Ce qu'il faut savoir des peintures – Structure, matériaux et aspects de la détérioration – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 10/17

Introduction

Pour bien prendre soin des peintures, il faut connaître à la fois leur structure et les propriétés des matériaux qui les composent. La série 10 des Notes de l’ICC, qui comprend un glossaire, traite de différents aspects du soin approprié des peintures. La présente Note décrit la structure des peintures afin que les termes et les recommandations figurant dans les autres Notes soient plus compréhensibles.

Les peintures ne sont pas de simples surfaces peintes. Ce sont des structures tridimensionnelles complexes composées de différents matériaux pouvant être combinés d’un nombre incalculable de façons (figure 1). Les propriétés particulières de chaque matériau et les manières d’utiliser chacun d’eux influent toutes sur le comportement global d’une peinture et permettent de déterminer la méthode la plus sûre pour la manipuler, la mettre en réserve et l’exposer.

Diagramme illustrant huit couches, dont le cadre dans le haut; la vitre de protection, une cale d’espacement (si la vitre de protection est présente); le vernis; les couches de peinture; la toile de soutien, l’encollage et la couche de préparation; le support auxiliaire, comme un châssis à clés ou un châssis simple; et le dos protecteur dans le bas.

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Figure 1. Structure stratifiée d’une peinture traditionnelle sur toile, encadrée.

Une peinture type est composée d’un support auxiliaire (châssis simple ou à clés), d’un support, d’un encollage, d’une couche de préparation, de couches picturales et d’une couche de vernis. Dans certains cas, des matériaux qui ont été utilisés lors d’un traitement de restauration et qui ne sont donc pas d’origine sont également présents. De plus, les peintures peuvent être encadrées. L’encadrement peut comporter une vitre de protection (en verre ou en acrylique) et un dos protecteur solidement fixé au cadre ou au support auxiliaire.

Support auxiliaire

Dans le cas de matériaux non rigides (par exemple, la toile), il faut utiliser des supports auxiliaires (ou secondaires) pour maintenir le tissu souple bien tendu et à plat. Les supports auxiliaires des peintures sur toile peuvent être des châssis simples (des cadres en bois à joints fixes) ou des châssis à clés (lesquels peuvent être élargis dans les coins et au niveau des croisillons). Ces supports auxiliaires jouent sur la nature des dommages subis par une peinture. Par exemple, les couches picturales et la préparation peuvent se craqueler le long des bords intérieurs du châssis simple ou à clés ou bien des craquelures peuvent apparaître dans les coins et s’étendre vers le centre du tableau lorsque le réglage de la tension est trop élevé.

Les peintures réalisées sur des matériaux minces et rigides peuvent également être collées ou posées sur un support auxiliaire qui permet de renforcer les œuvres pour qu’elles puissent être manipulées ou encadrées. C’est le cas, par exemple, d’une miniature en ivoire collée sur un dos protecteur en papier ou en carton rigide.

Photographie de quatre angles de châssis à clés, chacun montrant un exemple de mécanisme différent pour élargir le châssis.

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Figure 2. Un châssis à clés peut être élargi dans les coins et au niveau des croisillons. Le mécanisme d’extension varie (par exemple, des clés ou des tendeurs).

Photographie d’un angle fixe de châssis simple.

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Figure 3. Le joint fixe d’un châssis simple ne peut pas être ouvert.

Support

Le support d’une peinture peut être souple ou rigide. Il est habituellement constitué de toile, de bois, d’un panneau de bois aggloméré, comme un panneau dur, ou encore d’un carton à base de papier (désigné sous les noms « carton » ou « carton toilé »). Les artistes utilisent aussi des matériaux tels que l’écorce de bouleau, le métal, l’ivoire ou le verre. Puisque le matériau constituant le support influe beaucoup sur le comportement et la détérioration de l’œuvre d’art, il permet souvent de déterminer la meilleure façon de manipuler, de mettre en réserve et d’exposer une œuvre d’art, la méthode d’encadrement la plus appropriée et les conditions ambiantes les plus adéquates, c’est-à-dire l’humidité relative et la température (voir la Note de l’ICC 10/3 Directives concernant la mise en réserve et l’exposition des tableaux, la Note de l’ICC 10/4 Conditions ambiantes recommandées pour les peintures et la Note de l’ICC 10/14 Le soin des peintures sur ivoire, sur métal et sur verre). Certaines peintures contemporaines sont exécutées sur un support souple et dépourvues de support auxiliaire. Dans ce cas, il faut mettre en œuvre des solutions innovatrices pour les doter d’un support en vue de leur exposition, de leur manipulation et de leur mise en réserve.

