Rapport sur l’évaluation du Protocole public en cas d’incident électoral majeur pour 2021

Auteur : Morris Rosenberg

[***] Il y a des astérisques quand des renseignements sensibles ont été enlevés aux termes de la Loi sur l'accès à l'Information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Introduction

Mandat

Le Bureau du Conseil privé m’a demandé de préparer un rapport indépendant sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur (le Protocole), sa mise en œuvre et son efficacité à contrer les menaces visant la 44e élection générale qui a eu lieu le 20 septembre 2021.

L’exigence d’un rapport indépendant se trouve à l’article 9.0 de la Directive du Cabinet sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur (la Directive) :

« Après l’élection de 2019, un rapport indépendant sera préparé pour évaluer la mise en œuvre du Protocole public en cas d’incident électoral majeur et la mesure dans laquelle il a permis de gérer efficacement les menaces pesant sur l’élection de 2019. Ce rapport sera présenté au premier ministre et au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Une version publique sera aussi préparée. Ces rapports ont pour but d’aider à déterminer si des ajustements doivent être apportés au Protocole pour le renforcer. »

La Directive a été mise en place en 2019, en prévision de la 43e élection générale au Canada. Avant d’être approuvé par le Cabinet, le Protocole a été communiqué aux quatre partis représentés à la Chambre des communes. Il ne s’agit que d’un élément d’un plan intégré visant à renforcer le système électoral canadien contre les menaces cybernétiques et autres. Le Protocole est un mécanisme permettant à un groupe de cinq hauts fonctionnaires (le groupe d’experts) de communiquer de façon claire, transparente et impartiale avec les Canadiens pendant une élection en cas d’incident ou d’incidents menaçant l’intégrité d’une élection fédérale.

En annonçant le Protocole, la ministre des Institutions démocratiques de l’époque a expliqué qu’il était conçu pour éviter le type de blocage qui pourrait empêcher le gouvernement de réagir de façon efficace aux menaces pour l’intégrité de l’élection. Elle a également souligné que le Protocole a une portée restreinte et un seuil d’intervention très élevé en ce qui concerne les annonces publiques. Il s’applique seulement aux incidents qui ont lieu pendant la période électorale1. « Nous espérons ne jamais avoir à faire une telle annonce publique, mais il est maintenant essentiel que nous informions les Canadiens de la mise en place d’une structure qui veillera à ce qu’ils demeurent informés et engagés2. »

Méthodologie

Le présent examen repose sur un certain nombre de sources. Tout d’abord, des entrevues ont été menées avec tous les membres du groupe d’experts de l’élection 2021, certains membres du groupe d’experts de 2019, le Directeur général des élections (DGE) et le Commissaire aux élections fédérales. Des entrevues ont également eu lieu avec des représentants des organismes de sécurité nationale (OSN) et d’autres représentants gouvernementaux. Il a été possible de rencontrer des représentants des principaux partis politiques, des acteurs de la société civile et du monde universitaire ainsi que des plateformes de médias sociaux.

J’ai eu accès aux documents d’information préparés pour le groupe d’experts et à l’ordre du jour de ses réunions. J’ai également pu examiner des documents du gouvernement du Canada ainsi que des publications de gouvernements étrangers et des publications d’organisations non gouvernementales canadiennes et étrangères. J’ai également fait un examen des articles des médias canadiens et étrangers faisant état d’ingérence électorale et des mesures adoptées pour combattre cette menace.

Structure du rapport

La section 1 décrit les problèmes que le Protocole vise à résoudre. Tout d’abord, elle décrira la question de l’ingérence dans les élections. Elle se concentrera ensuite sur le problème particulier de l’ingérence étrangère, qui était la principale préoccupation du gouvernement lorsque le Protocole et d’autres mesures ont été mis en place en 2019. Elle décrira ensuite comment les préoccupations relatives à l’ingérence électorale ont évolué pour inclure des préoccupations concernant le rôle joué par des acteurs nationaux, sans lien nécessaire avec des États ou entités étrangers. Ensuite, le rapport se concentrera sur un aspect précis du problème, à savoircomment gérer l’ingérence dans les élections après le déclenchement d’une élection, lorsque le gouvernement doit faire preuve de retenue.

Le Protocole est l’un des éléments d’une approche intégrée de lutte contre l’ingérence dans les élections. Il est important de comprendre son rôle dans cet ensemble de mesures. C’est pourquoi la section 2 décrit brièvement l’ensemble des mesures qui ont été mises en place.

La section 3 traite de la mise en œuvre du Protocole. Nous y verrons notamment les aspects suivants :

  1. Communications préélectorales
  2. Champ d’application du Protocole
  3. Questions concernant la composition et le rôle du groupe d’experts
  4. Continuité au sein du groupe d’experts
  5. Règle du consensus et quorum
  6. Soutien au groupe d’experts
  7. Rôle des organismes de sécurité nationale
  8. Déterminer si les critères ont été remplis
  9. Déterminer si le public doit être avisé si les critères ne sont pas remplis

La section 4 aborde les points de vue des représentants des partis politiques sur le Protocole ainsi que plusieurs autres questions qu’ils ont soulevées.

La section 5 présente une évaluation globale du Protocole.

La section 6 présente un résumé des recommandations.

Section 1 : Les problèmes que le Protocole vise à résoudre

Le Protocole aborde deux problèmes : premièrement, le Protocole fait partie d’une série de mesures visant à répondre au problème de l’ingérence dans les élections; deuxièmement, il vise précisément le problème de la lutte contre l’ingérence pendant la période d’application de la convention de transition.

A. La question de l’ingérence dans les élections

L’article 1.0 du Protocole de 2021 prévoit que « [l]es évaluations des menaces relatives à la sécurité nationale et du risque, ainsi que les expériences vécues par nos principaux alliés internationaux, indiquent que les élections générales au Canada pourraient être vulnérables à l’ingérence dans un certain nombre de domaines ».

Le terme « ingérence » n’est pas défini dans le Protocole. On entend généralement par « ingérence » le fait de s’impliquer dans une situation où sa participation n’est pas souhaitée ou utile.

Un élément important du problème de l’ingérence dans les processus démocratiques est que l’écosystème de l’information s’est fracturé et qu’il n’y a plus d’engagement envers une compréhension factuelle commune. De plus en plus de gens s’informent auprès de sources qui ne font que confirmer leurs croyances et se méfient des opinions contraires3. Il y a une plus grande réceptivité aux faux récits qui attaquent les institutions canadiennes. Ces récits résistent aux tentatives du gouvernement, des médias, des médias sociaux ou de la société civile de corriger ou de supprimer les fausses informations.

Les personnes qui se livrent à des activités visant à s’ingérer dans les processus démocratiques, y compris les élections, peuvent avoir des objectifs à court terme ainsi qu’à moyen et long terme4.

Les objectifs à court terme peuvent inclure :

Les objectifs à moyen et long terme peuvent inclure :

La professeure Lisa Young propose une taxonomie des menaces pesant sur les campagnes électorales, qui est reproduite dans le tableau ci-dessous5. Elle classe ces menaces en fonction de deux variables. La première est l’identité des acteurs, qui peuvent être nationaux, étrangers ou des instruments étrangers. Ce dernier groupe vise à décrire un auteur et un bénéficiaire nationaux qui utilisent des moyens tels qu’un serveur à l’étranger pour déguiser leur identité. La deuxième variable est de savoir si les menaces sont exécutées par des moyens analogiques ou numériques.

Tableau 2.1 : Taxonomie des menaces pesant sur les campagnes électorales (Young 39)
  Analogique Numérique
National
(auteur et bénéficiaire)

Préjudice = perte de confiance du public dans le processus électoral
Acteurs nationaux qui interviennent dans les campagnes électorales en utilisant les médias traditionnels, comme les journaux, la télévision ou la radio. Exemples :
  • Dépenses électorales illégales ou non déclarées
  • Fraude électorale
  • Menaces ou intimidation à l’encontre des électeurs, désinformation au moyen de tracts, d’affiches ou de bouche-à-oreille
Acteurs nationaux intervenant dans les campagnes électorales par des moyens numériques. Exemples :
  • Amplification ou suppression de messages dans les médias sociaux
  • Diffusion numérique de la désinformation « à grande vitesse »
  • Piratage des ordinateurs de partis ou de candidats
  • Distribution de documents préjudiciables, menaces ou intimidation d’électeurs par voie numérique
Instrument étranger
(auteur et bénéficiaire se trouvant au pays, mais utilisant des moyens étrangers)

Préjudice = Perte de confiance du public dans le processus électoral; contournement des lois électorales par des acteurs nationaux
  Acteur national intervenant dans des campagnes électorales par des moyens numériques, en utilisant des intermédiaires ou des serveurs étrangers pour éviter la détection ou les poursuites; mêmes exemples que ci-dessus.
Étranger
auteur et bénéficiaire étrangers)

Préjudice = Perte de souveraineté; perte de confiance du public dans le processus électoral
(
Acteurs étrangers intervenant dans les élections par des moyens analogiques. Exemples :
  • Contributions illégales à des campagnes électorales ou dépenses illégales par des tiers provenant de l’étranger
  • Menaces ou intimidation d’électeurs directement ou par l’intermédiaire de membres de leur famille qui se trouvent à l’extérieur du pays
  • Agents d’un État ou d’une entité étrangère qui se présentent aux élections
Acteurs étrangers qui interviennent dans les campagnes électorales par des moyens numériques. Exemples :
  • Amplification ou suppression de messages dans les médias sociaux
  • Diffusion de désinformation « à grande vitesse » par voie numérique
  • Piratage des ordinateurs de partis ou de candidats et distribution de documents préjudiciables
  • Menaces ou intimidation des électeurs par voie numérique

i. Ingérence étrangère

Lorsque le Protocole a été annoncé pour la première fois, en 2019, la principale préoccupation concernait l’ingérence étrangère. Cette préoccupation était exposée clairement dans l’article 1.0 du Protocole de 2019 : « [L]es élections générales devant se tenir en 2019 au Canada pourraient être vulnérables à l’ingérence étrangère dans un certain nombre de domaines. »

Il y a eu des tentatives bien documentées d’ingérence étrangère lors des récentes élections aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne, ainsi que lors du référendum sur le Brexit, par exemple. Au cours de la dernière décennie, il y a eu des cas d’ingérence affectant près de 40 pays, dont le Canada.

Dans le contexte des élections au Canada, l’ingérence étrangère vise à altérer les résultats électoraux ou à miner la confiance du public dans les institutions démocratiques canadiennes, ou une combinaison des deux.

L’ingérence étrangère est différente de l’activité diplomatique normale, qui se déploie ouvertement et fait partie intégrante de la diplomatie. Cette ingérence peut être menée par des États étrangers ou des personnes agissant en leur nom, y compris des Canadiens. Elle peut également être menée par des acteurs non étatiques. Ceux-ci peuvent être étroitement liés à des gouvernements hostiles ou être des acteurs non gouvernementaux provenant de pays amis6. Étant donné la nature clandestine et trompeuse de ces activités, il est souvent impossible de déterminer si un acteur malveillant travaille pour le compte d’un État étranger.

L’ingérence étrangère suppose ce qui suit :

L’ingérence étrangère est considérée comme une incursion dans la souveraineté nationale.

Le rapport annuel de 2019 du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) contenait un chapitre traitant de la menace d’ingérence étrangère7. Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) ont tous deux publié des rapports sur l’ingérence étrangère en juillet 2021. Le SCRS a déclaré qu’il « continue d’observer que des acteurs étatiques étrangers sont à l’origine d’activités d’ingérence visant les institutions et les processus démocratiques du Canada ». Le SCRS est d’avis qu’il est presque certain que ces activités s’intensifieront8.

Le SCRS a estimé que « les changements apportés aux processus démocratiques partout dans le monde en raison de la pandémie de COVID-19, comme le transfert d’une partie du processus en ligne ou l’intégration de nouvelles technologies au scrutin, augmentent presque assurément l’exposition des processus démocratiques aux cybermenaces. Plus important encore, les auteurs de cybermenace peuvent exploiter et amplifier les faussetés sur la pandémie de COVID-19 pour miner la confiance dans les élections9. »

Dans son rapport de 2021, le CST a constaté qu’entre 2015 et 2020, l’activité des cybermenaces visait les électeurs plus que les partis politiques ou les élections. Le CST a estimé que le processus démocratique du Canada reste une cible moins prioritaire que d’autres pays pour les cyberactivités parrainées par des États. Toutefois, il a estimé qu’il était très probable que les électeurs canadiens soient confrontés à une forme de cyberingérence étrangère avant et pendant les élections fédérales de 202110.

Pendant la période électorale, le groupe de travail sur les MSRE a fourni au groupe d’experts l’information suivante :

Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a entrepris une étude sur l’ingérence étrangère dans les élections. Le 1er novembre 2022, Michelle Tessier, sous-directrice des opérations au SCRS, et Alia Tayyeb, chef adjointe des renseignements électromagnétiques, CST, ont comparu devant le Comité. Elles ont formulé les observations suivantes sur l’ingérence étrangère dans les élections canadiennes :

L’ingérence étrangère soulève plusieurs problèmes. Le premier est qu’il est souvent difficile de déterminer si les incidents ont été coordonnés et s’il y a eu amplification artificielle par l’utilisation de mandataires, ou s’il s’agit d’opinions de bonne foi de Canadiens qui peuvent avoir des intérêts légitimes les amenant à soutenir de bonnes relations avec un État étranger. Nous devons mieux comprendre comment les acteurs étatiques étrangers exercent de l’influence et de l’ingérence concernant l’information fournie aux Canadiens, notamment au moyen des médias sociaux. Cela est nécessaire pour pouvoir mieux juger de l’ingérence dirigée par l’État.

Deuxièmement, le seuil élevé à atteindre pour aviser le public souligne l’importance de ne pas trop dépendre de la notification publique comme principal instrument de lutte contre l’ingérence étrangère. Il est nécessaire d’investir en permanence dans des mesures défensives telles que la sensibilisation du public et des médias et le renforcement des cyberdéfenses.

