Ébauche d’évaluation préalable cyanures

Environnement et Changement climatique Canada

Santé Canada

Février 2018

Synopsis

En vertu des articles 68 ou 74 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement 1999 (LCPE), les ministres de l’Environnement et de la Santé ont procédé à l’évaluation préalable de cyanures. Dix des substances ont été déterminées d’intérêt prioritaire pour une évaluation, car elles satisfont aux critères de catégorisation du paragraphe 73 (1) de la LCPE ou en raison d’autres préoccupations pour la santé humaine. Leur numéro d’enregistrement du Chemical Abstracts Service (NE CASNote de bas de page 1 ) de ces substances, leur  nom sur la Liste intérieure (LI) et leurs noms communs sont présentés dans le tableau ci-dessous.

Cyanures déterminés d’intérêt prioritaire pour une évaluation en vertu du paragraphe 73 (1) de la LCPE

NE CAS

Nom sur la LI

Nom(s) commun(s)

74-90-8

Cyanure d’hydrogène

Acide cyanhydrique

143-33-9

Cyanure de sodium

Cyanure de sodium

506-61-6

Dicyanoargentate de potassium

Dicyanoargentate de potassium

13601-19-9

Hexacyanoferrate de tétrasodium

Ferrocyanure de sodium (prussiate jaune de sodium)

13746-66-2

Hexacyanoferrate de tripotassium

Ferricyanure de potassium

13943-58-3

Hexacyanoferrate de tétrapotassium

Ferrocyanure de potassium

13967-50-5

Dicyanoaurate de potassium

Dicyanoaurate de potassium

14038-43-8

Bleu de Prusse

Ferrocyanure ferrique (Bleu de Prusse insoluble)

25869-00-5

Hexakis(cyano-C)ferrate(4-) d’ammonium et de fer (3+)

Ferrocyanure ferrique d’ammonium

25869-98-1

Bleu de Turnbull

Ferrocyanure ferrique de potassium
(bleu de Prusse soluble)

La partie de la présente évaluation préalable portant sur l’environnement, suit une approche basée sur l’entité, centrée sur le cyanure libre (HCN et CN-) et les précurseurs de cyanure libre en tant que formes d’importance écotoxicologique primaire, incluant les 10 substances susmentionnées qui avaient été identifiées d’intérêt prioritaire pour une évaluation. Pour l’évaluation des cyanures ayant trait à l’environnement, le HCN moléculaire est considéré être l’entité préoccupante, car il devrait être l’espèce de cyanure libre dominante dans des conditions environnementales représentatives. Les précurseurs du cyanure libre pertinents pour l’évaluation écologique peuvent être classés en tant que complexes de cyanure «dissociables par un acide faible» (DAFa) ou en tant que complexes de cyanure « dissociables par un acide fort » (DAFo). Les cyanures peuvent être mesurés dans l’environnement en tant que cyanure libre (CNLibre), cyanures DAFa (CNDAFa) ou cyanure total (CNT), ce dernier faisant référence à la somme du CNLibre, des espèces de CNDAFa et de tous les autres complexes de cyanure forts (c.-à-d. le CNDAFo).

La partie de la présente évaluation préalable portant sur la santé humaine est centrée sur des substances spécifiques identifiées d’intérêt prioritaire, qui peuvent être séparées en deux sous-groupes: les cyanures libres/simples (HCN et NaCN) et les complexes cyanure-métal. L’évaluation préalable portant sur la santé humaine tient compte des niveaux rapportés de HCN et de cyanure total dans les aliments et les milieux de l’environnement, ainsi que de l’exposition de la population générale aux 10 cyanures due à l’utilisation de produits disponibles pour les consommateurs.

HCN est très soluble dans l’eau et très volatil, alors que les complexes métal-cyanure sont généralement solubles dans l’eau mais considérés non volatils. Une fois rejeté dans l’air, HCN se dispersera rapidement, et il est improbable qu’il s’accumule près du point de rejet. Toutefois, HCN est considéré persistant dans l’air en raison de sa durée de vie atmosphérique estimée à environ six mois. HCN et d’autres cyanures ne sont pas considérés persistants dans l’eau, car ils peuvent se biodégrader ou subir une variété d’autres processus de transformation (p. ex. transformation en thiocyanate, complexation avec le fer). HCN et d’autres précurseurs du cyanure libre ne sont pas considérés bioaccumulatifs.

La présence de cyanure libre dans des milieux environnementaux, des aliments ou des produits peut résulter de sources naturelles ou anthropiques. Un certain nombre de cyanures sont présents naturellement dans des substances pouvant être produites dans l’environnement par des processus abiotiques (p. ex. la combustion) et par des biotes (p. ex. glycosides cyanogènes dans des plantes du genre Brassica). Il existe aussi de nombreuses sources ponctuelles naturelles ou anthropiques et des sources diffuses de rejet de cyanure libre dans l’air et l’eau, y compris des installations industrielles, des incendies de forêt ou d’habitation et des émissions dues aux véhicules. Des cyanures sont produits fortuitement par de nombreuses industries, dont celle de la production de fer et d’acier.

Les résultats d’une enquête réglementaire sur les 10 substances identifiées d’intérêt prioritaire pour une évaluation indiquent que 7 de ces substances ont été importées au Canada en 2011. Les cyanures importés au Canada sont utilisés par de nombreux secteurs pour une variété d’applications, y compris comme réactifs analytiques pour le placage ou la finition de surfaces ou comme intermédiaires chimiques. Le cyanure de sodium (NaCN) est le cyanure  commercial le plus important, avec une quantité importée en 2011 de 10 000 000 - 50 000 000 kg. NaCN est principalement utilisé comme agent d’extraction de métaux précieux (p. ex. de l’or) et dans une moindre mesure de métaux communs. Il peut être rejeté dans les effluents d’installations d’exploitation minière. Le ferrocyanure de tétrasodium est une autre substance d’intérêt, avec une quantité importée de 10 000 - 100 000 kg en 2011. Il est principalement utilisé comme agent antiagglomérant dans des sels de voirie. De l’acide cyanhydrique est produit fortuitement au Canada (en une quantité de 1 000 000 – 10 000 000 kg en 2011) par quelques secteurs utilisant des processus à haute température et pression, comme la production de fer et d’acier (dans des fours à coke et des hauts fourneaux dans des aciéries) qui peut conduire à des rejets de cyanures dans l’air et les eaux de surface.

L’acide cyanhydrique perturbe le métabolisme énergétique des organismes, et il est hautement toxique pour les organismes aquatiques. Ceci est mis en évidence par la concentration estimée sans effet (CESE) de 1,7 µg/L pour l’eau douce, valeur obtenue en suivant une approche de distribution de la sensibilité des espèces basée sur des paramètres de toxicité chronique pour 12 espèces aquatiques. L’écotoxicité des complexes métal-cyanure est grandement régie par leur capacité à se dissocier et à libérer du cyanure libre.

L’évaluation de l’exposition aux cyanures dans l’environnement est centrée sur les rejets potentiels de cyanure libre par trois secteurs d’activité principaux soit l’exploitation minière des métaux, la production de fer et d’acier et l’application de sels de voirie contenant du ferrocyanure. Pour la caractérisation de l’exposition dans l’environnement,  suivant leur disponibilité, des mesures de CNDAFa et de CNLibre ont été prises en compte en plus de celles de CNT. Environ 40 % des concentrations mesurées de cyanure total (CNT) dans des échantillons prélevés dans des zones recevant des effluents d’exploitation minière excédaient la CESE. Les rejets annuels moyens de cyanure par les aciéries ont été calculés à partir des quantités rapportées à un gouvernement provincial, et il a été déterminé que les rejets de deux installations pourraient conduire à un dépassement de la CESE. Finalement, il a été déterminé que les concentrations de CNT et de CNDAFa dans l’environnement recevant les eaux de ruissellement d’aires de stationnement et de routes sur lesquelles des sels de voirie contenant du ferrocyanure étaient appliqués étaient suffisamment élevées pour potentiellement causer des effets nocifs chroniques sur des organismes.

Compte tenu de tous les éléments de preuve contenus dans la présente ébauche d’évaluation préalable, les cyanures, incluant le cyanure libre et ses précurseurs, présentent un risque d’effets nocifs sur les organismes, mais pas sur l’intégrité globale de l’environnement. Il est proposé de conclure que le cyanure libre et ses précurseurs satisfont aux critères énoncés à l’alinéa 64 a) de la LCPE, car ils pénètrent ou peuvent pénétrer dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique. Toutefois, il est proposé de conclure que les cyanures, incluant le cyanure libre et ses précurseurs, ne satisfont pas aux critères énoncés à l’alinéa 64 b) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à mettre en danger l’environnement essentiel pour la vie.

Pour l’évaluation des risques pour la santé humaine, les complexes métal-cyanure ont été traités de manière qualitative. Pour les complexes fer-cyanure à un seul atome de fer (NE CAS 13601-19-9, 13746-66-2 et 13943-58-3), le ferrocyanure de tétrasodium et le ferrocyanure de tétrapotassium sont des additifs alimentaires approuvés pour un nombre limité d’utilisations dans un petit nombre de catégories d’aliments. Le ferrocyanure de tétrasodium et son décahydrate sont inscrits dans la Base de données des ingrédients de produits de santé naturels (BDIPSN) avec un rôle non médicinal en tant qu’agent antiagglomérant dans des produits de santé naturels (PSN, avec une dose jusqu’à 0,025 mg/kg pc/jour). Le ferrocyanure de tétrasodium est un ingrédient présent dans deux produits cosmétiques à application cutanée vendus au Canada. L’exposition anticipée de la population générale due aux complexes fer-cyanure à un seul atome de fer est négligeable en raison de leur faible concentration en tant qu’additif alimentaire et dans des produits, de leur faible absorption dermique et des profils d’utilisation connus de ces produits. Le risque est donc considéré faible.

Le risque est considéré faible pour les complexes fer-cyanure à plusieurs atomes de fer (NE CAS 14038-43-8, 25869-98-1 et 25869-00-5). Ces substances ne devraient pas causer d’effets nocifs sur la santé. De plus, en raison de leur faible biodisponibilité et de leur grande stabilité, l’exposition à ces substances est minimale.

Les complexes du cyanure avec l’or ou l’argent (NE CAS 13967-50-5 et 506-61-6) ont été traités de manière qualitative, aucune exposition de la population générale n’étant attendue en raison des utilisations actuelles, et le risque est considéré faible.

Le risque est considéré faible pour le sous-groupe de cyanures libres/simples (NE CAS 74‑90-8 et 143-33-9). Suite à une exposition par inhalation, les effets critiques sur la santé sont des effets sur la thyroïde. Une comparaison des niveaux dans l’air ambiant et des niveaux d’effet critique sur la santé a résulté en des marges d’exposition considérées adéquates pour tenir compte des incertitudes des bases de données sur les effets sur la santé et l’exposition. Pour l’exposition par voie orale, les effets critiques étaient des effets sur le système reproducteur masculin. Une comparaison des niveaux d’exposition par voie alimentaire aux cyanures libres/simples avec les niveaux d’effet critique sur la santé a résulté en des marges d’exposition considérées adéquates pour tenir compte des incertitudes des bases de données sur les effets sur la santé et l’exposition.  

À la lumière des renseignements contenus dans la présente ébauche d’évaluation préalable, il est proposé de conclure que les 10 cyanures identifiés d’intérêt prioritaire pour une évaluation ne satisfont pas aux critères énoncés à l’alinéa 64 c) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.

Il est proposé de conclure que le cyanure libre et ses précurseurs satisfont à un ou plusieurs des critères énoncés à l’article 64 de la LCPE.

Il est proposé de conclure que le cyanure libre et ses précurseurs répondent aux critères de persistance, mais pas à ceux de bioaccumulation, énoncés dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE.

1. Introduction

En vertu des articles 68 et 74 de la Loi canadienne pour la protection de l’environnement 1999 (LCPE) (Canada 1999), les ministres de l’Environnement et de la Santé ont procédé à l’évaluation préalable de cyanures afin de déterminer si ces substances posent ou peuvent poser un risque pour l’environnement ou la santé humaine. Les évaluations de ces substances ont été basées sur l’entité ou sur la substance. Dix de ces substances ont été identifiées d’intérêt prioritaire pour une évaluation, car elles satisfaisaient aux critères de catégorisation du paragraphe 73 (1) de la LCPE (ECCC, HC [modifié en 2007]).

L’évaluation ayant trait à l’environnement est centrée sur le cyanure libre, à savoir l’anion cyanure (CN-) et l’acide cyanhydrique (HCN) et ses précurseurs. Étant donné que l’acide cyanhydrique devrait être l’espèce de cyanure libre dominante dans des conditions environnementales pertinentes, il est considéré comme l’entité préoccupante pour l’évaluation environnementale des cyanures. Les précurseurs du cyanure libre ont le potentiel de libérer du cyanure libre dans des conditions environnementales pertinentes (p. ex. pH, température) et suite à des processus de transformation (p. ex. dissociation, dégradation ou photolyse). Les 10 substances identifiées d’intérêt prioritaire pour une évaluation sont toutes considérées comme des précurseurs de cyanure libre d’un point de vue environnemental. Il est reconnu qu’une exposition combinée des organismes à du cyanure libre peut être due à différentes voies et à différentes sources. L’exposition au cyanure libre peut être due à des activités anthropiques mettant en jeu des cyanures, y compris la production fortuite, et aux concentrations de fond des cyanures.

Pour l’évaluation des risques pour la santé humaine, les 10 substances identifiées d’intérêt prioritaire pour une évaluation ont été séparées en deux sous-groupes, basés sur des différences entre leurs structures, leurs propriétés, leurs stabilités, leurs biodisponibilités, leurs sources et leurs utilisations : les cyanures libre/simple et les complexes métal-cyanure. Le sous-groupe des cyanures libre/simple comprend l’acide cyanhydrique et le sel simple NaCN. Le sous-groupe des complexes métal/cyanure comprend huit de ces complexes. Ce sous-groupe a de plus été divisé en complexes or ou argent-cyanure, en complexes fer-cyanure à un seul atome de fer et en complexes fer-cyanure à plusieurs atomes de fer. Les données disponibles sur les cyanures libre/simple et sur les complexes métal-cyanure indiquent que les effets potentiels sur la santé et l’exposition de la population générale dus à ces deux sous‑groupes peuvent être substantiellement différents. Pour la présente évaluation, nous présentons donc les caractérisations des risques, du danger et de l’exposition séparément pour ces deux sous-groupes.

La présente ébauche d’évaluation préalable tient compte de renseignements sur les propriétés chimiques, le devenir dans l’environnement, les risques, les utilisations et les expositions, y compris des renseignements soumis par des parties intéressées. Des données pertinentes ont été relevées jusqu’au 30 septembre 2016. Des données empiriques provenant d’études clés ainsi que certains résultats de modélisation ont été utilisés pour tirer nos conclusions. Quand ils étaient pertinents, nous avons tenu compte des renseignements présentés dans des évaluations faites par d’autres juridictions.

La présente ébauche d’évaluation préalable a été préparée par le personnel du Programme de l’évaluation du risque de la LCPE travaillant à Santé Canada et à Environnement et Changement climatique Canada. Elle comprend des intrants d’autres programmes de ces ministères. Les parties sur l’environnement et sur la santé humaine de la présente évaluation ont fait l’objet d’un examen externe par des pairs et/ou de consultations. Des commentaires sur les parties techniques portant sur l’environnement ont été soumis par Andrew Jaques du Cyanide Council. Des commentaires sur les parties techniques portant sur la santé humaine ont été soumis par Lynne Haber (Department of Environmental Health, College of Medicine, University of Cincinnati), Michael Jayjock (Jayjock Associates) et Susan Griffi (Environmental Protection Agency des États-Unis). Des commentaires ont été compilés par des chercheurs du Toxicology Excellence for Risk Assessment (TERA) (Department of Environmental Health, College of Medicine, University of Cincinnati). Bien que des commentaires externes aient été pris en compte, Santé Canada et Environnement et Changement climatique Canada restent responsables du contenu final et les conclusions de la présente évaluation préalable.

La présente ébauche d’évaluation préalable est centrée sur des renseignements critiques afin de déterminer si ces substances satisfont aux critères de l’article 64 de la LCPE. Elle repose sur un examen des renseignements scientifiques, sur une approche basée sur du poids de la preuve et sur le principe de précautionNote de bas de page 2 . Nous présentons dans la présente évaluation les renseignements critiques et les éléments pris en compte à partir desquels nous avons tiré nos conclusions.

2. Identité des substances et portée de l’évaluation

Les cyanures renferment le groupe fonctionnel cyano (-CN) constitué d’un atome de carbone et d’un atome d’azote liés par une triple liaison. L’anion cyanure (CN-) réagit avec de nombreux éléments pour former des sels simples de formule chimique générale M(CN)x, comme par exemple le cyanure de sodium (NaCN) (Ghosh et al. 2006a). L’anion cyanure (CN-) forme aussi facilement des complexes métal-cyanure en solution avec 28 éléments, rapportés dans 68 états d’oxydation (Broderius 1973). Les complexes métal-cyanure ont pour formule chimique générale (M(CN)xn-) (Ghosh et al. 2006a) et sont généralement classés comme complexes faibles ou forts suivant leurs constantes de stabilité et leur capacité à libérer du cyanure libre. Les complexes faibles libèrent du cyanure libre dans des conditions légèrement acides (pH d’environ 4) et sont appelés cyanures « dissociables par un acide faible » (DAFa), alors que les complexes forts requièrent des conditions acides fortes pour pouvoir être dissociés et sont appelés cyanures « dissociables par un acide fort » (DAFo) (CCME 1997a, 1997c, Ghosh et al. 2006a, 2006b). Les complexes métal-cyanure peuvent aussi se lier à d’autres cations métalliques pour former des solides de type métal-métal-cyanure de formule chimique générale Ax[M(CN)y] (A étant un métal alcalin ou alcalino-terreux) ou Mx[M(CN)y] (M étant un métal de transition (Ghosh et al. 2006a).

Les numéros du registre du Chemical Abstracts Service (no CASNote de bas de page 3 ), les noms de la Liste intérieure des substances (LIS) et les noms communs des 10 cyanures satisfaisant aux critères du paragraphe 73 (1) de la LCPE sont présentés dans le synopsis (page i). Aux fins de l’évaluation des risques posés à la santé humaine, les 10 cyanures indentifiés d’intérêt prioritaire pour une évaluation ont été séparés en deux sous-groupes : cyanures libre/simple (74-90-8 et 143-33-9) et complexes métal-cyanure. Ce dernier sous-groupe a lui-même été divisé en trois, complexes or ou argent-cyanure (506-61-6 et 13967-50-5), complexes fer-cyanure à un seul atome de fer (13601-19-9, 13746-66-2 et 13943-58-3) et complexes fer-cyanure à plusieurs atomes de fer (14038‑43-8, 25869‑00-5 et 25869-98-1).

La présente évaluation traite des voies et des sources clés d’une exposition à du cyanure libre pertinentes pour l’environnement ou la santé humaine. La présente évaluation des risques ne tient compte que des effets associés au cyanure libre (exprimé en tant que concentration de HCN) et des substances identifiées d’intérêt prioritaire. Elle ne tient pas compte d’autres éléments ou entités pouvant être présents dans certains précurseurs de cyanure libre (comme l’argent ou le fer). Ces autres éléments ou ces autres entités pourront être traités dans de futures évaluations ou peuvent déjà avoir été traités lors d’autres initiatives du PGPC.

De nombreuses substances libèrent du cyanure libre suite à une dissociation ou d’autres voies de transformation pertinentes (p.ex. hydrolytique, oxydative, photolytique ou métabolique) dans des conditions environnementales ou physiologiques pertinentes (pH et température). Ces substances sont considérées comme des précurseurs du cyanure libre. La présence de cyanure libre dans des milieux de l’environnement, des aliments ou des produits peut avoir pour origine des sources naturelles ou anthropiques.

L’évaluation préalable portant sur l’environnement est centrée sur le cyanure libre et ses précurseurs. Le potentiel des cyanures inorganiques inscrits sur la LIS, à l’exclusion des polymères, à jouer un rôle de précurseur dans l’environnement a été évalué. Ces cyanures comprennent des cyanures libre/simple, des cyanures complexes (complexes métal-cyanure faibles ou forts) et des cyanogènes (ECCC 2016a). Du cyanure libre peut aussi être libéré par des glycosides cyanogènes présents naturellement dans des plantes. Étant donné que HCN devrait être l’espèce dominante dans des conditions environnementales représentatives, ce composé est considéré être l’entité préoccupante. Les cyanures d’importance commerciale au Canada ont été pris en compte en termes de leur contribution à l’exposition combinée au cyanure libre dans l’environnement. Les données de surveillance environnementale constituent le principal élément de preuve utilisé pour établir la caractérisation des risques posés par certains secteurs ou certaines activités ayant le potentiel de libérer des cyanures dans l’environnement. Une modélisation de ces rejets a aussi été réalisée quand de telles données n’étaient pas disponibles. L’interprétation des données de surveillance des cyanures tient compte des mesures du cyanure total (CNT), des cyanures dissociables par un acide faible (CNDAFa) et du cyanure libre (CNLibre), quand les données sur ces deux derniers paramètres sont disponibles (voir la section 7.2.1). Quand cela était possible, nous avons fait la différence entre les concentrations de fond ou de référence et les concentrations attribuables à des sources anthropiques.

L’évaluation préalable portant sur la santé humaine est séparée en deux parties portant sur deux sous-groupes, à savoir les cyanures simple/libre et les complexes métal‑cyanure. Ces deux sous-groupes sont basés sur des similarités de structure, de propriété, de stabilité, de biodisponibilité, de toxicité et d’utilisation. Le sous-groupe des cyanures libre/simple comprend HCN et NaCN et le sous-groupe des complexes métal‑cyanure les huit autres cyanures identifiés d’intérêt prioritaire pour la présente évaluation.

3. Propriétés physiques et chimiques

Nous présentons dans le tableau 3-1 un résumé des propriétés physiques et chimiques de HCN, l’entité préoccupante d’un point de vue environnemental pour la présente évaluation, la gamme de valeurs de chaque propriété étant indiquée. HCN peut exister sous forme de gaz ou de liquide à la température ambiante (ECETOC 2007). HCN est hautement soluble dans l’eau et hautement volatil. C’est un acide faible qui se dissocie en ion cyanure (Ghosh et al. 2006a) mais, en se basant sur son pKa de 9,2-9,36, HCN sera l’espèce dominante aux pH pertinents pour l’environnement (5-8).

HCN(aq) =H+ + CN- (pKa >9.2)

Sa constante de Henry indique qu’il se volatilisera à partir de l’eau. Il ne devrait pas être présent de manière significative dans les lipides (octanol) ou dans les sols, en raison de son faible log Koe et de son log Koc. Le log Koa de HCN indique qu’il pourrait se lier dans une faible mesure à la matière particulaire atmosphérique.

