Examen des risques avant renvoi (ERAR) : Exclusions

Cette section contient des politiques, des procédures et des instructions destinées au personnel d’IRCC. Elle est publiée sur le site Web du Ministère par courtoisie pour les intervenants.

La présente section contient de l’orientation au sujet des clauses d’exclusion de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés des Nations Unies (Convention sur les réfugiés) et sur comment elles s’appliquent dans le cadre des examens des risques avant renvoi (ERAR).

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Aperçu

Les clauses d’exclusion font partie intégrante de la définition de réfugié au sens de la Convention, laquelle est énoncée dans la Convention sur les réfugiés. Elles prévoient que les personnes sont exclues du statut de réfugié si elles tombent sous le coup de l’une de ces clauses.

Deux des clauses d’exclusion contenues dans la Convention sur les réfugiés sont intégrées au droit canadien et comprises dans l’annexe de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) :

L’article L98 confirme que les personnes figurant dans l’une ou l’autre de ces clauses n’ont pas qualité de réfugié au Canada. Les personnes décrites à la section F de l’article premier peuvent bénéficier d’un accès à un ERAR restreint. Dans de tels cas, leurs demandes sont évaluées uniquement en fonction des facteurs énoncés à l’article L97. Si elles sont approuvées, les personnes n’ont droit qu’au sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi susceptible de révision plutôt qu’au statut de personne protégée.

Pouvoir d’évaluer les exclusions

Un décideur de l’ERAR a le pouvoir de tirer une conclusion d’exclusion. Dans de nombreux cas où une clause d’exclusion s’applique, une conclusion d’exclusion est tirée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) ou la Section d’appel des réfugiés (SAR) lorsqu’une demande d’asile est déférée à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR). Toutefois, le décideur de l’ERAR doit établir si une exclusion s’applique dans les cas où une personne n’a jamais présenté de demande d’asile ou en a présenté une, mais que sa demande d’asile ne pouvait pas être déférée à la SPR, ou lorsqu’une situation d’exclusion est survenue ou a été identifiée au moment de la décision relative à l’ERAR.

La Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Li, 2010 CAF 75 (Li), a confirmé le pouvoir conféré au décideur de l’ERAR d’établir si un demandeur est une personne visée à la section F de l’article premier. Bien que l’arrêt Li ne portait que sur l’exclusion au titre de la section F de l’article premier, sa conclusion concernant le pouvoir d’un décideur de l’ERAR de tirer une conclusion d’exclusion s’applique également aux exclusions au titre de la section E de l’article premier.

Quand envisager une exclusion

Au moment d’évaluer les demandes d’ERAR, le décideur de l’ERAR doit, dans la plupart des cas, examiner ce qui suit :

L’article L98 prévoit que les personnes visées aux sections E et F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés n’ont pas droit à la protection, et il confère aux décideurs de l’ERAR le pouvoir de tirer des conclusions d’exclusion.

La LIPR prévoit que les décideurs de l’ERAR ne peuvent appliquer l’article L98 que dans certaines situations. Plus précisément, l’article L113 prévoit que le décideur de l’ERAR doit établir si une exclusion s’applique [article L98] au moment d’évaluer la demande d’une personne dont la situation correspond à l’une des définitions suivantes :

Lorsque les décideurs évaluent les demandes d’ERAR assujetties aux articles L96 et L97, ils doivent également tenir compte des exclusions à l’article L98.

Les présentes Instructions sur l’exécution de programmes (IEP) portent uniquement sur l’exclusion en vertu de la section F de l’article premier. Toute question sur l’exclusion au titre de la section E de l’article premier dans le cadre de l’ERAR, y compris si un décideur croit que la section E de l’article premier peut s’appliquer dans un cas particulier, doit être adressée par le gestionnaire à la Direction générale de l’asile (DGA).

Évaluer les exclusions au titre de la section F de l’article premier dans le cadre d’un ERAR

Les présentes instructions expliquent comment évaluer si un motif d’exclusion s’applique au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés.