Le bois, les produits de papier et les toiles sont hygroscopiques (c’est-à-dire qu’ils absorbent et laissent s’échapper la vapeur d’eau), ce qui signifie qu’ils se dilatent et se contractent sous l’effet des variations de l’humidité relative. Cela peut causer des fentes dans les supports en bois ou occasionner un gauchissement, le gondolage des supports à base de papier et la distension ou le plissement (ridement) des supports en toile. Le dos des panneaux en bois supportant des peintures peut parfois comporter un parquetage, qui peut être d’origine ou avoir été ajouté au moment de la restauration de l’œuvre. Ce parquetage permet de limiter le gauchissement de la peinture. Toutefois, un tel dispositif ne fonctionne pas toujours comme prévu et peut, en réalité, endommager le support en bois.

Photographie d’un tableau de grande taille prise de côté pour montrer la bosse au centre de la toile et le plissement le long du bord supérieur.

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Figure 4. Il n’est pas rare de constater, au fil du temps, une déformation de la toile, comme la formation de bosses, un pli d’angle ou un ridement, à mesure que la toile se relâche et se distend.

Photographie d’un parquetage couvrant le dos d’une peinture sur panneau et qui consiste en quatorze lames de bois verticales insérées dans neuf lames de bois horizontales fixes.

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Figure 5. Le parquetage au dos du panneau de bois supportant une peinture.

Au fil du temps, la plupart des supports subissent une certaine forme de dégradation chimique. Cette détérioration générale, qui se traduit par la diminution de la résistance du matériau de support, l’augmentation de sa friabilité et l’altération de sa couleur, est aggravée par un éclairage, une humidité relative et une température trop élevés, par la présence de polluants atmosphériques, de saletés et de poussières et par une piètre qualité des matériaux. L’affaiblissement global du support expose davantage l’œuvre d’art aux risques de dommages mécaniques. Il importe donc de réduire ou d’éviter les dommages et la détérioration en adoptant certaines mesures, comme la pose d’un encadrement approprié et d’un dos protecteur. Par exemple, les bords et les coins des supports en carton rigide détériorés sont particulièrement exposés aux risques de dommages mécaniques et doivent être protégés à l’aide d’un cadre ou d’un montage surhaussé. De même, les bords des supports en toile sont souvent fragiles et friables (ce qui les expose à des risques de déchirement ou de rupture le long des parties rabattues sur les côtés du support auxiliaire). Il faut donc les protéger au moyen d’un cadre ou d’un cadre de manipulation-transport-entreposage (MTE) (voir la Note de l’ICC 10/8 L’encadrement des peintures, la Note de l’ICC 10/10 Dos protecteurs pour les peintures sur toile et la Note de l’ICC 10/16 Emballage des tableaux).

Certains supports sont composés de plusieurs éléments ou de plusieurs matériaux différents. Ainsi, les panneaux de bois sont souvent constitués d’au moins deux pièces de bois jointes. Les collages et les assemblages, fréquents dans l’art contemporain, peuvent comporter différents types de matériaux. De tels supports composites sont particulièrement sensibles aux manipulations, car les joints peuvent s’affaiblir ou se desserrer. Aussi, le moindre mouvement que subit la structure risque de l’affaiblir ou de l’endommager davantage.

Encollage et préparation

Dans le cas des peintures à l’huile sur toile, on applique généralement un encollage sur la toile avant d’y appliquer la couche de préparation. L’encollage est habituellement un adhésif d’origine animale, bien que des colles synthétiques soient actuellement offertes sur le marché. L’encollage sert à isoler le support absorbant et à le protéger contre les composés acides du liant à l’huile présent dans les couches de préparation et de peinture. Les peintures à l’huile sur toile par champs de couleurs, exécutées durant les années 1950 et 1960 et dépourvues d’encollage et de couche de préparation, présentent souvent un halo décoloré autour de la peinture sur la partie exposée de la toile parce que le liant à l’huile s’est répandu.