Tableau 3-1. Valeurs physiques et chimiques expérimentales pour l’acide cyanhydrique (no CAS 74-90-8)

Propriété

Gamme

Référence(s) clé(s)

État physique

Liquide ou gaz

OMS 2004

Point de fusion (°C)

-13,24 à -13,4

PhysProp 2013, Gail et al. 2012

Point d’ébullition (°C)

25,6 à 25,7

PhysProp 2013, Gail et al. 2012

Pression de vapeur (Pa) (à 25°C)

98 900 à 100 000

Chatwin et al. 1987, Daubert et Danner 1985

Constante de Henry (Pa·m3/mol) (à 25°C)

13,5 à 5167,6

Gaffney et al. 1987, Yoo et al. 1986

Hydrosolubilité (mg/L) (à 25°C)

1 000 000; miscible

Lide 1990, PhysProp 2013

log Koe (sans dimension)

-0,25 à 0,66

EPA 1984, Hansch et al. 1995

log Koc (sans dimension)

0,45 à 1,17

KOCWIN 2010

log Koa (sans dimension)

2,01

KOAWIN 2010

pKa (sans dimension) (à 20°C)

9,31 à 9,36

Izatt et al. 1962, AGDH 2010

pKa (sans dimension) (à 25°C)

9,21 à 9,25

Izatt et al. 1962, Dzomback et al. 2006a

Abréviations : Koe = coefficient de partage octanol-eau; Koc = coefficient de partage carbone organique-eau; Koa = coefficient de partage octanol-air; pKa = constante de dissociation acide

L’ion CN- a une forte affinité pour le fer et d’autres métaux de transition (p. ex. cobalt, or) et forme des complexes de coordination avec ces métaux, de forme tétraédrique ou octaédrique. Les complexes métal-cyanure identifiés d’intérêt prioritaire pour une évaluation ont tous une masse moléculaire élevée (allant de 288,1 à 859,3 g/mol) et une pression de vapeur très basse. À l’exception du bleu de Prusse insoluble (14038‑43-8), les complexes fer-cyanure ont un ou plusieurs contre-ions, alcalins (Na, K) ou ammonium (NH4), et sont considérés solubles dans l’eau (Ghosh et al. 2006a, Karyakin 2001, Lee et Huh 2012)Note de bas de page 4 . Les complexes fer-cyanure identifiés d’intérêt prioritaire pour une évaluation ont en commun une groupe stable hexacyanoferrate [Fe(CN)6]. Les complexes fer-cyanure à un seul atome de fer ont une forme tétraédrique et les complexes fer-cyanure à plusieurs atomes de fer une forme octaédrique. À l’exception du complexe argent-cyanure, qui est considéré être un complexe dissociable par un acide faible, tous les autres complexes métal-cyanure identifiés d’intérêt prioritaire sont considérés être dissociables par un acide fort avec des constantes d’équilibre de formation élevées (log K à 25˚C) allant de 45,61 à 126 (Ghosh et al. 2006a).

4. Sources et utilisations

4.1 Sources naturelles

Un certain nombre de cyanures sont des substances naturelles pouvant être produites dans l’environnement par des processus abiotiques (p. ex. combustion) ou par des biotes. La combustion de biomasse et les feux de forêt sont une source du HCN présent dans l’atmosphère (Li et al. 2000, Simpson et al. 2011) et peuvent représenter plus de 90 % de toutes les émissions atmosphériques naturelles ou anthropiques (ECETOC 2007). Les émissions de cyanures gazeux ou particulaires dues à la combustion peuvent pénétrer dans les eaux de surface suite à un dépôt ou un ruissellement en surface (Barber et al. 2003). Parmi les autres sources naturelles potentielles, on retrouve les volcans et les éclairs (Cicerone et Zellner 1983).

Les plantes supérieures produisent de petites quantités de HCN lors de certains processus métaboliques (Lechtenberg et Nahrstedt 1999), et des glucosides cyanogènes (GC) sont connus pour être produits dans au moins 2000 espèces de plantes (Speijers 1993). De nombreux aliments comestibles contiennent naturellement des GC, qui ont le potentiel de libérer du cyanure libre. Il existe de nombreux types de GC (linamarine, amygdaline, dhurrine) et le degré avec lequel un glucoside particulier est présent varie en fonction de la plante (FSANZ 2014). Parmi les exemples d’aliments qui contiennent des GC, on retrouve les haricots de Lima, les graines des pommes, le manioc, le bambou, les amandes de fruits à noyaux (p. ex. abricot, pêche, cerise) et les graines de lin. La lixiviation et l’hydrolyse subséquente des GC de la matière végétale peuvent libérer du cyanure libre dans l’environnement (Bjarnholt et al. 2008). Des microorganismes aquatiques comme les algues vertes (Chlorella sp.) et, en particulier, les algues vert-bleu (Anacystis nidulans) peuvent produire du HCN (Gewitz et al. 1976, Pistorius et al. 1979). Une étude réalisée par le NICNAS a permis de déterminer que des cyanures peuvent être produits par d’autres microorganismes (bactéries et champignons microscopiques) ainsi que par un petit nombre d’invertébrés (p. ex. des  arthropodes) (AGDH 2010).  

4.2 Sources anthropiques

4.2.1 Production et production fortuite

Pour l’année 2011, les renseignements sur la production des 10 substances identifiées d’intérêt prioritaire pour une évaluation ont été obtenus grâce à un avis publié en vertu de l’article 71 de la LCPE (Canada 2012). Aux fins de cet avis, le terme « production » signifiait production ou préparation d’une substance, y compris la production fortuite d’une substance (Environnement Canada 2012).

Ces cyanures ne semblent pas être produits de manière intentionnelle au Canada à des fins commerciales (Environnement Canada 2013, ICMC 2015). Bien que non produits intentionnellement au Canada, les résultats de l’enquête indiquent qu’entre 1 000 000 et 10 000 000 kg de HCN (no CAS 74-90-8) ont été produits fortuitement par moins de quatre entreprises des secteurs de l’aciérie et de la production de ferroalliages (SCIAN 33111) ou d’autres secteurs de la production de produits chimiques inorganiques de base (SCIAN 325189) (Environnement Canada 2013). Des cyanures sont produits pendant la production de fer et d’acier dans des fours à coke et des hauts fourneaux dans des aciéries (Environnement Canada 2001). Le secteur des pâtes et papiers peut produire fortuitement des cyanures, mais la méthode de mesure des cyanures souffrait d’incertitudes et les quantités produites étaient inconnues (Environnement Canada 2013). La production ou l’importation de l’ion cyanure (CN-) (nCAS 57-12-5) a aussi été rapportée soit dans un mélange ou dans un produit à une concentration inférieure à 0,1 % en poids en tant que contaminant, sous-produit ou déchet, par moins de quatre entreprises du secteur de la fusion de l’aluminium et par moins de quatre entreprises du secteur de la production du fer et de l’acier (Environnement Canada 2013). Dans le secteur de la fusion de l’aluminium, on retrouve principalement les cyanures dans les revêtements usés de cuve (RUC) des cellules électrolytiques, et ces RUC sont considérés être des déchets dangereux (Environnement Canada 2015, Freitas et al. 2016, Silveira et al. 2002).

Parmi les autres sources anthropiques documentées de cyanures, on retrouve les usines d’électroplacage (Kjeldsen 1999), la production de produits chimiques organiques ou inorganiques (Ontario 2016), la production de gaz de synthèse (p. ex. gazéification du charbon) et les usines de gaz de synthèse (Luthy et al. 1979, Kapusta et al. 2013, Broer 2015, Shifrin et al. 1996), le raffinage du pétrole (Sheu et Weng 2000), l’extraction et le traitement des sables bitumineux (Boerger et Aleksiuk 1987), l’utilisation de sels de voirie contenant des ferrocyanures (EC, SC 2001), les systèmes de traitement des eaux uséesNote de bas de page 5 , y compris certains systèmes recevant potentiellement des eaux usées d’aciérie qui contiennent des cyanures (HH RAP TT 2010), les sites d’enfouissement (Conestoga-Rovers and Associates 2013) et la combustion de carburant par les véhicules (Moussa et al. 2016a).

4.2.2 Importation

Les renseignements sur l’importation en 2011 des 10 substances identifiées d’intérêt prioritaire pour une évaluation ont aussi été obtenus grâce au même avis émis en vertu de l’article 71 de la LCPE (Canada 2012). Dans le tableau 4‑1, nous présentons pour sept cyanures un résumé des quantités totales importées (Environnement Canada 2013). Les résultats indiquent que le cyanure de sodium (no CAS 143-33-9) est la substance importée commercialement en quantités les plus grandes, les quantités importées allant de 10 000 000 à 50 000 000 kg, représentant 97 % des quantités totales importées de ces substances (en se basant sur les limites supérieures des gammes).

Tableau 4-1. Résumé des renseignements sur les importations au Canada des 10 substances identifiées d’intérêt prioritaire pour une évaluation soumis lors d’une enquête réalisée en vertu de l’article 71 de la Loi canadienne de protection de l'environnement pour l’année 2011 (Environnement Canada 2013)

No CAS

Nom commun

Importations totalesa (kg)

74-90-8

Acide cyanhydrique

NA

143-33-9

Cyanure de sodium

10 000 000 – 50 000 000

506-61-6

Dicyanoargentate de potassium

100 - 1000

13601-19-9

Ferrocyanure de tétrasodium

10 000 – 100 000

13746-66-2

Ferricyanure de tripotassium

100 - 1000

13943-58-3

Ferrocyanure de tétrapotassium (prussiate jaune de potassium)

100 - 1000

13967-50-5

Dicyanoaurate de potassium

N/A

14038-43-8

Ferrocyanure ferrique (bleu de Prusse insoluble)

100 – 10 000

25869-00-5

Ferrocyanure ferrique d’ammonium

1000 – 10 000

25869-98-1

Ferrocyanure ferrique de potassium

(bleu de Prusse soluble ou bleu de Turnbull)

N/A

Abréviations : NA = non applicable
a
Ces valeurs reflètent les quantités déclarées dans les réponses à l’enquête réalisée en vertu de l’article 71 de la LCPE (Environnement Canada 2013). Voir l’enquête pour les inclusions et exclusions spécifiques (annexes 2 et 3).

D’autres renseignements sur l’importation d’un certain nombre de produits de code à dix chiffres du Système harmonisé (SH) correspondant à des cyanures ont été obtenus au moyen de données de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) pour 2012-2013 (ASFC 2015). Les quantités de cyanure de sodium importées (« Cyanures et oxycyanures de sodium », code du SH 2837110000) représentaient la majorité des quantités totales de cyanures importées, avec plus de 30 000 000 de  kilogrammes importés en 2012 et en 2013.

4.3 Utilisations

Selon des renseignements commerciaux non confidentiels rapportés lors de l’enquête réalisée en vertu de l’article 71 de la LCPE (Environment Canada 2013) , les utilisations des substances du sous-groupe des cyanures libre/simple sont limitées à des applications industrielles, dont l’extraction de l’or lors d’opérations d’extraction du minerai, l’extraction du pétrole et du gaz naturel et comme agents de séparation de solides (Environnement Canada 2013), celles des complexes métal-cyanure incluent quant à elles des applications industrielles ainsi que des produits disponibles pour les consommateurs, y compris des inhibiteurs de la corrosion et des agents antiagglomérants, des colorants, l’extraction de pétrole et de gaz naturel, des peintures et revêtements, des produits de soins personnelsNote de bas de page 6  et des agents de séparation de solides (Environnement Canada 2013).

Les données de l’ASFC pour les années 2012 et 2013 (ASFC 2015) indiquent que les entreprises important des cyanures et des oxycyanures de sodium étaient principalement celles du secteur de la production et de la distribution des produits chimiques. La substance NaCN peut être utilisée pour la synthèse d’intermédiaires de produits chimiques ou pharmaceutiques, la formulation de produits chimiques, le nettoyage et le dégraissage par l’industrie de la finition des métaux, comme agent d’extraction de métaux précieux et pour l’électroplacage (Cyanco 2016, DuPont 2012). L’importation de complexes de cyanures et de métaux au Canada (ASFC 2015) peut inclure l’utilisation de complexes fer-cyanure en tant qu’agents antiagglomérants dans des sels de voirie (EC, SC 2001, Exall et al. 2011). Certains complexes fer-cyanure comme le ferrocyanure de sodium ont aussi été utilisés dans des retardateurs de feux de forêt. Toutefois, leur utilisation dans des retardateurs de feux de forêt a été éliminée aux États‑Unis et au Canada en raison d’inquiétudes quant à la toxicité de ces substances quand elles se dissocient et libèrent du cyanure libre dans l’environnement (communication personnelle du Centre interservices des feux de forêt du Canada en 2016, DA 2011). Dans le tableau 4-2, nous présentons des renseignements supplémentaires sur les utilisations actuelles des 10 substances identifiées d’intérêt prioritaire pour une évaluation.

Tableau 4-2. : Utilisations additionnelles au Canada des 10 substances identifiées d’intérêt prioritaire pour une évaluation
No CAS
Utilisation

74-90-8

143-33-9

506-61-6

13967-50-5

13601-19-9

13746-66-2

13943-58-3

14038-43-8

25869-00-5

25869-98-1

Matériaux d’emballage alimentaire/additifs fortuitsa

N

N

N

N

Y

N

N

Y

Y

N

Additif alimentairea

N

N

N

N

Ye

N

Ye

N

N

N

Base de données sur les produits pharmaceutiquesa

N

N

N

N

N

N

N

N

N

N

Base de données sur les ingrédients de produits de santé naturelsa

Yf

N

N

N

Yg

N

Yf,g

Yf,g

Yg

N

Base de données sur les produits de santé naturels homologués au Canada présents en tant qu’ingrédient médicinal ou non médicinala

O

N

N

N

O

N

O

O

O

N

Liste des ingrédients de cosmétiques interdits ou d’usage restreintb

O

O

N

N

N

N

N

N

N

N

Déclaré présent dans des cosmétiques, basé sur des déclarations soumises en vertu du Règlement sur les cosmétiques de Santé Canadac

N

N

N

N

O

N

N

O

O

N

Formulant dans des produits antiparasitaires homologués au Canadad

N

N

N

N

O

N

N

N

N

N

Ingrédient actif dans des produits antiparasitaires homologués au Canadad

N

O

N

N

N

N

N

N

N

N

a Communication personnelle, courriels de la Direction des aliments et des produits de santé naturels de Santé Canada au Bureau de l’évaluation des risques des substances existantes, datés de mars 2016; non référencé. 
b
Santé Canada [modifié le 14 décembre 2015]; Liste critique des ingrédients de cosmétiques : liste des ingrédients dont l’usage est interdit dans les cosmétiques; Ottawa (ON) : Santé Canada, Direction de la sécurité des produits de consommation [consultée le 28 avril 2016]; https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/cosmetiques/liste-critique-ingredients-cosmetiques-ingredients-interdits-usage-restreint/liste-critique.html
c
Communication personnelle, courriels de la Direction de la sécurité des produits de consommation de Santé Canada au Bureau de l’évaluation des risques des substances existantes de Santé Canada, datés di 11 janvier 2016; non référencé.
d
Communication personnelle, courriels de l’Agence de la réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada au Bureau de l’évaluation des risques des substances existantes de Santé Canada, datés de novembre 2015; non référencé.
e
Le ferrocyanure de tétrasodium (13601-19-9) et le ferrocyanure de tétrapotassium (13943-58-3) sont associés à une dose journalière acceptable de 0,025 mg/kg pc/jour.
f
Rôle homéopathique
g
Rôle non médicinal

Les utilisations identifiées au Canada, prises en compte pour la caractérisation de l’exposition ayant trait à la santé humaine sont mentionnées à la section 8.1. Brièvement, les expositions aux substances du sous-groupe des cyanures libre/simple ont été caractérisées pour l’air ambiant et les aliments.

5. Rejets dans l’environnement

Dans le cas de l’acide cyanhydrique (HCN, no CAS 74-90-8) et des cyanures (ioniques) (NA-07)Note de bas de page 7 , une déclaration à l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) est obligatoire (ECCC 2016b). La catégorie des cyanures (ioniques) est définie par l’INRP de manière à inclure les sels de l’acide cyanhydrique, mais à exclure les organocyanures, les nitriles et les cyanures organométalliques (ECCC 2016c). Les résultats pour la période 2010-2014 indiquent que les rejets étaient principalement dans l’air et l’eau (tableau 5‑1).

Tableau 5-1. Résumé des rejets d’acide cyanhydrique et de cyanures (ioniques), en tonnes, déclarés à l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) par an pour la période 2010-2015 (ECCC 2016b)

Substances

Air

Eau

Sol

Catégorie «total pour tous les milieux < 1 tonne»a

Cyanures (ioniques)

1,5 – 22,5

0,6 – 2,2

0 – 4,6 x 10-2

0 – 1,6

Acide cyanhydrique (nCAS 74-90-8)

0 – 117,8

0 – 3,8 x 10-3

0

0 – 0,16

a Fait référence aux entreprises qui ont rejeté < 1 tonne d’une substance et déclaré un rejet total combiné pour tous les milieux

Toutes les déclarations à l’INRP de rejets de cyanures (ioniques) ou d’acide cyanhydrique dans l’eau ainsi que de rejets de cyanures (ioniques) dans le sol ont été faites par le secteur de l’exploitation minière des métaux. Ce secteur était aussi responsable de la plupart des rejets de cyanures (ioniques) dans l’air (c.-à-d. 1,5-22,5 tonnes), le secteur de la distribution de composés chimiques/produits et de la gestion des déchets en déclarant quant à lui de faibles quantités (6x10-4 – 4,6x10-2 tonne). Des rejets d’acide cyanhydrique dans l’air ont été déclarés par les raffineries de pétrole (0‑75,2 tonnes), l’exploitation minière des métaux (0-42,6 tonnes) et la production de composés chimiques (0-13,3 tonnes) pour la période 2010-2015 (ECCC 2016b). Les déclarations de rejet pour la catégorie « total pour tous les milieux < 1 tonne » indiquent aussi des rejets d’acide cyanhydrique par le secteur de l’équipement électrique et de l’électronique (0-0,16 tonne) et des rejets de cyanures (ioniques) par le secteur médical, des produits de santé et vétérinaires (0-0,49 tonne), le secteur de la gestion des déchets (0-6,0 x 10-2 tonne) et celui de l’exploitation de minerais de métal (1,6 x 10-2 – 1,5 tonne) pour la période 2010-2015 (ECCC 2016b).

Parmi d’autres sources documentées de rejet de cyanures dans l’eau, on retrouve le rejet d’effluent par des usines de production de fer et d’acier (en particulier les aciéries) (Ontario 2016) et la fonte de la neige urbaine et le ruissellement subséquent dans les régions où du sel de voirie contenant des ferrocyanures est utilisé (Exall et al. 2011, 2013). Les rejets de HCN dus à la combustion de carburant par les véhicules sont également considérés comme une source majeure de cyanure dans l’air, représentant 90 % de la charge atmosphérique totale aux États-Unis d’après certaines estimations (Hagelstein et Mudder 1997). L’EPA des États-Unis a rapporté des émissions moyennes de HCN par les automobiles équipées de pot d’échappement catalytique (dans des conditions de fonctionnement optimales) de 1 mg/mile (0,6 mg/km, ATSDR 2006). Les données pour les flottes de véhicules plus modernes indiquent des émissions de HCN en fonctionnement au ralenti de 39μg/min pour un démarrage à froid et de 21 μg/min pour un démarrage à chaud (Baum et. al. 2007). Des données canadiennes plus récentes sur les véhicules en service pour les années 2008-2011 indiquent des émissions moyennes de 1,4 mg/km pour HCN (Moussa et al. 2016a).

6. Devenir et comportement dans l’environnement

6.1 Distribution dans l’environnement

Le devenir des cyanures dans l’environnement est complexe et dépend de leur spéciation et d’une variété de processus ayant une influence sur leur partage entre les divers milieux. Les processus clés dans l’environnement, tels que résumés par l’AGDH (2010) et Kjeldsen (1999) (figure 6‑1), comprennent :

Dans l’air, les cyanures existent principalement sous forme de HCN gazeux et, dans une moindre mesure, sous forme de particules fines (ATSDR 2006). La solubilité de HCN dans l’eau diminue de manière significative aux faibles pressions partielles (< 1 torr) de HCN et, en conséquence, l’élimination du HCN atmosphérique par les précipitations devrait être négligeable malgré sa forte solubilité dans l’eau (Cicerone et Zellner 1983). Sa densité de vapeur de 0,94 par rapport à l’air (CDC 2005) indique que  HCN est plus léger que l’air et que le HCN gazeux rejeté dans la troposphère s’élèvera à partir de son point de rejet et devrait bien se disperser dans l’air (Cicerone et Zellner 1983, AGDH 2010). Les émissions de HCN par des sources ponctuelles ou diffuses seront donc rapidement diluées et transportées dans l’atmosphère (ECETOC 2007). HCN est sujet à un transport à longue distance et, en fait, est utilisé comme traceur pour suivre les panaches produits par les feux de forêt. Le transport à longue distance du HCN émis lors de la combustion de biomasse des régions allant de latitude moyenne à l’Arctique a été fait l’objet de rapports (Rinsland et al. 2002, Viatte et al. 2015).

HCN est l’espèce dominante des cyanures libres dans l’eau dans des conditions environnementales pertinentes (section 3). HCN peut s’adsorber faiblement aux sédiments de matière particulaire, mais est fortement soluble et devrait rester en solution (Dzombak et al. 2006a). La volatilisation de HCN à partir de l’eau a été identifié comme un important processus d’élimination du cyanure libre des bassins de résidus (Botz et Mudder 2000, Simovic et Snodgrass 1985, 1989) et un comportement similaire devrait se manifester dans les eaux naturelles étant donné sa constante de Henry élevée (section 3.1). La vitesse de volatilisation du cyanure libre est plus importante aux pH bas quand HCN domine, aux températures plus élevées, avec l’agitation de la colonne d’eau et un rapport surface/volume de solution plus grand (Johnson 2015). Toutefois, l’ion cyanure (CN-) forme des complexes avec des métaux en  solution (p. ex. cuivre, zinc, nickel ou fer) qui ne devraient pas se volatiliser à partir de la solution et, de plus, la dissociation de ces complexes métalliques est un important mécanisme limitant l’élimination naturelle du cyanure libre de l’eau par volatilisation de HCN (Simovic 1984, Simovic et Snodgrass 1985, 1989, Botz et Mudder 2000). En raison de l’ubiquité du fer dans l’environnement, les réactions de complexation du cyanure les plus importantes ont lieu généralement avec ce métal pour produire du ferricyanure (Fe(CN)63-) ou du ferrocyanure (Fe(CN)64- (Johnson 2015). Bien que les complexes fer-cyanure soient hautement stables dans des conditions neutres, ils peuvent être rapidement photolysés et complètement dissociés pour libérer des ions CN- (Broderius et Smith 1980, Exall et al. 2011, Kuhn et Young 2005, Young et al. 2006). Les demi-vies des hexacyanoferrates (Fe(CN)64-) calculées pour de l’eau désionisée et pour trois eaux naturelles à 20-21 oC exposées à une intensité lumineuse ultraviolette de 110 µmol/m2 vont de 7,5 à 23 min (Kuhn et Young 2005). La vitesse de formation du cyanure libre était approximativement trois fois plus faible en raison de l’accumulation temporaire d’espèces intermédiaires du cyanoferrate non déterminées (Kuhn et Young 2005). Kuhn et Young (2005) ont déterminé que les vitesses de photolyse sont corrélées positivement à l’intensité de la lumière UV et aux longueurs d’onde courtes, mais inversement corrélées aux concentrations de matière organique dissoute (couleur) dans la solution. Une stagnation de l’élimination du cyanure des bassins de résidus recouverts de glace a été observée, probablement en raison d’une diminution de l’intensité lumineuse prévenant la photodissociation des complexes métal-cyanure et la volatilisation de HCN (Simovic et Snodgrass 1989, Botz et Mudder 2000). Les complexes métal-cyanure avec des métaux alcalins ou alcalino-terreux (p. ex. bleu de Prusse Fe4(Fe(CN)6)3) ont souvent une faible solubilité dans l’eau et peuvent s’accumuler dans les sédiments (Jambor et al. 2009). L’anion cyanure (CN-) peut réagir avec les espèces soufrées (p. ex. polysulfures SxS2- ou thiosulfate S2O32-) pour former l’espèce thiocyanate (SCN-) bien moins toxique (Smith et Mudder 1991, Dzombak et al. 2006a). HCN peut aussi s’oxyder en acide isocyanique (HCNO) et en anion cyanate (CNO-) en présence d’un oxydant puissant comme l’ozone, le peroxyde d’hydrogène ou l’ion hypochlorite (AGDH 2010) pendant le traitement de l’eau. Toutefois, cette réaction ne devrait pas se produire dans un environnement naturel. Il est possible que l’hydrolyse de HCN ne se produise pas dans des conditions environnementales (section 6.3) (ECETOC 2007).

Figure 6‑1 – Espèces clés de cyanure et processus de transformation (tiré de Kjeldsen 1999)

Description longue:

La figure 6-1 a été adaptée du travail de Kjeldsen (1999). Elle montre les espèces clés de cyanure et une série de processus de transformation régissant le devenir des cyanures dans l’environnement.

HCN(aq) ou acide cyanhydrique est un acide faible qui peut se dissocier et existe à l’équilibre avec l’ion cyanure (CN-). Le cyanure libre représente la somme de ces deux espèces en solution.

HCN(aq) peut se volatiliser à partir de la solution et existe sous forme gazeuse HCN(g).