Section F de l’article premier : Généralités

La section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés porte sur les personnes qui ne sont pas considérées comme méritant une protection. Elle est ainsi libellée :

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

  • a) Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;
  • b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;
  • c) Qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

Certains éléments s’appliquent aux 3 motifs d’exclusion prévus à la section F de l’article premier.

Les décisions d’exclusion au titre de la section F de l’article premier ne sont pas des déclarations de culpabilité et ne sont donc pas fondées sur une preuve établie hors de tout doute raisonnable ou selon la norme de la prépondérance des probabilités généralement applicable en matière civile.

L’expression « des raisons sérieuses de penser » a été interprétée comme établissant une norme plus élevée que le simple soupçon. Dans l’arrêt Ezokola c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40 (Ezokola), la Cour suprême du Canada (CSC) a interprété le critère comme se rapprochant davantage de la norme de preuve des « motifs raisonnables de croire ».

Les décideurs de l’ERAR doivent évaluer les éléments de preuve dont ils disposent pour déterminer s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis un acte qui correspond à l’un des motifs d’exclusion figurant à la section F de l’article premier.

Il n’est pas nécessaire que le demandeur ait été accusé ou déclaré coupable d’un acte énoncé à la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. Il suffit qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le demandeur a commis un tel crime.

Les principes de complicité s’appliquent à tous les crimes entraînant une exclusion. Voir Modes de responsabilité, arrêt Ezokola et moyens de défense – Complicité ci-dessous pour de plus amples renseignements.

Alinéa Fa) de l’article premier : Crime contre la paix, crime de guerre ou crime contre l’humanité

a) Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

Pour comprendre ce qui constitue un crime au sens de l’alinéa Fa) de l’article premier, les décideurs de l’ERAR doivent consulter les instruments internationaux qui traitent de ces crimes.

Instruments

À l’heure actuelle, plusieurs instruments définissent ou précisent les notions de crime contre la paix, crime de guerre et crime contre l’humanité, notamment les suivants :

La CSC a fait remarquer dans l’arrêt Ezokola qu’il y aurait également lieu de consulter la jurisprudence de plus en plus abondante issue des tribunaux internationaux ad hoc et des tribunaux nationaux.

Au moment de décider de demander une exclusion en vertu de l’alinéa Fa) de l’article premier, il est important que les décideurs de l’ERAR énoncent précisément les crimes qu’ils imputent au demandeur et veillent à ce qu’ils leur en fasse part. Le défaut de le faire peut entraîner une erreur susceptible de révision dans le cadre d’un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

Le décideur de l’ERAR doit tirer des conclusions quant à tous les aspects suivants :

Crimes contre la paix

L’Accord de Londres définit ainsi les crimes contre la paix :

la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d’une guerre d’agression, ou d’une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l’accomplissement de l’un quelconque des actes qui précèdent.

Le Statut de Rome (PDF, 368 Ko) a actualisé cette notion en 2017. Bien que le terme actuel utilisé corresponde maintenant à un « crime d’agression », il renvoie au même concept que le crime contre la paix.

Le Statut de Rome définit le crime d’agression comme suit :

la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies.

Dans ce contexte, on entend par « acte d’agression » :

l’emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies.

Voici des exemples d’actes d’agression :

De tels crimes peuvent être commis uniquement dans un contexte de guerres internationales par des personnes qui représentent un État ou une entité semblable à un État et qui ont le pouvoir de mobiliser l’État.

En raison du nombre limité de personnes susceptibles d’être visées par cet alinéa de la section F de l’article premier, il y a peu de précédents d’exclusion dans cette catégorie.

