Examen externe sur l’inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes - Définitions

Marie Deschamps, C.C. Ad.E.

External Review Authority

March 27, 2015

6. Définitions

Bien que la REE constate qu’une simple modification des politiques ne suffirait pas pour faire face au problème des comportements sexuels inappropriés dans les FAC, les politiques constituent néanmoins une pierre d’assise sur laquelle les dirigeants des FAC peuvent s’appuyer pour guider la conduite des militaires.

Les définitions constituent des éléments essentiels de toute politique. Elles tracent des lignes directrices servant à cerner les comportements permis et ceux qui entraînent des sanctions. Or, la REE a constaté que les définitions de harcèlement sexuel et d’inconduite sexuelle figurant dans les DOAD ne formulent pas clairement la norme de comportement qui protège le mieux la dignité et la sécurité des militaires. Par exemple, des participants ont mentionné que les cas extrêmes de harcèlement sexuel ou d’inconduite sexuelle étaient faciles à reconnaître, mais que, dans des cas de comportements moins manifestes ou moins graves, mais tout de même offensants, il était difficile de déterminer si les définitions pertinentes s’appliquaient 157. Les personnes interviewées ont également indiqué qu’il était parfois difficile de faire la différence entre harcèlement sexuel et inconduite sexuelle158, et que les définitions de « relation personnelle » et de « fraternisation » n’étaient pas faciles à comprendre159. Les militaires ont également indiqué qu’ils trouvaient que les politiques étaient compliquées160 et qu’elles étaient inefficaces au vu de la nature systémique du harcèlement sexuel161.

L’examen des politiques des FAC sur le harcèlement et l’inconduite sexuelle a permis de relever rapidement plusieurs problèmes. Tout d’abord, ces politiques ne présentent aucune définition réelle de ces notions : le harcèlement sexuel n’est tout simplement pas défini dans la DOAD 5012-0 tandis que l’inconduite sexuelle n’est décrite dans la DOAD 5019-5 qu’à l’aide d’un renvoi à d’autres documents juridiques, et pour ce qui est de l’expression « relations personnelles préjudiciables », elle n’est définie dans la DOAD 5019-1 que par rapport aux conséquences négatives qu’elles entraînent sur l’unité, une définition rétrospective que les militaires peuvent avoir de la difficulté à interpréter. En outre, les définitions ne correspondent souvent pas au sens des termes dans le langage courant, ce qui est déroutant pour les militaires. En second lieu, les critères permettant de déterminer s’il y a eu harcèlement sexuel sont complexes et peu claires, ce qui alourdit la tâche de la victime qui doit décider si elle devrait porter plainte, et aussi celle de l’agent responsable (AR) qui doit déterminer s’il s’agit d’un incident de harcèlement sexuel. Finalement, le harcèlement sexuel, l’inconduite sexuelle et les relations personnelles préjudiciables sont traités comme trois problèmes distincts régis par des politiques distinctes, faisant ainsi abstraction des liens évidents qui existent souvent entre ces types de comportements sexuels inappropriés162.

6.1 Harcèlement sexuel

La DOAD 5012-0 englobe, dans le harcèlement, les incidents de harcèlement personnel, l’abus de pouvoir, le harcèlement sexuel et le racisme[1]. Dans ce document, le harcèlement est défini de la manière suivante :

  • tout comportement inopportun et injurieux, d’une personne envers une ou d’autres personnes en milieu de travail, et dont l’auteur savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’un tel comportement pouvait offenser ou causer préjudice.

Bien que le harcèlement sexuel soit compris dans cette définition, il n’est pas abordé de manière spécifique dans la politique.

Selon la définition présentée dans la DOAD, il faut que les cinq critères ci-dessous soient remplis avant que l’on puisse conclure au harcèlement :

  • 1) le comportement doit être inopportun;
  • 2) le comportement doit être adressé à une ou plusieurs personnes;
  • 3) le comportement doit être injurieux pour une ou plusieurs personnes;
  • 4) l’accusé devait savoir ou aurait raisonnablement dû savoir que le comportement pouvait offenser ou causer préjudice;
  • 5) le comportement doit avoir eu lieu en milieu de travail.