Le cyanure libre peut réagir avec des composés soufrés et se transformer en ion thiocyanate, SCN-, qui forme des complexes avec d’autres ions en solution.

Le cyanure libre peut être oxydé en ion cyanate, OCN-, dans des conditions très oxydantes et former des complexes avec d’autres ions en solution.

Le cyanure libre peut former des complexes avec de nombreux métaux, dont le fer.

Les complexes métal-cyanure peuvent se dissocier pour libérer du cyanure libre, par exemple par photolyse.

Le cyanure libre et les complexes métal-cyanure peuvent se biodégrader ou s’hydrolyser en un certain nombre de produits comme l’ammoniac (NH3) ou le dioxyde de carbone (CO2).

Le cyanure libre peut former des complexes avec le Fe(II) ou le Fe(III) pour produire les anions ferrocyanure (Fe(II)(CN)64- ou ferricyanure (Fe(III)(CN)63- et ces deux espèces fer-cyanure peuvent se décomposer en cyanure libre dans des conditions très acides ou par photolyse.

L’ion ferrocyanure (Fe(II)(CN)64- peut être oxydé en ion ferricyanure (Fe(III)(CN)63- ou bien l’ion ferricyanure (Fe(III)(CN)63- peut être réduit en ion ferrocyanure (Fe(II)(CN)64- en solution dans des conditions redox pertinentes.

Les ions ferrocyanure (Fe(II)(CN)64-) et ferricyanure (Fe(III)(CN)63- peuvent être précipités et former des complexes solides métal-cyanure de métal Mx[M(CN)y] avec des métaux de transition (p. ex. ferrocyanure ferrique Fe4(Fe(CN)6)3(s)) qui peut à son tour se dissoudre pour libérer les ions ferricyanure et ferrocyanure.

Les complexes entre le cyanure et les métaux alcalins ou alcalino-terreux Ax[M(CN)y] (p. ex. ferrocyanure de potassium K4Fe(CN)6(s)) sont solubles et libèrent l’ion ferrocyanure (Fe(II)(CN)64-) en solution.

 

Une étude du comportement du cyanure libre dans le sol a été réalisée par le CCME (1997a). La volatilisation de HCN et la biodégradation du cyanure libre ont été identifiés comme les deux principaux processus affectant le transport et la distribution des cyanures dans les sols. Le cyanure libre peut former des complexes avec des métaux (p. ex. le fer) qui précipitent, et de tels complexes peuvent être photolysés à la surface du sol. Bien que l’adsorption des cyanures sur des argiles et des solides biologiques puisse avoir lieu, la vitesse n’est pas significative comparativement à celles de volatilisation et de biodégradation. Un examen du comportement des complexes fer‑cyanure dans les sols par EC et SC (2001) a montré que les ferrocyanures ont une faible mobilité dans le sol en raison de la présence de soufre et de métaux de transition, qui peuvent produire des complexes modérément solubles (p. ex. du ferrocyanure ferrique connu sous le nom de bleu de Prusse). La rétention et l’immobilisation dans les sols (p. ex. adsorption sur des particules) est une voie d’atténuation majeure des complexes métal-cyanure.

6.2 Persistance dans l’environnement

La persistance des cyanures et leur dégradation par des processus abiotiques ou biotiques varient en fonction de l’espèce (p. ex. cyanures libres ou complexes).

Dans l’air, le temps de résidence de HCN basé uniquement sur des réactions avec des radicaux hydroxyles (OH.) et la photolyse est estimé de 1 à 2,5 ans selon la concentration de OH et la vitesse de la réaction (KOH) (Cicerone et Zellner 1983, Fritz et al. 1982). Toutefois, des durées de vie plus courtes de 5,3 mois dans la troposphère et de 5,0 à 6,2 mois dans l’atmosphère au complet (Li et al. 2003, Singh et al. 2003), correspondant respectivement à des demi-vies de 3,6 et 3,5 à 4,3 moi (ECETOC 2007), ont été calculées en tenant compte de l’absorption par les océans, qui a été déterminé comme le principal puits du HCN atmosphérique (Singh et al. 2003). On pense que HCN est ensuite dégradé dans les océans, probablement par des microorganismes (Singh et al. 2003). La durée de vie troposphérique de HCN a été récemment estimée à 30-180 jours (Viatte et al. 2015). HCN peut donc être considéré persistant dans l’air.  

Dans des conditions aquatiques environnementales pertinentes, les cyanures ne devraient pas être hydrolysés, car l’hydrolyse de HCN est lente dans des conditions acides et nécessite des températures élevées dans des conditions alcalines (Dzombak et al. 2006a, Smith et Mudder 1991). Le cyanure libre peut réagir avec les espèces soufrées (p. ex. polysulfures SxS2- ou thiosulfate S2O32-) et produire des thiocyanates (SCN-) (Smith et Mudder 1991, Dzombak et al. 2006a). Aucune donnée sur la biodisponibilité obtenue en utilisant des protocoles standards de l’OCDE (p. ex. OECD 301 Ready Biodegradability) n’est disponible pour HCN ou d’autres cyanures dans l’environnement aquatique. Toutefois, la biodégradation de HCN et d’autres cyanures complexes a été largement étudiée dans le cadre du traitement d’effluents industriels contenant des cyanures, puisqu’un tel traitement est souvent moins coûteux que d’autres méthodes physiques ou chimiques et plus rapide que l’atténuation naturelle (Dash et al. 2009). Une étude réalisée par Ebbs et al. (2006) a permis d’identifier de nombreuses espèces de bactéries et de champignons isolés de boues d’égout, de circuits de déchets ou du sol capables de métaboliser HCN et d’autres cyanures et, ainsi, de confirmer que le cyanure libre est biodégradable dans certaines conditions. Les facteurs affectant la biodégradation des cyanures comprennent les concentrations de cyanures, la présence de microorganismes acclimatés, la faible disponibilité de nutriments, une basse température et un pH bas ou élevé selon les microorganismes (Dash et al. 2009). Une forte concentration de cyanure libre est considérée être le principal facteur affectant la biodégradation dans les systèmes de traitement des eaux usées (Strotmann et Pagga 1995, Wild et al. 1994). Les mêmes facteurs limitants peuvent s’appliquer aux eaux naturelles dans lesquelles la biodégradation devrait être un processus d’élimination important (CCME 1997a). En conclusion, le cyanure libre et d’autres cyanures peuvent être dégradés dans l’eau, mais les vitesses varient en fonction des conditions environnementales et sont inconnues.

Un examen réalisé par le CCME (1997a) a permis de conclure que la biodégradation dans les sols, et en particulier dans des conditions aérobies, est un important processus d’élimination des cyanures mais, comme dans le cas de l’environnement aquatique, les vitesses sont inconnues. Les facteurs limitant les vitesses de biodégradation comprennent l’acclimatation des microorganismes, la disponibilité de l’oxygène, les concentrations de cyanure libre et la disponibilité des nutriments (p. ex. le phosphore).

6.3 Potentiel de bioaccumulation

Le cyanure libre ne devrait pas être bioconcentré par les organismes aquatiques en raison de son faible log Koe allant de – 0,25 à 0,66 (tableau 3‑1). Des facteurs de bioconcentration (FBC) empiriques entre 1,7 et 170 L/kg ont été rapportés pour la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) exposée à des concentrations sous-létales de cyanures pendant 15 jours à 16 semaines (Bois et Leduc 1988, Lanno et Dixon 1996).

La bioaccumulation des cyanures dans des organismes aquatiques ou terrestres et sa bioamplification dans des réseaux trophiques n’ont pas été observées. Ceci peut être dû aux effets létaux des cyanures à haute dose et à la détoxification rapide du cyanure en métabolites moins toxiques par la plupart des espèces à des concentrations sous‑létales (Eisler 1991, ATSDR 2006, AGDH 2010).

7. Potentiel d’effets nocifs sur l’environnement

7.1 Évaluation des effets sur l’environnement

7.1.1 Mode d’action

Le principal mode d’action toxique du cyanure libre et son principal effet nocif lors d’expositions à court terme est d’inhiber le transport cellulaire d’électrons par inhibition de la phosphorylation oxydative, causant une perturbation du métabolisme de l’énergie (AGDH 2010, Barron et al. 2015). Une fois absorbé, CN- réagit rapidement avec la cytochrome c oxydase pour former des complexes de cyanures stables qui inhibent le transfert d’électrons dans la mitochondrie des cellules, causant une hypoxie cytotoxique ou une asphyxie cellulaire. Le manque d’oxygène disponible provoque le passage du métabolisme aérobie au métabolisme anaérobie, conduisant à la réduction des composés riches en énergie et à l’accumulation de lactate (acidose lactique) dans le circuit sanguin. La combinaison de l’hypoxie cytotoxique et de l’acidose lactique déprime le système nerveux central conduisant à un arrêt respiratoire et à la mort (Eisler 1991, ICMC 2015). HCN perturbe aussi les activités d’autres enzymes, dont la catalase, diverses peroxydases, la myoglobine, la nitrite réductase, la nitrate réductase et la nitrogénase (Solomonson 1981), ainsi que la CO2 réductase (Eisler 1991).

HCN est très soluble dans l’eau et est facilement absorbé par les organismes aquatiques par contact avec la peau et les membranes des muqueuses (p. ex. les branchies) et absorbé dans le flux sanguin (Eisler 1991, Gensemer et al. 2006). Chez les poissons, HCN peut causer des effets sous-létaux en traversant la membrane des branchies, provoquant des perturbations biochimiques résultant en des dommages aux tissus et à des effets sur le système nerveux (Murgatroyd et al. 1998). La carpe commune exposée à des concentrations sous-létales de cyanure de sodium (100 µg/L de NaCN équivalant à environ 67 µg/L de HCN) pendant 10 ou 20 jours a exhibé une activité enzymatique moindre du foie et des lésions oxydatives irréversibles aux cellules des reins et du foie (David et Kartheek 2016). Le poisson-chat africain exposé à 50 µg/L de KCN (équivalant à 20 µg/L de HCN) pendant 4 semaines a exhibé des lésions au foie et au système reproducteur (Authman et al. 2013). De plus, les niveaux de vitellogénine (Vtg) dans le sérum, l’expression du gène de la vitellogénine (Vtg mARN) et les récepteurs des estrogènes (RE mARN) étaient diminués chez les femelles, alors que les niveaux de Vtg augmentaient dans le foie des mâles, possiblement en raison de la stimulation des récepteurs des estrogènes (Authman et al. 2013). HCN peut être considéré comme un composé endocrinien actif qui imite l’action d’hormones chez le poisson. Il a été observé que HCN réduit la reproduction chez le poisson à des concentrations sous-létales de 10µg/L pendant 12 jours, en faisant croître les niveaux de dopamine dans le cerveau des poissons qui inhibe la production de gonadotropine, affectant ainsi le développement des gonades chez les mâles et les femelles (Szabo et al. 1991).

Un examen réalisé par le CCME (1997a) a permis de déterminer que le principal effet du cyanure libre sur les plantes était relié à sa complexation avec des ions métalliques qui inhibe l’action de divers métalloenzymes. En plus de l’inhibition de la respiration aérobie, CN- élimine aussi le cuivre de la plastocyanine inhibant le transport d’électrons vers le photosystème (Berg et Krogman 1975).

La détoxification du cyanure libre et d’autres cyanures est réalisée principalement par une enzyme bactérienne ou mitochondriale appelée rhodanèse, qui convertit HCN en thiocyanate moins toxique et excrété dans l’urine (Solomonson 1981). La volatilisation de HCN ou excrétion urinaire d’autres métabolites produits par le métabolisme oxydatif sont d’autres processus mineurs de détoxification (Eisler 1991, AGDH 2010).

7.1.2 Toxicité aquatique

L’environnement aquatique est considéré comme le milieu le plus important dans le cas des cyanures en raison de la grande solubilité du cyanure libre et de ses précurseurs. Des études bibliographiques sur la toxicité aquatiques des cyanures ont récemment été faites pour Environnement et Changement climatique Canada (Nautilus Environmental 2009, Aquaterra Environmental Consulting Inc. 2016) ou dans le cadre d’autres évaluations au niveau international (AGDH 2010, ECETOC 2007). Aucune étude sur l’écotoxicité des cyanures dans les sédiments n’a pu être identifiée. Toutefois, l’exposition due aux sédiments peut être relativement faible comparativement à celle due à l’eau (Gensemer et al. 2006), et l’emphase a donc été mise sur les effets sur les organismes présents dans la colonne d’eau.

Des données sont disponibles sur la toxicité de CN- et HCN, des sels simples (p. ex. NaCN), des complexes métalliques (p. ex. ferrocyanure de sodium Na4Fe(CN)6) et de quelques autres espèces de cyanure (p. ex. le chlorure de cyanogène) pour de nombreuses espèces d’algues, de plantes aquatiques, d’invertébrés et de poissons. Il a été observé que certaines espèces aquatiques (p. ex. cériodaphnia) sont aussi sensibles aux sels simples qu’aux cyanures complexes (Manar et al. 2011). Toutefois, la toxicité des complexes métal-cyanure est habituellement inférieure à celle des sels simples, qui peuvent être dissociés rapidement et complètement en cyanure libre (Gensemer et al. 2006). Par exemple, la CE50 aiguë à 96 h pour la villeuse irisée d’eau douce (Villosa iris) est respectivement supérieure à 100 et 1000 mg/L pour le ferrocyanure ferrique et le ferrocyanure de sodium, soit plusieurs ordres de grandeur supérieure à la CE50 à 96 h de 1,1 mg/L pour le cyanure de sodium (Pandolfo et al. 2012). De plus, Little et al. (2007) ont observé que la CL50 à 96 h pour la truite arc‑en‑ciel (Oncorhynchus mykiss) passe de 112,9 à 0,38 mg/L quand des solutions tests d’un complexe de cyanure stable, l’hexacyanocobaltate de potassium, étaient exposées à du rayonnement ultraviolet afin de provoquer la photolyse et la dissociation du complexe métal-cyanure. Le choix de paramètres de toxicité pertinents pour l’évaluation des effets des cyanures sur l’environnement a donc été fait en s’intéressant à des études réalisées avec des espèces de cyanure libre ou de sels simples de cyanure comme NaCN ou KCN, espèces que se dissocient complètement en solution pour produire du cyanure libre et dont les contre-ions ne provoquent pas d’effets nocifs.

La toxicité de HCN peut être modifiée par un certain nombre de facteurs abiotiques comme la température, le pH de l’eau ou sa teneur en oxygène (Alabaster et al. 1983, Cairns et al. 1978, Eisler 1991, Smith et Heath 1978), mais la corrélation entre les paramètres de qualité de l’eau et la toxicité de HCN n’est pas assez significative pour être incorporée systématiquement dans le calcul d’une concentration estimée sans effet (CESE) (Nautilus Environmental 2009).

Au total, 31 études sur la toxicité de HCN ou d’autres sels simples ont été examinées et ont permis d’obtenir des données précises sur la toxicité pour une espèce d’algue, cinq espèces d’amphibiens, une espèce de protozoaire, quinze espèces d’invertébrés (y compris une espèce d’unionidé) et onze espèces de poissons. Les valeurs de toxicité allaient d’une faible CL50 à 48 h de 1 µg/L de HCN pour la puce d’eau commune (Daphnia pulex) à une importante CL50 à 48 h de 160 000 µg/L de HCN pour un annélide (Aeolosoma headleyi) (Cairns et al. 1978). En général, les poissons semblent plus sensibles au cyanure libre (Nautilus Environmental 2009), avec une majorité de CL50 inférieures à 1 mg/L de HCN alors que plusieurs CL50 pour des invertébrés, des algues et des plantes excèdent 1 mg/L.

Des données sur la toxicité chronique ont été relevées dans 17 études portant sur trois espèces d’algue, deux espèces de plante aquatique, cinq espèces d’invertébré et six espèces de poisson. Les valeurs de toxicité (c.-à-d. CE10, CE/CI50, CMAT, CSEO, CMEO) allaient d’une faible CSEO à 289 j pour la reproduction de 5,2 µg/L de HCN pour le crapet arlequin (Lepomis macrochirus) à une CI50 à 32 j de 29 800 µg/L de HCN pour la myriophylle en épi (Myriophyllum spicatum) (Kimball et al. 1978, Stanley 1974). Les poissons sont plus sensibles à une exposition chronique à du cyanure libre que la plupart des autres organismes (Eisler 1991, AGDH 2010).

Les données sur la toxicité chronique constituent un indicateur plus sensible du potentiel d’effets nocifs dus à une exposition à long terme. En tenant compte de la persistance du cyanure libre, les données sur la toxicité chronique ont été utilisées pour calculer une valeur critique de toxicité (VCT), qui est une expression quantitative d’un effet toxique faible (p. ex. CE10) lié au paramètre de toxicité le plus sensible pour les organismes récepteurs dans le milieu étudié.

Calcul de la CESE pour une exposition à long terme

L’ensemble des données sur la toxicité chronique disponibles pour l’acide cyanhydrique satisfait aux exigences sur les données minimales sur les espèces stipulées par le CCME (2007), permettant ainsi le calcul d’une VCT chronique au moyen d’une distribution de la sensibilité des espèces (DSE). Des paramètres tirés d’études fiables ont été choisis en suivant le guide du CCME pour le calcul des RQE (CCME 2007). Nous avons utilisé le logiciel SSD Master v3.0 (SSD Master 2010) pour réaliser la figure 7-1). Plusieurs fonctions de distribution cumulatives (normale, logistique, valeur extrême et Gumbel) ont été adaptées aux données au moyen de méthodes de régression. L’adéquation du modèle et les hypothèses faites ont été évaluées au moyen de techniques statistiques et graphiques, et le modèle préféré a été choisi en se basant sur des considérations de qualité de l’adéquation et d’exploitation possible du modèle.

Nous avons retenus des paramètres pour la toxicité due à une exposition à long terme (chronique) tirés d’études fiables pour 12 espèces, dont une espèce de plante aquatique, trois d’algues, quatre d’invertébrés et quatre de poissons, afin d’établir la DSE pour la toxicité chronique (figure 7‑1) du HCN (voir le table B-1 de l’annexe B). Les paramètres représentent un seuil de faible effet (p. ex. CE10, CMAT ou CESE) et ont été choisis en tenant compte de plusieurs critères dont la durée du test, les effets observés (p. ex. croissance, mortalité ou reproduction) et leur ampleur (p. ex. une préférence a été donnée aux valeurs fiables les plus faibles) et les types d’espèces (p. ex. espèces canadiennes ou de remplacement). Les CE10 utilisées pour la DSE ont été calculées par Nautilus Environmental (2009). Lors de l’adéquation d’un modèle à la DSE, le modèle des valeurs extrêmes s’est avéré être le meilleur en ce qui concerne l’inspection visuelle, les niveaux les plus faibles de variabilité statistique (valeurs résiduelles), la distribution uniforme des valeurs résiduelles et l’ampleur la plus faible de l’intervalle de confiance. Le modèle des valeurs extrêmes conduisait à la plus basse valeur du test statistique d’Anderson-Darling (A2) = 0,249 (p < 0,05). La VCT est calculée en utilisant le 5ème percentile de la DSE, qui est appelée concentration dangereuse au niveau de protection du 5ème percentile (HC5). Le HC5 du graphique de la DSE est de 1,7 µg HCN/L, avec des limites inférieure et supérieure de confiance respectivement de 1,14 et 2,49 µg HCN/L.

Figure 7‑1. Distribution de la sensibilité des espèces (DSE) pour HCN, basée sur des paramètres d’études de toxicité chronique. L’adéquation du modèle des valeurs extrêmes aux données est illustrée sur le graphique, ainsi que l’intervalle de confiance à 95 % et le 5ème percentile de la distribution

Description longue de la Figure 7-1:

La figure 7-1 illustre la distribution de la sensibilité des espèces (DSE) au HCN, basée sur des paramètres d’études sur la toxicité chronique pour des organismes aquatiques. L’axe des x représente logarithme de la concentration de HCN (µg/L), et celui des y la proportion des espèces. Ce graphique comporte 12 points de données correspondant au modèle des valeurs extrêmes, ainsi que l’intervalle de confiance à 95 % et le 5ème  percentile de la distribution. Dix des douze points de données se trouvent dans les limites de l’intervalle de confiance à 95 %. Le 5ème percentile de la distribution (HC5) a été établi à 1,69 µg HCN/L et retenu comme CESE pour l’environnement aquatique. Cette figure montre que la sensibilité des espèces aquatiques au HCN suit une courbe en forme de S. Les données qui représentent la DSE sont identifiées dans le tableau B‑1 de l’Annexe B.

Le HC5 de 1,7 µg HCN/L calculé pour la DSE est retenu comme VCT pour les organismes aquatiques pour le cyanure libre. Selon le CCME (2007), les recommandations pour l’exposition à long terme correspondent aux concentrations maximales devant protéger toutes les formes de vie aquatique (toutes les espèces et toutes les étapes de la vie) pendant des périodes d’exposition quelconque, et cette valeur est donc utilisée pour calculer la CESE pour les organismes aquatiques. Étant donné que le HC5 est basé sur une DSE pour une exposition chronique qui couvre plusieurs espèces et taxons aucun facteur d’évaluation supplémentaire n’est nécessaire et la CESE pour les organismes aquatiques est donc de 1,7 µg HCN/L.

Cette CESE est inférieure aux recommandations pour la qualité de l’eau pour le cyanure libre du CCME et de l’EPA des États-Unis, qui sont 5 µg CN/L ou 5,2 µg HCN/L (CCME 1997b, EPA 2016) ou à la valeur recommandée par l’ANZECC de 7 µg CN/L (ANZECC 2000), qui toutes sont basées sur un rapport aigu/chronique appliqué aux CL50 à court terme à la place de paramètres chroniques. Toutefois, cette CESE est comparable à la CESE de 1,1 µg CN-/L calculée plus récemment par l’ECETOC (2007). Cette CESE est basée sur un HC5 calculé avec une DES de 1,1 µg CN-/L (intervalle de confiance à 90 % allant de 0,4 à 2,3µg/L) ou de 1,14 µg HCN/L calculé au moyen d’un ensemble de données sur la toxicité chronique d’espèces d’eau douce ou d’eau salée. Il est bon de noter qu’un HC5 de 1,4 µg CN-/L (intervalle de confiance à 90 % allant de 0,4 à 2,8 µg/L) a aussi été calculé à partir de données sur des espèces uniquement d’eau douce (ECETOC 2007).  

7.1.3 Toxicité terrestre

Les données sur l’écotoxicité du cyanure libre dans le sol sont limitées et ne concernent que les plantes et les invertébrés. Les renseignements sur la toxicité aiguë et chronique du cyanure libre pour les organismes du sol ont fait l’objet d’un examen par le CCME (1997a, 1997c) afin de calculer une recommandation pour la qualité du sol pour la protection de l’environnement et de la santé humaine.

Le calcul de la recommandation canadienne pour la qualité des sols pour le contact avec le sol (RCQSCS) est basé sur des données écotoxicologiques sur trois espèces de plantes vasculaires et une espèce d’invertébré du sol (lombric). Une valeur de 0,9 mg/kg (900 µg/kg) de HCN a été établie comme recommandation pour la qualité des sols (RQS) pour la protection de l’environnement pour une utilisation des terres à des fins agricoles ou résidentielles/de parc. Un test de toxicité des sols plus récent a été réalisé avec E. fetida exposé à du KCN, conduisant à une CE50 et à une CE10 à 14 jours de 74 et 56 µg/kg de CN- (équivalent à 76,8 et 58,2 µg/kg de HCN) respectivement (Manar et al. 2011). Cette CE10 est inférieure aux deux CSEO à 14 jours de 1200 et 3000 µg/kg CN- observées pour la même espèce lors de l’élaboration de la RQS.