Crimes de guerre

Un crime de guerre comporte une violation de l’un ou l’autre des éléments suivants :

Des crimes de ce genre peuvent avoir lieu dans l’un ou l’autre des contextes suivants :

Les Conventions de Genève de 1949, Protocoles additionnels et leurs commentaires (Conventions de Genève) établissent les normes du droit international pour le traitement humanitaire en temps de guerre, et définissent notamment 8 crimes de guerre fondamentaux. Les lois internationales plus récentes (énumérées ci-dessus sous « Instruments ») comprennent d’autres violations graves de la loi et des coutumes dans les conflits armés, qui sont des références importantes pour définir un crime de guerre. L’instrument le plus récent, le Statut de Rome (PDF, 368 Ko), énonce plus de 50 crimes de guerre. La législation du Canada codifie les crimes de guerre dans la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, qui intègre les dispositions du Statut de Rome.

Crimes fondamentaux

Le Statut de Rome (PDF, 368 Ko) définit d’abord les 8 crimes fondamentaux des Conventions de Genève, suivis des 42 autres crimes de guerre.

Aux fins du Statut de Rome, l’expression « crimes de guerre » désigne l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :

Critère à appliquer pour les crimes de guerre

L’affaire Munyaneza c. R., 2014 QCCA 906, une décision de la Cour d’appel du Québec relativement à l’appel d’un verdict de culpabilité pour des crimes de guerre commis au Rwanda, aide à interpréter les éléments fondamentaux d’un crime de guerre. Dans cette décision, la Cour déclare que tous les éléments suivants doivent être établis :

Crimes contre l’humanité

Les crimes contre l’humanité peuvent être perpétrés en temps de guerre, qu’elle soit civile ou internationale, aussi bien qu’en temps de paix. Ils sont définis dans le Statut de Rome (PDF, 368 Ko) comme l’un ou l’autre des actes suivants :

Afin de s’élever au niveau d’un crime contre l’humanité, l’infraction doit être perpétrée dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique.

L’acte doit être dirigé contre une population civile, pas contre d’autres combattants.

Il peut s’inscrire (entre autres) dans le cadre d’une politique de persécution reposant sur le même motif politique, racial, religieux ou culturel.

Enfin, les auteurs de crimes contre l’humanité ne se limitent pas aux personnes qui agissent pour le compte d’un État; il peut s’agir également de personnes qui agissent indépendamment de l’État, comme celles qui participent à des mouvements paramilitaires ou révolutionnaires armés.

Critère à appliquer pour les crimes contre l’humanité

Dans l’arrêt Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, la Cour suprême du Canada a établi les éléments d’un crime contre l’humanité. Elle a conclu qu’un acte criminel s’élève au niveau d’un crime contre l’humanité lorsque les 4 conditions suivantes sont remplies :

  1. Un acte prohibé énuméré a été commis (ce qui exige de démontrer que l’accusé a commis l’acte criminel et qu’il avait l’intention criminelle requise).
  2. L’acte a été commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique.
  3. L’attaque était dirigée contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes.
  4. L’auteur de l’acte prohibé était au courant de l’attaque et savait que son acte s’inscrivait dans le cadre de cette attaque, ou a couru le risque qu’il s’y inscrive.

Alinéa Fb) de l’article premier : Crime grave de droit commun

b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

Généralités

Cet alinéa de la clause d’exclusion vise à protéger la collectivité d’un pays d’accueil du danger que représente l’admission d’une personne qui a commis un crime grave de droit commun. La disposition est liée aux objectifs de la LIPR qui visent à protéger les Canadiens et à interdire de territoire les grands criminels.

Cette clause s’applique à une personne dont on a des raisons sérieuses de penser qu’elle a commis un acte pouvant être considéré comme un crime grave de droit commun avant son entrée au Canada.

Il peut s’agir de fugitifs recherchés par la justice; de personnes qui ont déjà été déclarées coupables, qu’elles aient ou non purgé leur peine, et même de personnes qui n’ont jamais été accusées. Aucun des éléments suivants ne constitue une condition préalable à l’application de cette clause :

Une personne peut être visée par une exclusion en vertu de cette clause même en présence :

Ces facteurs sont considérés comme étant étrangers au critère servant à déterminer s’il y a des raisons sérieuses de penser que le demandeur a commis un crime grave de droit commun.