La plupart des supports sont enduits d’une couche de préparation. Celle-ci assure l’adhérence des couches picturales au support de manière à produire la texture et la tonalité souhaitées. Dans la majeure partie des cas, la couche de préparation est blanche, mais il arrive qu’elle soit colorée ou que sa surface soit recouverte d’une couche de couleur (imprimatura). La stabilité globale de la peinture est menacée si la préparation est instable, ne forme pas une couche uniforme ou n’adhère pas correctement au support.

Couche picturale

Les couches picturales d’une peinture typique se composent de pigments mélangés à un liant tel que l’huile, la tempera ou l’acrylique. Les pigments sont les colorants présents dans une couche picturale. Ils peuvent influencer les propriétés du feuil de peinture, notamment le temps de séchage, le lustre et la résistance (ou stabilité) à la lumière (c’est-à-dire sa résistance à la décoloration). Certains pigments sont stables à la lumière, c’est-à-dire qu’ils ont un haut degré de permanence sous l’effet de la lumière. D’autres sont fugaces (non stables à la lumière) et peuvent pâlir même s’ils sont exposés à une faible intensité lumineuse. Chaque liant possède des caractéristiques visuelles et des propriétés de vieillissement et de détérioration qui lui sont propres. Chaque liant bénéficiera donc d’un soin de base adapté. Les liants les plus souvent présents dans les collections sont décrits ci-après.

À toutes les époques, les artistes ont expérimenté des méthodes et des matériaux nouveaux et non conventionnels qui sont susceptibles d’accélérer la détérioration de leurs œuvres. Cela n’est pas propre à l’art contemporain. Dès la fin du XVIIIe siècle, un grand nombre de nouveaux matériaux utilisés par les artistes pour enrichir ou modifier leurs peintures étaient instables ou présentaient une faible siccativité. Au cours des années 1950, les artistes utilisaient à la fois des peintures à l’huile pour artistes et des peintures industrielles ou commerciales, lesquelles ont provoqué des phénomènes d’assombrissement, de craquèlement ou de clivage (ou séparation) entre couches incompatibles. Les personnes responsables de tableaux doivent savoir distinguer les défauts stables de ceux qui ne le sont pas et qui doivent subir un traitement.

Huile

La peinture à l’huile se compose de pigments dispersés dans une huile siccative, à laquelle sont ajoutés d’autres ingrédients permettant de modifier la siccativité et les propriétés d’utilisation de la peinture. Ce type de peinture est très apprécié en raison de sa polyvalence et de sa compatibilité avec les supports en toile autant qu’avec ceux en bois, et parce qu’il est facile à trouver sur le marché.

La peinture à l’huile s’avère relativement résistante lorsqu’on l’utilise correctement. Toutefois, un usage non conventionnel, non basé sur des techniques éprouvées ou non conforme aux instructions du fabricant peut aboutir au clivage, au craquèlement excessif, au soulèvement ou à l’écaillage de la peinture. Avec le temps, les variations des conditions ambiantes entraînent inévitablement la formation de quelques craquelures dans la couche picturale et dans la couche de préparation, mais leur présence ne signifie pas nécessairement que l’œuvre est instable.

Photographie (vue rapprochée) d’une paire de mains dans un tableau, révélant de nombreuses craquelures dans la peinture.

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Figure 6. La formation de quelques craquelures dans la couche picturale et dans la couche de préparation (comme celles que l’on peut voir dans ce détail) est inévitable, mais ne signifie pas nécessairement que l’œuvre est instable.

Photographie (vue rapprochée) qui met en relief le soulèvement en cuvette (ou les courbures) des craquelures de la peinture.

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Figure 7. Les craquelures aux bords relevés forment des soulèvements en cuvette et peuvent entraîner l’écaillage et le détachement de la peinture.