Afin qu’il s’agisse d’un harcèlement sexuel, le comportement doit également répondre à un sixième critère : le comportement doit être à caractère sexuel.

Ensemble, ces six critères réduisent considérablement la portée des comportements interdits, faisant ainsi en sorte que la définition couvre beaucoup moins de cas que bon nombre de lois provinciales sur les droits de la personne et que le droit du travail 164.

De plus, la définition du harcèlement sexuel que présentent les FAC est plus restreinte et plus complexe que celle de la Cour suprême du Canada sur laquelle est fondée l’interprétation des lois canadiennes et provinciales sur le droit de la personne et le droit du travail 165. Dans l’affaire Janzen c. Platy Enterprises Ltd., le juge en chef Dickson a défini le harcèlement sexuel en milieu de travail de la manière suivante :

  • le harcèlement sexuel en milieu de travail peut se définir de façon générale comme étant une conduite de nature sexuelle non sollicitée qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour les victimes du harcèlement 166.

Comparée à la DOAD 5012-0, dans le cadre de laquelle six conditions doivent être réunies afin de démontrer qu’il y a eu harcèlement sexuel, cette définition ne requiert que quatre critères pour arriver à la même conclusion. Pour être précis, la définition exige que la conduite :

  • 1) soit de nature sexuelle;
  • 2) soit non sollicitée;
  • 3) ait causé préjudice;
  • 4) ait eu un effet défavorable sur le milieu de travail ou des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour le plaignant.

Non seulement la définition présentée dans l’affaire Janzen requiert-elle moins de critères afin de déterminer qu’il s’agit d’un cas de harcèlement sexuel, mais elle établit un seuil moins élevé en ce qui concerne ces critères. La politique des FAC, par exemple, requiert que le comportement soit inopportun et injurieux pour qu’il constitue un acte de harcèlement sexuel tandis qu’il suffit que le comportement soit non sollicité selon les critères présentés dans l’affaire Janzen. Les critères énoncés dans l’affaire Janzen englobent donc une plus grande variété de types de comportements sexuels inappropriés.

De plus, la quatrième condition de la définition présentée dans l’affaire Janzen, c’est-à-dire si la conduite a eu un effet défavorable sur le milieu de travail ou des conséquences préjudiciables en matière d’emploi, est généralement interprétée de manière à tenir compte des facteurs suivants : si le comportement a porté atteinte au travail ou au rendement d’une personne ou s’il a créé un milieu de travail intimidant, hostile ou offensant. Le plaignant n’est pas tenu de démontrer que le comportement a causé un préjudice concret afin qu’il soit considéré comme harcèlement sexuel.

Dans un contexte où le langage sexuel fait partie intégrante de la culture organisationnelle, tout particulièrement dans un milieu où certains individus ne se rendent même plus compte de la nature sexuelle de certains commentaires ou expressions tandis que d’autres se sentent offensés ou mal à l’aise, bon nombre des conditions qui forment la définition de harcèlement sexuel qui figure dans les DOAD ne permettent pas de saisir les conduites offensantes. Par exemple, l’exigence selon laquelle le comportement doit être adressé à une personne restreint le harcèlement sexuel aux comportements qui visent une personne en particulier. Cette exigence ressort dans les instructions fournies concernant l’interprétation de ce critère :

  • Pour considérer qu’il y a comportement inopportun et injurieux d’une personne à une autre, il faut que cette dernière soit l’objet du comportement et se heurte personnellement au comportement ou aux répercussions qui en découlent 167.

Tel que déjà mentionné, l’utilisation généralisée d’un langage sexuel inapproprié est endémique chez les subalternes des FAC. Pourtant, l’exigence selon laquelle le comportement doit être adressé à un militaire en particulier ne permet pas de sanctionner les commentaires constituant un harcèlement sexuel mais qui sont proférés sans viser une personne en particulier, notamment dans un groupe ou lors d’une activité sociale. Ce sont précisément les types de circonstances qui contribuent à la création d’un milieu hostile envers les femmes et les LGTBQ et auxquelles les FAC doivent s’attaquer. La définition de harcèlement sexuel doit, certes, comprendre les cas où des services sexuels sont obtenus en échange de faveurs; cependant, la politique s’avérera inefficace dans son ensemble si elle ne couvre pas aussi les propos dégradants à caractère sexuel.