7.2 Évaluation de l’exposition dans l’environnement

7.2.1 Approche suivie pour la caractérisation de l’exposition

Des scénarios d’exposition ont été élaborés pour trois activités pouvant conduire au rejet de cyanure libre et de ses précurseurs dans les eaux de surface : exploitation minière de métaux, production de fer et d’acier et sels de voirie contenant du cyanure. Nous avons élaboré ces trois scénarios, car pour ces activités de grandes quantités de cyanures sont utilisées ou produites et parce que du cyanure peut être rejeté dans l’environnement aquatique lors du rejet d’effluents d’exploitation minière ou de production de fer et d’acier ou lors de l’application de produits commerciaux contenant du cyanure (p, ex, application de sels de voirie contenant du cyanure). Pour chacun de ces scénarios d’exposition, une concentration environnementale estimée (CEE) exprimée en tant qu’acide cyanhydrique moléculaire (HCN) a été calculée afin d’évaluer l’exposition des récepteurs de l’environnement dans les eaux de surface. Ces CEE consistent en des gammes de concentrations pour un ou plusieurs sites ou en des concentrations moyennes arithmétiques ou médianes pour des sites individuels. Ces CEE ont principalement été calculées en utilisant des concentrations de cyanure mesurées. Ces concentrations apportent une preuve d’exposition des organismes au Canada due à des secteurs d’activité spécifiques. L’adéquation des concentrations mesurées dans l’environnement a été évaluée en tenant compte de facteurs comme la distance entre les sites d’échantillonnage et la source du rejet, l’année et les saisons pendant lesquelles les échantillons ont été collectés, la méthode d’analyse utilisée et le nombre de mesures disponibles. Bien qu’elles soient basées sur des concentrations mesurées, ces CEE sont dites « estimées », car les mesures faites sur des sites spécifiques pour un secteur d’activité sont utilisées pour représenter le secteur dans son ensemble. Quand des concentrations mesurées n’étaient pas disponibles, les CEE ont été calculées à partir de charges annuelles moyennes de cyanure dans l’effluent d’une installation spécifique.

Il est bon de noter que d’autres secteurs d’activité comme le raffinage du pétrole, la production de composés chimiques ou d’aluminium peuvent aussi être des sources de cyanures dans l’environnement (section 5.0). Toutefois, des analyses internes ont permis de déterminer que ces rejets potentiels seraient moins préoccupants. Par exemple, les rejets déclarés à l’INRP par le secteur du raffinage du pétrole sont principalement atmosphériques et posent moins de problème que ceux dans l’environnement aquatique en raison de la dispersion et de la diffusion dans l’atmosphère (section 6).

7.2.2 Surveillance environnementale

Les échantillons prélevés dans l’environnement (p. ex. dans l’eau, le sol, les sédiments ou les biotes) contiennent généralement plusieurs espèces chimiques de cyanure et les méthodes pour les analyser diffèrent en fonction de leurs propriétés, dont leur capacité de dissociation. Les mesures de cyanure libre (CNLibre) dans des échantillons de l’environnement font référence à la concentration de HCN/CN- dans un échantillon, celles de cyanure « dissociable par un acide faible » (CNDAFa) font référence à la concentration de cyanure libre et de cyanures complexes faibles dans un échantillon et celles de cyanure total (CNT) à la somme du CNLibre, du CNDAFa et de tous les autres complexes de cyanure (p. ex. cyanure « dissociable par un acide fort », CNDAQFo) (Ghosh et al. 2006b). Les complexes CNDAFa comprennent les complexes du cyanure avec le cadmium, le zinc, l’argent, le cuivre, le nickel et le mercure qui libèrent du cyanure libre dans des conditions légèrement acides (pH d’environ 4) (CCME 1997a, Ghosh et al. 2006a, 2006b). Les complexes CNDAFo comprennent les complexes du cyanure avec l’or, le platine, le fer et le cobalt qui requièrent des conditions fortement acides pour pouvoir être dissociés (CCME 1997c, Ghosh et al. 2006a, 2006b). La fraction CNDAFo d’une mesure de cyanure peut être calculée en soustrayant la concentration de CNDAFa de la concentration CNT. Étant donné que les mesures de CNT sont habituellement faites en acidifiant l’échantillon au moyen d’un acide fort et en l’irradiant afin de complètement dissocier les complexes forts, CNT peut quelques fois être appelé CNDAFo par certains laboratoires, même si les mesures de CNT comprennent le cyanure libre et les cyanures DAFa. Les méthodes d’analyse disponibles pour chaque fraction présente dans les milieux de l’environnement ont fait l’objet d’une discussion par Ghosh et al. (2006b) et l’AGDH (2010). Un certain nombre d’espèces chimiques, dont le sulfure, le soufre, le sulfite, des oxydants comme le chlore, le thiocyanate, le thiosulfate, des aldéhydes, des acides gras, le carbonate, le nitrate et le nitrite peuvent interférer lors de l’analyse des cyanures dans l’eau (Ghosh et al 2006b, OI Analytical 2012, EPA 2007). Le sulfite, le thiocyanate, le thiosulfate et les agents oxydants peuvent causer des faux négatifs, alors que le sulfure, le nitrate et le nitrite peuvent causer des faux positifs (OI Analytical 2012). De plus, l’exposition de l’échantillon à la lumière solaire peut entraîner la photolyse des complexes métal‑cyanure en solution et la perte de HCN par volatilisation conduisant à des concentrations mesurées plus basses.

Bien que la toxicité des cyanures soit régie par le cyanure libre (CNLibre), la mesure de CNLibre uniquement conduit à une sous-estimation du potentiel de toxicité et avec la plupart des méthodes d’analyse standards, à l’exception de la méthode 9213 de l’EPA (EPA 1996), on mesure également les complexes avec des métaux faiblement liés qui se dissocient à pH 6 (p. ex. complexes zinc-cyanure) (AGDH 2010). Les mesures de CNDAFa sont donc largement utilisées pour déterminer les cyanures « biologiquement disponibles » (AGDH 2010), puisque ces mesures recouvrent le cyanure libre (HCN/CN) et les complexes faibles qui peuvent se dissocier et libérer l’entité préoccupante (AGDH 2010). Par exemple, la recommandation de la Colombie‑Britannique pour la qualité de l’eau pour les cyanures dans l’eau douce est basée sur CNDAFa et stipule que la concentration moyenne de CNDAFa (basée sur un minimum de 5 échantillons par semaine) pour une période de 30 jours dans des échantillons non filtrés ne devrait pas excéder 5 µg CN/L (B.C. MOE 1986). Toutefois, les mesures de CNDAFa ne tiennent pas compte des complexes du cyanure forts (CNDAFo) qui peuvent potentiellement se photodissocier et libérer du cyanure libre. Pour confirmer que la recommandation est respectée, le ministère de l’Environnement de la C.-B. recommande donc aussi de mesure CNT (appelé CNDAFo dans la recommandation). Au cas où CNT mesurée excède la recommandation, un échantillonnage supplémentaire devrait être fait sur une base horaire et pendant un ensoleillement fort (entre 11 et 14 h), même si la recommandation pour CNDAFa est respectée, afin de déterminer si la photolyse de complexes fer-cyanure produit des concentrations inacceptables de cyanure libre (B.C. MOE 1986).

L’interprétation des données de surveillance des cyanures devraient idéalement tenir compte des concentrations de CNT et de CNDAFa afin d’évaluer plus précisément le potentiel d’effets nocifs associés aux cyanures dans l’environnement. Toutefois, la surveillance environnementale des cyanures par des organismes de réglementation ou l’industrie est le plus souvent rapportée sous forme de cyanure total (CNT). Bien qu’il soit noté que les mesures de CNT puissent quelques fois surestimer le potentiel de  toxicité (Redman et Santore 2012), en particulier dans des environnements où les rapports CNDAFa/CNDAFo sont faibles et le potentiel de photolyse négligeable, les concentrations de CNT seront utilisées comme élément principal de preuve de la présence de cyanure dans l’environnement au Canada en raison de la plus grande disponibilité de ces données. Quand il sera possible, les concentrations de CNDAFa et de CNLibre seront également utilisées comme éléments secondaires de preuve de la présence de cyanures dans l’environnement et de leur potentiel d’effets nocifs.

7.2.3 Concentrations des cyanures dans les eaux de surface au Canada

7.2.3.1 Concentrations de fond

Des cyanures sont naturellement produits par de nombreux organismes ou autres processus abiotiques (section 4), pouvant conduire à des niveaux détectables de cyanure dans l’environnement (CCME 1997a). Toutefois, la disponibilité des données de surveillance (concentrations CNLibre, CNDAFa ou CNT) représentatives des niveaux de fond de cyanures dans l’environnement aquatique est limitée, les cyanures ayant tendance à être mesurés à proximité de sources anthropiques (B.C. MOE 1986). Les concentrations naturelles de cyanures devraient être faibles en raison de processus d’élimination comme la volatilisation ou la biodégradation, qui peuvent prévenir l’accumulation à long terme de cyanure dans la colonne d’eau et les sédiments (B.C. MOE 1986). Néanmoins, des concentrations de CNT dans des bassins hydrographiques ruraux ont été mesurées en Allemagne, fluctuant avec les saisons possiblement en raison de proliférations d’algues au printemps et de la décomposition de matière organique à l’automne et en hiver (ECETOC 2007, Krutz 1981). Dans un ruisseau naturel, les niveaux normaux de CNT de 0,7-2,1 µg/L augmentaient jusqu’à un maximum de 5 µg/L au printemps et de 10 µg/L en automne (ECETOC 2007, Krutz 1981).

7.2.3.2 Données provinciales de surveillance de la qualité de l’eau

Les concentrations de cyanures dans les eaux de surface sont surveillées régulièrement dans trois provinces, l’Alberta, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan. Les données de surveillance des cyanures pertinents dans l’eau douce de ces trois provinces pour la période 2005-2015 ont été requises de l’Alberta Environment and Parks (AEP) (communication personnelle, fichiers Excel préparés par la Water Policy Branch d’AEP pour la Division de l’évaluation environnementale d’Environnement et Changement climatique Canada, datée du 2 octobre 2015; non référencé), du ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique (B.C. MOE) (EMSWR 2016) et de la Saskatchewan Water Security Agency (SWSA) (communication personnelle, fichiers Excel préparés par les Environmental and Municipal Management Services de la SWSA pour la Division de l’évaluation environnementale d’Environnement et Changement climatique Canada, datée du 25 février 2016; non référencé). Les ensembles de données ont été analysés afin de définir les concentrations de cyanures dans les eaux de surface au Canada et d’identifier les sources potentielles. Des résumés statistiques ont été produits pour chaque ensemble de données, incluant le nombre total de mesures, le nombre de détection et d’autres statistiques descriptives (tableau 7‑1). Pour les échantillons sans détection, nous avons assumé une concentration égale à la moitié de la limite de détection et l’avons utilisée pour les analyses statistiques.

Les concentrations médianes des ensembles de données de l’Alberta et de la Saskatchewan sur CNT  étaient basses (1 et 0,5 µg/L) et le pourcentage de mesures avec détection était inférieur à 10. Aucune source anthropique notable n’a été identifiée à proximité des sites où les concentrations les plus élevées ont été mesurées, à l’exception des zones urbaines, indiquant que certains des dépassements pourraient être le résultat de rejets par des systèmes de traitement des eaux usées, de l’utilisation de sels de voirie (pour les mesures faites en hiver et au printemps) ou d’autres sources non identifiées. Par exemple, la mesure les plus élevée de CNT de l’ensemble de données de l’Alberta (66 µg/L) a été mesurée dans la rivière North Saskatchewan près de Pakan Bridge en avril 2011, quand des sels de voirie pourraient avoir été appliqués.

Pour la Colombie-Britannique, des données de surveillance des eaux de surface étaient disponibles pour CNT, et CNDAFa (EMSWR 2016). L’analyse statistique de deux ensembles de données semble indiquer un pourcentage de mesures avec détection et des concentrations de CNDAFa et de CNT plus élevés que ceux de l’Alberta ou de la Saskatchewan. Toutefois, un pourcentage élevé de mesures avec détection (y compris de concentrations excédant la CESE de 1,7µg HCN/L) a été observé sur les sites de surveillance à proximité du site de l’ancienne mine Nickel Plate près de la ville de Hedley, fermée en 1998. En fait, 86 % de toutes les détections de CNT (n = 3268) et 53 % de celles de CNDAFa (n = 521) ont été faites dans 18 stations de surveillance situées sur le site de la mine Nickel Plate ou à proximité de ce site, dont celles des ruisseaux Cahill, Hedley, Red Top Gulch et Sunset. Ces mesures représentaient 99,2 et 92,9 % de toutes les concentrations de CNT et de CNDAFa excédant la CESE. En 2006, le ministère de l’Environnement de la C.-B. a observé que l’objectif de qualité de l’eau pour la CNDAFa n’était pas atteint de manière constante dans le bassin hydrographique du ruisseau Cahill (B.C. MOE 2008). Toutefois, ce site est maintenant fermé et considéré géré, et n’est plus pris en compte pour la présente analyse. D’autres concentrations de CNT et CNDAFa ont été détectées dans des stations de surveillance situées à proximité de cinq sites d’exploitation minière (actif  ou non), d’une ancienne usine de pâtes et papiers, d’un système de traitement d’eaux usées municipales et d’un site recevant des eaux de ruissellement d’une aire de stationnement. De plus, 32 % des autres concentrations de CNDAFa  ont été mesurées dans des stations de surveillance qui ne semblent pas situées directement à proximité de sources ponctuelles, mais dans des bassins hydrographiques où des activités anthropiques ont lieu (p. ex. exploitation minière, urbanisation, agriculture, exploitation forestière) (B.C. MOE 2017). 

Tableau 7-1. Données de surveillance des cyanures de l’Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique (2005-2015)

Province

Alberta

Sask.

C.-B.

C.-B.

Appellation de l’ensemble de données

CNT

CNT

Cyanure

Cyanure (DAFa)

Paramètres

CNT

CNT

CNT

CNDAFa

Nombre de sites

116

48

60

81

Nombre total de mesures avec détection (% de détection)

1424 (9)

818 (6)

8486 (45)

8744 (11)

Gamme des limites de détection (µg/L)

2 - 10

1

0,5 - 100

0,5 - 100

Min – max (µg/L)

< 2 - 66

< 1 - 5

< 0,5 – 2477

< 0,5 – 2477

Moyenne arithmétique (µg/L)

1,28

0,56

6,8

4,1

Moyenne géométrique (µg/L)

1,13

0,53

2,2

1,6

Médiane (µg/L)

1

0,5

2,5

2,5

95ème percentile (µg/L)

2,5

1

12

5

7.2.4 Exploitation minière des métaux

Les renseignements sur l’importation d’un certain nombre de cyanures pour l’année 2011 indiquent que de 10 000 000 à 50 000 000 de kg de cyanure de sodium (NaCN) ont été importés au Canada pour être utilisés par le secteur de l’exploitation minière des métaux (Environnement Canada 2013). L’anion cyanure (CN-) est le principal réactif utilisé pour extraire l’or et d’autres métaux précieux du minerai de manière efficace (Johnson et al. 2002). Une fois le minerai extrait de la mine, il est traité afin de récupérer les minéraux utiles. Les principales étapes du traitement du minerai comprennent le broyage, la séparation chimique/physique et l’élimination de l’eau (Environnement Canada 2009). Des cyanures (p. ex. NaCN) peuvent être ajoutés dans le circuit de broyage ou pendant les processus de séparation du minerai mettant en jeu la flottation ou la lixiviation qui est le principal processus de récupération de l’or ou de l’argent métallique (Environnement Canada 2009). Lors du processus de lixiviation, des solutions de cyanure préparées au moyen de sels (p. ex. NaCN ou KCN) sont utilisées pour dissoudre et extraire les métaux précieux présents dans le minerai (Johnson 2015). Environ 1 à 2,5 kg de NaCN peuvent être utilisés par tonne de minerai (Wong‑Chong et al. 2006b). La lixiviation est réalisée à des pH élevés (9,5 – 11) afin de réduire les pertes de cyanure libre dues à l’hydrolyse, à la réaction avec le dioxyde de  carbone ou à la volatilisation de HCN (EPA 1994). Une partie des cyanues peut être réutilisée pour le traitement, mais une autre est rejetée dans les résidus et, en conséquence, les eaux usées des installations utilisant des cyanures peuvent en contenir (Environnement Canada 2009). Dans les mines qui utilisent des cyanures, on fait souvent appel à des technologies de traitement pour détruire les cyanures dans l’effluent, bien que certaines opérations s’en remettent uniquement à la dégradation naturelle des cyanures (HATCH 2014). Au Canada, les technologies courantes utilisées pour l’élimination des cyanures des déchets miniers (effluents et résidus) sont le procédé SO2-air et le procédé au peroxyde d’hydrogène. La dégradation naturelle est souvent utilisée comme étape de polissage.

Au Canada, les mines de métaux qui rejettent des effluents dans une eau quelconque avec un débit excédant 50 m3/jour sont assujetties au Règlement sur les effluents des mines de métaux (REMM 2002) de la Loi sur les pêches. L’annexe 4 du REMM stipule des limites de concentration dans l’effluent pour certains paramètres, dont le cyanure. La concentration mensuelle moyenne maximale autorisée de cyanures dans l’effluent est de 1,0 mg/L de CNT et les exigences d’analyse de l’effluent pour l’exploitation minière de métaux de l’annexe 3 du REMM recommandent une LD maximale de 10µg/L de CNT. Les installations doivent aussi mettre en action des programmes de Surveillance des effets sur l’environnement (SEE) pour lesquels la surveillance de la qualité de l’eau doit être réalisée dans la zone d’exposition aux alentours du point de rejet de l’effluent dans l’eau, pour chaque point de rejet et pour les zones de référence connexes. Les concentrations de CNT sont mesurées dans les zones de référence et les zones exposées quand la substance utilisée comme réactif de procédé sur le site d’exploitation.

La concentration et la disponibilité des cyanures dans les déchets de lixiviation (résidus et effluent) peuvent diminuer avec le temps en raison de modifications de la spéciation des cyanures et des voies d’élimination (p. ex. volatilisation et dégradation). Toutefois, les résidus récemment rejetés peuvent contenir des concentrations significatives de CNLibre et de CNDAFa. Par exemple, les concentrations moyennes de CNT et de CNDAFa (19,5 mg CNT/kg et 2,95 mg CNDAFa/kg) mesurées dans des résidus récemment rejetés dans un bassin de résidus (dans les trois mois pécédents) étaient supérieures à celles  (3,2 mg CNT/kg et < 0,5 mg CNDAFa/kg) mesurées dans des résidus « âgées » rejetés il y a six à neuf ans (Zagury et al. 2004). En termes de spéciation, les espèces de cyanure présentes dans les résidus frais étaient plus solubles et disponibles que celles présentes dans d’anciens résidus. Zagury et al. (2004) ont déterminé que 45 à 53 % des cyanures présents dans des résidus frais étaient des cyanures libres, des cyanures facilement solubles et des complexes faibles à modérément forts, comparativement à 15 à 33 % dans d’anciens résidus. Des résultats similaires ont été observés dans l’effluent, où les concentrations de CNT et de CNDAFa mesurées sur le site d’une opération de lixiviation en tas une semaine après la lixiviation (CNDAFa 4,84 mg/L; CNT 6,99 mg/L) étaient bien supérieures à celles mesurées dans l’effluent huit mois après la lixiviation (CNDAFa 0,18 mg/L; CNT 1,05 mg/L), et les espèces de CNDAFa représentaient un plus grand pourcentage des concentrations de CNT (Johnson et al. 2008). Avant la fermeture de la mine Nickel Plate (C.-B.), des concentrations de CNT (2 à 7 mg/L) et de CNDAFa (0,2 à 3,0 mg/L) ont été mesurées dans l’eau récupérée provenant des zones de résidus de la mine (Given et Meyer 1998), indiquant que des espèces de CNLibre et de CNDAFa étaient présentes en solution, mais en concentrations plus faibles que celles des espèces de CNDAFo. Dans un autre exemple, l’échantillonnage dans un ruisseau recevant des eaux d’exfiltration contaminées par des cyanures provenant d’un bassin de résidus d’une mine d’or et d’argent et de son usine de traitement en activité, a permis de déterminer que les concentrations de CNT et de CNDAFa étaient virtuellement identiques et que celles de CNDAFa représentaient en moyenne 90 % des espèces de cyanure mesurées dans le ruisseau (B.C. MOE 1986). Ces résultats suggèrent qu’en l’absence d’atténuation naturelle prolongée ou de traitement supplémentaire une partie significative des cyanures présents dans les effluents de sites en activité peut être composée d’espèces de CNDAFa plus disponibles et plus dangereuses.

La photolyse et la dissociation de complexes métal-cyanure forts ont été observées  dans l’effluent d’une ancienne mine d’or. Il a été observé que les concentrations de CNDAFa dans les échantillons collectés dans un canal à ciel ouvert recevant l’effluent d’un amas de minerai inactif augmentaient rapidement durant le jour jusqu’à 0,7 mg/L pour diminuer jusqu’à 0,2 mg/L la nuit, alors que les concentrations des complexes CNDAFo (p. ex. Fe(CN)64-) exhibaient un comportement inverse (Johnson et al. 2002). La vitesse de photodissociation des complexes de cyanure a été estimée à 0,9 mg CN/L/h pour une température dans la gamme 14,6-28,2 oC (Johnson et al. 2002). La conception du canal utilisé lors de cette étude, environ 0,5 mètre de largeur et quelques centimètres de profondeur, peut avoir été favorable à la dissociation des complexes métal-cyanure, la vitesse de photodissociation variant avec l’intensité solaire, la lumière, l’absorption de la lumière dans la colonne d’eau et la température (Johnson et al. 2015). En accord avec la RQE de la C.-B. pour le cyanure (B.C. MOE 1986), ces résultats suggèrent qu’il existe un cycle diurne régulier pour la spéciation des cyanures, indiquant que les espèces de CNDAFo mesurées dans les concentrations de CNT peuvent être photodissociées et constituer une source de CNLibre dans l’effluent d’une mine d’or et, possiblement, dans l’environnement récepteur. La dissociation des espèces de CNDAFo dans l’environnement récepteur pourrait donc conduire à des concentrations potentiellement dangereuses de HCN dans l’environnement, en particulier dans les zones où les concentrations de CNDAFa ou de CNLibre ont déjà été mesurées.

Les concentrations de CNT mesurées dans des échantillons d’eau de surface collectés dans des zones exposées et des zones de référence entre 2003 et 2015 et soumises à Environnement et Changement climatique Canada en vertu du REMM et du programme ESEE ont été étudiées (tableau 7‑2) (ESEE 2016). Les limites de détection rapportées pour l’ensemble de données vont de 1,0 x 10-3 à 100 µg/L CNT et étaient souvent supérieures à la CESE de 1,7 µg/L pour HCN. Les mesures inférieures à la limite de détection ont été retenues pour l’analyse de l’exposition, mais ont été établies à une valeur égala à la moitié de la limite de détection spécifique.

Les résultats de l’analyse indiquent généralement dans concentrations de CNT plus élevées dans les échantillons d’eau collectés dans des zones exposées, comparativement à celles dans les zones de référence. Les concentrations de CNT détectées excédaient la CESE plus régulièrement dans les zones exposées (39 %) comparativement à celles des zones de référence (23 %). La concentration maximale rapportée, la moyenne géométrique et la moyenne arithmétique étaient aussi supérieures à celles des zones de référence. La médiane de l’exposition et les ensembles de données de référence sont comparables, et ceci est expliqué par le nombre de non-détections transformées dont la valeur est considérée être la moitié de la limite de détection. Étant donné que les limites de détection (p. ex. 0,1 mg/L CNT) étaient souvent supérieures à la CESE, une non-détection ne signifie pas l’absence de cyanures dans un échantillon, et les concentrations de cyanures excédant la CESE peuvent être plus nombreuses que ce que la proportion de détections pourrait suggérer.

Tableau 7-2. Résumé des résultats de la surveillance pour le cyanure total mesuré en vertu du Règlement sur les effluents des mines de métaux de 2003 à 2015 (ESEE 2016)

Paramètre

Zones exposées

Zones de référence

Nombre total de mesures (% de détection)

2501 (41 %)

2405 (23 %)

Nombre d’installations

85

84

Nombre de détectionsa excédant la CESEb (% de dépassement)

970 (39 %)

553 (23 %)

Nombre d’installations dont des détections excèdent la CESE

70

64

Min – Max (µg/L)

< 1,0 x 10-3  – 926

< 1,0 x 10-3 – 420

Moyenne arithmétique (µg/L)

13,9

3,9

Moyenne géométrique (µg/L)

3,2

2,0

Médiane (µg/L)c

2,5

2,5

95ème percentile (µg/L)

39

11,3

a Mesures excédant la limite de détection de la méthode d’analyse
b
CESE chronique = 1,7 µg HCN/L
c
Les valeurs médianes sont les mêmes pour les deux zones, en raison du pourcentage élevé de mesures inférieures à la limite de détection.