Troisièmement, il convient d’analyser s’il y a lieu de mettre à jour nos outils législatifs et réglementaires destinés à lutter contre l’ingérence étrangère. Par exemple, la nécessité de moderniser la Loi sur le SCRS a fait l’objet de nombreux commentaires. Des appels ont également été lancés en faveur d’une loi visant à établir un registre des agents d’influence étrangère afin d’exiger la divulgation publique des activités des agents agissant au nom d’un mandant ou d’un gouvernement étranger.

Quatrièmement, la motivation derrière l’ingérence varie dans le temps. La motivation d’un État étranger peut être plus élevée lorsque cet État considère que ses intérêts sont menacés par un parti ou une politique en particulier. Il est important de comprendre ces domaines d’intérêt, qui seront différents pour chaque État, afin d’élaborer des stratégies pour contrer l’ingérence et renforcer la résilience du public.

Cinquièmement, les membres des diasporas peuvent être vulnérables et être pris pour cible par des acteurs étatiques étrangers. Il convient de mieux comprendre les relations que ces communautés entretiennent avec leur pays d’origine. En même temps, il y a des risques que les préoccupations concernant l’ingérence étrangère d’un pays particulier entraînent un ressentiment et une réaction défavorable contre les membres de ces communautés, dont la loyauté envers le Canada est injustement mise en doute. Les stratégies visant à contrer l’ingérence étrangère doivent se garder de marginaliser les diasporas.

Sixièmement, plusieurs des activités attribuées à la Chine, comme le fait de cibler des élus pour promouvoir les intérêts de l’État chinois ou d’encourager des personnes à agir comme mandataires et de menacer des membres de la communauté chinoise au Canada, ne se déroulent pas seulement pendant les campagnes électorales. Elles ne se limitent pas non plus à tenter d’influencer les résultats des élections. Pour contrer cette ingérence, il faut des stratégies qui fonctionnent en permanence.

ii. Nouvelles préoccupations concernant l’ingérence intérieure

Deux modifications ont été apportées au Protocole en 2021 afin de refléter la nature changeante de l’ingérence dans les élections. Alors que l’article 1.0 du Protocole de 2019 désignait le problème comme étant la vulnérabilité à l’ingérence étrangère, le mot a été supprimé de la révision de 2021.

Deuxièmement, l’article 6.0 du Protocole de 2021 indique clairement que l’interférence peut émaner d’une source nationale ou étrangère. Le libellé utilisé dans la version de 2019 était plus ambigu, quant à savoir si les acteurs nationaux constituaient un problème à moins qu’ils n’agissent pour le compte d’intérêts étrangers. Le gouvernement a compris qu’une grande partie de la désinformation autour de la légitimité de l’élection de 2020 aux États-Unis provenait de l’intérieur. On craignait que le Canada ne soit confronté à un problème similaire.

Le gouvernement était également conscient que les prochaines élections pourraient bien avoir lieu en pleine pandémie. L’approche du gouvernement de la gestion de la pandémie allait vraisemblablement être un enjeu électoral. De nombreuses informations erronées ont circulé sur les exigences en matière de vaccination et d’autres mesures de santé publique, la plupart étant diffusées par des acteurs nationaux. Ces mesures ont également rencontré une résistance importante.

Élections Canada prévoyait un nombre sans précédent de bulletins de vote par correspondance et des retards possibles dans l’annonce des résultats. L’incertitude engendrée par la pandémie a permis à des acteurs malveillants d’utiliser les médias sociaux pour plaider la thèse de la fraude électorale.

Un autre facteur nouveau a été la menace croissante de violence pendant la campagne électorale. Cette menace s’expliquait en partie par l’opposition aux restrictions liées à la COVID-19. Les craintes de violence étaient également liées à la prolifération de points de vue extrémistes, racistes et antigouvernementaux qui se sont répandus en ligne et dans certaines chaînes de télévision câblées.

L’élection de 2021 a vu une recrudescence des discours violents, des comportements antigouvernementaux en ligne et des messages de menace11. Les organismes de sécurité nationale et les partis politiques étaient préoccupés par l’augmentation significative du nombre de menaces proférées à l’encontre des chefs de partis, des candidats et des agents électoraux. Il y a eu plusieurs menaces et incidents de violence réels.

Il y a un certain nombre de questions à prendre en compte du fait de l’importance accrue accordée aux acteurs nationaux. Premièrement, avant le déclenchement de l’élection de 2021, il n’y avait pas eu de plan de communication publique sur l’approche du gouvernement en matière de protection de l’intégrité de l’élection. Cela aurait pu offrir une justification claire de l’attention accrue accordée aux acteurs nationaux. La Directive ne fournit aucune explication pour justifier ce changement. À l’avenir, un plan de communication devra expliquer clairement pourquoi l’accent est mis sur l’ingérence intérieure et les types d’activités qui suscitent des inquiétudes.

Première recommandation

Les communications publiques sur le Protocole doivent expliquer clairement l’inclusion des acteurs intérieurs et des types d’activités préoccupantes.

Deuxièmement, si les menaces ou les actes de violence peuvent certainement interférer avec les événements de la campagne, ils peuvent aussi avoir des répercussions sur la sécurité physique. Par conséquent, la protection de la sécurité du public, des candidats et des agents électoraux doit être une priorité. Des ressources en matière de collecte de renseignements et d’informations doivent être déployées pour cerner ces menaces physiques.

Deuxième recommandation

Les préparatifs de la prochaine élection devraient comprendre une évaluation de l’adéquation des capacités de la sécurité ministérielle, de la police de protection de la Gendarmerie royale du Canada et des services de police locaux par rapport au niveau et à la persistance des menaces, et de l’efficacité de la coordination entre ces organes. Il faudrait également revoir la coordination entre les partis politiques et le gouvernement en ce qui concerne les campagnes et les opérations de sécurité.

Troisièmement, l’inclusion d’acteurs nationaux soulève des sensibilités politiques concernant la surveillance par le gouvernement des activités en ligne des Canadiens. Il existe des paramètres juridiques clairs pour protéger la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) et le droit à la vie privée, ainsi que des organismes de surveillance et des tribunaux qui peuvent demander des comptes aux acteurs gouvernementaux. C’est un domaine où d’autres acteurs, les plateformes de médias sociaux, les médias traditionnels et la société civile ont un rôle important à jouer. Dans un rapport destiné au gouvernement français et publié en 2018, on recommandait de souligner le rôle important de la société civile dans la protection contre la manipulation de l’information.

« Éviter la lourdeur : La société (journalistes, médias, plateformes en ligne, ONG, experts et universitaires) doit rester la première ligne de défense contre la manipulation de l’information dans les sociétés démocratiques libérales. La recommandation la plus importante pour les gouvernements est de conserver une empreinte aussi légère que possible — pour le bien de leurs valeurs, mais aussi par souci d’efficacité12. »

Bien que cette recommandation s’applique à tous les efforts de manipulation, elle est particulièrement pertinente lorsqu’il est question de traiter avec les acteurs nationaux malveillants.

Quatrièmement, à mesure que les préoccupations concernant le rôle des acteurs nationaux malveillants augmentent aux États-Unis et dans d’autres pays, il sera important de partager des informations sur les changements de tactiques et les stratégies déployées dans d’autres pays.

Cinquièmement, bien que le Protocole de 2021 ait précisé que l’ingérence nationale est un problème en soi, il sera important de ne pas ignorer les États étrangers qui agissent par l’intermédiaire d’acteurs nationaux. Les acteurs étrangers peuvent exploiter les protections de la liberté d’expression dont disposent les Canadiens pour semer la désinformation. Il s’agit d’un domaine dans lequel il y aurait lieu de mener des recherches pour mieux comprendre ces relations.

Enfin, le dispositif organisationnel propre au Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections a été mis en place en 2019 pour faire face à l’ingérence dans les élections, principalement l’ingérence étrangère. Cette structure organisationnelle doit-elle être modifiée en fonction de l’évolution de la nature de cet enjeu?

Troisième recommandation

Il convient d’évaluer si des ajustements doivent être apportés au rôle des membres du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections à la lumière du problème croissant de l’ingérence nationale.

B. S’attaquer à l’ingérence après le déclenchement de l’élection

Comme l’a noté James Judd dans son rapport sur l’évaluation du Protocole de 2019 :

« Fondamentalement, la création du Protocole et de son groupe de hauts fonctionnaires visait à éviter une situation semblable à celle qui s’était produite lors des élections américaines de 2016. Le degré considérable d’ingérence étrangère qui a marqué ces élections n’a pas été porté à la connaissance des électeurs avant le scrutin. Il n’a pas été rendu public de peur que l’incident puisse être interprété comme ayant été ourdi pour des raisons partisanes13. »

Le gouvernement du Canada cherchait un mécanisme crédible pour alerter le public en cas d’un ou de plusieurs incidents susceptibles de compromettre la tenue d’une élection libre et équitable, et ce, d’une manière qui ne donnerait pas l’impression que le gouvernement s’ingère dans l’élection à des fins partisanes. L’approche adoptée était fondée sur la convention de transition.

Cette convention met en pratique le principe selon lequel le gouvernement doit faire preuve de retenue et se limiter dans ses interventions en matière de politiques, de dépenses et de nominations pendant la période électorale, sauf si une action est urgente et nécessaire dans l’intérêt national. La convention de transition n’empêche pas les communications publiques du gouvernement qui visent à protéger la santé et la sécurité publiques. Par exemple, pendant la campagne électorale, des mises à jour écrites régulières sur la COVID-19 ont été faites par l’administratrice en chef de la santé publique (ACSP). L’ACSP pourrait publier une déclaration pour corriger de fausses informations sur les mesures sanitaires liées à la COVID-19 sans contrevenir à la convention de transition.

L’une des conséquences de la retenue est que, pendant cette période, les annonces nécessaires sont faites au nom du ministère en vue d’assurer une distinction entre les affaires officielles et les activités partisanes.

L’article 2.0 du Protocole indique que la convention de transition commence habituellement au moment de la dissolution du Parlement et prend fin lorsqu’un nouveau gouvernement est assermenté ou que le résultat est clair. Le Protocole ne fonctionne que pendant la période d’application de la convention de transition14.

Conformément à la convention de transition, le Protocole s’appuyait également sur l’idée que toute annonce faite pendant une campagne électorale et pouvant avoir une incidence sur cette élection devrait provenir d’une source non partisane. Au Canada, cette source non partisane est le groupe d’experts des sous-ministres principaux.

Section 2 : Le Protocole en tant qu’élément d’une approche intégrée

Le Protocole n’est qu’un élément d’un ensemble beaucoup plus vaste de mesures visant à lutter contre l’ingérence dans les élections. La complexité du défi exige une approche multidimensionnelle mettant en cause plusieurs initiatives interconnectées. C’est ce que l’on appelle « l’approche de l’écosystème électoral ».

 Une approche de l’écosystème électoral a été décrite dans les termes suivants :

« Dans une approche d’écosystème électoral, le système électoral est considéré comme un réseau interconnecté d’institutions, de processus et d’acteurs qui doivent tous se coordonner pour garantir l’efficacité et la légitimité des élections. Un écosystème électoral est composé de multiples institutions et acteurs, dont les gouvernements, les partis politiques, les électeurs, les plateformes en ligne et les organismes de gestion des élections. Étant donné l’interdépendance et la nature interconnectée d’un système électoral, il existe de multiples points vulnérables qui doivent être défendus. Une approche de l’écosystème électoral ne dépend pas d’une seule ligne de défense, mais s’appuie au contraire sur une multiplicité de stratégies qui protègent les institutions et les individus qui composent l’écosystème15. »

En janvier 2019, le gouvernement du Canada a annoncé le Plan pour protéger la démocratie canadienne (le Plan), qui a adopté cette approche intégrée. Ce plan a été mis à jour et renouvelé avant l’élection de 2021.

Le Plan s’appuie sur quatre piliers :

A. Améliorer l’état de préparation des citoyens

L’objectif est d’éduquer les citoyens pour qu’ils comprennent bien les tactiques en constante évolution utilisées par les acteurs malveillants en ligne pour manipuler les opinions. Le Protocole est une des initiatives de ce pilier. Un autre exemple est l’Initiative de citoyenneté numérique menée par Patrimoine canadien. Cette initiative a pour objectif de soutenir le développement des compétences au moyen de séances de sensibilisation, d’ateliers et de documents d’apprentissage.

La campagne de sensibilisation du gouvernement Pensez cybersécurité, qui porte sur la sécurité en ligne, a également contribué à la préparation des citoyens par l’ajout de contenu sur les cybermenaces touchant les processus démocratiques du Canada.

Avant l’élection de 2019, le gouvernement avait offert aux journalistes une formation sur l’ingérence étrangère et tenu des points de presse réguliers. L’expérience n’a pas été répétée avant l’élection de 2021.

Des changements ont également été apportés aux lois électorales du Canada afin d’élargir les programmes d’information et de sensibilisation du DGE destinés au public canadien.

B. Renforcer la préparation organisationnelle

Les ministères et les organismes gouvernementaux ont été informés de la manière de reconnaître les menaces, les nouvelles tactiques et les vulnérabilités des systèmes afin de renforcer les pratiques et les comportements en matière de sécurité. Les partis politiques et les administrateurs électoraux ont reçu des conseils techniques sur la façon de mieux protéger leurs propres systèmes informatiques. Les représentants des partis politiques ont également reçu des séances d’information classifiées sur les menaces.

La préparation organisationnelle avait également été renforcée en 2018 lors de la création du Centre canadien pour la cybersécurité (CCC), doté d’un budget de 155 millions de dollars sur cinq ans16. Le CCC est chargé de surveiller les menaces, de protéger les infrastructures nationales critiques contre les cyberincidents et de coordonner la réponse nationale à tout incident lié à la cybersécurité.

C. Lutter contre l’ingérence étrangère

Deux initiatives institutionnelles clés ont été mises en place. La première est la création du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections (MSRE).