Éléments à prendre en considération

Au moment d’évaluer si une personne a commis un acte ou un crime visé à l’alinéa Fb) de l’article premier, le décideur de l’ERAR doit se poser les questions suivantes :

S’agit-il d’un crime grave?

Un élément important de cette clause consiste à déterminer si le crime est « grave ».

Le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié et les principes directeurs sur la protection internationale (il faut sélectionnez la version française à partir du lien) indique qu’il est difficile de définir en quoi consiste un crime grave de droit commun. Cependant, il mentionne également qu’un crime grave doit être un meurtre ou un acte punissable d’une peine très grave.

Dans le contexte de la LIPR, le terme « crime grave » se rapporte à un acte criminel ou à une infraction mixte au sens du Code criminel, qui est punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans.

Aux fins de l’exclusion prévue à l’alinéa Fb) de l’article premier, il y a une présomption réfutable selon laquelle un crime est généralement jugé grave lorsqu’une peine maximale d’au moins 10 ans aurait pu être imposée s’il avait été commis au Canada. Toutefois, comme le fait observer la Cour dans l’arrêt Febles c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68, cette présomption ne peut pas être appliquée machinalement, sans tenir compte du contexte ou de manière injuste. En d’autres termes, elle ne peut pas être appliquée automatiquement, sans tenir compte du contexte entourant le crime.

Les crimes associés à des peines moindres qu’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans ou les actes qui ne sont pas considérés comme des crimes dans le pays où ils sont commis peuvent tout de même donner lieu à une exclusion, tandis que les crimes susceptibles d’entraîner une lourde peine peuvent ne pas donner lieu à une exclusion en considérant les facteurs atténuants. Tout dépend des circonstances et de la nature des crimes commis.

Évaluer la gravité du crime

La Cour d’appel fédérale a déclaré dans l’arrêt Jayasekara c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CAF 404 que, lorsqu’il s’agit d’établir la gravité d’un crime dans le contexte de l’alinéa Fb) de l’article premier, les facteurs suivants doivent être évalués :

S’agit-il d’un crime politique?

Un autre élément important de cette clause consiste à déterminer si le crime est « politique », car un décideur de l’ERAR peut seulement exclure une personne au titre de l’alinéa Fb) de l’article premier pour des crimes graves de droit commun.

Pour qu’il soit considéré qu’un crime est politique et non visé par l’alinéa Fb) de l’article premier, le crime doit répondre à un critère à 2 volets défini par la Cour d’appel dans la décision Gil c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 1 CF 508 (C.A.) :

  1. il doit être commis à des fins politiques qui vont directement à l’encontre du gouvernement du pays;
  2. il doit exister un lien rationnel entre le crime commis et la réalisation de l’objectif politique visé.

Il y a des infractions qui peuvent être de nature manifestement politique, par exemple :

Cependant, il y a aussi des infractions de droit commun qui peuvent être commises dans un but manifestement politique.

L’aspect politique de l’infraction doit être plus important que l’aspect de droit commun, et l’intéressé ne doit pas profiter indûment de l’infraction.

Si le caractère politique de l’infraction l’emporte sur le caractère de crime de droit commun, l’infraction doit être considérée comme une infraction politique, et l’intéressé ne devrait pas être exclu au titre de l’alinéa Fb) de l’article premier.

S’il s’agit d’un crime politique, la nature politique du crime est-elle proportionnelle à ses répercussions?

La question de la proportionnalité est également un facteur dont il faut tenir compte dans l’évaluation des crimes au regard de l’alinéa Fb) de l’article premier.

Lorsque l’infraction est particulièrement grave et disproportionnée par rapport à l’objectif, elle ne peut pas être considérée comme un crime politique, même si elle est commise dans un but politique.

Le crime a-t-il été commis avant l’entrée de la personne au Canada?

Enfin, l’expression « avant d’y être admises comme réfugiés » renvoie au dernier élément de cette clause, à savoir que les crimes en question ont été commis avant l’entrée du demandeur au Canada.