Nous avons analysé les données de 10 installations d’exploitation minière (c.-à-d. des mines d’or et les installations de traitement) dont plus de 50 % des détections dans les zones exposées étaient supérieures à la CESE, ainsi qu’un grand ensemble de données (tableau 7‑3). Des concentrations de CNT ont été rapportées dans l’effluent de toutes les installations, confirmant leur utilisation de cyanures pour leur procédé. Les résultats confirment que les concentrations de CNT dans les zones exposées sont supérieures à celles dans les zones de référence et qu’elles pourraient être liées positivement à l’activité minière, mais pas de manière significative à d’autres sources (p. ex. feux de forêt).

Tableau 7-3. Étude des mesures de cyanure totale par site (ESEE 2016)

Site

Période d’échantil-lonnage

Type de zone

Taille de l’échantillon

Détection > CESE (%)

Médiane (µg/L)

Moyenne géométrique (µg/L)

Moyenne (µg/L)

1a

2004-2015

Exposée

120

90

7

6,8

10,7

1a

2004-2015

Référence

108

18,5

1

1,4

2,0

2

2004-2015

Exposée

47

74,5

3

3,0

3,9

2

2004-2015

Référence

46

13

1

1,2

1,2

3

2004-2015

Exposée

35

74

4

5,0

14

3

2004-2015

Référence

34

3

1

0,9

1

4

2003-2015

Exposée

44

70

9.6

8,2

11,5

4

2003-2015

Référence

44

48

3.8

4,6

5,9

5b

2004-2015

Exposée

13

92

313

206,9

336,7

5b

2004-2015

Référence

16

87.5

7.9

6,7

7,5

6

2004-2015

Exposée

50

62

8.3

6,3

30,6

6

2004-2015

Référence

49

45

1

2,9

8,2

7

2009-2015

Exposée

25

92

14

15,1

32,9

7

2009-2015

Référence

26

50

5

5,8

9,5

8

2009-2015

Exposée

25

88

20

17,5

43,4

8

2009-2015

Référence

26

50

2.5

2,5

5,1

9

2005-2015

Exposée

41

78

13

10

18,0

9

2005-2015

Référence

41

46

5

4,7

6,4

10

2004-2015

Exposée

221

65

10.2

9,4

17

10

2004-2015

Référence

149

45

2.5

4,5

5,7

a Le site 1 comprend une installation de traitement et une mine qui réalisent conjointement un suivi des effets sur l’environnement, mais qui soumettent des ensembles de données distincts sur les concentrations dans l’eau au système de déclaration du REMM. Les renseignements ont été analysés conjointement.
b
Le site 5 a cessé ses opérations en 2008, mais continue de rejeter un effluent dans l’environnement récepteur.

Les données sur les concentrations de CNLibre et, de préférence, de CNDAFa dans l’environnement récepteur de ces mêmes dix sites ont été extraites et analysées (tableau 7‑4) afin d’éclaircir la spéciation des cyanures dans l’environnement récepteur des installations des mines de métaux. La disponibilité de données de surveillance de ces deux paramètres était généralement faible. De plus, les concentrations de CNLibre et de CNDAFa n’étaient pas systématiquement mesurées sur tous les sites d’échantillonnage utilisés pour caractériser les zones « exposées » ou de « référence » utilisées lors de la surveillance des effets sur l’environnement (sites des tableaux 7‑2 et 7‑3). Des données étaient quelques fois disponibles pour d’autres sites d’échantillonnage (site 1, ruisseau exposé près d’un champ). Les données présentées dans le tableau 7‑4 sont constituées de statistiques déjà calculées tirées des rapports de l’Étude de suivi des effets sur l’environnement (ESEE) (p. ex. site 6) ou de statistiques (p. ex. médiane, moyenne géométrique et moyenne arithmétique) calculées à partir de données de ces rapports (ECCC 2016d). Les valeurs inférieures à la limire de détection ont été converties en la moitié de cette limite. Des concentrations de CNDAFa et de CNLibre ont été détectées dans l’environnement récepteur de toutes les installations où des mesures ont été faites, mais les concentrations médianes sont généralement faibles puisque de nombreuses mesures sont inférieures à la limite de détection. Des concentrations de CNT supérieures à celles de CNDAfa  et de CNLibre concentrations ont été systématiquement mesurées sur tous les sites, indiquant qu’une  fraction des espèces de CNT était constituée d’espèces de CNDAFo.

Table 7-4. Analyse spécifique du site pour les cyanures libres (CNLibre) et les cyanures «dissociables par un acide faible» (CNDAFa) et concentrations de cyanures totales correspondantes (EMSWR 2016, ECCC 2016d)

Site

Période d’échantillonnage

Type de zone

Paramètre

Taille de l’échantillon

Médiane (µg/L)

Moyenne géométrique (µg/L)

Moyenne (µg/L)

1

2011-2012

Exposée (lac)

CNDAFa

5

1

1,2

1,4

1

2011-2012

Exposée (lac)

CNT

6

8

7,3

7,7

1

2011-2012

Référence (lac)

CNDAFa

7

1

1

1

1

2011-2012

Référence (lac)

CNT

7

1

1

1

1

2008-2010

Exposée (ruisseau près du site)

CNDAFa

34

-

-

2 - 4

1

2008-2010

Exposée (ruisseau près du site)

CNT

52

-

-

5 - 11

1

2008-2010

Référence (ruisseau)

CNDAFa

33

-

-

2 - 4

1

2008-2010

Référence (ruisseau)

CNT

37

-

-

2 - 4

2

2014-2015

Exposée

CNDAFa

14

1

1,4

1,6

2

2014-2015

Exposée

CNT

14

2,5

2,2

2,8

2

2014-2015

Référence

CNDAFa

8

1

1

1

2

2014-2015

Référence

CNT

8

1

1

1

6

2005-2012

Exposée

CNLibre

-

1

-

4,3

6

2005-2012

Exposée

CNT

-

6,2

-

20

6

2005-2012

Référence

CNLibre

-

1

-

3

6

2005-2012

Référence

CNT

-

5

-

14

6

2012-2014

Exposée

CNLibre

94

-

-

2

6

2012-2014

Exposée

CNT

94

-

-

18

6

2012-2014

Référence

CNLibre

75

-

-

2,1

6

2012-2014

Référence

CNT

75

-

-

8

7

2009-2015

Exposée

CNDAFa

12

2,5

4,5

6,7

7

2009-2015

Exposée

CNT

15

8

8,8

12

7

2009-2015

Référence

CNDAFa

9

2,5

4,6

6

7

2009-2015

Référence

CNT

13

7

5,8

8,6

8

2015

Exposée

CNDAFa

3

5

6,8

11

8

2015

Référence

CNDAFa

3

1

1,7

2,3

10a

2012-2015

Exposée

CNDAFa

181

2,5

2,8

3

10a

2012-2015

Référence

CNDAFa

35

2,5

2,5

2,5

a Données tirées d’EMSWR (2016) : 15 % des mesures dans la zone exposée étaient supérieures à la CESE (1,7 µg/L) et à la limite de détection.

Les données de surveillance suggèrent que le secteur de l’exploitation minière des métaux est une source de cyanures, et les concentrations de CNT étaient souvent supérieures à la CESE. Bien que la spéciation des cyanures mesurés avec CNT soit inconnue, certaines occurrences de concentrations mesurées de CNDAfa ou CNLibre ont été rapportées sur tous les sites où de telles mesures étaient réalisées. Nous ne savons pas si la présence de ces espèces dans l’environnement récepteur est due à des rejets directs dans l’effluent de la mine ou si elle est due à la photolyse de complexes stables. Bien que de nombreuses occurrences de mesures de CNDAFa ou de CNLibre aient été inférieures à la limite de détection, nous ne savons pas si la collecte des échantillons a été faite en période d’exposition solaire maximale quand, en cas de pénétration suffisante de la lumière dans le plan d’eau, la photolyse des cyanures complexes auraient pu conduire à la formation de cyanure libre. Les échantillons collectés tôt le  matin ou tard l’après-midi pourraient sous-représenter la présence de ces espèces dans l’environnement.

L’existence de mesures de CNT supérieures à la CESE et à la limite de détection dans l’ensemble des données (23 % de toutes les mesures) pour les zones de référence est rarement expliquée dans les rapports de l’ESEE. La présence de cyanures dans les échantillons de référence peut être due à des facteurs de confusion comme les rejets d’anciens sites miniers ou de zones de résidus, à des sources naturelles comme la décomposition de matière végétale ou à des feux de forêt.

7.2.5 Production de fer et d’acier

Du cyanure libre et d’autres espèces peuvent être présentes dans le gaz et les eaux usées rejetés par les cokeries et les hauts fourneaux des aciéries (Luzin et al. 2012, Petelin et al. 2008, Yu et al. 2016). Le coke métallurgique est préparé en chauffant du coke dans une atmosphère sans oxygène, et il est utilisé dans les hauts fourneaux pour réduire le minerai de fer en fer (EPA 2008). Des cyanures sont produits par réaction entre le carbone et l’azote dans des conditions réductrices et à haute température (> 1000 oC), des conditions qui existent lors des opérations de cokéfaction et des hauts fourneaux (Wong-Chong et al. 2006c, Petelin et al. 2008). Des cyanures peuvent être présents dans les gaz de four à coke (GFC) et les gaz des hauts fourneaux, dans l’eau de refroidissement qui a été en contact avec les GFC, dans l’eau de lavage provenant du nettoyage des GFC afin d’en éliminer des contaminants (aussi appelée eau usée ammoniacale), ou dans l’effluent du laveur de gaz de hauts fourneaux (Wong-Chong et al. 2006b, EPA 2008). En plus du cyanure libre, parmi d’autres cyanures formés pendant les opérations des hauts fourneaux on retrouve des cyanures simples comme KCN et NaCN ou du cyanogène (CN2) (Luzin et al. 2012, Petelin et al. 2008), qui se dissocient rapidement dans l’eau pour former du cyanure libre. Des complexes fer‑cyanure ont été identifiés dans la boue de hauts fourneaux résultant du lavage des gaz (Rennert et Mansfeldt 2002).

Des concentrations élevées de cyanures ont été rapportées dans l’effluent du laveur de gaz de hauts fourneaux et dans l’effluent de fours à coke, respectivement  (probablement en tant que CNT) de 5,7 et 80 mg/L (Ellis et al. 1976), toutefois la spéciation n’est pas toujours spécifiée. Des concentrations de 2,1 mg/L CNT, 0,3 mg/L de cyanures dissociables et de 0,8 mg/L de cyanures complexes ont été rapportées dans les eaux non traitées d’une installation de cokéfaction (Kelada 1989). La concentration rapportée de 0,3 mg/L de cyanures dissociables est incertaine, car par définition la somme des cyanures dissociables et des cyanures complexes devrait être égale à la concentration de CNT et la concentration réelle des cyanures dissociables pourraient en fait être de 1,3 mg/L. Des concentrations de CNLibre et de CNT de 430 et 833 µg/L ont été mesurées dans l’effluent d’un haut fourneau en Australie (Pablo et al. 1997), indiquant qu’une fraction significative des cyanures rejetés dans l’environnement  (> 50 %) peut être la forme plus disponible CNLibre. Des aciéries ont été identifiées comme sources de cyanures dans le port de Hamilton de 1997 à 2007, lors du rejet d’eaux de traitement et de refroidissement pendant la production d’acier (HH RAP TT 2010), toutefois les rejets de ces installations ont diminué de manière significative depuis 2002.

En vertu du Effluent Monitoring and Effluent Limits - Iron and Steel Manufacturing Sector Regulations (Rég. O. 214/95) (Ontario 1990), certaines installations du secteur du fer et de l’acier doivent déclarer mensuellement leurs rejets de cyanures (en tant que charges de CNT) dans l’environnement récepteur au ministère de l’Environnement et  de l’Action en matière de changement climatique de l’Ontario (EAMCC ONT). Les charges de cyanures peuvent être rapportées pour « l’effluent de procédé », pour « l’eau de refroidissement non recyclée (ERNR) » ou pour « l’effluent combiné » (Ontario 2016). Des concentrations environnementales estimées (CEE), basées sur celles de CNT, ont été calculées au moyen des concentrations annuelles moyennes calculées pour chaque circuit d’effluent en utilisant les données déclarées trimestriellement par l’industrie pour les années 2012 à 2014 (tableau 7‑5) (Ontario 2016) et en appliquant un facteur de dilution de 10 pour estimer les concentrations dans l’environnement aquatique. La concentration naturelle de cyanures dans l’environnement est assumée être négligeable et aucune valeur « de fond » n’a été ajoutée aux CEE.

Les résultats indiquent que pour deux installations (sites 1 et 4) la CEE est supérieure à la CESE de 1,7 µg/L pour CNLibre, en raison des rejets de leur effluent de procédé et de l’effluent combiné.

Tableau 7-5. Concentration environnementale estimée (CEE) basées sur le cyanyre total pour le secteur du fer et de l’acier en 2012 2014 (Ontario 2016)

Site

Année

Charge annuelle totale (kg)a

CEE (effluent de procédé) (µg/L)

CEE (ERNR)
(µg/L)

CEE (effluent combiné)
(µg/L)

1

2014

2125

1,82

0,38

-

1

2013

3034

3,20

0,23

-

1

2012

2142

2,54

-

-

2

2014

352

5,60 x 10-2

0

0,38

2

2013

297

0,31

0

0,27

2

2012

303

0,46

-

0,27

3

2014

76

0,15

0,20

-

3

2013

158

0,26

0,28

-

3

2012

31

0,26

-

-

4

2014

924

7,74

-

3,42

4

2013

596

5,82

-

2,83

4

2012

855

8,28

-

2,19

a Charge calculée en utilisant la charge annuelle moyenne basée sur les charges mensuelles déclarées à EAMCC Ontario

7.2.6 Sels de voirie

Des ferrocyanures peuvent être utilisés comme antiagglomérants dans des sels de voirie afin de prévenir leur agglomération (EC, SC 2001). Les sels de voirie contenant des ferrocyanures sont appliqués comme agents de déglaçage sur des routes et des aires de stationnement dans de nombreuses provinces canadiennes (EC et SC 2001, Exall et al. 2013) à la fin de l’automne, en hiver ou au printemps. Les quatre cyanures les plus souvent utilisés comme antiagglomérant sont le ferrocyanure de tétrasodium (prussiate jaune de sodium (PJS), nCAS 13601-19-9), le ferricyanure de sodium (nCAS 14217-21-1), le ferrocyanure de potassium (no CAS 13943-58-3) et le ferrocyanure ferrique (bleu de Prusse insoluble; no CAS 14038-43-8) (EC et SC 2001, Exall et al. 2011, Levelton Consultants 2007). La teneur en PJS par kilogramme de sel de voirie a été rapportée dans la gamme de 30 à 124 mg/kg de NaCl (EC, SC 2001). Des données plus récentes indiquent une présence négligeable de PJS (négligeable à 0,045 mg PJS/kg de NaCl) dans des échantillons collectés par des administrations routières provinciales en C.-B., en Alberta et au Manitoba, mais des concentrations plus élevées allant de 17 à 102 mg PJS/kg de NaCl ont été rapportées dans des échantillons collectés en Ontario, au Québec, au Nouveau‑Brunswick et à Terre-Neuve (Exall et al. 2013).

Le ferrocyanure de sodium se dissout dans l’eau et libère l’anion ferrocyanure Fe(CN)64- (EC, SC 2001). Bien que l’anion ferrocyanure soit stable et peu toxique pour les organismes, en solution il peut être complètement dissocié par photolyse pour produire du cyanure libre (HCN/CN-) (EC, SC 2001, Exall et al. 2011). En 2012, des expériences de photolyse ont été réalisées sur trois échantillons d’eau de ruissellement de routes exposés à la lumière solaire pendant 6 heures par jour dans des conditions hivernales (p. ex. intensité lumineuse) et à des températures allant de -5 à -2 oC (Exall et al. 2013). Les résultats indiquent que l’anion ferrocyanure est rapidement converti en cyanure libre (exprimé en tant CNDAFa), basé sur des demi-vies allant de 2,2 à 3,9 heures (Exall et al. 2013). Du cyanure libre peut donc être libéré dans l’environnement en raison de la présence de ferrocyanures comme antiagglomérant dans des sels de voirie utilisés pendant l’automne, l’hiver et le printemps à des fins de déglaçage des routes et d’aires de stationnement.

En 2001, l’utilisation de ferrocyanures comme agents antiagglomérants a fait l’objet d’une étude dans le cadre de l’évaluation des sels de voirie de la Liste des substances d’intérêt prioritaire (EC, SC 2001). Étant donné que les concentrations mesurées dans l’environnement étaient limitées, les concentrations de cyanure libre dans des eaux de ruissellement ont été modélisées et estimées dans la gamme de 0,0039 à 39 µg CN-/L après 1 heure (EC, SC 2001). Cette évaluation a permis de déterminer que des espèces sensibles de microorganismes aquatiques, de plantes aquatiques, d’invertébrés aquatiques et de vertébrés aquatiques présents dans les fossés au bord des routes et dans les cours d’eau dans des zones où des sels de voirie sont utilisés pourraient subir des effets nocifs aux niveaux d’utilisation actuels de ces sels (EC, SC 2001). Le scénario modélisé assume une dissociation incomplète de l’anion Fe(CN)64- (dissociation maximale de 85 %), basée sur les résultats de Broderius et Smith (1980). Kuhn et Young (2005) lors d’une étude plus récente ont observé une dissociation complète de l’anion ferrocyanure, et une dissociation partielle de Fe(CN)64- a été jugée incohérente avec d’autres modèles de réaction photolytique par Young et al (2005).

Des concentrations de cyanures ont été mesurées aux États-Unis dans de la neige (CNT non détecté - 270 µg/L), dans un ruisseau urbain modifié pour recevoir des eaux pluviales (CNT non détecté – 45 µg/L) et dans des eaux de surface de quatre sites recevant les eaux de ruissellement de quatre installations de stockage de sel (CNT non détecté - 200 µg/L; CNLibre non détecté – 96 µg/L) (Novotny et al. 1998, Ohno 1989).

Au Canada, des concentrations de CNT et de CNDAFa ont été mesurées dans des égouts pluviaux, dans des eaux de ruissellement de routes, d’aires de stationnement ou d’installations de stockage de sel et dans des bassins de retenue d’eaux pluviales (tableau 7‑6). Les concentrations mesurées de CNT et de CNDAFa dépendent d’une variété de facteurs, dont la teneur en antiagglomérant du sel utilisé sur les routes, la limite de détection, la période entre l’application du sel de voirie et la collecte de l’échantillon et la méthode d’échantillonnage. Dans toutes les études, des concentrations significatives de CNT ont été mesurées. La ville d’Edmonton utilise un mélange abrasif-sel à faible teneur en sel (7 %) comme produit antidérapant qui a pu contribuer aux faibles concentrations de CNT mesurées dans ces eaux pluviales (Novotny et al. 1998).

Tableau 7-6. Concentrations de cyanure «dissociables par un acide faible» (CNDAFa) et de cyanure total (CNT) dans les égouts pluviaux et les eaux de ruissellement au Canada

Type d’échantillon (date)

Endroit (taille de l’échantillon)

CNT médianea (gamme)
(µg/L)  
CNDAFa médianea (gamme)
(µg/L)

Référence

Décharge d’égout pluvialb

Edmonton (n=5)

3 – 7

-

Novotny et al. 1998

Eau de ruissellement d’une aire de stationnement (déglaçant autre)c (2009)

Mississauga (n=21)

55 (ND – 847)

5 (ND – 444)

Exall et al. 2011

Eau de ruissellement d’aire de stationnementc (2009)

Mississauga (n=46)

45,5 (ND – 415)

5 (ND – 80)

Exall et al. 2011

Fonte nivale d’une installation de stockage de la neiged (2007‑2008)

Richmond Hill (n=61)

30 (ND – 551)

10 (ND – 29)

Exall et al. 2011

Bassins de retenue d’eaux pluvialese (2008‑2009)

Peterborough, Richmond Hill, Toronto (n=65)

3 (ND – 49)

3 (ND – 36)

Exall et al. 2011

Eau de ruissellement du tablier d’un pont routier (2010‑2012)f

Burlington (n=24)

77 (28 – 245)

4 (ND – 17)

Exall et al. 2013

Eau de ruissellement d’une aire de stationnement (2010-2012)f

Burlington (n=34)

92 (35 – 483)

< 2 (2 – 24)

Exall et al. 2013

Abréviations : ND = non détecté

a Médiane pour Exall et al. (2011) calculée en convertissant des non détections en moitié de la limite de détection.
b Edmonton a utilisé un mélange d’abrasif-sel et de sel (teneur en sel de 7 % en poids) (Novotny et al. 1998).
c Les échantillons d’eau de ruissellement d’aire de stationnement ont été collectés lors de la première fonte nivale/ruissellement après l’application de sel (Exall et al. 2011), de novembre 2008 à avril 2009, la limite de détection étaient de 10 µg/L pour CNT et CNDAFa.
d Les échantillons d’eau de ruissellement de l’installation de stockage de la neige ont été collectés quand la fonte avait lieu, des jours ou des semaines après l’application du sel de voirie (Exall et al. 2011), de janvier 2007 à avril 2008, la limite de détection était de 20 µg/L pour CNT et CNDAFa.
e Les échantillons d’eau de bassin de retenue d’eau pluviale ont généralement été collectés au printemps et en été, des mois après l’application du sel de voirie (Exall et al. 2011), la limite de détection pour CNT et CNDAFa était de 17 µg/L et a été abaissée à 6 µg/L au cours de l’étude.
f Les échantillons d’eau de ruissellement d’aire de stationnement et de tablier de pont routier ont été collectés de décembre 2010 à avril 2011 et de décembre 2011 à avril 2012 (Exall et al. 2013).

Pour l’étude d’Exall et al. (2011), une méthode colorimétrique a été utilisée pour la mesure de CNDAFa et la limite de détection a varié 6 à 20 µg/L au cours de l’étude. Environ 40 % des échantillons d’eau de ruissellement d’aire de stationnement avaient des concentrations de CNDAFa supérieures à la limite de détection de 10 µg/L et, étant donné que ces eaux de ruissellement étaient rejetées directement dans un ruisseau adjacent, elles constituent une source de cyanure libre dans l’environnement. Le faible pourcentage des échantillons d’eau de fonte nivale (11 %) et d’eau de bassin de retenue d’eaux pluviales (6%) excédant la limite de détection de CNDAFa comparativement aux eaux de ruissellement d’aire de stationnement pourrait être expliqué par la période plus longue entre l’application du sel de voirie et l’échantillonnage (des semaines ou des mois) ou par une dilution. Une période plus longue pourrait avoir permis une plus grande photolyse de ferrocyanures et une plus grande volatilisation subséquente de HCN, conduisant à une diminution globale des mesures de CNDAFa (Exall et al. 2011).

Les concentrations médianes de CNDAFa de 4 et < 2 µg/L mesurées dans les eaux de ruissellement d’un pont routier et d’une aire de stationnement à Burlington de 2010 à 2012 (Exall et al. 2013) suggèrent des concentrations de CNDAFa  plus faibles que celles qui avaient été mesurées dans les eaux de ruissellement d’une aire de stationnement à Mississauga (Exall et al. 2011). En se basant sur les concentrations de CNT dans les eaux de ruissellement (médiane de 92 µg/L), ces auteurs suggèrent que la procédure d’échantillonnage utilisée pendant l’étude de 2010‑2012 était inadéquate pour la collecte d’échantillons destinés à des analyses de  CNDAFa et que ceci expliquerait probablement les plus faibles concentrations de CNDAFa mesurées lors de cette étude (Exall et al. 2013).

Des résultats récents des deux études d’Exall et al. (2011, 2013) sont considérés comme des scénarios réalistes de pire cas de rejets de cyanure libre dans l’environnement dus à des eaux de ruissellement de routes sur lesquelles des sels de voirie avaient été appliqués durant l’hiver et le printemps. Des CEE dans l’environnement aquatique récepteur ont été calculées en appliquant un facteur de dilution de 10 aux concentrations de cyanure (médiane et gamme) mesurées dans les eaux de ruissellement des aires de stationnement de Mississauga et Burlington et aux concentrations mesurées dans les eaux de ruissellement de routes. La concentration naturelle de cyanures est assumée être négligeable et aucune valeur de fond n’a été ajoutée aux CEE calculées.