Le Groupe de travail sur les MSRE est un organisme de coordination dont font partie le CST, le SCRS, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le Mécanisme de réponse rapide (MRR), qui fait partie d’Affaires mondiales Canada17. Le Groupe de travail sur les MSRE a pour mission de faire connaître les menaces qui pèsent sur les processus électoraux fédéraux du Canada et de préparer le gouvernement à évaluer ces menaces et à y répondre.

Chaque organisme tire parti de son mandat pour présenter des renseignements uniques sur les menaces à la sécurité du Canada afin d’échanger efficacement des renseignements et de contextualiser les menaces en fonction de l’information reçue dans le cadre d’un éventail de partenariats et d’examiner ensemble toutes les mesures possibles pour atténuer les menaces visant les élections fédérales canadiennes. Le MSRE soutient le groupe d’experts en lui fournissant des renseignements et des informations à jour18.

Le Groupe de travail sur les MSRE se réunit régulièrement depuis 2019. Le Groupe se réunit maintenant chaque mois. Le rythme des réunions s’accélère à mesure que l’élection se rapproche. Pendant l’élection de 2021, le Groupe de travail se réunissait quotidiennement.

La deuxième initiative était le MRR. Sa création a été annoncée au Sommet du G7 à Charlevoix, au Québec, en juin 2018. Il vise à renforcer la coordination au sein du G7 pour cerner et prévenir les menaces contre les démocraties du G7 et y répondre.

Dans le cadre des élections générales canadiennes, le MRR du Canada est membre du Groupe de travail sur les MSRE. Il s’appuie sur le réseau du MRR du G7 pour échanger avec les autres organismes du Groupe de travail sur les MSRE des enseignements tirés des tentatives d’ingérence dans les élections d’autres pays ainsi que des stratégies utilisées pour les combattre. Il sert également de système d’alerte précoce en utilisant l’analyse de données en consultation libre pour surveiller les activités inauthentiques ou coordonnées de manipulation d’informations en ligne ciblant le Canada et parrainées par des États étrangers. Le MRR soutient le Groupe de travail sur les MSRE en fournissant régulièrement des séances d’information au groupe d’experts des sous-ministres19.

La capacité du Canada à contrer l’ingérence dans les processus démocratiques du pays a été renforcée en 2019 par l’entrée en vigueur du projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale. Cette loi a permis au SCRS et au CST de prendre des mesures de réduction de la menace, sous réserve d’une autorisation légale20.

Les lois électorales du Canada ont été modifiées pour contrer plus efficacement l’ingérence étrangère. La Loi sur la modernisation des élections (projet de loi C-76) est entrée en vigueur en juin 2019. Cette loi interdit à une personne ou à une entité étrangère d’influencer indûment un électeur pour qu’il vote ou s’abstienne de voter, ou pour qu’il vote ou s’abstienne de voter pour un candidat particulier ou un parti enregistré. Elle interdit aux tiers d’utiliser des fonds étrangers pour la publicité et les activités partisanes et interdit aux entités étrangères de dépenser pour la publicité et les activités partisanes pendant les périodes préélectorale et électorale. Elle oblige également les plateformes en ligne à publier un registre des publicités partisanes publiées pendant la période préélectorale et de toutes les publicités électorales pendant la période électorale. Enfin, une disposition de la Loi interdit de faire ou de publier sciemment une fausse déclaration pour influencer les résultats d’une élection.

Lorsque le gouvernement a dévoilé son Plan pour protéger la démocratie canadienne, l’une des mesures annoncées figurant sous le pilier de la lutte contre l’ingérence étrangère était la nécessité de collaborer avec des partenaires externes au Canada et dans le reste du monde, issus du milieu universitaire, de l’industrie et de la société civile, afin de soutenir l’intégrité de l’information pendant les élections. Ces partenaires externes jouent plusieurs rôles importants. Ils ont des points de vue sur l’évolution de l’environnement des menaces qui peuvent être différents de ceux des organismes de sécurité nationale. Ils ont un rôle de sensibilisation du public. Ils peuvent également alerter le public sur les tentatives d’ingérence avant et pendant la campagne.

Au cours des entrevues menées dans le cadre du présent rapport, un certain nombre de personnes ont souligné l’importance de la collaboration avec ces partenaires externes et ont invité le gouvernement à leur fournir un financement adéquat, prévisible et continu afin qu’ils puissent remplir ces rôles efficacement.

D. Bâtir un écosystème de l’information sain

Un nombre important et croissant de Canadiens se fient aux médias sociaux comme source d’information politique. Il existe donc un risque croissant que les gens soient exposés à des informations qui renforcent leurs points de vue existants et écartent les autres perspectives21. L’utilisation des plateformes de médias sociaux comme source de fausses informations liées aux élections est bien documentée.

Les discussions entre le gouvernement et les entreprises de médias sociaux ont abouti à la Déclaration du Canada sur l’intégrité électorale en ligne (la Déclaration), qui énonce les engagements pris par les plateformes en ligne et le gouvernement du Canada pour protéger les élections contre les ingérences malveillantes et créer un écosystème en ligne plus sain. Par exemple, conformément à la Déclaration, les plateformes s’engagent à travailler pour supprimer les abus malveillants des plateformes, tels que les faux comptes, les comportements non authentiques coordonnés et les comptes automatisés malveillants. La Déclaration de 2021 a été appuyée par Facebook, Google, LinkedIn, Microsoft, TikTok, Twitter et YouTube. La Déclaration a été mise en œuvre en 2019. Elle a été mise à jour avant l’élection de 202122. La Déclaration est un pas dans la bonne direction, mais le problème de l’utilisation des plateformes de médias sociaux pour semer la désinformation persiste.

Le Canadian Election Misinformation Project a analysé le rôle des plateformes de médias sociaux dans la diffusion de fausses informations. Les responsables du projet ont constaté que, malgré des politiques de modération et d’intégrité électorale plus affirmées, les grandes plateformes de médias sociaux continuent d’abriter de nombreuses fausses informations. En outre, les utilisateurs trouvent des moyens d’échapper à la modération en recourant à diverses stratégies. Il s’agit notamment de l’utilisation d’un langage codé comme des fautes d’orthographe intentionnelles, des groupes privés et fermés, des comptes multiples et le choix de réduire la portée de ses publications en omettant les mots-clics. Les groupes qui s’inquiètent de ce qu’ils considèrent comme une modération excessive et une collusion entre les entreprises technologiques et le gouvernement ont migré leur discours politique vers des plateformes de médias sociaux plus petites où il y a moins de modération23.

Il convient de noter que des modifications ont été apportées à certains éléments du Plan. La prochaine section du présent rapport décrira les changements apportés au Protocole. La Déclaration a été modifiée en 2021. Le budget de 2022 du gouvernement contient plusieurs mesures visant à lutter contre la mésinformation et la désinformation, notamment des ressources pour renouveler et élargir le MRR, des activités cybernétiques continues pour se protéger contre la désinformation ainsi qu’un engagement à soutenir la recherche dans les institutions publiques. Des ressources sont également fournies au Bureau du Conseil privé (BCP) pour coordonner, élaborer et mettre en œuvre des mesures à l’échelle du gouvernement visant à combattre la désinformation et à protéger la démocratie canadienne24.

L’ingérence dans les élections et le problème plus vaste des efforts visant à saper les institutions démocratiques continuent d’évoluer. Les diffuseurs de désinformation continuent d’innover et de s’adapter afin de contourner les mesures prises par les gouvernements et les plateformes de médias sociaux25. Les gouvernements à travers le monde démocratique s’adaptent également de manière significative à tous les aspects de ce défi. Il sera important pour les pays démocratiques de partager des pratiques exemplaires. Il sera également important pour le gouvernement de revoir régulièrement tous les éléments de son approche intégrée afin de s’assurer qu’elle continue à être adaptée au problème.

Section 3 : Mise en œuvre du Protocole

Le Protocole a fait l’objet d’un examen indépendant après l’élection générale de 2019. Il a été légèrement modifié en 2021, sur la foi de l’examen indépendant et à la suite de délibérations internes au gouvernement.

Les principaux changements sont les suivants :

  1. Suppression de la référence à des élections générales en particulier pour rendre le Protocole applicable à toutes les élections générales futures, à moins qu’il soit remplacé ou abrogé par le Cabinet.
  2. Harmonisation de l’application du Protocole avec celle de la convention de transition.
  3. Ajout d’une disposition permettant expressément au groupe d’experts de consulter le directeur général des élections, au besoin.
  4. Ajout d’une disposition permettant aux partis politiques de porter à l’attention des organismes de sécurité les incidents susceptibles de menacer la tenue d’une élection libre et équitable.
  5. Reconnaissance de la capacité du groupe d’experts à examiner les interférences d’origine intérieure.
  6. Reconnaissance de la capacité du groupe d’experts à recevoir des informations de sources autres que les organismes de sécurité, à sa discrétion.
  7. Suppression de l’exigence, dans le cadre de l’examen indépendant du Protocole, d’évaluer la pertinence d’établir le Protocole de façon permanente.

A. Communications préélectorales sur le Protocole et le Groupe d’experts

Dans son rapport sur le Protocole de 2019, James Judd a déclaré ce qui suit au sujet de l’approche de communication du gouvernement avant les élections générales de 2019 :

« Le Protocole et la composition institutionnelle du groupe d’experts avaient été rendus publics presque neuf mois avant l’élection.

À deux occasions, de hauts fonctionnaires ont offert des séances d’information détaillées et franches aux médias nationaux sur le Protocole et sur le groupe d’experts – la première lors de l’annonce ministérielle à cet égard, la deuxième en juillet 2019, lors de la publication de la Directive du Cabinet. La deuxième séance d’information portait exclusivement sur le Protocole et sur le groupe d’experts; elle présentait une bonne évaluation des défis et des activités du groupe d’experts à ce jour. Dans les deux cas, on a répondu aux questions des médias de la façon la plus complète possible.

Par la suite, en juillet, le Secrétariat des communications du Bureau du Conseil privé ainsi que d’autres organismes gouvernementaux ont régulièrement répondu aux demandes de renseignements des médias sur le travail du groupe d’experts26. »

À titre de comparaison, en 2021, le gouvernement était minoritaire, et la date de l’élection était incertaine. Il n’y a eu aucune communication publique sur les mesures approfondies qui étaient en place, y compris le Protocole, jusqu’à ce que l’élection soit déclenchée. À l’époque, la Directive du Cabinet a été publiée sur le site Web du BCP-Institutions démocratiques. L’absence d’une stratégie de communication solide et opportune a donné lieu à des critiques de la part des médias, des milieux universitaires et des politiciens sur ce qui était perçu comme l’inaction du gouvernement pour préserver l’élection.

Une approche de communication rapide et complète expliquant le rôle du groupe d’experts aurait été utile pour renforcer la légitimité de son rôle. Si une annonce avait été nécessaire, l’absence de prise de position au préalable aurait rendu plus difficile pour le public de comprendre pourquoi un groupe de fonctionnaires non élus annonçait au pays que son élection était compromise.

Il serait souhaitable à l’avenir de reproduire l’approche de communication adoptée avant l’élection de 2019. Une première annonce devrait avoir lieu raisonnablement tôt dans le mandat du gouvernement. Cela est particulièrement important dans le cas d’un gouvernement minoritaire, car si l’on attend trop longtemps avant de faire l’annonce, on risque d’alimenter des hypothèses sur le déclenchement imminent d’élections.

Cette annonce pourrait expliquer les inquiétudes concernant les menaces qui pèsent sur les institutions démocratiques, notamment les élections. Elle rappellerait au public l’ensemble des mesures prises, notamment le Protocole et le rôle du groupe d’experts. Elle pourrait expliquer que, bien que le groupe d’experts ne soit pas en fonction avant le déclenchement d’une élection, les membres du groupe se réunissent périodiquement tout au long du mandat pour être informés de l’évolution de la menace. Une fois l’élection déclenchée, il pourrait y avoir une autre annonce rappelant au public les mesures en place et expliquant que le Protocole est opérationnel pendant toute la période d’application de la convention de transition.

Quatrième recommandation

Il devrait y avoir une annonce, dans l’année qui suit l’élection précédente, au sujet du plan du gouvernement pour préserver l’intégrité des élections au canada, y compris une explication de la raison du protocole.

B. Portée de l’application

L’article 3.0 décrit le mandat limité du Protocole. Il y a une limite temporelle. Le Protocole ne sera mis en œuvre qu’en réaction aux incidents qui se produisent pendant la période d’application de la convention de transition. En dehors de ce délai, les incidents doivent être gérés par les voies gouvernementales habituelles.

Il existe également une limitation sur le plan des compétences. Le Protocole ne répondra pas aux incidents qui relèvent des responsabilités d’Élections Canada en matière d’administration de l’élection, telles que définies dans la Loi électorale du Canada. Par exemple, une tentative d’induire en erreur les électeurs quant à l’heure ou au lieu où ils peuvent voter relèverait de la compétence d’Élections Canada27. En revanche, les tentatives secrètes d’une entité étrangère visant, par exemple, à diffuser de fausses accusations sur la vie privée d’un chef de parti ou à déformer la position politique d’un parti relèveraient du Protocole. Cependant, pour qu’une annonce publique soit faite, il faudrait tout de même que l’incident remplisse les critères pour informer le public défini à l’article 6.0.

Il semble qu’il y ait un accord général sur le fait que cette division des responsabilités fonctionne bien. Le Protocole prévoyait que certaines questions d’ingérence pourraient concerner à la fois le DGE et le groupe d’experts. Par exemple, si le DGE lui-même est la cible d’une campagne de désinformation invoquant un conflit d’intérêts, le Protocole prévoit que le groupe d’experts peut consulter le DGE (Article 5.4). À ma connaissance, aucune question de cette nature n’a été soulevée pendant la campagne électorale de 202128.