Aussi, l’exigence dans la définition de la DOAD selon laquelle l’accusé aurait raisonnablement dû savoir qu’un tel comportement pouvait offenser n’exclut pas les comportements qui sont courants dans les FAC, mais que certains pourraient cependant juger importuns. Par exemple, dans un milieu où les expressions de nature sexuelle dégradantes sont courantes, il serait difficile pour les AR de conclure que celui qui a prononcé de tels propos aurait raisonnablement dû savoir que le langage utilisé dans une situation donnée serait offensant, car l’auteur de l’offense peut justifier l’utilisation de ce type de langage en invoquant qu’il s’agit de la norme au sein de l’organisation.

Par conséquent, tel qu’il est délimité en ce moment, le terme « harcèlement sexuel » ne permet pas de sanctionner une variété de comportements importuns et ne permet pas d’effectuer la réforme organisationnelle qui s’impose. Il n’est donc pas surprenant de voir que cette définition trop étroite ne fait que renforcer la perception chez les militaires que les critères selon lesquels le harcèlement doit être injurieux et être adressé à une personne constituent des échappatoires faciles168 pour les auteurs des propos injurieux et un obstacle pour les plaignants qui ont été offensés par le comportement en question. Jumelée à la définition trop étroite, cette perception contribue au taux de signalement extrêmement faible des incidents de harcèlement sexuel dans les FAC.

De même, l’exigence voulant que le comportement ait lieu dans un milieu de travail est trop restrictive. Dans la DOAD 5012-0, le milieu de travail est défini de la manière suivante :

  • Milieu de travail désigne l’aire de travail et l’environnement de travail dans son ensemble où s’exercent des fonctions et d’autres activités associées au travail dans le cadre duquel des relations de travail sont en jeu.

La restriction du harcèlement sexuel aux incidents qui surviennent en milieu de travail est artificielle compte tenu de la nature particulière des FAC en tant qu’« institution totalitaire »169. Contrairement à ce qui se passe dans le cadre d’un emploi civil, les militaires ne font pas que travailler pour les FAC; ils travaillent, socialisent et souvent vivent au sein des structures institutionnelles et sociales établies par les forces armées. Bien que la définition de milieu de travail présentée dans la DOAD 5012-0 fasse allusion à un milieu de travail élargi et qu’elle semble englober au moins certains incidents qui surviennent dans un milieu social, l’expression « en milieu de travail » porte à confusion. Plus précisément, elle ne tient pas compte du fait que, même si la conduite ne se produit pas en milieu de travail, ses conséquences peuvent avoir un effet sur le milieu de travail.

Les forces armées de bon nombre de pays étrangers se servent d’une définition plus large du harcèlement sexuel. Par exemple, les forces armées des États-Unis et du Royaume-Uni ne restreignent, ni l’une ni l’autre, la portée de leurs politiques en matière de harcèlement à l’obtention de services sexuels en échange de faveurs ou au harcèlement qui a lieu en milieu de travail 170. L’ADF a également adopté une définition très large du harcèlement sexuel qui ne le rattache pas au milieu de travail. Comme l’indique la politique qu’a adoptée l’ADF récemment sur le signalement et la gestion des cas d’inconduite sexuelle, y compris les infractions sexuelles : Reporting and Management of Sexual Misconduct including Sexual Offences:

  • Dans le cadre de la présente instruction, on entend par harcèlement sexuel toute conduite sexuelle non sollicitée qui pourrait vraisemblablement offenser, humilier ou intimider. La loi sur la discrimination fondée sur le sexe de 1984 (Sex Discrimination Act 1984) contient une définition détaillée 171.