7.3 Caractérisation des risques pour l’environnement

La partie portant sur l’environnement de la présente évaluation préalable est centrée sur les cyanures et plus précisément sur le cyanure libre et l’entité préoccupante HCN ainsi que sur d’autres substances considérées être des précurseurs du cyanure libre, dont les 10 cyanures identifiés comme d’intérêt prioritaire pour une évaluation. Divers éléments de preuve ont été pris en compte et nos conclusions ont été tirées en suivant une approche basée sur le poids de la preuve et le principe de précaution, tel que requis par la LCPE. Parmi les éléments de preuve, on retrouve les résultats des calculs de quotient de risque pour des scénarios d’exposition clés, des renseignements sur le devenir, la persistance, la toxicité et les sources de cyanures dans l’environnement au  Canada.

7.3.1 Analyse des quotients de risque

Nous avons réalisé pour des environnements aquatiques une analyse de quotient de risque, intégrant des concentrations mesurées et des estimations d’exposition de pire cas réaliste avec des renseignements sur la toxicité chronique, afin de déterminer s’il existe un potentiel d’effets nocifs sur l’environnement au Canada. Les quotients de risque (QR) pour trois scénarios d’exposition décrits à la section 7.2 sont présentés dans le tableau 7‑7. Les QR ont été calculés en comparant les CEE, calculées pour les secteurs de l’exploitation minière des métaux et du fer et de l’acier et pour des eaux de ruissellement (aires de stationnement et routes sur lesquelles des sels de voirie contenant du ferrocyanure ont été appliqués), aux CESE à long terme pour les organismes aquatiques. La CESE à long terme a été utilisée pour l’analyse du quotient de risque car, dans le cas de ces trois scénarios d’exposition, les rejets devraient être soit continus (exploitation minière de métaux précieux et aciéries) soit survenir pendant plusieurs jours ou semaines et conduire à une exposition des organismes aquatiques à du cyanure libre pendant des périodes représentatives d’une exposition chronique.

Les CEE étaient basées sur des concentrations ou des charges mesurées de CNT. Des QR calculés en utilisant des CEE basées sur des concentrations de CNDAFa sont aussi présentés pour la caractérisation de l’exposition à des eaux de ruissellement d’aires de stationnement en tant qu’élément de preuve supplémentaire, puisque les concentrations de CNDAFa et de CNT avaient été mesurées simultanément dans les mêmes échantillons et peuvent être corrélées. La disponibilité de mesures de CNDAFa pour le secteur de l’exploitation minière des métaux était insuffisante pour pouvoir caractériser le secteur dans sa totalité.

Tableau 7-7. Quotients de risques (QR) calculés pour les eaux de surface basés sur une CESE de 1,7 µg/L HCN pour des scénarios d’exposition dans le cas de trois secteurs d’activité

Secteur

Détails

Gamme des CEE (µg/L)

Gamme des QR

CEE médiane (µg/L)

QR médian

Moyenne géométrique de la CEE (µg/L)

Moyenne géométrique du QR

Exploitation minière de métaux

Tous les sites (n=85) CNT

< LD - 926

Négl. - 548

2,5

1,5

3,2

1,9

Exploitation minière de métaux

10 sites analyse spécif. de  CNTa

0,5 - 926

0,3 - 548

3 - 313

1,8 - 185

3 - 207

1,8 - 122

Fer et acier

Tous les sites (n=4) CNT

-

-

Négl. – 8,28

Négl. – 4,9

-

-

Eaux de ruissellement d’aires de stationnement

3 sites

CNT

0,5 -84,7

0,3 – 50,1

4,5 – 9,2

2,7 – 5,4

-

-

Eaux de ruissellement d’aires de stationnement

2 sites

CNDAFa

0,5 -44,4

0,3 - 26,3

0,5

0,3

-

-

Eaux de ruissellement de routes

1 site

CNT

0,3 – 24,5

0,16 – 14,5

7,7

4,5

-

-

Abréviations : Négl.= négligeable; - = ne s’applique pas
a
Ces 10 sites sont inclus dans les 85 sites d’exploitation minière.

7.3.2 Prise en compte des éléments de preuve et des incertitudes

7.3.2.1 Prise en compte des éléments de preuve

Une fois rejetés dans l’environnement aquatique, les cyanures peuvent se dissocier et libérer du cyanure libre et l’entité préoccupante toxique HCN. HCN peut, entre autres,  se volatiliser, être biodégradé ou former des complexes de stabilité variable avec de nombreux métaux. HCN n’est pas persistant dans l’eau et n’est pas bioaccumulé. Toutefois, il est hautement toxique pour les organismes aquatiques et une exposition chronique à de faibles concentrations de HCN (aussi faibles que 1,7 µg HCN/L) peut causer des effets nocifs sur des organismes aquatiques. Les concentrations mesurées de CNT comprennent les espèces de CNLibre et de CNDAFa, mais aussi des espèces de CNDAFo qui ont une toxicité plus faible que celle de HCN, et baser les CEE sur les mesures de CNT constitue donc une approche potentiellemednt prudente. Néanmoins, il existe de nombreuses preuves à l’effet que les espèces de CNDAFo peuvent rapidement être photodissociées dans l’environnement et constituent donc un réservoir potentiel de cyanure libre. Les rejets de cyanures dans l’environnement aquatique par certaines industries ou d’autres activités commme l’application de sels de voirie peuvent donc générer des concentrations de cyanure libre près de sources ponctuelles, qui peuvent causer des effets nocifs sur des organismes au Canada, en particulier sur les poissons.

Le secteur de l’exploitation minière des métaux, et plus précisément celui de l’exploitation minière de l’or et des métaux précieux, utilise de grandes quantités de cyanure de sodium pour la récupération des métaux. Les installations qui utilisent des cyanures pour leur procédé doivent, en vertu du REMM, déclarer à ECCC les concentrations dans leurs effluents et surveiller les concentrations de CNT dans l’environnement récepteur dans le cadre des ESEE. Les cyanures présents dans l’effluent peuvent être traités au moyen de systèmes d’atténuation passive ou active (p. ex. biodégradation ou oxydation) avant le rejet. Toutefois, les données de surveillance recueillies en vertu du REMM indiquent que la concentration de CNT est mesurée dans l’environnement récepteur de manière constante, comme le montrent les 40 % de non-détections excédant la CESE pendant la période 2003-2015, et des effets chroniques sur des organismes aquatiques peuvent se produire.

Des cyanures sont produits fortuitement par les aciéries lors des activités de cokéfaction et de fonte. Les charges de CNT rejetées dans l’effluent par les aciéries sont déclarées mensuellement au MEAMCC de l’Ontario. Elles indiquent que les concentrations de cyanures près des points de rejet de divers circuits continus d’effluent par certaines installations peuvent excéder la CESE et causer des effets chroniques à des organismes aquatiques.

Un certain nombre de cyanures de fer, et de manière plus importante de ferrocyanures, sont utilisés comme antiagglomérants dans des produits de déglaçage appliqués sur les routes et les aires de stationnement dans plusieurs provinces au Canada. Des études récentes réalisées au Canada (Exall et al. 2011, 2013) confirment que les ferrocyanures peuvent être rapidement dissociés pour former du cyanure libre une fois les produits de déglaçage appliqués. Les CEE basées sur des concentrations de CNT ou de CNDAFa mesurées dans les eaux de ruissellement d’aires de stationnement et de routes au Canada indiquent que cette activité peut causer des effets nocifs sur certains organismes aquatiques quand ces eaux sont rejetées directement dans des eaux de surface pendant les mois d’automne, d’hiver et de printemps. Ces résultats sont en accord avec ceux de l’évaluation de 2001 des sels de voirie basée sur des rejets modélisés. Cette évaluation a permis de déterminer qu’aux niveaux actuels d’utilisation des sels de voirie des espèces sensibles d’organismes aquatiques, de plantes aquatiques, d’invertébés aquatiques et de vertébrés aquatiques présentes dans les fossés le long des routes ou dans des cours d’eau pourraient subir des effets nocifs potentiels (EC, SC 2001).

Les renseignements présentés indiquent que le cyanure libre et ses précurseurs ont le potentiel pour causer des effets nocifs sur l’environnement au Canada. Il est conclu que le cyanure libre et ses précurseurs satisfont aux critères de persistance du Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE, mais pas à ceux sur la bioaccumulation.

En tenant compte de tous les éléments de preuve avancés dans la présente évaluation préalable, il existe un risque d’effets nocifs posés par le cyanure libre et ses précurseurs aux organismes et à la biodiversité, mais pas à l’intégrité plus large de l’environnement.  

7.3.2.2 Incertitudes

La spéciation des cyanures est complexe et les espèces de cyanure exhibent des comportements différents et des propriétés différentes dans l’environnement. Un échantillonnage en temps opportum et en suivant des méthodes adéquates s’avère donc important. Les méthodes et le moment de l’échantillonnage sont particulièrement importants quand on mesure la concentration de CNDAFa et de CNLibre en solution. À vrai dire, HCN étant volatil, il peut s’évaporer des échantillons si les méthodes de collecte ne sont pas appropriées, comme l’ont soulevé Exall et al. (2013). Ceci pourrait conduire à une sousestimation des concentrations dans l’environnement. De plus, le moment auquel on procède à la collecte est important pour la mesure de CNDAFa ou de CNLibre, la photolyse des espèces de CNDAFo, et donc les concentrations de CNLibre ou de CNDAFa, sera plus importante à la mi-journée quand le rayonnement solaire est maximal. En conséquence, bien que les concentrations de CNDAFa et de CNLibre soient prises en compte comme éléments de preuve, les CEE sont en fin de compte basées sur des mesures de CNT.

En ce qui concerne l’analyse des cyanures, les limites de détection élevées rapportées, excédant souvent la CESE à long terme pour les eaux de surface, constituent une autre source d’incertitude. Les mesures considérées comme des non-détections ont été assumées égales à la moitié de la limite de détection et, dans certains cas, ces valeurs excédaient la CESE de 1,7 µg HCN/L. Une non-détection ne signifie pas forcément que l’échantillon était complètement exempt de cyanure libre ou d’autres cyanures, et il est donc difficile de déterminer avec précision combien d’échantillons excédaient la CESE. Cette méthode traite adéquatement certaines des incertitudes liées aux non-détections.  

L’ensemble de données sur la toxicité chronique (long terme) pour l’environnement aquatique convenait au calcul d’une CESE en utilisant une DSE en accord avec le protocole du CCME (CCME 2007). Toutefois, l’interprétation de certains paramètres diffère de celle du rapport de l’ECETOC (2007). Alors que dans le document de l’ECETOC (2007), les concentrations rapportées dans l’étude de Bringmann et Kuhn (1978) ont été interprétées comme étant celles de KCN, converties ensuite en concentrations de CN-, nous les avons interprétées dans le présent document comme étant celles de CN- et les avons corrigées en concentrations de HCN. De plus, une CL50 à 48 h rapportée pour Daphnia pulex dans l’étude de Cairns et al. (1978) était bien inférieure à d’autres valeurs rapportées pour cette espèce et considérée comme une valeur aberrante. Ces ajustements peuvent contribuer aux différences existant entre la CESE chronique calculée par l’ECETOC et celle utilisée pour la présente évaluation.

Il existe des incertitudes ayant trait aux niveaux de fond potentiels des cyanures dans les eaux de surface au Canada et au fait de savoir si les concentrations de CNT fluctuent avec les saisons. Les cyanures sont généralement surveillés à proximité des sources anthropiques et les résultats pour les zones vierges sont rarement disponibles. D’après les résultats des programmes provinciaux de surveillance de la qualité de l’eau, les concentrations naturelles de cyanures dans l’environnement devraient être faibles. Toutefois, de nombreuses détections de CNT dans des échantillons collectés dans des zones de référence dans le cadre de l’ESEE étaient supérieures à la CESE (23 % de toutes les mesures).Ces concentrations élevées pourraient être expliquées par des facteurs de confusion comme une contamination historique, des proliférations d’algues ou des feux de forêt ou être dues à des problèmes d’échantillonnage ou d’analyse. Par exemple, les sulfures, les nitrates et les nitrites peuvent donner des interférences positives et devraient être éliminés de l’échantillon avant l’analyse (BC MOE 1986, OI Analytical 2012).

8. Potentiel d’effets nocifs sur la santé humaine

Pour la partie de la présente évaluation portant sur la santé humaine, les 10 substances identifiées d’intérêt prioritaire ont été classées en deux sous-groupes : cyanures libre/simple (acide cyanhydrique, cyanure de sodium) et complexes métal‑cyanure. Ce dernier sous-groupe a lui-même été divisé en trois : complexes or ou argent-cyanure (dicyanoargentate de potassium, dicyanoaurate de potassium); complexes fer-cyanure à un seul atome de fer (ferrocyanure de tétrasodium, ferricyanure de tripotassium, ferrocyanure de tétrapotassium); complexes fer-cyanure à plusieurs artomes de fer (ferrocyanure ferrique, ferrocyanure ferrique d’ammonium, ferrocyanure ferrique de potassium).

8.1 Évaluation de l’exposition

Dans la présente section, nous discutons  des expositions potentielles aux cyanures libre/simple et à certains complexes métal-cyanure dues aux milieux de l’environnement, aux aliments et à l’utilisation de produits. Du cyanure libre et des précurseurs de ce cyanure libre sont rejetés par des sources naturelles et anthropiques dans les milieux de l’environnement. Certains cyanures sont présents dans des produits disponibles pour les consommateurs, dont des produits de santé naturels, des produits cosmétiques, des pesticides, des additifs alimentaires et des matériaux d’emballage alimentaire. Les utilisations non-RCC rapportées lors de la mise à jour de l’Inventaire de la LIS (Environnement Canada 2013) sont rapportées à la section 4.3.  Il existe peu de données sur l’exposition spécifiques à certains no CAS. Environnement et Changement climatique Canada a fait des mesures d’acide cyanhydrique  (HCN, 74-90-8) dans l’air ambiant et Santé Canada a dosé le cyanure total (CNT) dans les systèmes de distribution de l’eau potable et dans le régime alimentaire des Canadiens.

Les données de biosurveillance de la NHANES aux États-Unis sur le thiocyanate (SCN), le principal métabolite du cyanure chez les humains, dans l’urine ont conduit à retenir ce composé comme biomarqueur de l’exposition aux cyanures libre/simple pour la présente évaluation (CDC 2015). Un critère important pour déterminer l’adéquation d’un biomarqueur à une évaluation des risques est la spécificité de ce biomarqueur pour le composé chimique étudié (Aylward et al. 2008, Hays et al. 2008). Suite à une évaluation plus poussée, nous avons déterminé que le SCN urinaire n’était pas un biomarqueur adéquat de l’exposition au cyanure libre, en raison des niveaux relativement élevés de SCN et/ou de précurseurs de SCN dans le régime alimentaire en Amérique du Nord (Kirman et al. en préparation).

Des estimations plus précises de l’exposition au cyanure libre, pour le sous-groupe des cyanures libres/simples, sont présentées pour les voies d’exposition pertinentes. 

8.1.1 Complexes métal-cyanure – complexes fer-cyanure à un seul atome de fer (ferrocyanure de tétrasodium, ferricyanure de tripotassium, ferrocyanure de tétrapotassium)

8.1.1.1 Milieux de l’environnement et aliments

Les niveaux de cyanure dans les milieux de l’environnement et dans les aliments sont typiquement rapportés en tant que cyanure total ou HCN. Il n’existe pas d’étude sur les niveaux de ferrocyanure de tétrasodium (13601-19-9), de ferricyanure de tripotassium (13746-66-2) ou de ferrocyanure de tétrapotassium (13943-58-3) mesurés dans les milieux de l’environnement au Canada. Les complexes métal-cyanure présentement étudiés ont une volatilité négligeable et ne sont donc pas présents dans la phase gazeuse. Des complexes métal-cyanure particulaires peuvent être présents dans l’air, mais les concentrations mesurées dans l’air ambiant, l’air intérieur ou la poussière domestique pertinentes pour la population générale ne sont pas disponibles.

Des complexes fer-cyanure peuvent être potentiellement présents dans l’eau potable et le sol. Quand du cyanure libre est introduit dans l’eau ou le sol, la formation de complexes fer-cyanure est favorisée en raison de l’abondance du fer dans l’environnement et de la forte affinité du fer pour l’anion cyanure (Dzombak et al. 2006a). Des quantités importantes de ferrocyanures ont été mesurées aux États-unis dans les sols entoutant les sites couverts par le Superfund et d’anciennes usines à gaz où du cyanure a été rejeté (ATSDR 2006). Les sels de ferrocyanure, dont le plus prédominant est le ferrocyanure de tétrasodium, sont utilisés dans des sels de voirie au Canada comme antiagglomérants, les niveaux dans le sol et les eaux de surface peuvent donc être plus importants à proximité des routes (EC, SC 2001, Exall et al. 2011, 2013, voir la section 7.2.6). Les concentrations environnementales estimées dans le sol (CEEsol) de cyanure, assumé être libéré par la photodégradation du ferrocyanure, ont été rapportées dans le document sur l’évaluation des sels de voirie de la LSIP (EC, SC 2001). En se basant sur les hypothèses faites pour le CEEsol du pire cas lors de la phase 1 de la LSIP et sur des taux d’absorption par défaut dus au sol pour un enfant de 0,5-4 ans, les absorptions de ferrocyanure de tétrasodium dues au sol devraient être minimes.

Au Canada, le ferrocyanure de tétrasodium et le ferrocyanure de tétrapotassium sont approuvés comme additifs alimentaires pour un nombre limité d’utilisations dans un petit nombre de catégories d’aliments (p. ex. sel,  sel dendritique et vin), tel que stipulé dans la Liste des agents antiagglométants autoriséss et la Liste des additifs alimentaires autorisés ayant d’autres utilisations généralement acceptées, qui sont respectivement incorporées à titre de référence dans l’Autorisation de mise en marché d’additifs alimentaires comme agents antiagglomérants et dans l’Autorisation de mise en marché d’additifs alimentaires ayant d’autres utilisations acceptées, émises en vertu de la Loi sur les aliments et drogues (Canada 1985). L’exposition alimentaire au ferrocyanure de tétrapotassium (13943-58-3) due à son utilisation comme agent de collage dans le vin devrait être négligeable et, étant donné la manière avec laquelle il est utilisé, il ne devrait pas être présent dans le produit final consommé. L’exposition due à d’autres utilisations d’additif autorisées devrait être minimale (communication personnelle, courriels de la DGPSA de SC au BERSE de SC, mars 2016; non référencé).

8.1.1.2 Produits disponibles pour les consommateurs

Le ferrocyanure de tétrasodium et son décahydrate sont inscrits dans la Base de données d’ingrédients de produits de santé naturels  (BDIPSN) avec un rôle non médicinal pour utilisation comme agent antiagglomérant dans des produits de santé naturels (PSN), jusqu’à une dose de 0,025 mg/kg pc/jour. Le ferrocyanure de tétrasodium est inscrit dans la Base de données des produits de santé naturels homologués (BDPSNH) en tant qu’ingrédient non médicinal dans un seul PSN oral  (communication personnelle, courriels de la DGPSA de SC au BERSE de SC, mars 2016; non référencé).

Au Canada, le ferrocyanure de tétrasodium est utilisé dans deux produits cosmétiques, achetable en ligne uniquement : un sel de bain avec une concentration n’excédant pas 0,10 % et une crème antiride avec une concentration de 0,0001 % (communication personnelle, courriels de la DSPC de SC au BERSE de SC, 12 avril 2017; non référencé). Aucune donnée sur l’absorption dermique des ferrocyanures n’est  disponible. Toutefois, les résultats d’études d’absorption par voie orale réalisées avec des composés radiomarqués indiquent une absorption intestinale minimale (Nielsen et al. 1990a). L’absorption dermique devrait être nettement inférieure à l’absorption par voie orale si on se base sur les propriétés physico-chimiques et la masse moléculaire. Étant donné les faibles concentrations de ferrocyanure de tétrasodium dans ces produits, la faible absorption dermique anticipée de cette substance et les profils d’utilisation de ces deux produits, l’exposition de la population générale du Canada au ferrocyanure de tétrasodium due aux cosmétiques devrait être négligeable.

Le ferrocyanure de tétrapotassium est inscrit dans la BDIPSN avec un rôle non médicinal pour utilisation comme agent antiagglomérant dans des PSN, jusqu’à une dose de 0,025 mg/kg pc/jour. Toutefois, il n’est pas inscrit dans la BDPSNH comme étant présent en tant que tel dans des PSN. Le ferrocyanure de tétrapotassium, en tant que kali ferrocyanatum, est également inscrit dans la BDIPSN avec un rôle homéopathique pour utilisation comme ingrédient médicinal dans des drogues homéopathiques avec une puissance homéopathique minimale de 3X (correspondant à une concentration maximale de 10-3). Il est présent en tant que tel dans un nombre limité de PSN oraux de la BDPSNH.

Nous n’avons trouvé aucune preuve d’une exposition de la population générale du Canada au ferricyanure de tripotassium due à l’utilisation de produits disponibles pour les consommateurs. Une exposition dermique au ferricyanure de tripotassium peut avoir lieu lors de l’utilisation de réducteur de Farmer pour la retouche de photographies, mais elle serait limitée aux amateurs ayant des aptitudes spécialisées et, donc, l’exposition de la population générale ne devrait pas avoir lieu.

8.1.2 Complexes métal-cyanure – complexes à plusieurs atomes de fer (ferrocyanure ferique, ferrocyanure ferrique d’ammonium, ferrocyanure ferrique de potassium)

8.1.2.1 Milieux de l’environnement et aliments

Les niveaux de cyanure dans les milieux de l’environnement et les aliments sont typiquement rapportés en tant que cyanure total ou HCN. Il n’existe pas d’étude ayant rapporté des niveaux mesurés de ferrocyanure ferrique (14038-43-8), de ferrocyanure ferrique d’ammonium (25869-00-5) ou de ferrocyanure ferfrique de potassium (25869‑98-1) dans des milieux de l’environnement au Canada. Les complexes métal‑cyanure présentement évalués ont une volatilité négligeable et ne sont donc pas présents dans la phase gazeuse atmosphérique. Des complexes métal-cyanure particulaires peuvent être présents dans l’air, mais les concentrations mesurées dans l’air ambiant, l’air intérieur et la poussière domestique pertinentes pour la population générale ne sont pas disponibles.

Des complexes fer-cyanure peuvent être présents dans l’eau potable et le sol. Quand du cyanure libre est introduit dans l’eau ou le sol, la formation de complexes fer-cyanure est favorisée en raison de l’abondance du fer dans l’environnement et de sa forte affinité pour l’anion cyanure (Dzombak et al. 2006a). Des quantités élevées de ferrocyanures ont été mesurées dans les sols à proximité des sites du Superfund et d’anciennes usines à gaz aux États-Unis où du cyanure avait été rejeté (ATSDR 2006). Du ferrocyanure ferrique est utilisé dans des sels de voirie au Canada, comme antiagglomérant, les niveaux dans le sol et les eaux de surface peuvent donc être plus élevés à proximité des routes sur lesquelles de tels sels sont appliqués (EC, SC 2001, Exall et al. 2011, 2013, voir la section 7.2.6).

Au Canada, il a aussi été montré que du ferrocyanure ferrique ou du ferrocyanure ferrique d’ammonium est utilisé pour certaines applications d’emballage alimentaire, pour lesquelles il n’y a pas de contact direct avec les aliments (communication personnelle, courriels de la DGAPS de SC au BERSE, datés de mars 2016; non référencé).

8.1.2.2 Produits disponibles pour les consommateurs

Le ferrocyanure ferrique est inscrit dans la BDIPSN avec un rôle non médicinal pour utilisation topique comme additif colorant dans des PSN et est inscrit dans la BDPSNH comme étant présent en tant qu’ingrédient non médicinal dans un nombre limité de PSN topique homologués. Le ferrocyanure ferrique, en tant que ferrum cyanatum, est aussi inscrit dans la BDIPSN avec un rôle homéopathique pour utilisation comme ingrédient médicinal dans des drogues homéopathiques, avec une puissance minimale de 1X (correspondant à une concentration maximale de 10-1). Toutefois, ce composé n’est pas inscrit en tant que tel dans des PSN homologués dans la BDPSNH. Le ferrocyanure ferrique d’ammonium est inscrit dans la BDIPSN avec un rôle non médicinal pour utilisation topique comme additif colorant et est inscrit en tant que tel dans un nombre limité de PSN topiques homologués dans la BDPSNH.