La limitation du Protocole aux incidents survenant pendant la période d’application de la convention de transition suscite des inquiétudes. Comme James Judd l’a souligné dans son examen du Protocole de 2019, il est peu probable qu’une ingérence étrangère potentielle se produise seulement durant la période électorale. Le rapport Judd recommandait d’élargir le calendrier opérationnel du Protocole afin d’y inclure les périodes électorale et préélectorale. Cela mettrait entre les mains d’une entité non partisane la révélation de toute tentative d’ingérence, réduisant ainsi le risque que le gouvernement soit accusé d’utiliser la sécurité nationale à des fins partisanes.

Cette recommandation n’a pas été acceptée par le gouvernement. Selon les personnes interrogées au sein du gouvernement, le principe normal de la responsabilité ministérielle devrait s’appliquer en dehors de la période d’application de la convention de transition.

Bien que la recommandation de James Judd n’ait pas été adoptée, le problème qu’il a cerné est réel. De fausses informations sur les partis, les candidats ou les dirigeants peuvent être diffusées bien avant la campagne. Les cyberattaques contre les partis politiques peuvent se produire avant le déclenchement des élections. Des tentatives secrètes de la part d’acteurs étrangers pour obtenir la nomination de candidats qui pourraient être favorables aux intérêts étrangers se produiraient dans les mois précédant une élection.

Le plan intégré du gouvernement décrit ci-dessus n’indique pas clairement comment les tentatives d’ingérence préélectorales seront gérées. Il serait utile que le plan et les communications publiques du gouvernement reconnaissent expressément le problème des activités d’ingérence avant le déclenchement des élections. Il faudrait également préciser comment il est prévu de traiter cette question, au-delà du simple fait de dire qu’elle sera gérée par les voies ministérielles normales.

Cinquième recommandation

Le plan et les communications publiques du gouvernement doivent reconnaître que le problème de l’ingérence se pose aussi bien avant le déclenchement des élections que pendant la période d’application de la convention de transition. Il faudrait indiquer plus clairement comment l’ingérence préélectorale sera gérée et par qui et ne pas se limiter à dire qu’elle sera gérée par les voies ministérielles normales.

C. Enjeux concernant la composition du groupe d’experts

L’article 4.0 explique la composition et le rôle du groupe d’experts. Il désigne les fonctionnaires devant composer ce groupe, à savoir les personnes qui occupent les postes suivants :

Comme James Judd l’a expliqué dans le premier examen du Protocole, ces personnes ont été choisies en raison des responsabilités de leurs bureaux et organisations29. Le seul membre qui faisait partie du groupe d’experts pour les élections de 2019 et 2021 était la sous-ministre des Affaires étrangères. En outre, la sous-ministre de la Justice lors de l’élection de 2019 s’est vu confier le rôle de greffière adjointe du Conseil privé, et elle a participé aux travaux du groupe d’experts de 2021 en tant qu’observatrice. Tous les autres membres du groupe d’experts étaient nouveaux.

Le groupe d’experts a la responsabilité de déterminer si les critères établis à l’article 6.0 sont remplis et s’il faut informer les Canadiens. Pour ce faire, le groupe d’experts travaillera avec les organismes de sécurité nationale dans le cadre des mandats existants de ces derniers.

La composition du groupe d’experts a fait l’objet de divers commentaires. Selon certains commentaires, un groupe d’éminents Canadiens aurait plus de crédibilité auprès du public qu’un groupe de sous-ministres de premier plan, s’il devenait nécessaire d’annoncer que des menaces pèsent sur la capacité du Canada à tenir une élection libre et équitable.

Toutefois, un groupe d’experts composé de sous-ministres de premier plan présente plusieurs avantages. La composition du groupe d’experts est basée sur les connaissances, l’expérience et le jugement des membres ainsi que sur les relations de travail qu’ils entretiennent. Ils savent tirer parti de l’expertise des organismes membres du Groupe de travail sur les MSRE. Ils sont également capables d’évaluer les informations qu’ils reçoivent et de les remettre en question, le cas échéant. De plus, un groupe d’éminents Canadiens peut être associé à des intérêts ou à des causes qui peuvent devenir des enjeux électoraux, ce qui soulève des questions quant à leur neutralité. Les représentants des trois partis qui ont choisi de recevoir des séances d’information lors de la dernière élection continuent tous à soutenir le groupe d’experts composé de hauts fonctionnaires30.

Il y a eu un certain nombre de commentaires sur l’ajout d’autres membres au groupe d’experts, y compris le DGE. Des observateurs ont également demandé pourquoi l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) n’était pas représentée au sein du groupe d’experts, compte tenu de la quantité de désinformation entourant la COVID-19 et de ses répercussions sur la gestion de l’élection.

À mon avis, le Protocole, tel qu’il est rédigé, est efficace pour permettre au groupe d’experts d’obtenir des informations ne provenant pas seulement des organismes de sécurité nationale, selon les besoins. Comme nous l’avons indiqué précédemment, l’article 5.4 prévoit expressément que le groupe d’experts peut consulter le DGE. Étant donné que le groupe d’experts n’est pas responsable des questions d’administration des élections qui relèvent d’Élections Canada, je crois que la disposition relative à la consultation est plus appropriée que l’inclusion du DGE dans le groupe d’experts.

L’une des modifications apportées au Protocole en 2021, à l’article 5.1, reconnaît que le groupe d’experts peut recevoir des informations et des conseils de sources autres que les organismes de sécurité nationale. La formulation est suffisamment large pour englober les conseils provenant à la fois de l’intérieur et de l’extérieur du gouvernement. Au cours de l’élection de 2021, ces conseils auraient été fournis au groupe d’experts au moyen de séances d’information organisées par le Bureau du Conseil privé et le Groupe de travail sur les MSRE. L’information de l’ASPC sur la pandémie a été fournie au groupe d’experts, au besoin, par l’intermédiaire de la structure du comité sur la sécurité des élections dont l’ASPC faisait partie. L’article 5.1 est suffisamment flexible pour permettre au groupe d’experts d’avoir accès à l’expertise pertinente concernant tout événement ultérieur.

D. Continuité au sein du groupe d’experts

Une autre préoccupation concerne la continuité. Il peut y avoir des remaniements de sous-ministres à la fin du mandat d’un gouvernement, et les membres du groupe d’experts pourraient être mutés à de nouveaux postes ou prendre leur retraite. En juin 2021, le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement a pris sa retraite. Il a été remplacé par la secrétaire adjointe du Cabinet, Secrétariat de la politique étrangère et de la défense, Bureau du Conseil privé (BCP), qui a assumé le rôle de conseillère à la sécurité nationale par intérim.

Lorsqu’un membre du groupe reste au gouvernement, mais à un poste différent, il est possible qu’il assiste aux réunions du groupe en tant qu’observateur, comme ce fut le cas pour l’ancienne sous-ministre de la Justice qui est devenue sous-greffière. Cela permet de maintenir la continuité et de tirer parti des connaissances acquises par ces membres. Il devrait également y avoir suffisamment de flexibilité pour que les membres du groupe d’experts qui changent de fonction à l’approche d’une élection puissent rester membres à part entière du groupe d’experts.

Il a également été noté que les membres du groupe d’experts ont tous des emplois très exigeants et de nombreuses priorités concurrentes auxquelles ils doivent porter attention. Pourtant, il est essentiel que ces sous-ministres principaux soient soutenus pour qu’ils puissent consacrer le temps nécessaire à l’acquisition d’une compréhension nuancée des défis liés à l’ingérence dans les élections. Pour que la composition actuelle du groupe d’experts soit efficace, l’appartenance au groupe devrait être décrite comme étant une responsabilité essentielle de chacun de ces postes. Les séances d’information à l’intention des nouveaux membres doivent commencer immédiatement après leur entrée en fonction.

Sixième recommandation

Il est recommandé que le gouvernement examine les options permettant de s’assurer que le groupe d’experts est bien préparé et que, dans la mesure du possible, la continuité au sein du groupe d’experts est assurée entre les élections.

E. Règle du consensus et quorum

L’article 5.4 décrit le processus que doit suivre le groupe d’experts pour déterminer si les critères rendant nécessaire que les Canadiens soient informés sont remplis. Cet article prévoit que le groupe d’experts fonctionnera sur la base du consensus. Les membres du groupe d’experts interprètent cette disposition comme exigeant l’unanimité. Cette exigence renforce la notion de retenue inhérente à la convention de transition et est conforme au seuil élevé qui doit être atteint pour que le groupe d’experts puisse informer le public que la capacité du Canada à tenir une élection libre et équitable est menacée.

Pendant la période d’application de la convention de transition de 2021, deux des membres du groupe d’experts ont dû quitter le pays pour d’autres obligations. Bien qu’il soit possible de tenir une vidéoconférence sécurisée dans de nombreux endroits, ce n’est pas toujours le cas. Cela soulève la question du quorum qui doit être atteint pour que le groupe d’experts puisse demander une annonce publique31. La règle exigeant un consensus sur une décision sur l’atteinte du seuil nécessite effectivement la participation de tous les membres du groupe d’experts. Il devrait être clair que pendant la période d’application de la convention de transition, la présence au groupe d’experts devrait être la priorité absolue de tous les membres. Il est raisonnable de prévoir un remplaçant pour répondre aux engagements pris à l’extérieur d’Ottawa ou au moins de s’assurer qu’une capacité de vidéoconférence sécurisée fonctionne au lieu de destination.

F. Soutien au groupe d’experts

i. Soutien avant les élections

Le groupe d’experts a commencé à se réunir en mai 2021, soit environ quatre mois avant les élections. Le groupe s’est réuni à quatre reprises entre mai et juillet. Les membres du groupe ont reçu des informations des secrétariats du BCP responsables des institutions démocratiques, de la sécurité nationale et du renseignement ainsi que des communications. Ils ont également reçu des informations sur l’environnement de la menace de la part des organismes qui composent le Groupe de travail sur les MSRE. [***] Le groupe a examiné la Directive du Cabinet sur le Protocole et son mandat. Des discussions ont eu lieu sur l’écosystème de l’information et sur les rôles et responsabilités des organismes gouvernementaux, d’Élections Canada et des entreprises de médias sociaux. Des discussions ont également porté sur l’évolution du contexte de 2019 à 2021, notamment en ce qui concerne les répercussions de la COVID-19. Le groupe d’experts a également commencé à travailler sur des scénarios afin d’établir une compréhension commune des critères qui doivent être remplis pour qu’il intervienne.

Les membres du groupe d’experts étaient généralement satisfaits du contenu de leurs séances d’information préélectorales, bien que certains aient trouvé que le processus semblait quelque peu précipité. Les membres du groupe ont convenu que les séances d’information du groupe d’experts devraient commencer plus tôt au cours du mandat. Il serait particulièrement important pour les nouveaux membres qu’il y ait plus de temps consacré à l’information. En 2021, tous les membres du groupe d’experts étaient nouveaux, à l’exception de la sous-ministre des Affaires étrangères. En commençant plus rapidement, il serait possible d’approfondir leur compréhension de l’évolution de l’environnement de la menace, notamment en ce qui concerne les tentatives d’ingérence dans les élections d’autres États démocratiques et les mesures prises par ces États pour contrer ces tentatives.

Le fait de commencer plus tôt donnerait également le temps au groupe d’experts d’être informé par des acteurs non gouvernementaux ayant une expertise en matière d’ingérence et de désinformation, notamment des organisations de la société civile et des chercheurs universitaires, ainsi que des plateformes de médias sociaux. Il s’agit d’une partie importante de la formation des membres du groupe d’experts, car ils sont susceptibles d’être exposés à des perspectives sur ces enjeux qui diffèrent de celles des organismes de sécurité nationale. Les personnes que j’ai interrogées étaient largement favorables à l’idée que le groupe d’experts ait la possibilité d’entendre les points de vue d’experts externes dans les mois précédant la campagne électorale.

Septième recommandation

Les séances d’information du groupe d’experts devraient commencer beaucoup plus tôt au cours du mandat et inclure des acteurs non gouvernementaux ayant une expertise en matière d’ingérence et de désinformation.

ii. Soutien pendant la période d’application de la convention de transition

L’élection de 2021 a été déclenchée le 15 août. À partir de cette date jusqu’au jour des élections, le 20 septembre, le groupe d’experts a tenu six réunions hebdomadaires. Le Groupe de travail sur les MSRE a informé le groupe d’experts sur les menaces. Le groupe d’experts a eu l’occasion d’examiner et de discuter de nombreux scénarios hypothétiques pour déterminer si les critères seraient remplis. Un seul de ces scénarios a amené tous les membres du groupe d’experts à conclure que les critères seraient remplis et qu’une annonce publique serait requise.

Le groupe d’experts a été informé par les organismes du groupe de travail sur les MSRE [***]. Tout au long de la période électorale, le groupe de travail sur les MSRE a fait le point [***]. Le groupe de travail sur les MSRE a aussi fait part de ses observations initiales au groupe d’experts peu de temps après le jour du scrutin [***].

Les réunions du groupe d’experts comportaient deux parties. Au cours de la première partie, le groupe d’experts prenait connaissance des informations des représentants du Groupe de travail sur les MSRE. Cette façon de faire est compatible avec le rôle des organismes de sécurité nationale, établi à l’article 5.1, qui consiste à présenter des séances d’information régulières au groupe d’experts sur les faits nouveaux touchant la sécurité nationale et les menaces possibles pesant sur l’intégrité de l’élection.

Au cours de la deuxième partie, le groupe d’experts se réunissait sans la présence des organismes de sécurité nationale. En d’autres termes, la pratique qui s’est établie a permis de faire une distinction claire entre la partie de la réunion au cours de laquelle le groupe d’experts recevait des renseignements et d’autres informations sur les menaces, et celle où les membres du groupe pouvaient délibérer sur ce qu’ils avaient entendu.

La tenue de réunions en deux parties reflétait les différents rôles et responsabilités des deux groupes. Les membres du groupe d’experts devaient déterminer s’il y avait lieu de faire une annonce publique. Le Groupe de travail sur les MSRE devait fournir des informations au groupe d’experts, mais n’avait pas de pouvoir décisionnel.