De même, les politiques sur le harcèlement sexuel en milieu de travail au Canada reconnaissent généralement qu’un employeur a autorité pour punir toute forme de harcèlement sexuel lorsqu’il y a un lien avec l’emploi. Par exemple, il est bien reconnu en droit du travail qu’un employeur a le droit de discipliner un employé, même si sa conduite a eu lieu en dehors du milieu et des heures de travail, lorsqu’elle a un lien avec la relation d’emploi. Afin de déterminer si un tel lien existe, l’employeur peut établir que la conduite de l’employé a eu pour effets :172

  • de nuire à la réputation de l’employeur;
  • de rendre l’employé incapable d’exécuter ses fonctions de manière satisfaisante;
  • d’entraîner le refus, la réticence ou l’incapacité d’autres employés à travailler avec lui;
  • d’empêcher l’employeur d’assurer le fonctionnement efficace en milieu de travail et de diriger sa main d’œuvre.

La Cour d’appel de l’Ontario a également statué que pour conclure qu’il y a eu harcèlement sexuel, il n’est pas nécessaire que l’incident se soit déroulé en milieu de travail. Dans le contexte d’allégations de harcèlement sexuel contre un cadre supérieur, la Cour a statué comme suit :173

  • Il serait artificiel et contraire à l’objectif visé par les dispositions contre le harcèlement sexuel de dire que les interactions en dehors des heures de travail entre un superviseur et des employés ne peuvent pas être considérées comme faisant partie du milieu de travail aux fins de l’application de la loi au sujet du harcèlement sexuel. La détermination que, dans un cas donné, l’activité qui a leu lieu en dehors des heures de travail ou à l’extérieur des limites d’un établissement commercial peut faire l’objet d’une plainte est une question de fait.

Le fait de restreindre la définition du harcèlement sexuel aux comportements qui surviennent en milieu de travail ne correspond donc ni aux normes canadiennes actuelles, ni aux pratiques exemplaires en vigueur dans les organisations militaires de pays alliés.

En outre, la REE a observé que la DOAD 5012-0 ne traite pas du harcèlement sexuel qui peut avoir lieu dans le cadre de l’utilisation de médias sociaux, ce que les personnes interviewées ont indiqué comme étant de plus en plus fréquent.174

La REE a également entendu des témoignages suggérant que la politique devrait présenter des exemples concrets de comportements inadmissibles, en plus de préciser la définition de harcèlement sexuel, afin de mieux illustrer la notion. La présentation d’exemples constitue une pratique reconnue dans le cadre des politiques sur le harcèlement en milieu de travail 175 puisqu’ils communiquent plus efficacement l’étendue des comportements interdits. Voici des comportements qui constituent du harcèlement sexuel et doivent donc être interdits :

  • les propos dénigrants par l’usage de parties du corps;
  • les invitations ou demandes importunes de nature sexuelle;
  • les attouchements ou tapotements non nécessaires;
  • les regards lubriques jetés sur le corps d’une personne;
  • les insinuations ou railleries importunes et réitérées au sujet du corps, de l’apparence ou de l’orientation sexuelle d’une personne;
  • les propos suggestifs ou d’autres formes d’agression verbale de nature sexuelle;
  • l’affichage de propos ou d’images dégradants ou offensants de nature sexuelle.

De plus, le harcèlement sexuel peut survenir au cours d’un incident isolé ou bien d’une série d’incidents qui, pris séparément, ne constitueraient pas nécessairement des actes de harcèlement sexuel. La victime et le harceleur peuvent être du même sexe ou de sexes différents, et il n’est pas nécessaire que le harceleur soit employé par la même organisation que la victime; en fait, toute personne touchée par le comportement peut en être la victime.