Le ferrocyanure ferrique et le ferrocyanure ferrique d’ammonium sont largement utilisés comme pigments/colorants dans des produits de soins personnels (Environnement Canada 2013, communication personnelle de la DSPC de SC au BERSE de SC, 11 janvier 2016; non référencé) et dans des peintures et revêtements (Environnement Canada 2013). Le ferrocyanure ferrique et le ferrocyanure ferrique d’ammonium ont été mentionnés dans des fiches signalétiques (FS) de produits de réparation pour automobile (matières de remplissage, mastics, durcisseurs) disponibles pour le public au Canada, à des concentrations allant de 1 à 5 %  (FS 2011a, FS 2012a, 2012b, 2012c, FS 2014).

En se basant sur les profils d’utilisation de ces produits, l’exposition de la population générale au ferrocyanure ferrique ou au ferrocyanure ferrique d’ammonium devrait principalement survenir par voie dermique. Les résultats d’études d’absorption par voie orale réalisées au moyen de composés radiomarqués indiquent que l’absorption intestinale est minime, environ 0,5 %, pour ces substances (Nielsen et al. 1990a). L’absorption par voie dermique devrait être substantiellement inférieure à celle par voie orale (en se basant sur les propriétés physico-chimiques et la masse moléculaire).

Le ferrocyanure ferrique de potassium, un analogue du ferrocyanure ferrique et du ferrocyanure ferrique d’ammonium n’a été identifié dans aucun produit utilisé par la  population générale du Canada. Le ferrocyanure ferrique de potassium a été identifié dans une marque de marqueur pour métaux pouvant être acheté en ligne au Canada (FS 2011b) à des fins industrielles/professionnelles. L’exposition de la population générale au ferrocyanure ferrique de potassium ne devrait pas avoir lieu.

8.1.3 Sous-groupe des complexes or/argent-cyanure (no CAS 506-61-6 et 13967-50-5)

Il n’existe aucune étude ayant rapporté des niveaux mesurés de dicyanoargentate de potassium (506-61-6) ou de dicyanoaurate de potassium (13967-50-5) dans des milieux de l’environnement au Canada. Ni le dicyanoargentate ni le dicyanoaurate de potassium n’a été identifé comme ingrédient dans des produits disponibles pour les consommateurs. Le dicyanoargentate et le dicyanoaurate de potassium sont largement utilisés comme réactifs d’électroplacage pour la production de revêtements d’or ou d’argent sur des bijoux, des composants électriques, des couverts, de la vaisselle et d’autres produits de consommation (Brumby et al. 2012, Kohl 2010, Renner et al. 2012, Schlesinger 2010). L’électroplacage fait intervenir un contrôle précis de la température, de la tension, du pH et de la chimie du bain afin de réduire le  dicyanoargentate de potassium et le dicyanoaurate de potassium en cations (Ag+ et Au+) qui sont déposés sur le métal de base (p. ex. cuivre ou nickel).

8.1.4 Sous-groupe des cyanures libre/simple (no CAS 74-90-8 et 143-33-9)

8.1.4.1 Milieux de l’environnement et aliments

Le cyanure de sodium (NaCN, 143-33-9) est un cyanure simple qui se dissocie facilement en cyanure libre en solution aqueuse (ADGH 2010) et qui devient protoné aux pH physiologiques ou de l’environnement pour donner du HCN (74-90-8). Le cyanure de sodium est utilisé en grandes quantités industriellement (p. ex. pour l’exploitation minière de l’or ou l’électroplacage) au Canada et, dans un degré moindre, dans certains produits antiparasitaires (voir la section 4). L’exposition des humains au NaCN peut avoir lieu sur le lieu de travail ou lors de rejets accidentels/fortuits lors de sa production, de son stockage, de son transport, de son utilisation ou de l’élimination de résidus (ADGH 2010). Les niveaux de cyanure dans l’air sont typiquement rapportés en tant que HCN et dans dans d’autres milieux de l’environnement et dans les aliments en tant que cyanure total (CNT)Note de bas de page 8 .

8.1.4.2 Air extérieur

De l’acide cyanhydrique est rejeté dans l’air par volatilisation directe ou suite à la combustion incomplète de substances/polymères contenant de l’azote (ATSDR 2006). Il existe de nombreuses sources ponctuelles ou diffuses de rejet de HCN dans l’air, dont les installations industrielles, les feux de forêt ou de bâtiment et les émissions des véhicules (voir la section 5). La présence de HCN a été rapportée à des altitudes troposphériques moyennes ou élevées (ATSDR 2006, LeBreton et al. 2013, Rinsland et al. 2007) et à faible altitude dans des zones suburbaines (Knighton et al. 2009) et rurales (Ambrose et al. 2012). Les concentrations urbaines dans l’air peuvent être élevées, en particulier dans des zones dominées par le trafic automobile.

Il n’existe pas de norme de qualité de l’air pour HCN au Canada. Toutefois, la province de l’Ontario a établi des critères de qualité de l’air ambiant (CQAA) qui sont de 0,008 mg/m3 (environ 7 ppb) pour la moyenne sur 24 h et de 0,024 mg/m3 (environ 20 ppb) pour la concentration semi-horaire au point de contact (Moussa et al 2016a). À Toronto, les concentrations moyennes (24 h) de HCN dans l’air ont excédé le CGAA pendant 3 jours d’une période de 16 jours consécutifs pendant l’été 2013 (Moussa et al. 2016a), atteignant un pic de 0,0131 mg/m3 (environ 11 ppbv) une de ces journées (Moussa et al. 2016b), avec une moyenne de 0,00411 mg/m3 (3,45 ppbv) pendant la période étudiée (Moussa et al. 2016a). Les concentrations de HCN dans l’air rapportées par Moussa et al. (2016a, 2016b) étaient de 1 à 2 ordres de grandeur supérieures à celles  rapportées lors d’études précédentes (Knighton et al. 2009, Ambrose et al. 2012) dans lesquelles étaient rapportées des concentrations de fond dans l’air ambiant. Ces différences sont probablement dues aux différents lieux d’échantillonnage et aux difficultés de résolution de masse lors des analyses lors de l’étude de Knighton et al. (Moussa et al. 2016a, 2016b). Knighton et al. (2009) ont rapporté des concentrations de HCN dans l’air mesurées en continu pendant une période de 2 semaines près d’une route dans une zone suburbaine de Boston, allant de < 0,0001 à 0,0007 mg/m3 (< 0,1 à 0,6 ppbv), alors qu’Ambrose et al. (2012) ont rapporté une concentration moyenne de 0,00043 mg/m3 (0,36 ppbv) de HCN dans l’air mesurée en continu à une hauteur de 24 mètres dans une région rurale du New Hampshire près d’une forêt de pins/feuillus.

8.1.4.3 Air intérieur

Des concentrations de HCN dans de l’air intérieur, à Hambourg en Allemagne, n’ont été rapportées que dans une seule étude publiée (Klus et al. 1987). L’étude consistait à comparer les concentrations de HCN dans l’air intérieur de lieux où on fumait ou non. Les concentrations dans les zones sans fumage (2 maisons, 2 restaurants, 1 voiture) allaient de non détecté à 0,027 mg/m3 (22,7 ppb), avec une moyenne de 0,0108 mg/m3 (9,1 ppb). Toutefois, en raison des limites de cette étude et d’une manque général de données publiées sur l’air intérieur, nous avons retenu pour la caractérisation des risques pour la santé humaine de la présente évaluation la concentration moyenne de 0,0041 mg/m3 rapportée par Moussa et al. (2016a).

8.1.4.4 Sol et eau potable

La plupart du cyanure libre rejeté dans le sol formera des ferrocyanures en raison de la forte affinité de l’anion cyanure pour le fer et de la grande abondance du fer dans les sols (Dzombak et al. 2006a). La concentration de CNT dans l’eau potable a été mesurée dans six provinces au Canada (communication personnelle du BQAE de SC au BERSE de SC, daté du 14 octobre 2015; non référencé). Des données sur les concentrations de CNT dans l’eau potable ne sont disponibles que pour la Saskatchewan, le Québec et la Nouvelle-Écosse. Les concentrations vont de 0,001 à 0,19 mg/L, avec une concentration inférieure à la limite de détection (0,001-0,02 mg/L) dans 94,3 % des échantillons. La recommandation canadienne pour le CNT dans l’eau potable est une concentration maximale admissible (CMA) de 0,2 mg/L (Santé Canada 2014).

8.1.4.5 Aliments et boissons

De nombreux aliments à base de plantes contiennent des glycosides cyanogènes naturels (GC; p. ex. linamarine, amygdaline et dhurrine), qui ont le potentiel de libérer du HCN (FSANZ 2014). Parmi les exemples d’aliments qui contiennent de tels GC, on retrouve les haricots de Lima, les graines des pommes, le manioc, le bambou, les amandes de fruits à noyau (p. ex. abricot, pêche et cerise) et les graines de lin.  

Les estimations d’exposition alimentaire de la population générale du Canada au HCN totalNote de bas de page 9 , converties sur une base de CN total, due aux GC présents dans les aliments ont été calculées par la Direction des aliments de Santé Canada. Nous donnons dans le tableau D-1 de l’annexe C les absorptions alimentaires détaillées par type d’aliment et groupe d’âge/sexe. En raison du manque de données canadiennes sur les GC dans les aliments, les données ont principalement été obtenues dans la Survey of Cyanogenic Glycosides in Plant-Based Foods in Australia and New Zealand 2010-13 (FSANZ 2014). Cette enquête avait pour objectif de recenser la plupart des aliments connus pour contenir du HCN total et a donc été considérée raisonnablement exhaustive. Des données sur le HCN total dans un nombre limité d’autres aliments (p. ex. pois verts, farine de soja et isolat de protéines de soja) connus pour contenir des GC ont été tirées de la littérature scientifique (Gupta 1987, Honig et al. 1983). Quand plusieurs données étaient disponibles pour un aliment, la concentration moyenne de HCN total a été utilisée. La teneur typique en HCN total d’un aliment donné a été utilisée pour l’évaluation de l’exposition alimentaire quand plusieurs échantillons n’étaient pas disponibles. Pour les aliments identifiés comme principaux contributeurs de l’exposition alimentaire au CN, dont nous discutons plus en détail dans le paragraphe ci-après, les concentrations rapportées sont les suivantes : graines de lin (n = 5; moyenne de 127 mg HCN/kg; gamme de 91-178 mg HCN/kg); purée de pommes (n = 3; moyenne de 3,9 mg HCN/kg; gamme de 3,6-4,1 mg HCN/kg); pois verts (n = 1; 20 mg de HCN/kg).

Les données sur la consommation alimentaire tirées du cycle 2.2 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) (Statistique Canada 2004) ont été utilisées pour estimer l’exposition alimentaire, en multipliant la concentration moyenne de HCN total de chaque aliment par la quantité consommée de cet aliment. Quand une seule valeur de HCN total était disponible pour un aliment donné, c’est cette valeur qui a été utilisée. Les estimations d’exposition alimentaire ont été exprimées sur une base de CN en utilisant le rapport des masses moléculaires de HCN (27,03 g/mol) et CN (26,01 g/mol). Pour tous les groupes d’âge/sexe, les expositions moyennes et au 90ème percentile pour « toutes les personnes » allaient respectivement de 0,00039 à 0,00379 mg/kg pc/jour et de 0,00091 à 0,01174 mg/kg pc/jour. Globalement, les graines de lin et la purée de pommes étaient les principaux contributeurs de l’exposition alimentaire totale, en représentant respectivement 42 et 22 %, pour tous les groupes d’âge/sexe combinés. Dans le cas des enfants âgés de 1 à 3 ans, la consommation de graines de lin et de purée de pommes représentait respectivement 21 et 57 % de l’exposition alimentaire au CN total. Pour les adultes mâles (19 ans et plus), le groupe d’âge/sexe auquel le paramètre correspondant de risque chronique critique pour CN s’applique, les principaux contributeurs de l’exposition alimentaire totale étaient les graines de lin et les pois verts, qui comptaient pour 24-70 % et 11-34 % respectivement selon le groupe d’âges (communication personnelle, courriel de la Direction des aliments de SC au BERSE de SC, 19 juillet 2016; non référencé). La dose journalière tolérable provisoire (DJTp) pour CN établie par le Comité d’experts des additifs alimentaires de la FAO/OMS est de 0,02 mg/kg pc/jour (20 µg/kg pc/jour) (FAO/OMS 2012).

8.1.4.6 Produits disponibles pour les consommateurs

HCN, en tant qu’hydrocyanicum acidum, est inscrit dans la BDIPSN avec un rôle homéopathique pour utilisation comme ingrédient médicinal dans des drogues homéopathiques, à une puissance homéopathique minimale de 8X (correspondant à une concentration maximale de 10-8). Il est aussi inscrit dans la BDPSNH comme présent en tant que tel dans un nombre limité de PSN.    

HCN et NaCN sont inscrits en tant qu’« acide cyanhydrique et ses sels » sur la Liste des ingrédients dont l’usage est interdit dans les cosmétiques (plus couramment appelée Liste critique des ingrédients de cosmétiques), un outil administratif utilisé par Santé Canada pour communiquer aux fabricants et à d’autres que les produits cosmétiques contenant certaines substances peuvent contrevenir à l’interdiction générale stipulée à l’article 16 de la Loi sur les aliments et drogues, ou peuvent contrevenir à une ou plusieurs des dispositions du Règlement sur les cosmétiques (SC [modifié en 2015]).

8.2 Évaluation des effets sur la santé

8.2.1 Complexes métal-cyanure (trois sous-groupes : fer-cyanure à un seul atome de fer, fer-cyanure à plusieurs atomes de fer, or/argent-cyanure)

8.2.1.1 Complexes fer-cyanure à un seul atome de fer (no CAS 13601-19-9, 13746-66-2 et 13943-58-3)

Les ferrocyanures et les ferricyanures sont mal absorbés. L’absorption intestinale du ferrocyanure de tétrapotassium est d’environ 2,8 % chez le rat, la rétention corporelle globale est de 0,09 % (7 jours après l’exposition) (Nielsen et al. 1990a). Ces substances ne sont pas métabolisées et seule une très petite partie du cyanure se dissocie du complexe [constantes de dissociation de 10-47 et 10-52 pour les ions ferrocyanure et ferricyanure respectivement (Baars et al. 2001)]. Ces substances ne s’accumulent pas dans les tissus, la demi-vie est respectivement de 135 et 40-50 minutes chez l’humain et le chien (Epstein et Kleeman, 1956). L’élimination est > 94 % dans les fèces chez le rat (Nielsen et al. 1990a).

La toxicité des substances de ce sous-groupe est faible en raison de la forte association entre le fer et le cyanure. Dans une étude non publiée citée par la FAO/OMS (1975), il n’est rapporté aucun effet lié à la substance chez le chien suite à une exposition de 13 semaines à 0, 10, 100 ou 1000 ppm (soit 0, 0,3, 3 ou  mg/kg pc/jourNote de bas de page 10 ) de ferrocyanure de tétrasodium (Morgaridge 1970). Les niveaux d’effet critique précédemment publiés pour les complexes fer-cyanure à un seul atome de fer sont basés sur une exposition du rat (mâles et femelles, n = 10 par groupe) pendant 90 jours à du ferrocyanure de tétrasodium (0, 0,05, 0,5 ou 5 %), par l’ International Salt Co. (Oser 1959) cité dans FAO/OMS (1975). Une augmentation du poids des reins  (femelles uniquement) et des dommages tubuleux ont été observés à 0,5 % [dose minimale avec effet nocif observé (DMENO); dose sans effet nocif observé (DSENO) = 0,05 %]. La DSENO de 0,05 %, équivalente à 25 mg/kg pc/jour, a été utilisée pour obtenir la dose journalière acceptable (DJA) de 0,025 mg/kg pc/jour (la base pour les facteurs d’incertitude n’est pas donnée) (FAO/OMS 1975).

8.2.1.2 Complexes fer-cyanure à plusieurs atomes de fer (no CAS 14038-43-8, 25869-98-1 et 25869-00-5)

Les complexes fer-cyanure à plusieurs atomes de fer sont très mal absorbés. Suite à une exposition par voie orale à 10 mg (36-40 mg/kg pc) de ferrocyanure ferrique ou de ferrocyanure ferrique de potassium chez le rat (n = 2-5), il a été déterminé que l’absorption était de 0,21-0,49 % et que la rétention corporelle globale après 7 jours était de 0,01-0,7 % (Nielsen et al. 1990a). De même, suite à une exposition à une dose orale de 500 mg (6,2-7,1 mg/kg pc) de ferrocyanure ferrique de potassium (25869-98-1) chez l’humain (n = 3, mâles), l’absorption était de 0,25-0,42 % et la rétention corporelle globale de 0,03-0,07 % après 7 jours (Nielsen et al. 1990b). L’élimination dans les fèces est respectivement > 97 et 99 % chez le rat et l’humain. Ces substances ne sont distribuées ni métabolisées à aucun degré et elles ne s’accumulent pas dans les tissus.

Les complexes fer-cyanure à plusieurs atomes de fer ne causent pas d’effets nocifs pour la santé chez les animaux ni chez les humains (Pearce 1994). À vrai dire, les DSENO rapportées ci-après étaient toujours les doses les plus élevées administrées/testées lors de chaque étude. Par exemple : 1)  aucun effet n’a été observé jusqu’à 6000 mg/kg pc/jour pour le ferrocyanure ferrique de potassium chez des humains (agés de 16-70 ans, hommes et femmes, une enceinte) traités pour un empoisonnement au thallium [(Pai 1987, cité par Pearce 1994); 2) aucun effet n’a été observé chez des rates exposées pendant 4 semaines jusqu’à 4800 mg/kg pc/jour de ferrocyanure ferrique (Kostial et al. 1981, Beck et al. 2006); 3) aucun effet n’a été observé chez des rats exposés pendant 12 semaines à de l’eau potable contenant jusqu’à 3200 mg/kg pc/jour de ferrocyanure ferrique (Dvorak et al., 1971).

8.2.1.3 Complexes or/argent-cyanure (no CAS 13967-50-5 et 506-61-6)

La présente évaluation préalable ne traite pas de la caractérisation des effets sur la santé du dicyanoaurate de potassium ou du dicyanoargentate de potassium, car l’exposition de la population générale à ces substances ne devraient pas avoir lieu. Aucune de ces deux substances n’a été classée par des organismes internationaux en raison d’effets carcinogènes, mutagènes ou sur le développement/reproduction. Wu et al (2001) ont rapporté une dose toxique minimale (DTmin) de 0,071 mg/kg de dicyanoaurate de potassium pour un humain adulte.  L’EPA (2010) a déterminé une dose de référence (DRf) pour le dicyanoargentate de potassium basée sur la dose de référence pour le cyanure libre, avec un facteur d’ajustement pour tenir compte des masses moléculaires (EPA 2010). Toutefois, étant donné le manque de données sur l’exposition de la population générale du Canada à ces substances, leurs effets sur la santé n’ont pas été étudiés de manière approfondie pour le moment.

8.2.2 Cyanures libre/simple (no CAS 74-90-8 et 143-33-9)

Les cyanures libre/simple sont absorbés rapidement et presque complètement par toutes les voies d’exposition. Suite à des expositions par voie orale, dermique ou par inhalation, l’absorption se produit respectivement dans les intestins, les alvéoles pulmonaires ou la peau. Dans le cas de l’exposition par voie dermique, la légère liposolubilité de HCN lui permet de passer au travers de la peau, alors que la nature ionique de NaCN gêne légèrement l’absorption. À l’intérieur du corps, NaCN existe principalement sous forme de HCN, car il se dissocie puis devient protoné. Suite à l’absorption, HCN est rapidement et très largement distribué. Le HCN absorbé par les intestins pénètre dans la circulation par la veine porte et se rend au foie où il subit un métabolisme de premier passage. Le HCN inhalé ou absorbé par la peau évite le métabolisme de premier passage et pénètre directement dans la circulation systématique. Le métabolisme a lieu principalement par l’intermédiaire de la rhodanèse (une thiosulfate soufre transférase), qui est exprimée ubiquitement. La catalyse par la rhodanèse produit du thiocyanate (SCN), qui représente la majorité du métabolisme du cyanure. Alors que les niveaux d’expression de la rhodanèse varient en fonction des tissus [les niveaux les plus élevés sont dans les reins, le foie, le cerveau, les poumons, les muscles et l’estomac (Aminlari et al. 2007)], l’étape limitante de cette réaction n’est pas liée à la quantité de rhodanèse dans les tissus. Elle dépend au contraire de la quantité de donneurs de soufre endogènes. Les individus ayant une défiscience en soufre sont donc plus susceptibles aux effets toxiques du cyanure. Parmi les métabolites mineurs, on retrouve l’acide 2-aminothiazoline-4-carboxylique (AATC) et diverses molécules à un atome de carbone (p. ex. HCN et CO2 exhalés). L’excrétion a lieu dans l’urine, et les niveaux de SCN urinaire sont proportionnels aux concentrations d’exposition (El Ghawabi et al. 1975). Ces substances ne sont pas bioaccumulées, elles sont converties en SCN dans les 3 heures, qui est excrété dans les 30 heures [rapporté dans EPA 2010].

La toxicité aiguë, due à une seule dose élevée de cyanure, cause des effets importants sur le système nerveaux central (SNC), dont la dépression du SNC, des convulsions, un coma ou la mort. Ces effets surviennent car les voies métaboliques deviennent dépassées à haute dose et le cyanure non métabolisé se lie et inhibe la cytochrome C oxydase, enzyme finale de la chaîne de transport des électrons requise pour la synthèse de l’adénosine triphosphate (ATP), conduisant à une perte rapide d’énergie cellulaire puis à la mort des cellules dans des cas extrêmes (Allen et al. 2015, Hawk et al. 2016, section 7.1.1).            

La toxicité chronique, due à une exposition répétée à faible dose, induit des effets sur la thyroïde et le système reproducteur mâle. Une dysfonction de la thyroïde survient car SCN inhibe complètement l’absorption de l’iode par la glande thyroïde et, en conséquence, nuit à la synthèse d’hormones thyroïdiennes. La perturbation de la synthèse d’hormones thyroïdiennes peut conduire à une hypothyroïdie, qui s’accompagne d’un goitre et de crétinisme dans des cas extrêmes (Downey et al. 2015). Le mécanisme pour la perturbation du système reproducteur mâle n’est pas connu. Toutefois, il pourrait mettre en jeu un mélange des axes endocriniens de la thyroïde et des gonades (Duarte-Guterman et al. 2014, EPA 2010).

Des expositions chroniques à du cyanure à un dosage modéré (p. ex. assez élevé pour perturber sans anéantir les voies métaboliques) ou qui surviennent en étant accompagnées d’une carence alimentaire en soufre et/ou en iode conduisent à des neuropathies comme une neuropathie ataxique tropicale (NAT) ou une parapésie spastique tropicale (Konzo) (Cliff et al. 2015). Toutefois, de telles carences alimentaires devraient être moins pertinentes dans le contexte canadien (en raison de l’iodation du sel et des niveaux adéquats de protéines dans le régime alimentaire en Amérique du Nord).

Dans l’ensemble, la différence entre la toxicité aiguë à haute dose et la toxixité chronique à faible dose de ces substances est que la première est causée par l’inhibition de la synthèse de l’ATP par l’anion SCN, alors que la deuxième est causée par l’interférence de l’anion SCN avec l’absorption de l’iode conduisant à une malfonction de la synthèse des hormones thyroïdiennes.

