Discours dans le cadre de la Vancouver Competition Policy Roundtable 2021

Discours

Allocution de Matthew Boswell, commissaire de la concurrence
Vancouver Competition Policy Roundtable
Le 26 janvier 2021

(La version prononcée fait foi)

 

Bonjour à tous, je suis heureux d’avoir été invité à vous parler aujourd’hui. Cette table ronde réunit les membres de la communauté de la concurrence du Canada pour discuter de sujets qui, je crois, auront un effet marqué et durable sur l’avenir de notre pays, et je suis honoré d’y participer.

Cet hiver continue d’être difficile pour les Canadiens, et même si d’autres défis restent à venir, nous avons de bonnes raisons d’espérer que des jours meilleurs nous attendent.

Sur cette note prometteuse, je veux parler aujourd’hui du rôle complémentaire que la concurrence et la relance peuvent jouer dans la reprise du Canada après la crise économique internationale actuelle.

Concurrence et reprise

Le Canada, tout comme nombre de ses pays pairs, est sur le point de lancer une autre série importante de mesures de relance pour aider à atténuer les conséquences économiques de la COVID-19. Dans ce contexte, je pense qu’il est opportun d’explorer le lien important entre la relance économique et la concurrence. La relance économique aidera à maintenir le niveau de concurrence au Canada pendant la crise, et la concurrence a le potentiel d’améliorer l’efficacité de ce soutien.

Relance -> Concurrence

L’un des principaux objectifs de la récente relance économique du Canada a été de permettre aux entreprises mises à l’écart par la pandémie de faire face à ses conséquences économiques. Sans elle, nous nous attendrions à une forte augmentation du nombre d’entreprises devant quitter le marché, en particulier dans les secteurs particulièrement touchés par la pandémie. Grâce à ce soutien économique temporaire, des entreprises qui auraient autrement quitté le marché peuvent y rester, ce qui contribue à prévenir la concentration dans les industries et à préserver l’intensité de la concurrence au-delà de cette crise.

Ce soutien est particulièrement important pour les petites et moyennes entreprises qui, nous le savons maintenant, ont été les plus durement touchées par la pandémie et qui ont tendance à avoir un accès limité aux aides financières qui sont disponibles pour les grandes entreprises. Les petites et moyennes entreprises, qui représentent une part importante de l’emploi dans le secteur privé canadien, sont souvent les moteurs de la concurrence sur les marchés canadiens, défiant les entreprises en place et parfois même perturbant des industries entières. Si les petites et moyennes entreprises du Canada échouent, nous perdons une activité économique vitale aujourd’hui et des marchés plus dynamiques demain.

Bien que les préoccupations concernant le ciblage approprié et les effets négatifs potentiels du soutien aux « entreprises agonisantes » méritent d’être analysées, en particulier dans les secteurs qui connaîtront des changements durables de la demande, les gouvernements devraient être prêts à utiliser les outils économiques à leur disposition. Comme l’économiste en chef de l’OCDE l’a fait remarquer il y a quelques semaines (en anglais seulement), ce n’est pas le moment pour les pays de répéter les erreurs du passé, qui consistaient à faire face aux crises avec des mesures d’austérité.

Je tiens à souligner que, à mesure que les gouvernements de tout le Canada mettent en œuvre ces mesures de relance, les politiques en matière de marchés publics prennent de plus en plus d’importance. Dans la mesure du possible, tous les ordres de gouvernements devraient s’appuyer sur des processus d’appels d’offres concurrentiels pour protéger la valeur publique. Les appels d’offres concurrentiels entre entreprises entraînent une baisse des prix, une amélioration de la qualité et un accroissement de l’innovation, ce qui fait en sorte que les Canadiens peuvent obtenir la meilleure valeur possible pour l’argent de leurs impôts.

Il est essentiel d’agir de manière décisive pour aider à préserver le niveau de concurrence sur les marchés touchés, compte tenu de ce que nous avons appris des crises économiques précédentes. Les crises peuvent être des occasions privilégiées pour les entreprises dominantes de consolider leur pouvoir de marché et de nuire à la concurrence, que ce soit en rachetant des concurrents affaiblis, en fixant les prix ou en réduisant la production.

Ce genre de comportement peut aggraver une crise économique existante et même retarder la reprise. Associée à des mesures de relance économique visant à protéger les entreprises vulnérables pendant la crise, une application rigoureuse des lois relatives à la concurrence veille à ce que les entreprises ne puissent pas s’isoler des forces de la concurrence pendant une crise.

Concurrence -> relance

Si les mesures de relance peuvent contribuer à maintenir le niveau de concurrence sur les marchés canadiens, un faible degré d’intensité de la concurrence peut réduire l’efficacité de ces mesures. Un document (en anglais seulement) publié l’année dernière par l’économiste espagnol Jorge Padilla illustre la logique de ce concept. L’effet positif des dépenses de relance, le multiplicateur économique, est réduit lorsque les entreprises sont libres d’établir des marges élevées pour leurs produits. Mais, lorsque la concurrence loyale fait baisser ces marges, le rendement de chaque dollar investi dans la relance augmente. Les marchés concurrentiels nous donnent plus de poids pour chaque dollar investi dans la relance économique. Malheureusement, des études récentes suggèrent que les économies occidentales ont connu de fortes augmentations des marges bénéficiaires, potentiellement sous l’effet d’un pouvoir de marché croissant[1]. En effet, l’absence de concurrence peut réduire la capacité des gouvernements à répondre aux crises économiques.