Les membres du groupe d’experts ont formulé des avis généralement positifs sur les séances d’information qu’ils ont reçus du BCP et du Groupe de travail sur les MSRE pendant la campagne électorale. L’approche adoptée par le Groupe de travail sur les MSRE a été de ne rien dissimuler et de fournir au groupe d’experts tout ce qui pouvait être pertinent concernant l’élection. Il revenait alors au groupe d’experts de décider si un incident ou une accumulation d’incidents remplissait les critères.

G. Rôle des organismes de sécurité nationale

Les organismes de sécurité nationale (OSN) ont un rôle de premier plan à jouer consistant à présenter des séances d’information régulières au groupe d’experts sur les faits nouveaux touchant la sécurité nationale et les menaces possibles pesant sur l’intégrité de l’élection. Comme indiqué ci-dessus, pendant la période d’application de la convention de transition, le Groupe de travail sur les MSRE a eu chaque semaine l’occasion d’informer le groupe d’experts. Le groupe d’experts a aussi des mises à jour quotidiennes par écrit.

L’article 5.3 décrit le rôle que doivent jouer les OSN lorsqu’ils ont connaissance d’une ingérence dans les élections générales. Il convient de noter que l’article 5.3 parle seulement d’« ingérence », et non d’ingérence devant remplir les critères pour informer le public. Les OSN sont tenus de se consulter et d’envisager toutes les options pour remédier efficacement à l’ingérence. Ils doivent informer le groupe d’experts.

À moins de motifs impérieux liés à la sécurité nationale et à l’intérêt public, les organismes informeront directement la partie touchée de l’incident32. Les parties touchées peuvent être un candidat, un parti politique ou Élections Canada.

Quel est l’éventail des options possibles pour les organismes? L’article 5.3 mentionne seulement que les organismes informeront directement la partie touchée de l’incident. Il existe toutefois une série d’autres mesures possibles. Le SCRS et le CST ont tous deux la capacité de prendre des mesures pour perturber les menaces à la sécurité du Canada, ce qui comprend l’influence étrangère33.

Lorsqu’une mesure ne porte pas atteinte aux droits garantis par la Charte, le SCRS dispose d’un processus d’approbation interne, mais n’a pas besoin de l’approbation du ministre ou du tribunal. Un exemple de ce type de mesure serait une discussion avec un diplomate étranger pour mettre ce dernier en garde contre toute ingérence dans une élection canadienne. Un autre exemple consisterait à signaler aux plateformes de médias sociaux les comptes que le SCRS a identifiés comme étant des faux ou des robots diffusant de la désinformation34.

Toutefois, s’il y a atteinte à des droits garantis par la Charte, une autorisation de la Cour fédérale du Canada est requise, et le ministre de la Sécurité publique doit approuver la demande judiciaire35.

Ces pouvoirs de réduction de la menace ont été ajoutés à la Loi sur le SCRS par le projet de loi C-59, qui est entré en vigueur en 2019. À ce jour, il n’y a pas eu de recours à des mesures de réduction des menaces autorisées par les tribunaux.

Cependant, la professeure Leah West a cerné un problème pouvant survenir si ce pouvoir est utilisé pendant la période d’application de la convention de transition :

« Il est important de noter qu’avant de demander un mandat de réduction de la menace, le directeur du SCRS ou son délégué doit obtenir l’approbation du ministre de la Sécurité publique. Cette exigence signifie qu’un élu pourrait influencer la décision du SCRS de prendre ou non des mesures pour défendre un parti politique rival ou une campagne contre l’influence étrangère. La possibilité qu’une politique partisane ou même une partisanerie perçue influence la réponse du Canada à l’ingérence étrangère est précisément le type de situation que le gouvernement a cherché à éviter en établissant le Protocole public en cas d’incident électoral majeur36. »

La professeure West suggère d’atténuer ce problème en modifiant le Protocole pour exiger un compte rendu de toute décision prise par un ministre sur les mesures prises ou non par le SCRS pour réduire les menaces pendant la période d’application de la convention de transition. En outre, ce compte rendu devrait être soumis à l’examen du CPSNR ou de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR)37.

Le CST dispose de vastes pouvoirs pour protéger les cyberréseaux gouvernementaux ainsi que les réseaux privés désignés par le ministre de la Défense nationale comme étant importants pour le gouvernement du Canada si le propriétaire du réseau en fait la demande. En outre, les cyberopérations étrangères sont l’élément le plus récent du mandat de CST, ayant été ajouté dans le cadre de la Loi sur le CST de 2019. Ces pouvoirs permettent au Canada d’intervenir dans le cyberespace contre des adversaires étrangers sur des questions liées aux affaires internationales, la défense ou la sécurité du Canada, ou de contribuer à la protection des infrastructures d’information des institutions ou des infrastructures fédérales désignées comme étant importantes pour le gouvernement du Canada. 

Ces pouvoirs, qui sont subdivisés en cyberopérations défensives et cyberopérations actives, offrent la possibilité au Canada d’agir en fonction de ce que le CST apprend dans le cadre de renseignements d’origine électromagnétique ou de ses missions de cybersécurité.

Comme dans le cas du SCRS, le CST a besoin d’une autorisation ministérielle pour mener à bien les activités susmentionnées. Chaque autorisation est valide pour la durée d’un an. Bien que plusieurs opérations étrangères puissent être exécutées en vertu d’une seule autorisation, il existe des cas où une autorisation est octroyée de façon anticipatoire sans que des opérations ne soient finalement effectuées. L’autorisation de cyberopérations défensives visant à protéger l’élection fédérale canadienne en est un exemple. Le CST a les capacités et le mandat légal de perturber les activités malveillantes en ligne qui menacent les processus démocratiques du Canada. Avant l’élection fédérale de 2021, le CST disposait de pouvoirs en matière de cyberopérations défensives pour protéger l’infrastructure électronique utilisée par Élections Canada. Si des activités malveillantes en ligne visant le processus électoral avaient été identifiées, le CST aurait été prêt à agir immédiatement.

La professeure West souligne le même problème qui donne aux ministres le dernier mot sur la question de savoir si le CST doit agir pour défendre un parti politique rival contre une influence étrangère. Dans le cas du CST, contrairement au SCRS, l’autorisation ministérielle, qui autorise l’exécution d’activités pour une période allant jusqu’à un an, atténue ce problème. Il est alors possible que, dès le déclenchement de la campagne électorale comme ce fût le cas en 2021, le CST ait déjà l’autorisation de perturber les activités malveillantes en ligne qui menacent les processus démocratiques du Canada. Comme c’est le cas pour le SCRS, la professeure West recommande de consigner toute décision d’un ministre d’autoriser la prise de mesures contre les cybermenaces pendant la période électorale et de faire examiner ces décisions par le CPSNR ou par l’OSSNR38.

Huitième recommandation

Un organe de surveillance devrait avoir la possibilité d’évaluer les décisions des ministres concernant l’utilisation de mesures de réduction de la menace pendant la période d’application de la convention de transition.

H. Déterminer si les critères ont été remplis

L’article 5.4 exige que le groupe d’experts évalue les incidents afin de déterminer si les critères établis à l’article 6.0 ont été remplis et s’il faut informer les Canadiens. Le groupe d’experts fonctionne par consensus (à l’unanimité) et peut consulter des experts de l’ensemble du gouvernement et le DGE. Si l’on juge nécessaire d’informer le public, le groupe d’experts informera le premier ministre, les chefs des autres partis ou leurs représentants et Élections Canada. Une déclaration publique informant les Canadiens de l’incident peut alors être faite. Le greffier du Conseil privé, au nom du groupe d’experts, peut émettre une déclaration ou demander aux dirigeants des organismes concernés d’émettre une déclaration pour aviser les Canadiens de l’incident.

L’article 7.0 prévoit que l’annonce serait axée sur la notification de l’incident, sur les renseignements connus à propos de l’incident et sur les mesures que les Canadiens devraient prendre pour se protéger, le cas échéant.

L’article 6.0 définit la norme à respecter pour qu’il y ait une annonce publique. Le groupe d’experts devrait déterminer qu’il s’est produit un incident ou une accumulation d’incidents qui menace la tenue d’élections libres et justes au pays.

L’énoncé le plus important de l’article 6.0 est sans doute celui selon lequel une grande rigueur sera requise pour établir si les critères sont remplis. La légitimité du groupe d’experts repose sur sa nature non partisane, mais aussi sur la confiance dans le jugement, les perspectives et l’expérience de ses membres.

Comme l’a noté James Judd dans l’examen du Protocole de 2019 :

« Les critères à remplir, établis par le Protocole, pour informer le public de toute mesure prise par le groupe d’experts ne se prêtaient pas facilement à l’application de paramètres quantifiables. En dernière analyse, il était nécessaire d’analyser le contexte de l’ingérence (quant à l’action et aux répercussions possibles, sur la campagne électorale, de tout type d’ingérence). »

L’article 6.0 présente un certain nombre de facteurs qui pourraient servir à prendre cette décision :

L’article 6.0 contient un paragraphe de conclusion qui décrit plus en détail certaines des difficultés auxquelles le groupe spécial doit faire face pour déterminer si les critères ont été remplis :

« Un événement perturbateur ou un incident d’interférence peut émaner d’acteurs nationaux et/ou étrangers. Il pourrait être difficile, voire impossible, d’attribuer la responsabilité de tentatives d’interférence dans les délais permis par les événements, étant donné les malversations et la désinformation susceptibles d’être impliquées dans les tentatives d’exercer une influence néfaste sur les élections. De plus, il est possible que des acteurs étrangers travaillent en collaboration avec des acteurs nationaux ou par l’entremise de ces derniers. En fin de compte, c’est l’incidence sur la tenue d’élections libres et justes au Canada qui permettra de déterminer si les critères sont remplis et qu’une annonce publique est requise. Il est entendu que les intérêts de la population canadienne – et la démocratie – sont le mieux servis par les campagnes électorales qui offrent un large éventail de débats et de positions différentes. Le Protocole n’a pas pour but de limiter le débat démocratique et ne sera pas utilisé à cette fin. »

Tant la norme que les facteurs à prendre en compte sont plutôt vagues. En eux-mêmes, ils offrent peu d’indications sur le moment où il serait approprié pour le groupe d’experts d’agir.

Les facteurs décrits à l’article 6.0 sont tous utiles pour déterminer si les critères sont remplis. Il y a deux autres types de considérations que le groupe d’experts doit prendre en compte dans ses délibérations. La première est de savoir s’il existe une mesure autre qu’une annonce qui pourrait prévenir ou atténuer le problème. Il peut s’agir, par exemple, d’une mesure de réduction des menaces prise par l’un des OSN ou d’une mesure prise par une plateforme de médias sociaux visant à signaler ou à supprimer un contenu.

Le deuxième type de facteur serait pertinent dans le cas où le groupe d’experts conclurait qu’il s’est produit un ou plusieurs incidents qui menacent la capacité de tenir une élection libre et juste. Même lorsque ces critères sont remplis, pourrait-il y avoir des motifs impérieux liés à la sécurité nationale et à l’intérêt public qui devraient empêcher la publication d’une annonce? Par exemple, une annonce publique mettrait-elle en danger une source humaine? Il peut également s’agir de déterminer si une annonce faite tardivement dans la campagne peut être considérée comme avantageant injustement un parti politique ou lui portant préjudice. Bien entendu, la décision de ne pas faire d’annonce lorsque les critères sont remplis susciterait également de la controverse.

Le Protocole reconnaît déjà qu’il existe parfois des motifs impérieux de ne pas agir. Comme nous l’avons indiqué précédemment, l’article 5.3 évoque la possibilité que des motifs liés à la sécurité nationale ou à la sécurité publique pourraient justifier de ne pas informer une partie touchée. La même approche doit être envisagée pour évaluer s’il faut faire une annonce en vertu de l’article 6.0.

Neuvième recommandation

Le gouvernement devrait envisager de modifier l’article 6.0 pour prévoir que, à moins de motifs impérieux liés à la sécurité nationale et à l’intérêt public, une annonce sera faite si les critères sont remplis.

Dans certains domaines, il y aurait lieu de clarifier les critères et les facteurs à prendre en compte.

i. Clarifier la norme requise pour que les critères soient remplis

L’article 6.0 ne décrit pas clairement les conditions à remplir pour que les critères soient remplis. Le premier paragraphe prévoit qu’une annonce publique ne sera faite que si le groupe d’experts détermine qu’il s’est produit un incident ou une accumulation d’incidents qui menace la tenue d’élections libres et justes au pays.

Il y a également trois autres normes intégrées dans les facteurs exposés à l’article 6.0 : la mesure dans laquelle l’incident ou l’accumulation d’incidents compromet la capacité des Canadiens de participer à des élections libres et justes; la possibilité que l’incident ou l’accumulation d’incidents mine la crédibilité de l’élection; et le degré de confiance des responsables à l’égard du renseignement ou de l’information. Cependant, comme indiqué ci-dessus, le dernier paragraphe de l’article 6.0 contient la phrase suivante : « En fin de compte, c’est l’incidence sur la tenue d’élections libres et justes au Canada qui permettra de déterminer si les critères sont remplis et qu’une annonce publique est requise. »

Cette phrase sur l’incidence pose problème. Les responsables peuvent avoir un haut degré de confiance dans les renseignements ou les informations concernant l’incident ou les incidents. Comment peuvent-ils évaluer, dans la brève période d’une campagne électorale, quelle est l’incidence? Comment vont-ils déterminer le nombre de Canadiens qui ont été exposés à de fausses informations? Comment peuvent-ils distinguer l’incidence de l’ingérence ou de la désinformation des autres facteurs que les électeurs prennent en compte39? S’il est possible de réaliser des enquêtes sur la réaction des électeurs à la désinformation au début de la campagne, cela devient plus difficile si l’ingérence a lieu vers la fin du scrutin. Il y a aussi la question de la fiabilité des résultats de l’enquête, car les électeurs continuent de se forger une opinion après les sondages.