Pour récapituler, les FAC ont besoin d’outils plus efficaces qui leur permettront de s’attaquer au problème des comportements sexuels importuns et d’appliquer les sanctions qui s’imposent afin d’assurer à leurs membres le maintien d’un environnement professionnel. Compte tenu du milieu rendu hostile par la fréquence du harcèlement sexuel et du manque de clarté relevé par les militaires quant à ce qui constitue du harcèlement sexuel, la REE est d’avis que l’expression harcèlement sexuel doit être définie clairement dans la politique pertinente de manière à préciser qu’il s’agit d’un comportement différent et distinct des autres types de harcèlement liés au milieu de travail. Bien que la définition de harcèlement sexuel de l’ADF ne puisse être utilisée sans la modifier, il faut faire en sorte que la définition des FAC soit tout aussi simple. Les FAC doivent supprimer de la définition les expressions envers une personne et en milieu de travail. La politique doit définir comme harcèlement tout comportement sexuel « importun », plutôt que toute conduite inopportune ou offensante. La définition doit protéger les individus contre les conséquences négatives sur le milieu travail et contre un environnement hostile. La politique doit également préciser qu’elle s’applique à tous les moyens de communication, y compris les outils en ligne et les médias sociaux.. En outre, la définition doit être élargie afin d’englober une plus grande variété de conduites, et comporter des exemples concrets de comportements interdits.

6.2 Fraternisation et relations personnelles préjudiciables

Des entrevues, il ressort que les membres des FAC ne comprennent pas bien la distinction entre relation personnelle, relation personnelle préjudiciable et inconduite sexuelle. Les expressions fraternisation et relation personnelle préjudiciable semblent tout particulièrement porter à confusion.

Les expressions relation personnelle, relation personnelle préjudiciable et fraternisation sont utilisées dans la DOAD 5019-1. Une relation personnelle est définie comme « une relation affective, romantique, sexuelle ou familiale entre deux militaires ou un militaire et un employé ou un entrepreneur du MDN ou un militaire d’une force alliée » tandis qu’une relation personnelle préjudiciable est décrite comme une relation personnelle qui « nuit à la sécurité, à la cohésion, à la discipline ou au moral d’une unité ». Toutefois, la fraternisation n’implique pas une relation entre deux membres des FAC, mais plutôt une « relation entre un militaire et une personne appartenant à une force ennemie ou belligérante », ou « une personne habitant dans la région d’un théâtre d’opérations où sont déployés des militaires ».

Contrairement à la DOAD 5019-5 sur l’inconduite sexuelle, la DOAD 5019-1 n’interdit pas explicitement les relations personnelles préjudiciables. En fait, il revient au commandant d’imposer des restrictions aux relations personnelles. Si la relation est contraire aux politiques locales établies par le commandant, celui-ci peut imposer des mesures administratives ou disciplinaires176. Les relations préjudiciables peuvent aussi faire l’objet de poursuites en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale 177. Même si le commandant se trouve dans l’impossibilité d’imposer une sanction disciplinaire, il peut prendre des mesures administratives et, par exemple, demander la mutation à une autre unité de l’une des personnes impliquées dans la relation préjudiciable.

Malgré les définitions établies dans les politiques, la plupart des personnes interviewées qui faisaient référence à une relation personnelle entre membres des FAC utilisaient l’expression fraternisation – donc de manière erronée 178 -, illustrant ainsi le degré de confusion de bon nombre de militaires en ce qui a trait à ces notions. Il est aussi significatif que de nombreuses personnes interviewées aient cité des exemples de relations personnelles entre des militaires de grades différents qui, selon elles, pouvaient donner lieu à un abus de pouvoir 179. Les participants se demandaient s’il s’agissait réellement de relations consensuelles 180 et ils se disaient préoccupés de leur effet négatif sur le moral de nombreux militaires et sur la cohésion de l’unité dans son ensemble181. Les personnes interviewées ont souligné que le contexte de la formation constituait un milieu particulièrement fertile pour les relations personnelles douteuses, et elles ont décrit ce qu’elles percevaient comme des règles différentes pour les officiers 182.