Les peintures à l’huile sont particulièrement sensibles à un faible taux d’humidité relative, condition fréquente durant l’hiver canadien dans les immeubles équipé d’un système de chauffage central. L’encollage, la couche de préparation et les couches picturales deviennent alors plus friables, et les contraintes qui s’exercent à l’intérieur des couches peuvent être plus importantes. En dessous de 35 % d’humidité relative, le risque de craquèlement est plus élevé, lequel peut entraîner le soulèvement et le détachement de la peinture. Par ailleurs, dans de telles conditions, ces couches sont moins résistantes aux contraintes mécaniques qui s’exercent au cours des manipulations de l’œuvre, des craquelures peuvent donc se former. Les variations d’humidité relative supérieures à 10 % peuvent également générer des contraintes dans les couches de la peinture, lesquelles peuvent entraîner des craquèlements. (L’humidité relative peut varier de manière saisonnière, selon le cycle jour-nuit ou au voisinage de courants d’air, de bouches d’aération, de radiateurs, de conduits d’air chaud, de foyers, etc.)

Dans le cas de certaines techniques d’application de la peinture, comme les empâtements (peinture en relief) épais, il faut prendre des précautions particulières pour éviter tout contact avec la couche picturale fragile durant l’encadrement, la manipulation, l’exposition ou la mise en réserve de l’œuvre.

Liants synthétiques

Différentes résines synthétiques ont été développées et utilisées comme liants pour peintures. Les peintures synthétiques les plus courantes de nos jours sont les émulsions acryliques, commercialisées depuis le début des années 1950. Elles sont également très polyvalentes. Elles peuvent être appliquées en minces lavis ou en empâtements épais. Il est parfois difficile de distinguer visuellement un tableau contemporain exécuté avec de la peinture acrylique d’un tableau exécuté avec de la peinture à l’huile, bien que les propriétés de ces deux types de peintures soient très différentes. Des études approfondies sont actuellement menées en vue d’améliorer la compréhension de la composition et des propriétés des peintures modernes.

Photographie (vue rapprochée) montrant une couche lisse de peinture qui représente des formes colorées et à travers laquelle la texture de la toile est visible. La texture de certains coups de pinceau est évidente.

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Figure 8. Détail d’une peinture acrylique de Norval Morrisseau, intitulée Boy and Girl Jumping Over a Fence, collection de la Thunder Bay Art Gallery.

Les peintures acryliques sont plus souples que les peintures à l’huile et semblent moins susceptibles de se craqueler. Cependant, elles n’ont pas encore subi l’épreuve du temps, laquelle permettra de déterminer à l’avenir si leur vieillissement naturel se traduit ou non par des craquèlements. Les peintures acryliques ont toutefois tendance à devenir plus friables et sont exposées au risque de craquèlement à une température modérément basse. Leur rigidité augmente considérablement à des températures comprises entre 5 et 10 °C (alors que dans le cas des peintures à l’huile, cette variation de rigidité ne se produit qu’entre -5 et -10 °C). Le risque de craquèlement à ces températures rend la manutention et le transport des peintures hasardeux dans les conditions climatiques de l’hiver canadien. Les peintures acryliques ont également tendance à attirer et à absorber la saleté à la température ambiante ou à des températures élevées. De plus, leurs surfaces peuvent s’avérer particulièrement difficiles à nettoyer.

La peinture acrylique se prête bien à la réalisation de peintures de grandes dimensions, lesquelles sont fréquemment exposées dans des espaces publics. Puisque ces tableaux présentent souvent des surfaces fragiles et délicates, qui sont difficiles à nettoyer et à réparer, il faut les protéger des risques physiques liés à leur exposition au public (voir la Note de l’ICC 10/3 Directives concernant la mise en réserve et l’exposition des tableaux ou consulter un restaurateur).

Cire

Depuis quelques années, la technique de l’encaustique connaît une renaissance. Cette technique consiste à mélanger des pigments à de la cire fondue, à appliquer le mélange obtenu sur un support rigide, puis à fusionner les couches par chauffage. La cire est souvent renforcée (durcie) à l’aide de résines ou d’autres cires, ce qui permet d’améliorer sa résistance à l’usure et son adhérence.

Bien que durables, les peintures à l’encaustique sont sensibles aux températures extrêmes. La chaleur extrême, même celle résultant d’une exposition directe au soleil, peut faire fondre la cire, tandis que le froid extrême peut causer un craquèlement ou un détachement de la peinture appliquée sur le support. De plus, les dommages mécaniques que subit la surface, tels que les égratignures, sont difficiles à réparer.