Le défi que représente la mesure de l’incidence a été mis en évidence dans un commentaire public sur les campagnes de désinformation pro-Beijing ciblant les candidats conservateurs. Les défaites subies par les conservateurs dans plusieurs circonscriptions comptant de nombreux représentants de la diaspora chinoise sont-elles attribuables à des attaques contre le programme conservateur et l’un de ses candidats par des médias associés ou favorables au gouvernement chinois? Découlent-elles plutôt de l’incapacité des conservateurs à établir un lien avec un nombre suffisant d’électeurs dans ces communautés?

Comme le fait valoir Kenton Thibaut, « il est difficile de mesurer l’incidence directe de tels messages sur les résultats des élections, surtout si l’on tient compte des préoccupations des communautés concernant la récente recrudescence du racisme anti-asiatique et, plus largement, la pandémie de COVID-19. Avant l’élection, l’entreprise de sondage Mainstreet Research a constaté que près des deux tiers des électeurs qui se disent d’origine chinoise ont déclaré qu’ils soutiendraient des candidats non conservateurs, ce qui constitue un changement par rapport aux intentions de vote mesurées précédemment40.

Le gouvernement pourrait envisager de faire de l’incidence réelle ou potentielle l’un des facteurs que le groupe d’experts prendra en compte dans l’exercice de son jugement quant à savoir si les critères sont remplis. Le gouvernement a clarifié l’article 6.0 afin d’éviter l’interprétation selon laquelle l’incapacité à prouver l’incidence empêcherait les critères d’être remplis.

Dixième recommandation

Le gouvernement devrait envisager de supprimer la quatrième phrase du dernier paragraphe de l’article 6.0 et de préciser que l’incidence réelle ou potentielle est l’un des nombreux facteurs que le groupe d’experts prend en compte dans l’exercice de son jugement pour déterminer si les critères ont été remplis.

ii. Attribution et délai

L’article 6.0 reconnaît qu’il peut être difficile, voire impossible, d’attribuer la responsabilité des tentatives d’ingérence dans les délais permis par les événements, c’est-à-dire dans la période d’application de la convention de transition, étant donné les malversations et la désinformation susceptibles d’être utilisées dans les tentatives d’exercer une influence sur les élections. Plus l’incident a lieu tard dans la campagne, plus il sera difficile de déterminer qui en est responsable. Ce problème a été abordé par le projet Canadian Election Misinformation dans son rapport sur l’élection de 2021 :

« Il est de plus en plus difficile de détecter la désinformation et les opérations d’information coordonnées. L’essor de plateformes telles que Rumble et Gettr, qui pratiquent une modération minimale et se concentrent sur le respect de la vie privée, permet à des acteurs malveillants de plus facilement produire et diffuser largement du contenu de manière anonyme. Il est difficile d’exercer une surveillance à grande échelle des groupes restreints et des communications cryptées. Cet ensemble plus dynamique et chaotique de vecteurs d’information offre des possibilités à ceux qui cherchent à tromper, à désinformer ou à manipuler. Ainsi, il devient plus difficile de lutter contre la désinformation et de la contrer41. »

Compte tenu des difficultés reconnues liées à l’attribution, on peut se demander si les critères qui doivent être remplis pour qu’une annonce soit faite peuvent être remplis même s’il n’est pas possible de déterminer la source de l’ingérence? Par exemple, s’il ne fait aucun doute que les données d’un parti ont été piratées et ont fait l’objet d’une fuite, pourrait-il y avoir des raisons d’informer le public même si l’auteur ne peut être identifié en temps opportun?

L’article 7.0 semble permettre cette possibilité. Cet article exige seulement qu’une annonce se concentre sur la notification de l’incident, ce que l’on sait à son sujet (selon ce qui est jugé approprié) et les mesures que les Canadiens doivent prendre pour se protéger.

Il incombe au groupe d’experts de déterminer si l’attribution à un acteur malveillant en particulier doit être incluse dans l’annonce. Le groupe d’expert doit s’assurer que toute annonce sera considérée comme crédible par le public et les médias. Dans certains cas, cela peut être possible sans que l’on puisse attribuer la responsabilité à un acteur en particulier.

I. Faut-il faire une annonce publique lorsque les critères ne sont pas atteints?

Le libellé de l’article 6.0 laisse la possibilité que le seuil soit atteint même si l’ingérence ne touche qu’un petit nombre de circonscriptions ou un groupe précis de citoyens ciblés. Toutefois, le contexte entourant les origines du Protocole permet de conclure que, selon l’interprétation qui est faite des critères, il faut un ou plusieurs incidents menaçant l’intégrité de l’ensemble de l’élection. Cette opinion est confirmée par les facteurs suivants :

En outre, on craint qu’une annonce par le groupe d’experts n’ait pour conséquence involontaire d’affaiblir la confiance du public dans l’intégrité de l’élection. Selon le témoignage de la sous-directrice des opérations du SCRS, les organismes de sécurité nationale ont constaté des tentatives d’ingérence étrangère en 2019 et 2021, mais pas suffisamment pour remplir les critères selon lesquels l’intégrité de l’élection était compromise42.

Cela mène à la question de savoir si le Protocole devrait envisager la possibilité d’une annonce publique pour les incidents d’ingérence de moindre ampleur qui ne remplissent pas les critères élevés de l’article 6.0. C’est une question qui a été soulevée à plusieurs reprises lors de mes consultations. Par exemple, les électeurs d’une circonscription ou d’une diaspora reçoivent des courriels dans lesquels des acteurs malveillants leur disent que s’ils ne votent pas pour un candidat donné, ils vont le regretter. Bien qu’il soit peu probable que cette situation permette de remplir les critères selon lesquels l’intégrité de l’ensemble de l’élection est menacée, elle pourrait avoir un effet sur les intentions de vote des personnes visées.

Une situation de ce type s’est produite vers la fin de l’élection présidentielle américaine de 2020. La situation est décrite dans l’extrait suivant d’un article publié par le New Atlanticist43 :

« Treize jours avant les élections, le gouvernement a révélé au cours d’une conférence de presse surprise que la Russie et l’Iran avaient tous deux obtenu des informations sur l’inscription d’électeurs américains, probablement à partir de sources accessibles au public. Alors que l’utilisation par la Russie a été très ciblée, l’Iran a utilisé les données pour envoyer une avalanche de courriels frauduleux afin de semer le chaos. Les courriels avertissaient les électeurs démocrates de Floride, d’Alaska et d’ailleurs qu’ils feraient l’objet de représailles s’ils ne votaient pas pour le président Trump. Les auteurs des messages de menace prétendaient que les messages provenaient d’un groupe d’extrême droite appelé les Proud Boys. Alors que le directeur du renseignement national, John Ratcliffe, a affirmé que ces actions étaient des tentatives désespérées de la part d’adversaires désespérés, le directeur du FBI, Chris Wray, a insisté sur le fait que les affirmations en ligne remettant en cause le processus de vote devaient être accueillies avec une bonne dose de scepticisme. »

L’Allemagne fournit un autre exemple d’annonces publiques d’ingérence faites peu avant une élection nationale. En septembre 2021, à moins de trois semaines de la date des élections nationales allemandes, le bureau du procureur fédéral allemand a annoncé publiquement qu’il enquêtait sur les responsables d’une série de tentatives de piratage visant des législateurs. Bien que les procureurs fédéraux n’aient pas nommé le pays faisant l’objet de l’enquête, le ministère allemand des Affaires étrangères a déclaré avoir protesté auprès de la Russie contre des tentatives d’obtention de mots de passe et d’autres informations personnelles de législateurs fédéraux et d’État44.

Il s’agit d’un domaine où il n’y a pas eu de consensus clair entre les personnes interrogées. Ceux qui s’opposaient à ce qu’une annonce soit faite sans que les critères soient remplis s’appuyaient sur la nécessité de placer la barre très haut pendant la période d’application de la convention de transition. Les critères à remplir pour qu’une annonce soit faite ont été volontairement fixés très haut, étant entendu que l’intervention elle-même peut contribuer à l’érosion de la confiance dans l’élection. Il y avait également une possibilité qu’une annonce d’ingérence puisse influencer les résultats de l’élection. La décision d’autoriser une annonce pour les incidents qui ne remplissent pas les critères s’écarterait fondamentalement de la notion d’annonce en tant que mesure de dernier recours à invoquer uniquement dans les cas les plus graves.

Certains intervenants étaient en faveur d’une plus grande transparence à l’égard du public afin d’accroître la compréhension du public, de renforcer la résilience et d’augmenter la confiance du public dans le fait que le gouvernement protège l’intégrité des élections au Canada. Il est peu probable que l’on considère un cas clair d’ingérence visant une seule circonscription ou un groupe ethnique comme suffisamment important pour menacer la crédibilité de l’ensemble de l’élection. Or, s’il n’existe aucun mécanisme permettant d’informer les électeurs visés, ceux-ci risquent d’exercer leur droit de vote sur la base de fausses informations ou de s’abstenir de voter en raison de l’intimidation dont ils ont fait l’objet.

Il y avait également des craintes que le fait de cacher des informations et de les rendre publiques après l’élection diminue la confiance du public dans l’approche du gouvernement en matière de lutte contre l’ingérence dans les élections.

Il s’agit d’une question qui mériterait d’être explorée. Il faut procéder avec prudence au moment d’importer les pratiques d’autres pays sans comprendre pleinement comment ces pratiques s’intégreraient dans le contexte institutionnel et la culture politique du Canada.

Il y a également des défis en matière de communication. Il serait essentiel d’informer le public et les médias, bien avant le déclenchement des élections, qu’une annonce concernant une ingérence à petite échelle est très différente d’une annonce indiquant que les critères ont été remplis. On peut s’inspirer des exemples américain et allemand, où les annonces ont été faites soit par des responsables de la sécurité nationale, soit par des représentants du bureau du procureur. Il peut être prudent qu’une telle annonce ne vienne pas du groupe d’experts afin d’établir une distinction claire entre la notification d’un incident de faible ampleur et une notification qui concerne une violation qui remplit les critères et qui compromet l’intégrité de l’élection.

Il peut être préférable que l’annonce publique d’un incident qui ne remplit pas les critères soit faite par le chef d’un organisme de sécurité nationale. Le Protocole pourrait préciser qu’en vertu de l’article 5.3, si le chef d’un OSN a connaissance d’une ingérence qui ne remplit pas les critères prévus à l’article 6.0, l’une des options disponibles serait que cette personne fasse une annonce publique. Étant donné qu’il appartient au groupe d’experts d’évaluer les incidents pour déterminer si les critères ont été remplis, il faudrait prévoir une consultation préliminaire du groupe d’experts pour lui donner l’occasion de se prononcer sur cette question.

Il faudrait également définir certains critères quant aux types d’ingérences qui justifient une annonce. Le Canadian Election Misinformation Project fournit quelques observations quant aux types d’activités qui justifient une réponse :

« Il convient de prendre des décisions stratégiques quant aux fausses allégations à démystifier en fonction de leur origine, de l’attention et de l’engagement dont elles font l’objet, et de leurs dommages potentiels, ainsi que de la probabilité d’une intervention réussie. Les comptes anonymes et les trolls en ligne dont l’impact et la portée sont faibles continueront toujours à répandre des faussetés. Cependant, les formes plus pernicieuses de désinformation comprennent l’ingérence étrangère, la désinformation populaire planifiée (p. ex. l’amplification coordonnée) et le contenu fabriqué (p. ex. la fabrication de nouvelles, les hypertrucages). C’est à ces dernières formes de désinformation qu’il faut s’attaquer, tandis que les premières doivent être laissées de côté sans autre forme d’intervention45. »

Dans certains cas, il peut être préférable que d’autres personnes prennent l’initiative de signaler les ingérences. Il convient de se demander si d’autres acteurs de l’écosystème électoral prennent des mesures. L’ingérence a-t-elle été dénoncée par les plateformes de médias sociaux, les médias traditionnels ou les observateurs électoraux de la société civile?

Enfin, plusieurs questions opérationnelles se posent. Quel est le degré de confiance dans les informations qui pourraient mener à une annonce? Les mêmes règles s’appliqueraient-elles pour ce qui est d’informer le gouvernement et les partis politiques que pour ce qui est de l’atteinte du seuil? Le rôle des ministres responsables des organismes de sécurité nationale devra être clair. Seraient-ils simplement informés, ou auraient-ils un rôle dans la décision et, le cas échéant, ce rôle serait-il revu après l’élection? Quel devrait être le rôle du groupe d’experts? Doit-il être informé, consulté ou avoir la décision finale sur une annonce concernant un incident qui ne remplit pas tous les critères?

Le fait de prévoir la possibilité de faire des annonces sans que tous les critères soient remplis constituerait une modification importante du Protocole. Les points de vue des partis politiques seront importants. Il sera également important de prendre en compte l’avis des organismes de sécurité nationale sur la prise en charge de cette responsabilité.

Onzième recommandation

Il convient d’étudier plus avant la question de savoir si le protocole doit être modifié pour prévoir la possibilité qu’une annonce soit faite même si les critères établis à l’article 6.0 ne sont pas remplis.

Section 4 : Informer les partis politiques

L’une des modifications apportées au Protocole en 2021 a consisté à ajouter une disposition selon laquelle les partis politiques recevront des instructions sur la manière de signaler toute ingérence qu’ils pourraient subir pendant l’élection (article 5.2).

Cette disposition ne tient pas compte de la consultation plus vaste entre les OSN et les partis. En 2019 comme en 2021, des séances d’information ont été présentées par les OSN aux partis officiellement reconnus. [***] Les séances ont été présentées aux représentants désignés du parti qui avaient reçu une cote de sécurité de niveau Secret.