Les cyanures libre/simple se sont avérés non mutagènes lors d’épreuves d’Ames (NTP 1993) et non cancérigènes (Howard et Hanzal 1955). Ils sont connus pour être tératogènes, causant un poids à la naissance moindre, des défauts congénitaux aux membres et un avortement spontané. Des études épigénétiques de ces effets ont été centrées sur des populations exposées à des niveaux élevés de cyanure dus à du manioc mal préparé ou au fumage. Des études ont été réalisées sur des animaux de laboratoire exposés à du manioc, HCN ou KCN. Ces études ont fait l’objet d’un examen approfondi par d’autres (Downey et al. 2015, EPA 2010). Quand des niveaux d’effets critiques pouvaient être identifiés lors de ces études, ils survenaient à des doses plus élevées (ou similaires) que celle du niveau d’effet critique. Par exemple, une DMENO de 20 mg/kg pc/jour, pour un poids moindre du corps, du cerveau et du cervelet et des dimensions du cervelet altérées, a été rapportée chez des rats auxquels on avait administré du KCN dans leur alimentation (Imosemi et al. 2005); une DMENO de 20 mg/kg pc/jour, pour une maturation altérée du cervelet, a été rapportée chez des rats auxquels on avait administré du KCN dans leur alimentation (Malomo et al. 2004); une DSENO et une DMENO de 0,8 et 1,2 mg/kg pc/jour, respectivement, pour des T3 accrues chez les femelles et les petits, ont été rapportées chez des chèvres auxquelles on avait administré 0, 0,4, 0,8 ou 1,2 mg/kg pc/jour de KCN par gavage (dans l’eau) (Soto-Blanco et Gorniak et al. 2004). Toutefois, en se basant sur la qualité de l’étude, une étude réalisée par le National Toxicology Program (NTP 1993, décrite ci-après) a été retenue comme étude la plus appropriée pour la caractérisation des risques posés par une exposition par voie orale à du cyanure, ce qui est cohérent avec le raisonnement décrit ailleurs (EPA 2010).

Les cyanures libre/simple ont fait l’objet d’un certain nombre d’évaluations au niveau international. Le plus récemment par l’EPA (2010), qui a évalué l’acide cyanhydrique et des sels de cyanure, et par la FAO/OMS (2012), qui a évalué divers glycosides cyanogènes (précurseurs du cyanure présent dans des aliments). Ces deux évaluations sont basées sur le même point de départ pour une exposition par voie orale à 1,9 mg/kg pc/jour, qui correspond à une diminution du poids de la queue de l’épididyme. Ce point de départ a été tiré d’une étude de 90 jours au cours de laquelle des rats (mâles et femelles, n = 10 par groupe) ont reçu 0, 30, 100 ou 300 ppm de NaCN dans l’eau potable (NTP 1993). Les diminutions du poids de la queue de l’épididyme étaient dépendant de la dose et statistiquement significatives : 0,162 g (± 0,009), 0,150 g (± 0,013), 0,148 g (± 0,013) et 0,141 g (± 0,009). Ces doses administrées (ppm) ont été converties en doses de 0, 1,4, 4,5 et 12,5 mg/kg pc/jour, et la dose repère (DR) modélisant ces données a produit une DR et une DRL de 3,5 et 1,9 mg/kg pc/jour, respectivement [la DRL est la limite inférieure de la DR pour une fiabilité de 95 %; la réponse à la DR a été établie à 1 écart-type de la moyenne des témoins, ce qui correspond à une diminution de 7 % du poids de la queue de l’épididyme] (EPA 2010). Ces DR(L) (1,9 et 3,5 mg/kg pc/jour) sont cohérentes avec les résultats d’une étude plus récente par gavage pour laquelle on avait conclu que la toxicité pour le système reproducteur mâle chez le rat survient à 1,2 et 3,2 mg/kg pc/jour (rats exposés à 0, 0,64, 1,2 et 3,2 mg/kg pc/jour de NaCN pendant 90 jours) (Shivanoor et David 2015). Spécifiquement, des changements significatifs du poids des testicules et de la prostate, du compte de spermatozoïdes et de leur mobilité, des niveaux de testostérone et de l’hormone lutéinisante ont été observés à 1,2 mg/kg pc/jour et, de plus, des anormalités des spematozoïdes et des changements significatifs des niveaux d’hormone folliculostimulante ont été observés à 3,2 mg/kg pc/jour.

L’évaluation la plus récente d’une exposition par inhalation à de l’acide cyanhydrique et des sels de cyanure (NaCN) a été réalisée par l’EPA (2010). The point de départ de 2,5 mg/m3 correspond à un grossissement de la thyroïde et à une absorption de l’iode altérée. Ce point de départ a été tiré d’une étude au cours de laquelle des employés (n = 36) de trois usines avaient été exposés à du HCN dans l’air aux niveaux suivants pendant 5-15 ans : 10,4 ppm (± 10,9), 8,1 ppm (± 8,2) ou 6,4 ppm (± 6,9) (ppm moyen dans des échantillons d’air, n = 12, ± É.-T. (El Ghawabi et al. 1975). La DMENO (6,4 ppm) a été convertie en 7,07 mg/m3 puis, pour tenir compte de la nature professionnelle de l’exposition, ramenée à une valeur finale de 2,5 mg/m3. Cette valeur est confirmée par une étude plus récente au cours de laquelle on a observé des niveaux de thyroxine plus bas suite à une exposition par inhalation de travailleurs traitant du manioc (n = 39) (Dhas et al. 2011).

Le cyanure de sodium a déjà fait l’objet d’une évaluation au Canada. Le Bureau de la qualité de l’air et de l’eau (BQAE) a publié une recommandation pour l’eau potable de  0,2 mg/L, basée sur la DSENO de 10,8 mg/kg pc/jour rapportée dans une étude de toxicité de deux ans  de Howard et Hanzal (1955, Santé Canada 1979). En 2006, l’Agende de la réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) a réévalué le cyanure de sodium (Santé Canada 2006), en tenant compte de renseignements tirés de l’EPA Reregistration Eligibility Decision (EPA 1994). Dans le cadre de cette réévaluation, l’ARLA a proposé des mesures supplémentaires de réduction des risques pour mieux protéger les manipulateurs et les spectateurs.

8.3 Caractérisation des risques pour la santé humaine

8.3.1 Complexes métal-cyanure (trois sous-groupes : complexes fer-cyanure à un seul atome de fer, complexes fer-cyanure à plusieurs atomes de fer et complexes or/argent-cyanure)

8.3.1.1 Complexes fer-cyanure à un seul atome de fer (no CAS 13601-19-9, 13746-66-2 et 13943-58-3)

L’exposition de la population générale du Canada aux ferrocyanures ou aux ferricyanures due aux milieux de l’environnement, aux aliments ou à l’utilisation de produits disponibles pour les consommateurs devrait avoir lieu par les voies orale et dermique. En ce qui concerne la voie orale, le ferrocyanure de tétrasodium et le ferrocyanure de tétrapotassium peuvent être utilisés dans des aliments, tel que stipulé dans la Liste des agents antiagglomérants autorisés et dans la Liste des additifs alimentaires autorisés ayant d’autres utilisations généralement acceptées, qui sont incorporées à titre de référence respectivement dans l’Autorisation de mise en marché d’additifs alimentaires comme agents antiagglomérants et dans l’Autorisation de mise en marché d’additifs alimentaires ayant d’autres utilisations acceptées, émises en vertu de la Loi sur les aliments et drogues (Canada 1985). L’exposition due à l’utilisation de ferrocyanure de tétrasodium en tant qu’ingrédient non médicinal dans des PSN oraux ne devrait pas excéder la DJA de 0,025 mg/kg pc/jour. En ce qui concerne la voie dermique, on retrouve du ferrocyanure de tétrasodium dans des crèmes/lotions/hydratants pour le corps. Étant donné que le cyanure est fortement lié au fer dans ces complexes, ces complexes sont très stables et ont une faible biodisponibilité. L’exposition à ces substances n’est donc pas associée à un risque d’effets toxiques du cyanure. Des données limitées indiquent une faible absorption dermique et des utilisations intermittentes de tels produits (p. ex. sels de bain et crèmes antirides). De plus, l’utilisation de ces substances est autorisée dans des aliments. Aucun risque pour la santé humaine n’est donc prévu.

8.3.1.2 Complexes fer-cyanure à plusieurs atomes de fer (no CAS 14038-43-8, 25869-98-1 et 25869-00-5)

L’exposition de la population générale du Canada aux ferrocyanures ferriques due à l’utilisation de produits devrait pouvoir avoir lieu par toutes les voies d’exposition. Toutefois, en raison de leur faible biodisponibilité et de leur stabilité élevée, il n’existe pas d’effet nocif avéré des substances de ce sous-groupe. De plus, ces substances ont été utilisées pour traiter des empoisonnements au césium ou au thallium radioactif chez les humains et les animaux sans causer d’effets nocifs. Compte tenu de ces considérations, aucun risque pour la santé humaine n’est attendu.

8.3.1.3 Complexes or/argent-cyanure (no CAS 13967-50-5 et 506-61-6)

Aucune exposition de la population générale du Canada à du dicyanoaurate de potassium ou à du dicyanoargentate de potassium ne devrait avoir lieu. Le risque pour la santé humaine est donc faible.

8.3.2 Cyanures libre/simple (no CAS 74-90-8 et 143-33-9)

Les marges d’exposition (ME) pour ce groupe sont présentées dans le tableau 8-1.

Tableau 8-1. Exposition et risque pertinents pour les cyanures libre/simple et marge d'exposition en résultant

Scénario d’exposition

Concentration d’exposition
(moyenne)

Niveau d’effet critique

Paramètre de risque critique

 ME

Exposition par voie orale

Enfants (1-3 ans; masculins et féminins; « toute personne »)a

0,00379  mg/kg pc/joura

1,9 mg/kg pc/jour (DRL)b

Poids moindre de la queue de l’épididymeb

501

Adultes masculins (19-30 ans; « toute personne »)a

0,00062  mg/kg pc/joura

1,9 mg/kg pc/jour (DRL)b

Poids moindre de la queue de l’épididymeb

3065

Exposition par inhalation

Concentration moyenne dans l’air au centre-ville de Toronto, près d’une route principalec

0,00411 mg/m3 c

2,5 mg/m3 (DMENO)d

Grossissement de la glande thyroïde et absorption de l’iode altéréed

608

Abréviations : DMENO = dose minimale avec effet nocif observé; ME =marge d’exposition

a Estimations d’absorption raffinées obtenues de la Direction des aliments de Santé Canada (juillet 2016); caractérisation des risques basée sur deux groupes d’âge/sexe : 1) groupe des enfants avec l’exposition estimée la plus élevée; 2) groupe des adlutes âge/sexe le plus représentatif de la sous-population la plus pertinente pour le paramètre critique de risque (effets sur le système reproducteur masculin).
b NTP 1993, EPA 2010
c Moussa et al. 2016; moyenne de 16 journées de semaine consécutives
d El Ghawabi 1975, EPA 2010

Les ME pour l’exposition par voie orale ont été calculées pour les enfants et les adultes au moyen des estimations d’exposition obtenues de la Direction des aliments (Annexe C), qui a identité comme principaux aliments les graines de lin et la purée de pommes dans le cas des enfants de 1-3 ans et les graines de lin et les pois verts dans le cas des adultes (19 ans et plus). En se basant sur les paramètres prudents utilisés pour estimer l’exposition de la population générale, les ME calculées sont considérées adéquates pour tenir compte des incertitudes des bases de données sur les effets sur la santé et l’exposition. Toutefois, il existe certains groupes qui pourraient potentiellement être soumis à une forte exposition (Annexe C).

Une ME pour l’exposition par inhalation a été calculée pour la population générale en utilisant des concentrations mesurées dans l’air ambiant rapportées dans une étude réalisée par Environnement et Changement climatique Canada (Moussa et al. 2016a), qui a identifié les émissions des véhicules comme la principale source dans l’air. En se basant sur les paramètres prudents utilisés pour estimer l’exposition de la population générale, la ME calculée est considérée adéquate pour tenir compte des incertitudes des bases de données sur les effets sur la santé et l’exposition. Ceci indique que les 10 cyanures identifiés d’intérêt prioritaire pour une évaluation ont un faible potentiel d’effets nocifs sur la population générale du Canada.

8.3.3 Incertitudes de l’évaluation des risques pour la santé humaine

Les sources d’incertitude clés sont présentées dans les tableaux ci-après.

Tableau 8-2-1. Sources d’incertitude de la caractérisation des risques: exposition aux complexes métal-cyanure

Source d’incertitude clé

Impacta

Les données sur l’occurrence dans l’environnement ont été produites en utilisant la méthode du «cyanure total», qui comprend de nombreuses molécules contenant du cyanure et assume une biodisponibilité de 100 %.

+

Il n’existe pas de données sur l’absorption dermique pour aucun des complexes métal-cyanure. Les données sur l’absorption dermique ont donc été assumées identiques à celles sur l’absorption par voie orale dérivées de manière empirique.

+

Tableau 8-2-2. Sources d’incertitude de la caractérisation des risques: risque aux complexes métal-cyanure

Source d’incertitude clé

Impacta

Les niveaux d’effet critique précédemment publiés pour les complexes fer-cyanure à un seul atome de fer sont basés sur des études de toxicité subchroniques non publiées.

+/-

Il n’existe pas d’étude sur la toxicité chronique d’aucun des complexes métal-cyanure.

+/-

Le ferrocyanure ferrique d’ammonium (25869-00-5) n’a fait l’objet d’aucune évaluation au niveau international. Il n’est donc associé à aucun niveau d’effet critique précédemment publié.

+/-

Tableau 8-2-3. Sources d’incertitude de la caractérisation des risques: exposition aux cyanures libre/simple

Source d’incertitude clé

Impacta

Il existe un manque de données sur l’occurrence du HCN dans les aliments au Canada. Les valeurs utilisées pour calculer des absorptions alimentaires de HCN ont donc presque exclusivement été tirées de FSANZ (2014).

+/-

Les absorptions de cyanures libre/simple par voie alimentaire ont été générées en utilisant les données d’occurrence du «cyanure total», qui comprennent le cyanure libre libérable provenant de nombreuses molécules contenant du cyanure, et en assumant une libération de 100 % et une biodisponibilité dans le corps humain.

+

Il existe une variabilité spatiotemporelle élevée des concentrations de HCN dans l’air en raison de sa grande mobilité atmosphérique. Le niveau d’exposition à HCN par inhalation diminue donc avec la distance aux sources d’émission.

+

Tableau 8-2-4. Sources d’incertitude de la caractérisation des risques: risques aux cyanures libre/simple

Source d’incertitude clé

Impacta

Il n’existe aucune étude sur la toxicité chronique pour l’exposition par voie orale avec des animaux.

+/-

Il n’existe aucune étude sur la toxicité subchronique pour l’exposition par inhalation avec des animaux.

+/-

Les paramètres thyroïdiens n’ont pas été pris en compte lors de l’étude de 90 jours du National Toxicology Program (NTP 1993) sur l’exposition par voie orale avec des rats.

+/-

Les paramètres du système reproducteur masculin n’ont pas été pris en compte lors de l’étude sur la toxicité chronique pour les humains utilisée pour l’exposition par inhalation (El Ghawabi et al. 1975), l’étude était centrée sur la glande thyroïde et l’absorption de l’iode. De plus, il n’existait pas de corrélation temporelle entre la durée d’exposition et le degré de grossissement de la thyroïde.

+/-

a « + » augment probablement la prudence de l’évaluation; « - » diminue probablement la prudence de l’évaluation; « +/- » impact sur l’évaluation inconnu.

9. Conclusion

Compte tenu de tous les éléments de preuve contenus dans la présente ébauche d’évaluation préalable, les cyanures, incluant le cyanure libre et ses précurseurs présentent un risque d’effets nocifs sur les organismes, mais pas sur l’intégrité globale de l’environnement. Il est proposé de conclure que le cyanure libre et ses précurseurs satisfont aux critères énoncés à l’alinéa 64 a) de la LCPE, car ils pénètrent ou peuvent pénétrer dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique. Toutefois, il est proposé de concluore que le cyanure libre et ses précurseurs ne satisfont pas aux critères énoncés à l’alinéa 64 b) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à mettre en danger l’environnement essentiel pour la vie.

À la lumière des renseignements contenus dans la présente ébauche d’évaluation préalable, il est proposé de conclure que les 10 cyanures identifiés d’intérêt prioritaire pour une évaluation ne satisfont pas aux critères énoncés à l’alinéa 64 c) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.

Il est proposé de conclure que le cyanure libre et ses précurseurs satisfont à un ou plusieurs des critères énoncés à l’article 64 de la LCPE.

Il est proposé de conclure que le cyanure libre et ses précurseurs répondent aux critères de persistance, mais pas à ceux de bioaccumulation, énoncés dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumlation de la LCPE.

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Annexes

Annexe A. Renseignements sur l’identité des substances

Tableau A-1. Identité des substances identifiées d’intérêt prioritaire pour une évaluation en vertu du paragraphe 73.1 de la Loi canadienne de protection de l'environnement

No CAS

Nom sur la LIS

Nom communb

Formule molécul.

Masse moléc. (g/mol)

Sous-groupe

74-90-8a

Cyanure d’hydrogène

Acide cyanhydrique

HCN

27,03

Cyanures simple/libre

143-33-9

Cyanure de sodium

Cyanure de sodium

NaCN

49,01

Cyanures simple/libre

506-61-6

Dicyanoargentate de potassium

Dicyanoargentate de potassium

KAg(CN)2

199,00

Complexes métal- cyanure, or ou argent

13967-50-5

Dicyanoaurate de potassium

Dicyanoaurate de potassium

KAu(CN)2

288,1

Complexes métal- cyanure, or ou argent

13601-19-9

Hexacyanoferrate de tétrasodium

Ferrocyanure de sodium (prussiate jaune de sodium)

Na4Fe(CN)6

303,91

Complexes métal- cyanure à un seul atome de fer

13746-66-2

Hexacyanoferrate de tripotassium

Ferricyanure de potassium

K3Fe(CN)6

329,25

Complexes métal- cyanure à un seul atome de fer

13943-58-3

Hexacyanoferrate de tétrapotassium

Ferrocyanure de potassium

K4Fe(CN)6

368,35

Complexes métal- cyanure à un seul atome de fer

14038-43-8

Bleu de Prusse

Ferrocyanure ferrique (Bleu de Prusse insoluble)

Fe4[Fe(CN)6]3

859,3

Complexes métal- cyanure à plusieurs atomes de fer

25869-00-5

Hexakis(cyano-C)ferrate(4-) d’ammonium et de fer (3+)

Ferrocyanure ferrique d’ammonium

Fe(CN)6Fe(NH4)

291,88

Complexes métal- cyanure à plusieurs atomes de fer

25869-98-1

Bleu de Turnbull

Ferrocyanure ferrique de potassium

(bleu de Prusse soluble)

Fe(CN)6FeK

306,90

Complexes métal- cyanure à plusieurs atomes de fer

a Le no CAS 74-90-8 fait référence à l’acide cyanhydrique gazeux et à l’acide cyanhydrique aqueux (HSDB 1983-2016a).
b
Une liste d’autres compôsés chimiques (p. ex. noms commerciaux) est disponible auprès du National Chemical Inventories (NCI 2016)

Annexe B. Tableau de toxicité aquatique

Tableau B-1. Études clés sur la toxicité aquatique chronique utilisées pour le calcul de la concentration estimée sans effet chronique (CESE)

Type d’organisme

Organisme testé

Paramètre (effet)

Valeur (µg de  HCN/L)

Référence

Poisson

Tête-de-boule (Pimephales promelas)

CE10 à 256 j (reproduction nombre d’œufs par  individu)

3

Lind et al. 1977

Plante aquatique

Lenticule (Lemna gibba)

CE10 à 7 j (inhibition de la croissance)

3,72

ECHA c2007-2015

Invertébré

Cladocère (Moinodaphnia macleayi)

CSENO à 5 j (reproduction)

6

Rippon et al. 1992

Poisson

Truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss)

CE10 à 20 j (croissance à 12oC)

9

Kovacs et Leduc 1982

Invertébré

Amphipode (Gammarus pseudolimnaeus)

CMAT à 83 j (reproduction)

15,2

Oseid 1979

Poisson

Omble de fontaine (Salvelinus fontinalis)

CE10 à 90 j (croissance)

26

Koenst et al. 1977

Invertébré

Cloporte commun (Asellus communis)

CSENO à 112 j (croissance)

29

Oseid 1979

Algue

Scenedesmus quadricauda

CSENO à 8 j (population)

31,16

Bringmann et Kuhn 1980

Poisson

Cyprinodon (Cyprinodon variegatus)

CMAT à 28 j (croissance)

37,1

ECOTOX 2000; Schimmel 1981

Invertébré

Ceriodaphnia dubia

CE10 à 7 j (reproduction)

43,6

Manar et al. 2011

Algue

Pseudokirchneriella subcapitata

CE10 à 72 h (croissance)

57,1

Manar et al. 2011

Algue

Algue vert-bleu (Microcystis aeruginosa)

CSENO à 8 j (population)

72,7

Bringmann et Kuhn 1978

Annexe C. Estimations des expositions alimentaires

Tableau C-1. Estimations moyennes et au 90ème percentile de l’exposition alimentaire au cyanure pour les consommateurs, toute personne ou uniquement les personnes se nourrissant (intervalle de confiance à 95 %)

Groupe par âge-sexe
Nombre de répondants consommant des aliments contenant de l’acide cyanhydrique
Exposition totale au cyanure – Absorptions inhabituelles (µg/kg pc/jour)
Toutes les personnes
Uniquement les personnes consommant
Moyenne p90 Moyenne p90
1 à 3 ans 1409/2110 (67%) 3.79 (3.20, 4.55) 11.74E (7.21, 16.42) 6.00 (5.17, 7.06) 18.98 (16.52, 21.40)
4 à 8 ans 2118/3058 (69%) 1.52 (1.34, 1.72) 3.49 (2.94, 4.09) 2.20 (1.95, 2.47) 5.29 (3.94, 6.70)
9 à 13 ans M 1275/2004 (64%) 0.70 (0.63, 0.79) 1.51 (1.36, 1.76) 1.11 (1.01, 1.21) 2.47 (1.80, 3.10)
14 à 18 ans M 1201/2230 (54%) 0.44 (0.38, 0.52) 0.91 (0.75, 1.15) 0.82 (0.70, 0.96) 1.71 (1.38, 2.34)
19 à 30 ans M 744/1766 (42%) 0.62 (0.45, 0.79) 1.43E (1.06, 2.05) 1.47 (1.15, 1.80) 4.25E (2.62, 6.11)
31 à 50 ans M 973/2527 (39%) 0.59E (0.41, 0.84) 1.15 (0.94, 1.56) 1.54E (1.10, 2.22) 2.85 (2.51, 4.03)
51 à 70 ans M 873/2477 (35%) 1.00 (0.82, 1.21) 2.60 (2.06, 2.93) 2.81 (2.38, 3.32) 6.46 (4.67, 7.86)
71 ans et + M 520/1472 (35%) 1.22 (0.93, 1.54) 3.03E (2.25, 4.44) 3.58 (2.77, 4.43) 8.34E (6.05, 12.67)
9 à 13 ans F 1229/1880 (65%) 0.77 (0.65, 0.90) 1.30 (1.03, 1.62) 1.17 (0.99, 1.37) 2.40E (1.57, 4.87)
14 à 18 ans F 1241/2194 (57%) 0.52 (0.45, 0.59) 1.26 (1.07, 1.49) 0.93 (0.82, 1.05)
2.07 (1.62, 2.37)
19 à 30 ans F 910/1952 (47%) 0.39 (0.34, 0.44) 1.13 (0.93, 1.38) 0.81 (0.74, 0.88) 1.67 (1.45, 1.97)
31 à 50 ans F
1054/2608 (40%) 0.85 (0.64, 1.13) 1.76E (1.14, 2.56) 2.21 (1.66, 2.83) 3.96 (3.32, 5.65)
51 à 70 ans F
1194/3062 (39%) 1.56 (1.23, 1.88) 3.57 (2.90, 3.96) 3.96 (3.19, 4.72) 9.83E (6.26, 13.41)
71 ans et + F 913/2527 (36%) 1.28 (1.02, 1.62) 2.85E (2.21, 4.43) 3.61 (2.93, 4.47) 12.32 (7.68, 14.83)

E- Les estimations suivies de la lettre « E » ont une variabilité d’échantillonnage élevée (coefficient de variation de 16,6 à 33,3%) et devraient être interprétées avec prudence.

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