Les crimes commis au Canada sont traités par le système de justice pénale national et sont couverts par les dispositions relatives à l’interdiction de territoire de la LIPR. Dans ces cas, les décisions concernant l’application des ERAR restreints sont fondées sur l’alinéa L112(3)b) et l’article L113, et non sur les clauses d'exclusion.

Alinéa Fc) de l’article premier : Agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies

c) Qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

Cette clause est de nature très générale et vise les agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies qui ne seraient pas entièrement visés par les 2 clauses d’exclusion précédentes. Ces buts et principes sont énoncés dans le préambule et le chapitre 1 de la Charte des Nations Unies.

Les conclusions suivantes sur l’application de cette clause sont généralement acceptées :

Dans l’arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 RSC 982, la Cour suprême du Canada énonce 2 catégories d’actes qui sont visés par cette clause.

Première catégorie d’actes

[…] lorsqu’un accord international généralement accepté ou une résolution des Nations Unies déclare explicitement que certains agissements sont contraires aux buts et aux principes des Nations Unies […]

Voici des exemples donnés par la Cour d’actes qui appartiennent à cette catégorie :

Des instruments internationaux désignent précisément ces actes comme étant contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

La Cour a également fait remarquer que d’autres sources du droit international peuvent être pertinentes, par exemple les décisions de la Cour internationale de justice.

Seconde catégorie d’actes

… [les agissements] qu’un tribunal peut lui‑même reconnaître comme des violations graves, soutenues et systémiques des droits fondamentaux de la personne constituant une persécution.

Voici un exemple donné par la Cour d’actes qui appartiennent à cette catégorie :

Les types d’activités qui vont à l’encontre des principes et des buts des Nations Unies continuent d’être définis dans la jurisprudence internationale. La plupart de ces cas portent soit sur des activités de terrorisme, soit sur des violations des droits de la personne.

Autres ressources

Le Chapitre 11 - Section F de l’article premier de la convention du document La jurisprudence sur la définition de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger de la CISR porte sur l’application des exclusions au titre de la section F de l’article premier.

Modes de responsabilité, arrêt Ezokola et moyens de défense

Les présentes instructions expliquent les différentes façons dont une personne peut être tenue responsable d’un acte visé par une exclusion au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés, ainsi que les moyens de défense courants pour une personne qui a commis un tel acte.

Modes de responsabilité

Afin de conclure qu’une personne est visée par l’une des clauses d’exclusion prévues à la section F de l’article premier, le décideur de l’ERAR doit évaluer la preuve dont il dispose et déterminer s’il existe un lien entre les actes de la personne et les éléments contenus dans les clauses d’exclusion.

La forme la plus répandue de responsabilité pénale individuelle est la perpétration directe. Or, il n’est pas nécessaire qu’une personne ait personnellement commis un crime pour être déclarée personnellement responsable de ce crime.

Une personne peut être exclue de la protection des réfugiés en vertu de la section F de l’article premier en fonction des divers rôles qu’elle a joués dans le crime commis. Une personne peut avoir commis un crime physiquement, ou elle peut avoir aidé et encouragé quelqu’un à commettre un crime, ou elle peut être tenue responsable si la personne qui a commis le crime se rapportait à elle et qu’elle devait raisonnablement savoir que le crime était commis. Ces différentes formes de responsabilité pénale individuelle s’appellent les modes de responsabilité.

Il existe 2 modes de responsabilité que les décideurs de l’ERAR sont les plus susceptibles de traiter :

Perpétration directe

Il y a perpétration directe lorsqu’il peut être démontré qu’une personne a physiquement exécuté les principaux éléments d’une infraction et qu’elle l’a fait avec intention et connaissance.

Ce mode de responsabilité est l’élément central de la section sur l’évaluation des exclusions au titre de la section F de l’article premier dans le cadre de l’ERAR.