Tempera

Ce type de peinture est composé de pigments dispersés dans un liant sous forme d’une émulsion contenant un composé huileux et un composé soluble dans l’eau. Le terme « tempera » est parfois utilisé, à tort, pour désigner les peintures opaques solubles dans l’eau, telle la gouache, qui n’obéissent pas aux normes des artistes. Afin d’éviter toute confusion, on qualifie le type d’émulsion utilisé (par exemple, tempera « à l’œuf »). Les caractéristiques de la peinture utilisée et, par conséquent, sa détérioration et les soins à y apporter, dépendent du composant de l’émulsion qui prédomine, c’est-à-dire le composant huileux ou le composant soluble dans l’eau. La tempera à l’œuf, dans laquelle le liant est le jaune d’œuf, est habituellement appliquée sur des supports rigides, car elle est friable. Elle produit un feuil de peinture lisse et délicat (souvent caractérisé par de fins traits de pinceau et des hachures entrecroisées), qu’il faut protéger de l’abrasion et des variations des conditions ambiantes.

À noter : L’aquarelle, la gouache et les pastels sont habituellement appliqués sur des supports en papier, dont on ne traite pas dans la présente Note. Toutefois, ils peuvent être également appliqués sur des cartons rigides ou des œuvres multimédia, c’est la raison pour laquelle ils sont décrits ici.

Aquarelle

L’aquarelle se compose de pigments broyés et mélangés à une gomme soluble dans l’eau. Elle s’applique habituellement sur un support en papier ou sur un carton rigide. Lorsqu’une aquarelle est directement exposée à l’air ambiant, il est recommandé de la protéger en utilisant les méthodes d’encadrement et de vitrage appropriées, car la porosité du support et de l’aquarelle rend ce type de peinture vulnérable aux dommages dus à la saleté, à la poussière et à d’autres polluants (voir la Note de l’ICC 11/5 Passe-partout pour les œuvres sur papier et la Note de l’ICC 11/9 Encadrement des œuvres sur papier). Comme elle est souvent appliquée en minces lavis, il faut aussi limiter son exposition à la lumière, car les couleurs ayant une stabilité médiocre ou moyenne à la lumière changeront de couleur ou pâliront visiblement.

Gouache

La gouache peut être décrite comme une aquarelle opaque. Les pigments et les matières de charge sont combinés à un liant soluble dans l’eau pour produire une peinture qui est habituellement appliquée en couches plus épaisses et plus opaques comparativement à l’aquarelle. Puisque les couches épaisses sont susceptibles de se craqueler ou de s’écailler, et que les surfaces poreuses et mates retiennent la saleté et la poussière et qu’elles sont difficiles à nettoyer, la surface des peintures à la gouache doit être protégée à l’aide d’un cadre approprié (voir la Note de l’ICC 11/5 Passe-partout pour les œuvres sur papier, la Note de l’ICC 11/9 Encadrement des œuvres sur papier et la Note de l’ICC 10/8 L’encadrement des peintures).

Pastel

La craie ou le pastel sont fabriqués à partir de particules de pigment et d’une faible quantité de liant, lequel donne aux bâtonnets de pastel leur cohésion et leur dureté. Le pastel, qui se caractérise par sa pulvérulence, a tendance à former de la poudre et à s’écailler. Les particules de pastel adhèrent faiblement au support en interagissant mécaniquement avec la surface de ce dernier, laquelle est généralement rêche ou fibreuse. Il arrive que les artistes utilisent des fixatifs, c’est-à-dire des solutions de résine diluée, pour bien faire adhérer les particules de pastel au support. Cependant, de tels produits peuvent causer une décoloration du pastel et en altérer l’aspect pulvérulent que l’on souhaite préserver. Par conséquent, le propriétaire d’une œuvre d’art ou la personne chargée d’en prendre soin devra donc éviter d’y appliquer des fixatifs.

Pour éviter que des particules de pastel se détachent, il faut éviter les vibrations et les chocs pendant la manipulation, l’exposition ou la mise en réserve de l’œuvre. L’utilisation de méthodes d’encadrement et de pose de passe-partout appropriées contribueront aussi à protéger la surface fragile des pastels (voir la Note de l’ICC 11/2 La mise en réserve des œuvres sur papier, la Note de l’ICC11/3 Vitrage d’encadrement pour les œuvres sur papier, la Note de l’ICC 11/9 Encadrement des œuvres sur papier et la Note de l’ICC 10/8 L’encadrement des peintures).