Aucune de ces situations n’est expressément mentionnée dans les politiques. En effet, lorsque le sujet des relations personnelles préjudiciables a été soulevé auprès des militaires travaillant dans le domaine de l’application des politiques, bon nombre d’entre eux ont rapidement signalé qu’il était très difficile de contrôler ce type de relation 183. Cependant, la DOAD 5019-1 précise que les dirigeants doivent voir à la « protection des militaires et autres personnes vulnérables » en « [imposant] des limites aux relations personnelles, s’il y a lieu » et en « [s’assurant] que les militaires et les autres personnes sous la garde ou la protection des FC ne sont pas soumis à la coercition ou à l’exploitation ». Certes, les relations personnelles préjudiciables ne sont pas toujours faciles à contrôler, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit de l’une des responsabilités des dirigeants des FAC. La difficulté réside dans le fait que les politiques, telles qu’elles sont actuellement rédigées, ne tiennent pas compte du fait que les relations entre les militaires de grades différents peuvent s’avérer coercitives par nature ou qu’elles peuvent nuire au moral des militaires ainsi qu’à la cohésion d’une unité.

La REE reconnaît le besoin de respecter le droit des militaires d’établir des relations personnelles ainsi que leur droit à la vie privée en ce qui concerne ces relations. Cependant, en raison de la nature profondément hiérarchique de la structure organisationnelle des FAC et du risque inhérent d’abus de pouvoir qu’elle pose, les FAC doivent traiter de ces relations dans le cadre de politiques. Avec la participation du CRHaSAS, les FAC doivent préciser la définition de relation personnelle préjudiciable de manière à ce qu’elle traite explicitement des inégalités de pouvoir, notamment en créant une présomption administrative selon laquelle les relations personnelles entre militaires de grades différents constituent des relations personnelles préjudiciables à moins que l’autorité pertinente en ait été avisée. Le militaire dans la relation dont le grade est supérieur doit être tenu responsable en cas de divulgation non adéquate.

La REE note également qu’il pourrait arriver que la relation entre militaires dont l’un se trouve en situation d’autorité constitue une agression sexuelle, soit lorsque l’inégalité de pouvoir est telle que le militaire subalterne n’a pas consenti librement à l’activité sexuelle. Ces cas sont traités ci-dessous dans la discussion portant sur la notion de consentement.

6.3 Inconduite sexuelle

L’expression inconduite sexuelle a un sens particulier dans le contexte des politiques des FAC. Ce sens diffère de celui qu’on lui donne couramment. Dans la DOAD 5019-5, l’inconduite sexuelle est définie comme un ou plusieurs actes :

  • qui sont soit de nature sexuelle, soit posés dans l’intention de commettre un ou plusieurs gestes de nature sexuelle;
  • qui constituent une infraction en vertu du Code criminel ou du Code de discipline militaire (CDM).

Parmi les actes pouvant constituer une infraction en vertu du CDM, on trouve : toute conduite scandaleuse et indigne d’un officier 184, la maltraitance d’un subordonné 185 et tout comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline 186. Il convient de noter que plus de la moitié des incidents faisant l’objet de poursuites dans le système de justice militaire sont liés à des infractions à la disposition sur le comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline 187, en vertu de laquelle les personnes engagées dans une relation personnelle préjudiciable peuvent être disciplinées. Dans le cadre de la DOAD 5019-5, l’inconduite sexuelle comprend donc une grande variété de comportements, allant d’une activité sexuelle consensuelle pouvant faire l’objet de poursuites en vertu du CDM à l’agression sexuelle avec violence conformément aux définitions figurant dans le Code criminel.

L’utilisation de l’expression inconduite semble être une source de confusion pour les militaires quant aux comportements précis qui sont interdits en vertu de cette politique. Le fait que le sens courant d’inconduite sexuelle soit bien plus large que celui que donne la définition de la DOAD 5019-5 porte particulièrement à confusion pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la notion d’inconduite sexuelle dans le langage courant englobe tous les types de harcèlement sexuel, et l’on s’attend à ce que ce soit ainsi dans le contexte des FAC. Les militaires qui n’ont pas suivi de formation juridique ont donc peine à faire la différence entre les comportements considérés comme du harcèlement sexuel et ceux constituant une inconduite sexuelle. Le même problème existe dans les versions anglaises des politiques. Par exemple, dans la version anglaise de la DOAD 5019-5, l’expression sexual misconduct sert à décrire une conduite de nature sexuelle qui constitue une infraction en vertu du Code criminel, ou qui est interdite dans le CDM. Or, dans le langage courant, sexual misconduct a un sens bien plus large qui englobe l’agression sexuelle ainsi que le harcèlement sexuel.