Pour conclure à l’exclusion d’une personne parce qu’elle a personnellement perpétré une infraction relevant des clauses d’exclusion, le décideur de l’ERAR doit évaluer la preuve dont il dispose et établir si l’acte commis correspond à tous les éléments de la clause particulière évaluée.

Complicité

Il n’est pas nécessaire qu’une personne ait physiquement commis une infraction pour qu’une certaine forme de responsabilité pénale individuelle lui soit attribuée. La complicité reconnaît que ceux qui agissent pour aider, inciter, conseiller ou soutenir de toute autre manière une personne dans la perpétration d’une infraction visée à la section F de l’article premier sont tout aussi coupables et ne doivent pas non plus se voir reconnaître la qualité de réfugié.

Dans l’arrêt Ezokola, la CSC a examiné à fond la question de la complicité dans le contexte de l’alinéa Fa) de l’article premier. La Cour a infirmé la jurisprudence précédente de la Cour d’appel fédérale pour adopter un nouveau critère axé sur la contribution pour établir la complicité (aussi appelé le « critère Ezokola ») :

La Cour met en garde les décideurs en leur indiquant qu’ils doivent s’abstenir d’élargir indûment la notion de complicité de façon à conclure qu’une personne est complice par simple association ou acquiescement passif. Toutefois, le fait que le critère repose sur les crimes ou le dessein criminel d’une organisation signifie que, contrairement à la perpétration directe, il n’est pas nécessaire que la complicité soit liée à un acte ou à un événement précis.

Le critère Ezokola

Le critère dans l’arrêt Ezokola comporte 3 caractéristiques. La CISR énonce le critère dans le Chapitre 11 - Section F de l’article premier de la convention de son document « La jurisprudence sur la définition de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger » comme suit :

  1. Contribution volontaire. Les facteurs à prendre en compte sont notamment :
    • la question de savoir si la personne aurait été complice d’un crime sans avoir vraiment eu le choix d’y participer;
    • le mode de recrutement de l’organisation et les possibilités de quitter l’organisation;
    • la question de savoir si une défense (par exemple, la contrainte) s’applique.
  2. Contribution significative. Les facteurs à prendre en compte sont notamment :
    • la nature de l’association, c’est-à-dire qu’une simple association ou un acquiescement passif seront insuffisants;
    • la nature des activités en question, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire que la contribution vise la perpétration de crimes identifiables précis et qu’elle peut viser un dessein commun plus large, comme la réalisation de l’objectif d’une organisation;
    • le degré de contribution (la contribution doit être significative).
  3. Contribution consciente. Cela signifie qu’il doit exister un lien entre le comportement de la personne et le comportement criminel du groupe. Les éléments à prendre en compte sont notamment :
    • la conscience de la personne (l’intention, la connaissance ou l’insouciance) du crime ou du dessein criminel du groupe;
    • la conscience du fait que son comportement facilitera la perpétration des crimes ou la réalisation du dessein criminel.

Facteurs à prendre en considération

Afin d’aider à déterminer si la conduite d’une personne correspond au critère de la complicité (c’est-à-dire qu’il s’agit d’une contribution volontaire, significative et consciente), la Cour suprême a également établi, dans l’arrêt Ezokola, 6 facteurs à prendre en considération :

  1. la taille et la nature de l’organisation;
  2. la section de l’organisation à laquelle la personne était le plus directement associée;
  3. les fonctions et les activités de la personne au sein de l’organisation;
  4. le poste ou le grade de la personne au sein de l’organisation;
  5. la durée de l’appartenance de la personne à l’organisation, surtout après qu’il a pris connaissance de ses crimes ou de son dessein criminel;
  6. le mode de recrutement de la personne et la possibilité qu’il a eue ou non de quitter l’organisation.

L’analyse de ces facteurs est étroitement liée au contexte; l’importance de chaque facteur repose sur les faits et le contexte de chaque cas.

Important : Ces 6 facteurs ne constituent pas le critère et ne sont pas exhaustifs. Ils sont donnés à titre indicatif seulement, pour aider à établir le critère. Le critère est de déterminer s’il y a eu une contribution volontaire, significative et consciente à un crime ou à un dessein criminel.