Le pastel à l’huile contient des pigments (ou des colorants) dispersés dans de la cire et attendris au moyen d’une huile non siccative. Contrairement à la peinture à l’huile, le pastel à l’huile ne sèche jamais complètement. Il est possible de l’appliquer en couches assez épaisses. Bien qu’il ne soit pas pulvérulent, il est cependant tendre et très exposé aux risques de dommages mécaniques, telles les égratignures, et aux risques de dépôt de poussière ou de saleté. La vitre des cadres protège la surface vulnérable des pastels à l’huile (voir la Note de l’ICC 10/8 L’encadrement des peintures).

Vernis

Le vernis consiste en une résine naturelle ou synthétique, transparente et dissoute dans un solvant volatil. Autrefois, il était fabriqué à partir de résine naturelle, comme le dammar ou le mastic. Certains vernis étaient teintés à l’aide de pigments. Les peintures ne sont pas toutes recouvertes d’un vernis, et certaines ne le sont qu’en partie. Lorsqu’il est présent, le vernis joue un rôle à la fois esthétique et protecteur : il sature les couleurs (en mettant en évidence leur profondeur, les teintes et les détails subtils de l’œuvre), produit la brillance recherchée et protège le feuil de peinture contre les polluants atmosphériques, la saleté, l’encrassement et les abrasions légères. Malheureusement, de nombreux vernis ont tendance à jaunir avec le temps, et ce jaunissement ainsi que le craquèlement ou le bleuissement (formation d’un voile bleu blanchâtre) altèrent l’aspect initial de l’œuvre. Ainsi, après un examen approfondi et des essais, un restaurateur professionnel peut diluer ou retirer certains vernis d’origine, puis en appliquer un nouveau.

Signes de traitements antérieurs

Certains tableaux peuvent comporter des matériaux qui ne sont pas d’origine et qui proviennent de traitements de conservation ou de restauration antérieurs. Sur les peintures anciennes, il est fréquent de trouver une toile de doublage, c’est-à-dire une seconde toile collée au revers de la toile d’origine, qui fournit une meilleure assise à la couche picturale, à la couche de préparation et à la toile fragilisée. Souvent, des bandes de papier recouvrent les bords coupés de la toile d’origine. (Les anciennes méthodes de doublage consistaient parfois à couper les bords de la toile d’origine, mais cette pratique n’a plus cours.) Des retouches médiocres ou décolorées qui ont été effectuées sur certaines parties endommagées d’une toile peuvent également être visibles, du fait que leur couleur ou leur texture ne correspond pas à celles utilisées lors de l’exécution de l’œuvre. Malheureusement, les retouches les plus anciennes débordent souvent les plages endommagées et recouvrent la peinture d’origine, d’où les termes « repeint » ou « surpeint » utilisés pour les qualifier.

Cadre

Le cadre, qui a toujours fait partie intégrante de la peinture, joue un rôle important, car il la met en valeur. L’utilisation d’un cadre et d’une méthode d’encadrement appropriés permet également de protéger la peinture contre les dommages mécaniques au cours de la manipulation, de la mise en réserve ou de l’exposition de l’œuvre (voir la Note de l’ICC 10/8 L’encadrement des peintures et la Note de l’ICC 11/9 Encadrement des œuvres sur papier).

Les cadres traditionnels consistent souvent en des moulures en bois recouvertes d’une mince couche de préparation (gesso) et de couches de peinture ou de dorure. Ils peuvent également présenter des ornements, parfois sculptés, mais la plupart du temps il s’agit d’éléments décoratifs moulés à base de composition, en particulier dans les coins. Pour créer de nombreux effets esthétiques, les techniques classiques de dorure font appel à des assiettes à dorer (couches préparatoires) et des feuilles de métal de différentes couleurs ainsi qu’à diverses méthodes de dorure et techniques de finition (dont le brunissage et l’application de couches de finition). Les couches de gesso et les ornements peuvent s’avérer fragiles et sont susceptibles de se soulever, de s’écailler ou de se détacher. Un époussetage répété ou effectué sans délicatesse et certaines méthodes de nettoyage peuvent endommager la dorure. L’humidité naturelle des mains peut à elle seule abîmer la surface fortement brunie d’une dorure à l’eau. La restauration d’un cadre effectuée maladroitement à l’aide de peinture de couleur bronze peut causer des dommages irréversibles et détruire l’encadrement qui s’avère souvent une œuvre d’art à part entière.