En deuxième lieu, la confusion est accentuée par le fait que certaines formes de harcèlement sexuel constituent des infractions en vertu du Code criminel 188 et sont donc couvertes par la DOAD 5019-5, rendant ainsi la distinction entre le harcèlement sexuel et l’inconduite sexuelle difficile à saisir dans le cadre de cette politique. L’interprétation est obscurcie davantage par le fait que l’expression inconduite est utilisée dans son sens courant dans les articles 73 et 74 du CDM.

Les entrevues ont d’ailleurs révélé un élément peut-être encore plus important : un certain nombre de militaires, de commandants ou de policiers militaires ne comprennent pas bien la notion de consentement, ce qui augmente encore plus la confusion au sujet de ce qui constitue l’inconduite sexuelle. Ce phénomène est attribuable en partie au fait que les politiques ne traitent pas de la notion de consentement. En l’absence de la notion de consentement, il est impossible de fournir aux militaires des directives claires quant au besoin d’obtenir le consentement et de leur expliquer comment déterminer s’il a été donné. Cette lacune peut s’avérer très grave. En dépit des lois qui indiquent clairement que tout attouchement sexuel non consensuel constitue une agression, la perception que les victimes ont implicitement donné leur consentement ou ont elles-mêmes provoqué l’agression subsiste. Certains militaires ont suggéré que, dans certaines circonstances, la victime aurait peut-être « brouillé la frontière » en ce qui concerne le consentement qu’elle aurait donné ou pas ou causé l’activité offensante, et qu’il y aurait des « zones grises »189. Ces attitudes aggravent la perception que les personnes en situation d’autorité (par exemple, les membres de la chaîne de commandement, la police militaire ou les médecins) ne croiront pas les victimes.

6.3.1 Utilisation d’un langage clair

L’ensemble disparate que forment les diverses interdictions figurant dans les nombreuses politiques des FAC ressemble à la collection hétéroclite de lois portant sur les agressions sexuelles du droit canadien avant la réforme exhaustive de cette section du Code criminel, en 1983 190. À la suite de recommandations formulées par la Commission de réforme du droit du Canada, le Parlement a unifié les dispositions pertinentes afin de former un ensemble de règles plus cohérentes. Au terme des réformes, les expressions agression et plus précisément agression sexuelle ont remplacé d’autres termes et elles englobent tout attouchement intentionnel non consensuel de nature sexuelle 191. La REE est d’avis qu’il faut procéder à une révision similaire des dispositions des FAC en matière de comportements sexuels interdits.

Il est particulièrement important, d’après la REE, de fournir aux militaires des explications beaucoup plus claires concernant les règles régissant la conduite sexuelle. Il s’agit-là d’un objectif que l’on peut réaliser plus facilement si la terminologie utilisée pour décrire les comportements sexuels interdits correspond aux expressions que les militaires peuvent comprendre sans avoir à chercher les définitions ou à suivre une formation exhaustive. Par conséquent, la REE est d’avis que les DOAD seraient plus rigoureuses et efficaces si le langage utilisé était, dans la mesure du possible, plus simple et s’il concordait avec celui du Code criminel. Ainsi, il faudrait par exemple pour tout attouchement intentionnel non consensuel de nature sexuelle utiliser l’expression agression sexuelle, afin de concorder avec le Code criminel. Par contre, l’expression inconduite sexuelle devrait englober tout comportement sexuel interdit, y compris la fraternisation, les relations personnelles préjudiciables, le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles.

6.3.2 Notion de consentement

Il semble qu’une grande confusion règne au sujet de la notion de consentement chez les membres des FAC. Quelles conditions doivent être remplies afin qu’une activité sexuelle soit jugée consensuelle? Que doit faire un individu pour déterminer s’il y a consentement et comment peut-on conclure que le consentement a été implicitement donné? Faut-il obtenir le consentement à chaque étape de l’interaction sexuelle? L’absence du mot « non » constitue-t-elle un consentement?