Moyens de défense

Dans certaines circonstances, il y a des moyens de défense valables qui permettent d’exonérer la personne de sa responsabilité pénale pour les crimes en question. Ainsi, même si elle peut avoir commis un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, la personne ne se verra pas exclue du statut de personne protégée dans ces cas.

Il incombe à l’intéressé de démontrer qu’un ou plusieurs moyens de défense s’appliquent.

Remarque : Une personne peut être en mesure d’établir que son comportement n’était pas volontaire dans le cadre d’une analyse de la complicité en fonction du critère Ezokola, même si elle n’a pas présenté de défense.

Ordres d’un supérieur

Un demandeur peut invoquer ce moyen de défense en déclarant qu’il a reçu l’ordre de commettre une infraction de la part d’un gouvernement ou d’un supérieur et qu’il était légalement tenu d’obéir (par exemple : « Je ne faisais que suivre les ordres… »).

Ce moyen de défense n’est toutefois pas applicable lorsque l’ordre était manifestement illégal. La Cour suprême du Canada en a donné un exemple dans l’arrêt R. c. Finta, [1994] 1 RCS 701, dans lequel l’ordre est de nature à « offenser la conscience de toute personne raisonnable et sensée » et la personne avait le choix moral de suivre ou non l’ordre. La Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre comporte aussi des exemples d’actes manifestement illégaux, indiquant notamment au paragraphe 14(2) que « l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité est manifestement illégal ».

Contrainte

La contrainte peut être invoquée comme moyen de défense dans les cas où une personne s’est sentie obligée d’agir en raison du risque qu’elle subisse un préjudice imminent. Toutefois, le préjudice qu’elle craignait de subir doit avoir été d’importance égale ou plus grande que le préjudice qu’elle a dû faire subir à quelqu’un d’autre. Par exemple, on ne peut pas s’attendre à ce qu’une personne déserte ou désobéisse à un ordre au péril de sa vie.

L’alinéa 31(1)d) du Statut de Rome (PDF, 368 Ko) énonce le moyen de défense fondé sur la contrainte et la décision de la Cour fédérale Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Kljajic, 2020 CF 570, est une décision récente qui porte sur le moyen de défense fondé sur la contrainte.

Le demandeur doit établir les éléments suivants pour que le moyen de défense de la contrainte soit valide :

Pour en savoir plus, consultez le manuel ENF 18 – Atteinte aux droits humains ou internationaux (PDF, 777 Ko).

Traiter les exclusions dans le cadre de l’ERAR

Les présentes instructions expliquent comment les décideurs de l’ERAR doivent traiter les demandes d’ERAR dans les cas où ils constatent qu’une exclusion s’applique.

Incidence de l’évaluation de la clause d’exclusion prévue à la section F de l’article premier

L’article L113 explique comment les ERAR doivent être abordés dans les cas où le décideur de l’ERAR constate qu’une exclusion au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés s’applique.

Avant une exclusion

Un décideur doit examiner une demande d’ERAR en vertu de l’alinéa L113c) lorsque le demandeur répond aux deux critères suivants :

Un décideur doit examiner une demande d’ERAR en vertu de l’alinéa 113e) de la LIPR lorsqu’un demandeur n’a pas été précédemment exclu de la protection des réfugiés et est visé par l’une ou l’autre des situations suivantes :

Aux termes des alinéas L113c) et L113e), le décideur de l’ERAR doit évaluer le demandeur en fonction des éléments qui suivent :

Au moment d’examiner une demande d’ERAR en vertu de l’article L98, le décideur de l’ERAR pourrait constater qu’une exclusion au titre de la section F de l’article premier s’applique.

Après une exclusion au titre de la section F de l’article premier

Le demandeur est visé à l’alinéa L112(3)c) du fait qu’une exclusion au titre de la section F de l’article premier s’applique à lui dans les cas où l’une ou l’autre des situations suivantes s’applique :

Dans ces cas, conformément à l’alinéa L113d), le demandeur continue d’avoir accès à un ERAR. Toutefois, l’ERAR devient restreint à une évaluation des facteurs énoncés à l’alinéa L113d).