Des séances d’information ont été proposées à tous les représentants des partis réunis. Deux types de questions ont été abordées lors de ces séances d’information. La première concernait les pratiques exemplaires à suivre pour protéger les données des partis politiques contre les acteurs malveillants qui pourraient chercher à y accéder. La seconde concernait les informations sur les menaces dont les OSN avaient connaissance et qui pouvaient avoir une incidence sur les partis. Certaines d’entre elles portaient sur de possibles tentatives secrètes de diffusion de désinformation par des acteurs étrangers. Au cours de la campagne électorale de 2021, une attention accrue a été portée au nombre croissant de menaces de violence physique de la part d’acteurs intérieurs.

Certains partis ont également demandé des séances d’information individuelles avec un OSN afin d’aborder des menaces précises auxquelles eux-mêmes ou leurs dirigeants et candidats étaient confrontés.

Les entretiens avec les représentants des partis ont permis de recueillir plusieurs commentaires sur les séances d’information et sur le Protocole.

Les représentants des partis ont été satisfaits de l’exhaustivité des séances d’information et de l’ouverture des représentants des OSN. Ils ont été satisfaits d’avoir la possibilité de poser des questions.

Ils ont noté qu’il y avait eu une occasion antérieure de mener une consultation avant l’élection de 2019. Le processus 2021 a été considéré comme une mesure prise après coup. Les intervenants étaient favorables à ce que le processus d’information des représentants des partis commence plus tôt au cours du mandat. Certains ont estimé qu’il devrait y avoir des séances d’information périodiques tout au long du mandat. Il serait particulièrement important de tenir plus rapidement les séances d’information pour permettre aux nouveaux représentants des partis de se familiariser avec l’environnement de la menace.

Le lieu des séances d’information pendant la campagne posait problème. Ces séances d’information ont eu lieu dans des installations sécurisées à l’extérieur du centre-ville d’Ottawa. Compte tenu du fait que les représentants des partis sont très occupés pendant la campagne, certains ont exprimé le souhait que ces réunions se déroulent dans une installation sécurisée au centre-ville. Des intervenants ont également demandé que, dans la mesure du possible, les séances d’information se déroulent selon un calendrier fixe, connu à l’avance, afin que les représentants des partis puissent planifier leur horaire en conséquence.

Douzième recommandation

Il faudrait tenter d’organiser des séances d’information pour les représentants des partis politiques dans des lieux sécurisés du centre-ville d’Ottawa.

Treizième recommandation

L’heure de la tenue des séances d’information des représentants des partis politiques devrait être fixée à l’avance, en prévoyant une certaine souplesse pour faire face aux situations urgentes.

Tous les représentants des partis se sont dits favorables à ce que le groupe d’experts soit composé de sous-ministres de premier plan.

Plusieurs autres questions ont été soulevées par certains représentants des partis.

i) Séances d’information des parlementaires

Les représentants des partis craignaient que les parlementaires soient la cible d’ingérence étrangère. Les députés et les sénateurs sont susceptibles d’être pris pour cible par des acteurs étatiques étrangers ou leurs mandataires pendant toute la durée d’une session parlementaire. Les OSN ne prennent actuellement aucune initiative pour informer les députés et les sénateurs sur la cybersécurité ou sur les menaces d’ingérence étrangère.

Les représentants des partis étaient fortement favorables à la tenue d’une séance d’information non classifiée à l’intention des parlementaires afin de les sensibiliser à ces questions.

Quatorzième recommandation

Les organismes de sécurité nationale devraient élaborer un programme de séances d’information non classifiées pour sensibiliser les députés et les sénateurs à l’ingérence étrangère et à l’ingérence dans les élections, ainsi qu’aux mesures qu’ils peuvent prendre pour se protéger et protéger leurs informations en ligne.

ii) Financement de la cybersécurité

Certains partis ont indiqué qu’ils pourraient utiliser davantage de ressources pour améliorer la sécurité de leurs données en ligne. Certains ont préconisé un soutien financier ciblé de la part du gouvernement pour assurer la sécurité de leurs données relatives aux électeurs et aux élections. Il a notamment été suggéré d’accorder un remboursement jusqu’à une certaine limite sur présentation d’une preuve que l’argent a été dépensé pour renforcer la cybersécurité.

iii) Inquiétudes quant à l’influence d’États étrangers sur les courses à l’investiture des partis pour favoriser des candidats qui leur sont sympathiques

Certains observateurs se sont également inquiétés du fait que certains États étrangers ont soutenu des candidats au Parlement susceptibles de favoriser leurs intérêts. Ils peuvent recevoir l’aide d’agents d’un État étranger pour recruter des membres du parti afin d’aider le candidat préféré à remporter l’investiture du parti.

C’est un bon exemple d’ingérence électorale qui a lieu bien avant que l’élection ne soit déclenchée. Les partis eux-mêmes ont une capacité limitée à détecter ces actes d’ingérence. Certains souhaiteraient une plus grande assistance de la part des organismes de sécurité nationale.

Section 5 : Évaluation générale

L’article 9.0 exige qu’il y ait une évaluation de la mise en œuvre du Protocole et une évaluation de son efficacité dans la lutte contre les menaces pour l’élection. L’article 9.0 pose deux questions différentes. L’évaluation de la mise en œuvre du Protocole consiste à déterminer si ses éléments constitutifs ont fonctionné comme prévu. L’évaluation de son efficacité à faire face aux menaces pesant sur l’élection consiste à déterminer si le Protocole a contribué à réduire ou à atténuer ces menaces. J’aborderai séparément ces deux questions.

A. Évaluation de la mise en œuvre du Protocole

Le Protocole a-t-il fonctionné comme prévu?

Plusieurs éléments ont bien fonctionné. Les membres du groupe d’experts ont été satisfaits des exposés d’introduction qu’ils ont reçus, même si beaucoup auraient préféré commencer plus tôt. Ils ont été satisfaits du soutien qu’ils ont reçu des organismes du Groupe de travail sur les MSRE et des secrétariats du BCP. Les rôles et les responsabilités du groupe d’experts et du DGE étaient clairs. Les représentants des partis politiques étaient généralement satisfaits du partage d’informations avec le gouvernement, même s’ils auraient préféré que le processus commence plus tôt.

Cependant, il y a quelques aspects où des améliorations devraient être envisagées. Le premier concerne les communications. De nombreux commentaires ont été formulés sur la nécessité de procéder à une annonce rapide afin de communiquer clairement aux Canadiens et aux médias la nature de la menace, le plan intégré mis en place pour y faire face et le rôle du Protocole et du groupe d’experts en tant qu’éléments de ce plan. Une approche de communication plus solide pourrait également donner l’occasion d’expliquer les raisons de l’inclusion expresse des acteurs intérieurs et les types de comportements préjudiciables qui font l’objet du Protocole

La deuxième question portait sur la nécessité d’entreprendre les activités de préparation plus tôt au cours du mandat. Le plan de communication mentionné au paragraphe précédent doit être déployé suffisamment tôt pour qu’il ne soit pas pris comme un signal de l’imminence d’une élection. Certains membres du groupe d’experts ont également souligné qu’un début hâtif permettrait d’approfondir les séances d’information. Ce serait également l’occasion pour le groupe d’experts d’être informé par des acteurs de la société civile qui apporteraient une perspective différente de celle fournie par les organismes du Groupe de travail sur les MSRE. Les représentants des partis politiques ont également exprimé leur intérêt à être informés plus rapidement à la fois sur la menace et sur les mesures qu’ils pourraient prendre pour se protéger.

Un autre domaine à améliorer est la clarification de certains termes du Protocole. Plus important encore, les termes utilisés dans l’article 6.0 pour déterminer si les critères ont été remplis devraient être plus uniformes. L’obligation de démontrer l’incidence devrait être supprimée ou clarifiée. L’article 6.0 devrait être compatible avec l’approche adoptée à l’article 5.3 pour reconnaître qu’il peut y avoir des motifs impérieux liés à la sécurité nationale ou à l’intérêt public susceptibles d’empêcher une annonce.

Enfin, il convient d’examiner plus avant si les mesures prises pour traiter les ingérences qui ne remplissent pas les critères de l’article 6.0 sont adéquates. En particulier, devrait-il y avoir une possibilité d’informer le public dans de tels cas?

B. Évaluation de l’efficacité du Protocole pour faire face aux menaces pesant sur l’élection

Lorsque le Protocole a été mis en œuvre en 2019, les préoccupations semblaient concerner l’ingérence étrangère à grande échelle semblable aux manœuvres russes lors de l’élection américaine de 2016. Le groupe d’experts n’a pas trouvé qu’il y avait une ingérence de cette ampleur au Canada, que ce soit en 2019 ou en 2021.

Toutefois, comme l’ont constaté les OSN, il y a eu des efforts d’ingérence étrangère, mais pas suffisamment pour remplir les critères de l’article 6.0. Et il y a eu des menaces d’ingérence intérieure, comme la désinformation liée à la pandémie et les menaces de violence pendant la campagne électorale de 2021.

La nature des menaces évolue. Il est de plus en plus clair que l’ingérence dans les élections n’est qu’un élément de l’arsenal de menaces qui pèsent contre les institutions démocratiques du Canada. Comme indiqué ci-dessus, les objectifs à moyen et long terme des efforts d’ingérence étrangère comprennent l’affaiblissement de la confiance du public dans les institutions démocratiques, l’augmentation de la polarisation, la diminution de la confiance dans les médias et la promotion des intérêts stratégiques d’un État étranger. Les activités telles que le fait de cibler des élus pour promouvoir les intérêts d’États étrangers, d’encourager des personnes à agir comme mandataires pour des États étrangers et de menacer les membres de diasporas se produisent bien avant le début des campagnes électorales.

La crédibilité du Plan pour protéger la démocratie canadienne dépend de la confiance du public dans la capacité du gouvernement à s’attaquer efficacement à l’ensemble de ces menaces, bien au-delà des incidents qui se produisent pendant les campagnes électorales. La confiance du public dépend d’une formulation claire du problème et de l’approche adoptée pour le résoudre. Cela nécessiterait un examen de l’adéquation des mesures existantes, ce qui comprend la loi et les ressources. Cette façon de procéder nécessite également une approche qui englobe toute la société et qui comporte des partenariats solides avec la société civile, les universités, les partis politiques et les plateformes de médias sociaux.

Dans le cadre de ce défi plus vaste se pose la question de l’efficacité du Protocole en tant qu’élément d’une approche intégrée, axée sur l’ingérence pendant la période d’application de la convention de transition. La nécessité d’une approche non partisane pour traiter les ingérences pendant cette période limitée est valable. Toutefois, l’accent a été mis de manière excessive sur un élément du Protocole, à savoir la possibilité que le groupe d’experts fasse une annonce s’il détermine que les critères sont remplis. Comme indiqué précédemment, cette mesure a toujours été considérée comme une mesure de dernier recours. Toutefois, cette option doit être maintenue. Il est impossible de prédire les futures intentions des acteurs malveillants en ce qui concerne les élections canadiennes. Le fait que les critères n’aient pas été remplis jusqu’à présent ne garantit pas qu’il n’y aura pas à l’avenir des tentatives d’ingérence électorale de grande ampleur pendant la période d’application de la convention de transition.

Toutefois, le Protocole ne se limite pas à la possibilité d’une annonce par le groupe d’experts. Il est soutenu par une infrastructure solide de partage de l’information. Les OSN informent régulièrement le groupe d’experts de l’ensemble des menaces, et pas seulement de celles qui pourraient remplir les critères. Le Protocole prévoit des mécanismes de consultation du DGE. Il y a des interactions entre les secrétariats du BCP et les OSN avec les acteurs de la société civile et les plateformes de médias sociaux. Plus important encore, le Protocole prévoit que les OSN peuvent prendre des mesures pour remédier aux cas d’ingérence.

Lors de l’explication du Protocole au public et aux médias, l’accent doit être mis moins sur la possibilité d’une annonce par le groupe d’experts et plus sur l’ensemble des activités qui se déroulent pendant la période d’application de la convention de transition. Le gouvernement pourrait également envisager d’ajouter un préambule au Protocole pour l’expliquer.

Quinzième recommandation

Le Protocole doit être maintenu sous réserve des modifications mentionnées dans le présent rapport.

Seizième recommandation

Les communications publiques sur le Protocole doivent mettre l’accent sur l’ensemble des activités qui se déroulent pendant la période d’application de la convention de transition, plutôt que de se concentrer sur l’annonce faite par le groupe d’experts.

Section 6 : Recommandations

A. Par ordre dans le document

Première recommandation

Les communications publiques sur le Protocole doivent expliquer clairement l’inclusion des acteurs intérieurs et des types d’activités préoccupantes.

Deuxième recommandation

Les préparatifs de la prochaine élection devraient comprendre une évaluation de l’adéquation des capacités de la sécurité ministérielle, de la police de protection de la Gendarmerie royale du Canada et des services de police locaux par rapport au niveau et à la persistance des menaces, et de l’efficacité de la coordination entre ces organes. Il faudrait également revoir la coordination entre les partis politiques et le gouvernement en ce qui concerne les campagnes et les opérations de sécurité.

Troisième recommandation

Il convient d’évaluer si des ajustements doivent être apportés au rôle des membres du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections à la lumière du problème croissant de l’ingérence nationale.

Quatrième recommandation

Il devrait y avoir une annonce, dans l’année qui suit l’élection précédente, au sujet du plan du gouvernement pour préserver l’intégrité des élections au canada, y compris une explication de la raison du Protocole.

Cinquième recommandation

Le plan et les communications publiques du gouvernement doivent reconnaître que le problème de l’ingérence se pose aussi bien avant le déclenchement des élections que pendant la période d’application de la convention de transition. Il faudrait indiquer plus clairement comment l’ingérence préélectorale sera gérée et par qui et ne pas se limiter à dire qu’elle sera gérée par les voies ministérielles normales.

Sixième recommandation

Il est recommandé que le gouvernement examine les options permettant de s’assurer que le groupe d’experts est bien préparé et que, dans la mesure du possible, la continuité au sein du groupe d’experts est assurée entre les élections.

