort, et ce pour toutes les violations.

Durée de la non-conformité

56. La longue durée des manquements aggrave l'impact de celles-ci et remet en question la compréhension de la Banque de l’importance des exigences de divulgation et les attentes d'une norme de diligence appropriée quant à leur respect. Le Règlement reflète le rôle fondamental de la divulgation dans les dispositions de protection du consommateur de la Loi sur les banques. Afin que les consommateurs puissent prendre des décisions financières éclairées, ils doivent recevoir des renseignements exacts et, au minimum, conformes aux exigences règlementaires.

57. Je considère que le critère de la durée de la non-conformité a été correctement considéré dans l’analyse de la négligence et de la gravité du tort causé ci-dessus. Cela apparaît dans l’évaluation du niveau du tort ainsi que du niveau élevé de négligence, et a contribué à mes conclusions concernant les montants de pénalité proposées.

Les antécédents en matière de violations

58. Au cours des 5 dernières années, CIBC a fait l'objet d'une décision du commissaire concernant cinq violations aux exigences en matière de divulgation pour les cartes de crédit. Les antécédents de violations de CIBC ont été évalués par le personnel de l’ACFC au niveau 1 ou quelques antécédents et ceux-ci n'ont pas été contestés par la Banque.

59. J'estime que ces antécédents en matière de violations sont un facteur aggravant, tout comme l’estime le personnel de l'ACFC pour déterminer les montants de pénalité proposées.

Conclusion

60. L'imposition de pénalités dans cette affaire est appropriée, à la fois pour favoriser un régime de conformité de la part de CIBC ainsi qu’à des fins de dissuasion spécifique et générale. La longue durée des violations met en évidence le fait qu‘il est d’une importance cruciale que les banques investissent dans des cadres de contrôle en matière de conformité qui sont solides et efficaces.

61. Compte tenu de mon analyse des critères pertinents, et en particulier de mes conclusions liées à la gravité du tort causé, j'estime qu'il serait approprié dans les circonstances d’imposer une pénalité au montant de 1,7 million de dollars pour chacune des violations no1 et no3 et une pénalité au montant de 2,2 millions de dollars pour la violation no2, pour un total de 5,6 millions de dollars.

Judith N. Robertson
Commissaire
Agence de la consommation en matière financière du Canada

Le 27 septembre 2022 à Ottawa

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