Il convient de noter qu’une personne qui a été exclue au titre l’alinéa Fb) de l’article premier et qui est par la suite déclarée interdite de territoire au titre de l’alinéa L36(1)b) demeure exclue au titre l’alinéa Fb) de l’article premier même si elle a été réadaptée et, par conséquent, est donc toujours assujettie à un ERAR restreint.

ERAR restreint

La demande d’ERAR n’est plus évaluée au regard des motifs énoncés dans la Convention sur les réfugiés [article L96]. Le décideur doit tenir compte des facteurs énoncés dans la disposition applicable [alinéa L113(d)] et sur la base des motifs suivants [article L97] :

Une décision favorable concernant sa demande ne peut être rendue que par un décideur principal de la Direction générale des Opérations d’intégrité des mouvements migratoires et donne uniquement lieu au sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi susceptible de révision plutôt qu’au statut de personne protégée.

De cette façon, le Canada est en mesure, d’une part, de respecter l’esprit de la Convention sur les réfugiés qui exclut ceux qui ne méritent pas la protection et, d’autre part, de maintenir le principe de non‑refoulement en ce qui a trait aux personnes qui sont exposées au risque d’être soumises à la torture, à une menace à la vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités.

Traitement de la demande

Les principes d’équité procédurale s’appliquent lors de l’évaluation des risques ainsi que de la prise en compte des clauses d’exclusion.

Le décideur de l’ERAR doit prendre les mesures suivantes pour traiter le dossier :

  1. procéder à un examen du dossier, y compris la demande et les observations soumises au nom du demandeur;
  2. cerner les questions déterminantes;
  3. mener les recherches jugées nécessaires pour traiter les questions déterminantes;
  4. si une clause d’exclusion peut s’appliquer, veiller au respect des principes d’équité procédurale en remettant une lettre au demandeur :
    1. informant le demandeur qu’une clause d’exclusion est à l’étude;
    2. expliquant l’incidence sur le demandeur s’il est jugé exclu; c’est-à-dire que s’il est visé par une exclusion au titre de la section F de l’article premier, le demandeur fera l’objet d’une évaluation restreinte des risques.
  5. accorder au demandeur suffisamment de temps pour présenter des observations écrites en guide de réponse;
    1. Le demandeur doit également avoir la possibilité de répondre à tout élément de preuve extrinsèque.
  6. si une audience est tenue en vertu de l’article L113.01 ou de l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR),
    1. informer le demandeur que les questions de fait relatives à la clause d’exclusion feront partie des questions déterminantes à traiter durant l’audience;
    2. si une audience n’est pas tenue, indiquer pourquoi dans les motifs écrits;
  7. une fois que tous les éléments de preuve ont été recueillis, examiner ces derniers afin de déterminer si une exclusion s’applique

Conclusion d’exclusion et prochaines étapes

Si le décideur de l’ERAR conclut qu’une exclusion au titre de la section F de l’article premier ne s’applique pas, il procédera à une évaluation régulière des risques en fonction des facteurs applicables énoncés à l’article L113.

Si le décideur de l’ERAR conclut qu’une exclusion au titre de la section F de l’article premier s’applique, il prendra les deux mesures suivantes :

Traitement des personnes à charge

Dans certains cas, les demandeurs qui sont visés par une exclusion au titre de la section F de l’article premier peuvent avoir présenté leur demande conjointement avec d’autres membres de leur famille.

Les décisions en matière de protection des réfugiés concernent chaque personne distinctement et, s’il y a lieu, des évaluations indépendantes doivent être menées pour chaque membre de la famille.

Des décisions écrites distinctes sont particulièrement importantes dans les cas où un membre de la famille peut être visé par une exclusion, alors que d’autres peuvent être considérés comme des personnes à risque.

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2025-11-18