La vitre de protection (en verre ou en acrylique) et le dos protecteur fournissent une protection supplémentaire contre les dommages mécaniques, les saletés, les poussières, d’autres polluants, les variations à court terme des conditions ambiantes, les vibrations et les chocs (voir la Note de l’ICC 10/10 Dos protecteur pour les peintures sur toile). Les nouveaux matériaux de vitrage limitent les réflexions indésirables (voir la Note de l’ICC 10/8 L’encadrement des peintures et la Note de l’ICC 11/3 Vitrage d’encadrement pour les œuvres sur papier).

La vitre antireflet ne se voit pas facilement dans la photographie de la peinture encadrée.

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Figure 9. Toile d’Alex Colville intitulée Horse and Train. Une vitre antireflet a été intégrée au cadre d’origine pour limiter les risques d’endommagement de la surface délicate de cette célèbre peinture. Une cale d’espacement a été placée entre la vitre et la surface de la peinture. Conçu et peint par l’artiste, le cadre fait intégralement partie de l’œuvre d’art.

Certaines peintures contemporaines sont destinées à être exposées sans cadre. Il faut prendre des précautions supplémentaires durant leur manipulation et leur mise en réserve afin de prévenir tout endommagement (empreintes digitales, abrasion, enfoncement) de la surface de la peinture et des bords exposés. Lorsque de telles peintures ne sont pas mises en exposition, il est recommandé d’utiliser un cadre temporaire MTE fixé au revers du support auxiliaire (voir la Note de l’ICC 10/16 Emballage des tableaux).

Conclusion

Les variations des conditions ambiantes se traduisent par un changement des dimensions (dilatation et contraction), de la rigidité et de la résistance de chacun des matériaux présents dans une peinture. Même si une peinture est exécutée à l’aide de matériaux de qualité supérieure ou des meilleures techniques, elle finira par s’endommager si des contraintes excessives sont imposées à ses composants. Les types de dommages et leur étendue dépendent directement de la technique utilisée par l’artiste, de l’épaisseur des couches picturale, d’encollage et de préparation et de leur composition, du matériau dont est constitué le support ainsi que des conditions ambiantes auxquelles la peinture est exposée et des méthodes utilisées pour la manipuler.

La connaissance de la structure et de l’état d’œuvres picturales appartenant à une collection et des matériaux dont elles sont constituées est essentielle, car elle permet de planifier les soins à apporter à ces œuvres. L’évaluation de l’état des peintures d’une collection, qui consiste à les examiner et à établir un constat d’état pour chacune d’elles, est une étape importante du processus d’identification des différents types de peintures présents dans cette collection et de mise en place de mesures de base en matière de mise en réserve, d’exposition et de conditions ambiantes. Cette évaluation permet de déterminer les problèmes existants ou potentiels, les traitements nécessaires et les améliorations susceptibles d’être apportées en matière de conservation préventive.

Lectures complémentaires

Carlyle, L. The Artist’s Assistant: Oil Painting Instruction Manuals and Handbooks in Britain 1800-1900; With Reference to Selected Eighteenth-century Sources, Londres (Royaume-Uni), Archetype Publications, 2001.

Gettens, R. J., et G. Stout. Painting Materials: A Short Encyclopedia, New York (New York), Dover Publications Inc., 2011.

Keck, C. K. A Handbook on the Care of Paintings, 2e éd., New York (New York), Watson-Guptill, 1972.

Kirsch, A., et R. S. Levenson. Seeing Through Paintings, Physical Examination in Art Historical Studies, New Haven (Connecticut), Yale University Press, 2000.

Rédigé par Debra Daly Hartin
Révisé par Debra Daly Hartin en 2016

Première date de publication : 2002

Also available in English.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2017

ISSN 1928-5272

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