Septième recommandation

Les séances d’information du groupe d’experts devraient commencer beaucoup plus tôt au cours du mandat et inclure des acteurs non gouvernementaux ayant une expertise en matière d’ingérence et de désinformation

Huitième recommandation

Un organe de surveillance devrait avoir la possibilité d’évaluer les décisions des ministres concernant l’utilisation de mesures de réduction de la menace pendant la période d’application de la convention de transition.

Neuvième recommandation

Le gouvernement devrait envisager de modifier l’article 6.0 pour prévoir que, à moins de motifs impérieux liés à la sécurité nationale et à l’intérêt public, une annonce sera faite si les critères sont remplis.

Dixième recommandation

Le gouvernement devrait envisager de supprimer la quatrième phrase du dernier paragraphe de l’article 6.0 et de préciser que l’incidence réelle ou potentielle est l’un des nombreux facteurs que le groupe d’experts prend en compte dans l’exercice de son jugement pour déterminer si les critères ont été remplis. 

Onzième recommandation

Il convient d’étudier plus avant la question de savoir si le Protocole doit être modifié pour prévoir la possibilité qu’une annonce soit faite même si les critères établis à l’article 6.0 ne sont pas remplis.

Douzième recommandation

Il faudrait tenter d’organiser des séances d’information pour les représentants des partis politiques dans des lieux sécurisés du centre-ville d’Ottawa.

Treizième recommandation

L’heure de la tenue des séances d’information des représentants des partis politiques devrait être fixée à l’avance, en prévoyant une certaine souplesse pour faire face aux situations urgentes.

Quatorzième recommandation

Les organismes de sécurité nationale devraient élaborer un programme de séances d’information non classifiées pour sensibiliser les députés et les sénateurs à l’ingérence étrangère et à l’ingérence dans les élections, ainsi qu’aux mesures qu’ils peuvent prendre pour se protéger et protéger leurs informations en ligne.

Quinzième recommandation

Le Protocole doit être maintenu sous réserve des modifications mentionnées dans le présent rapport.

Seizième recommandation

Les communications publiques sur le Protocole doivent mettre l’accent sur l’ensemble des activités qui se déroulent pendant la période d’application de la convention de transition, plutôt que de se concentrer sur l’annonce faite par le groupe d’experts.

B. Par catégorie

Communications

Considérations relatives au groupe d’experts

Modification du Protocole

Acteurs politiques

Questions relatives à la sécurité

Annexe A

Glossaire des termes

Mésinformation
Fait de diffuser de la fausse information sans avoir de mauvaises intentions.
Désinformation
Fait de diffuser de la fausse information dans le but de manipuler ou de tromper des personnes, des organisations et des États ou bien de leur faire du tort.
Malinformation
Information qui repose sur un fait, mais qui est souvent exagérée de façon à tromper ou à causer des préjudices.
Convention de transition
Convention en vertu de laquelle le gouvernement en place ne s’occupe que des questions administratives courantes et s’abstient de prendre des décisions importantes liées à des questions telles que les politiques, les dépenses ou les nominations lorsqu’il n’est pas certain que le gouvernement jouit de la confiance de la Chambre des communes.
Période d’application de la convention de transition
L’application de la convention de transition commence généralement à la dissolution du Parlement. Elle prend fin avec l’assermentation d’un nouveau gouvernement ou quand les résultats d’une élection reportant un gouvernement sortant au pouvoir sont définitifs.
Période électorale
Période commençant par la publication du décret de convocation des électeurs et se terminant lorsque le ou les candidats ont été élus. Cette période doit être d’au moins 36 jours et d’au plus 50 jours.
Période d’élection et de campagne électorale
Même période que celle de la période électorale.
Période pré-électorale
La Loi électorale du Canada (LEC) établit une période préélectorale lors d’une élection générale à date fixe. Cette période commence le 30 juin et se termine habituellement le jour précédant la délivrance du bref électoral. Pendant cette période, il existe des limites de dépenses pour les partis politiques enregistrés et les tiers, ainsi que des obligations de déclaration pour les tiers qui atteignent un certain seuil pour les contributions reçues ou les dépenses engagées.
Période avant l’élection
Période commençant avant le déclenchement de l’élection. Peut comprendre la période préélectorale.

Annexe B

Biographie de Morris Rosenberg

Morris Rosenberg a connu une longue et remarquable carrière à la fonction publique fédérale. Il a travaillé au ministère de la Justice de 1979 à 1989, pour ensuite être nommé sous-ministre adjoint au ministère de la Consommation et des Affaires commerciales. De 1993 à 1997, il a occupé le poste de secrétaire adjoint du Cabinet, Politique du développement économique et régional, au Bureau du Conseil privé. En 1996, il a commencé à exercer les fonctions de sous-secrétaire du Cabinet (Opérations). Deux ans plus tard, il a été nommé sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, poste qu’il a occupé pendant six ans. De 2004 à 2010, il a exercé les fonctions de sous-ministre de Santé Canada, et il a ensuite été nommé sous-ministre des Affaires étrangères. En 2013, M. Rosenberg a décidé de prendre sa retraite et de quitter la fonction publique fédérale. Il a agi à titre de président et chef de la direction de la Fonction Trudeau de 2014 à 2018.

M. Rosenberg a été nommé membre de l’Ordre du Canada en 2015 « pour son engagement soutenu à l’égard de notre pays et pour son leadership efficace et éthique en tant que haut fonctionnaire ».

Annexe C

Protocole public en cas d’incident électoral majeur

Directive du Cabinet sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur

1.0 Introduction

L’une des responsabilités fondamentales du gouvernement fédéral consiste à protéger et à préserver les institutions et les pratiques démocratiques du Canada.

Les évaluations des menaces relatives à la sécurité nationale et du risque, ainsi que les expériences vécues par nos principaux alliés internationaux, indiquent que les élections générales au Canada pourraient être vulnérables à l’ingérence dans un certain nombre de domaines. Pour cette raison, d’importants travaux ont été entrepris au sein du gouvernement fédéral en vue de protéger et de défendre les systèmes et les processus électoraux. Dans ce contexte, le gouvernement du Canada a établi le Protocole public en cas d’incident électoral majeur afin d’informer la population canadienne de façon cohérente et uniforme, durant la période d’application de la convention de transition, des incidents pouvant menacer la tenue d’élections libres et justes au pays.

2.0 Objectif

La Directive du Cabinet sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur énonce les attentes des ministres en ce qui touche les directives générales et les principes à suivre pour informer le public de tout incident pouvant menacer la tenue d’élections libres et justes au pays durant la période d’application de la convention de transition.

Le Protocole est conforme à la convention de transition, qui suit le principe selon lequel le gouvernement doit faire preuve de retenue et restreindre la prise de décisions en matière de politiques, de dépenses et de nominations pendant la période électorale, sauf si cela est impératif sur le plan de l’intérêt national ou en cas de situation d’urgence. La convention de transition commence généralement à la dissolution du Parlement. Elle prend fin lorsqu’un nouveau gouvernement est assermenté ou qu’un résultat ramenant un gouvernement en place est clair.

Pendant la période d’application de la convention de transition, toute annonce jugée nécessaire doit être faite au nom d’un ministère, afin de faire la distinction entre les activités officielles du gouvernement et les activités partisanes.

3.0 Champ d’application

Le Protocole public en cas d’incident électoral majeur aura un champ d’application limité. Il sera uniquement appliqué pour faire face aux incidents qui surviendront durant la période d’application de la convention de transition et qui ne relèvent pas des domaines de responsabilité d’Élections Canada (en ce qui concerne l’administration de l’élection, tels qu’énoncé dans la Loi électorale du Canada). Tout incident se produisant hors de la période d’application de la convention de transition sera géré dans le cadre des activités courantes du gouvernement du Canada.

4.0 Groupe d’experts

Le Protocole sera administré par un groupe de hauts fonctionnaires qui, en collaboration avec les agences de sécurité nationale relevant du mandat actuel de leurs organisations respectives, seront chargés de déterminer si les critères rendant nécessaire que les Canadiens soient informés sont remplis, que ce soit dans le cas d’un incident isolé ou de l’accumulation d’incidents distincts.

Ce groupe d’experts réunira :

5.0 Processus

Le Protocole établit la procédure à suivre pour informer les Canadiens de tout incident pouvant menacer la tenue d’élections libres et justes au pays, si cela était nécessaire.

Durant la période d’application de la convention de transition, le Protocole à suivre pour toute annonce publique est le suivant :

  1. Les agences de sécurité nationale donneront des séances d’information régulières au groupe d’experts sur les développements touchant la sécurité nationale et les menaces possibles pesant sur l’intégrité de l’élection. Le groupe d’experts pourrait également recevoir des informations et des conseils de sources autres que les agences de sécurité et de renseignement.
  2. Les partis politiques recevront des instructions sur la manière de signaler toute interférence qu’ils pourraient subir pendant l’élection.
  3. Les dirigeants des agences de sécurité nationale (Centre de la sécurité des télécommunications, Service canadien du renseignement de sécurité, Gendarmerie royale du Canada ou Affaires mondiales Canada, travaillant dans le cadre de leurs mandats respectifs), s’ils sont informés d’une ingérence dans lors d’une élection générale, examineront en consultation concertée, tous les moyens possibles pour remédier efficacement à la situation. Dans le cadre de ce processus, ils informeront le groupe d’experts. À moins de motifs impérieux liés à la sécurité nationale et à l’intérêt public, les agences informeront directement la partie touchée de l’incident (p. ex. un candidat, un parti politique ou Élections Canada).
  4. Le groupe d’experts évaluera les incidents en vue de déterminer si les critères rendant nécessaire que les Canadiens soient informés sont remplis (tels qu’ils sont énoncés à l’article 6 ci-dessous). Le groupe d’experts prendra ses décisions par consensus, en tirant parti de l’expertise de l’ensemble du gouvernement, y compris des agences de sécurité nationale dans l’exercice de leur mandat. Le groupe d’experts pourrait consulter le directeur général des élections (DGE) pour s’assurer que les mandats sont respectés si des questions d’interférence se posent qui peuvent concerner à la fois le groupe d’experts et le DGE.
  5. Si une annonce publique est jugée nécessaire, le groupe d’experts en informera le premier ministre, les chefs des autres grands partis (ou les représentants principaux désignés des partis ayant reçu leur autorisation de sécurité, parrainés par le BCP), ainsi qu’Élections Canada. Tous ces dirigeants recevront la même séance d’information à ce sujet.
  6. Immédiatement après avoir informé le premier ministre, les autres partis politiques et Élections Canada, le greffier du Conseil privé, au nom du groupe d’experts, pourrait soit publier une déclaration, ou demander aux dirigeants responsables de tenir une conférence de presse pour informer les Canadiens de l’incident.
6.0 Critères à remplir pour informer le public

Une annonce publique durant la période d’application de la convention de transition ne sera faite que si le groupe d’experts détermine qu’il s’est produit un incident ou une accumulation d’incidents qui menace la tenue d’élections libres et justes au pays.

Une grande rigueur sera requise pour établir si les critères sont remplis. Différents facteurs pourraient être examinés en vue de prendre une décision à ce sujet, par exemple :

Le groupe d’experts, de par sa composition particulière, disposera d’une vue d’ensemble englobant la sécurité nationale, les affaires étrangères, la gouvernance démocratique et les considérations juridiques, y compris une conception claire des droits démocratiques consacrés par la Charte canadienne des droits et libertés.

Un événement perturbateur ou un incident d’interférence peut émaner d’acteur nationaux et/ou étrangers. Il pourrait être difficile, voire impossible, d’attribuer la responsabilité de tentatives d’interférence dans les délais permis par les événements, étant donné les malversations et la désinformation susceptibles d’être impliquées dans les tentatives d’exercer une influence néfaste sur les élections. De plus, il est possible que des acteurs étrangers travaillent en collaboration avec des acteurs nationaux ou par l’entremise de ces derniers. En fin de compte, c’est l’incidence sur la tenue d’élections libres et justes au Canada qui permettra de déterminer si les critères sont remplis et qu’une annonce publique est requise. Il est entendu que les intérêts de la population canadienne – et la démocratie – sont le mieux servis par les campagnes électorales qui offrent un large éventail de débats et de positions différentes. Le Protocole n’a pas pour but de limiter le débat démocratique et ne sera pas utilisé à cette fin.

7.0 Annonce

L’annonce serait centrée sur les éléments suivants :

  1. la notification de l’incident;
  2. les renseignements connus à propos de l’incident (selon ce qui est jugé approprié);
  3. les mesures que les Canadiens devraient prendre pour se protéger (s’assurer qu’ils sont bien informés, avoir de bonnes pratiques informatiques, etc.), le cas échéant.
8.0 Pouvoirs actuels

Aucun élément de la présente Directive ne modifie ou n’élargit de quelque façon que ce soit le mandat de chacune des agences de sécurité nationale ou de tout autre ministère ou organisme. Plus précisément, aucune disposition du Protocole n’a préséance sur l’indépendance de la GRC.

9.0 Évaluation

Après l’élection de 2019, un rapport indépendant sera préparé pour évaluer la mise en œuvre du Protocole public en cas d’incident électoral majeur et la mesure dans laquelle il a permis de gérer efficacement les menaces pesant sur l’élection de 2019. Ce rapport sera présenté au premier ministre et au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Une version publique sera aussi préparée. Ces rapports ont pour but d’aider à déterminer si des ajustements doivent être apportés au protocole pour le renforcer.

Notes de bas de page

 
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Rapport sur l’évaluation du Protocole public en cas d’incident électoral majeur pour 2021.

Sauf avis contraire, le contenu de ce document peut, sans frais ni autre permission, être reproduit en tout ou en partie et par quelque moyen que ce soit à des fins personnelles ou publiques, mais non à des fins commerciales. La reproduction et la distribution à des fins commerciales sont interdites sans la permission du Bureau de Conseil privé.

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© Sa Majesté le Roi du chef du Canada, 2023.
This publication is also available in English: Report on the Assessment of the 2021 Critical Election Incident Public Protocol.

CP22-193/2023F-PDF
ISBN : 978-0-660-47652-0

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