Ceci souligne donc l’importance de prévenir et de traiter un comportement anticoncurrentiel en temps de crise. Le coût pour les Canadiens est double. Les entreprises qui ne respectent pas la Loi sur la concurrence enlèvent de l’argent des poches des Canadiens vulnérables et nuisent à notre capacité de redressement économique. Laisser l’intensité de la concurrence diminuer et le pouvoir de marché s’accroître sans contrôle ne nous permet pas de répondre aux crises économiques actuelles et futures. En d’autres termes, les marchés concurrentiels sont essentiels à notre reprise économique.

Dans une perspective à plus long terme, la relance peut être considérée comme un investissement dans l’avenir concurrentiel du Canada. Les télécommunications et les soins de santé sont deux secteurs qui soutiennent cet avenir.

Je suis heureux de voir notre gouvernement investir dans l’infrastructure des télécommunications du Canada. En raison de la pandémie, les conséquences du « fossé numérique » n’ont jamais été aussi claires. En réponse aux mesures vitales en matière de santé publique, de nombreuses entreprises ont dû modifier rapidement leurs modèles d’entreprise pour se tourner vers le numérique. Pour réussir ce changement, ces entreprises ont besoin d’un accès fiable et abordable aux réseaux canadiens. C’est pourquoi le Bureau continuera de faire preuve de vigilance et de plaider en faveur d’une concurrence accrue sur les marchés des télécommunications au Canada.

En ce qui concerne les soins de santé, le Bureau a lancé récemment une étude de marché pour examiner la façon de soutenir les soins de santé numériques au Canada au moyen de politiques proconcurrentielles. Je suis d’avis que des politiques proconcurrentielles peuvent favoriser l’innovation, le choix et l’accès aux soins de santé numériques dans tout le pays, et ce travail constituera une étape importante dans ce processus. Nous avons récemment terminé la phase de consultation publique de cette étude afin de mieux comprendre les obstacles à l’innovation et au choix dans le secteur canadien des soins de santé, et nous publierons un rapport dans les prochaines semaines.

Implications

Il existe des mesures que le Canada peut prendre aujourd’hui pour obtenir les avantages complémentaires de la relance économique et des marchés concurrentiels tout au long de cette crise économique. Premièrement, le Canada doit maintenir le cap sur son engagement en faveur des principes de la concurrence. En période de crise, il est tentant de croire que l’assouplissement des principes de la concurrence atténuera les facteurs de stress économique et soutiendra la reprise, mais l’expérience montre que c’est le contraire qui se produit. Plus que jamais, les Canadiens ont besoin de la protection et des avantages qu’offre la concurrence. Cela est particulièrement vrai dans des secteurs comme les télécommunications et les marchés numériques, qui sont essentiels à la réussite des entreprises, des travailleurs et des étudiants canadiens.

En plus de maintenir le cap, le Canada doit également s’assurer que ses lois sur la concurrence sont adaptées à l’ère numérique. Nombre de nos homologues étrangers ont déjà entamé des mises à jour leurs propres lois sur la concurrence, et je me réjouis de poursuivre ce travail avec les décideurs politiques responsables de la Loi sur la concurrence.

Toutefois, la portée de la concurrence au Canada s’étend bien au-delà des pages de la Loi sur la concurrence. Les décideurs politiques de tous les ordres de gouvernement ont un rôle à jouer afin de protéger et d’encourager la concurrence dans le cours de leurs nombreuses priorités concurrentes en matière de politiques. Alors que nous travaillons à la reprise, nous avons l’occasion de créer un environnement qui élimine les obstacles et qui permet aux Canadiens de réintégrer le processus concurrentiel, de sorte de mettre au défi les entreprises en place.

Les études menées par l’OCDE (en anglais seulement) placent le Canada au bas de l’échelle parmi son groupe de pairs mondiaux en matière de réglementation proconcurrentielle, ce qui, à mon avis, montre bien l’ampleur des possibilités qui s’offrent au Canada. Selon une étude datant de 2018 (en anglais seulement), le Canada pourrait accroître sa productivité de 5 % s’il entamait une réforme réglementaire mettant davantage l’accent sur la concurrence. L’année dernière, le Bureau a élaboré un guide pour aider les organismes de réglementation dans cette tâche, mais ce n’est qu’une première étape dans un processus qui pourrait avoir des implications positives pour tous les secteurs de notre économie.

Conclusion

Je tiens à vous remercier encore une fois pour votre temps cet après-midi. Les membres de cet auditoire sont responsables de l’orientation future de l’approche du Canada en matière de concurrence, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la salle d’audience. Chacun d’entre vous a un rôle à jouer pour soutenir un Canada plus compétitif, capable de prospérer, quels que soient les défis auxquels il est confronté.

Plutôt que de renoncer à leur engagement en faveur de la concurrence face à la crise, les pays du monde entier s’efforcent de la placer au cœur de leurs affaires économiques. Lorsque je me suis adressé à vous ici l’année dernière, j’ai expliqué que nous devions tous travailler ensemble pour créer une culture de la concurrence au Canada. Je crois qu’aujourd’hui, ce projet est plus urgent que jamais.

Merci.

--
[1] Jan De Loecker, Jan Eeckhout et Gabriel Unger, « The Rise of Market Power and the Macroeconomic Implications » (2020) 135 (2) Quarterly Journal of Economics 561.

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