De nombreuses institutions, au Canada et aux États-Unis, s’impliquent activement dans la lutte contre les stéréotypes profonds au sujet des victimes de viol, notamment la perception qu’elles auraient incité l’agresseur à commettre les actes sexuels ou y aurait consenti implicitement. L’engagement de ces institutions signale une reconnaissance généralisée que le consentement constitue un élément de base de toute interaction sexuelle saine, que la notion de consentement est toujours mal comprise et que des politiques limpides sont nécessaires pour instaurer une culture du consentement clair192. De nombreuses universités en Amérique du Nord ont adopté des codes de conduite pour les étudiants, codes qui établissent des normes strictes quant au consentement aux activités sexuelles. En Californie, on a adopté une loi en vertu de laquelle les collèges et les universités doivent établir une politique concernant la conduite des étudiants qui exige qu’un consentement affirmatif, conscient et volontaire soit donné avant une activité sexuelle; il s’agit d’une condition imposée à ces établissements pour accéder au financement de l’État193. Le consentement à l’activité sexuelle est défini dans cette loi en fonction de la présence d’un « oui » plutôt que de l’absence d’un « non », bien que le consentement ne doit pas nécessairement être exprimé verbalement.

Au Canada, la notion de consentement a été revue il y a plus de 15 ans dans l’arrêt charnière que la Cour suprême du Canada a prononcé dans l’affaire R. c. Ewanchuk 194. Comme l’a précisé la Cour, le consentement est déterminé en fonction de l’état d’esprit interne de la plaignante par rapport à l’attouchement sexuel au moment où il est survenu 195. Rien n’oblige la plaignante à communiquer verbalement à l’agresseur son absence de consentement; le silence ne peut être interprété comme consentement. La Cour suprême a notamment rejeté l’idée du consentement implicite; si une femme n’a pas consenti, dans son esprit à l’activité sexuelle, l’accusé ne peut justifier ses actes en disant qu’elle y a consenti implicitement par sa conduite. Autrement dit, si le juge des faits trouve que la plaignante n’a pas, subjectivement et dans son esprit, consenti aux actes, sa conduite extérieure est sans importance. Cependant, l’accusé peut se servir de la conduite extérieure de la plaignante à titre d’argument pour prouver qu’elle avait en fait, dans son esprit, consenti aux actes ou qu’il croyait sincèrement, mais à tort, que la plaignante y avait consenti 196.

Certaines conditions vicient automatiquement le consentement, y compris la soumission à l’activité sexuelle par peur ou en raison de l’exercice de l’autorité 197.

Selon la norme établie dans le Code criminel et par la Cour suprême du Canada, un consentement véritable peut être communiqué par la parole ou la conduite. Cependant, lorsque l’une des parties, homme ou femme, indique par quelque moyen que ce soit, verbal ou autre, qu’elle ne se sent pas à l’aise ou qu’elle fait preuve de réticence en ce qui concerne la poursuite de l’activité sexuelle, l’autre partie est dans l’obligation stricte d’obtenir le consentement avant d’aller plus loin. Bien que la Cour n’exige pas explicitement que ce consentement soit donné verbalement, dans la pratique, lorsque plane le doute et que l’on n’est pas certain si l’une des parties consent à l’activité sexuelle, la seule manière de dissiper les doutes est d’obtenir le consentement verbal.

À cet égard, la REE remarque que la question de savoir si une activité sexuelle engagée sans le consentement verbal et exprès constitue une agression sexuelle fait l’objet d’un certain débat public. Certaines universités ont ajouté à leur code de conduite pour les étudiants que, pour éliminer toute ambiguïté et tout malentendu, il faut obtenir un consentement verbal avant d’avoir des rapports sexuels 198. De l’avis de la REE, une telle exigence n’est pas réaliste et risque de faire plus de mal que de bien. Il est fortement improbable que des personnes cherchent à obtenir le consentement verbal de l’autre et qu’elles expriment leur consentement avant et pendant l’activité sexuelle, et à toutes ses étapes. Dans de nombreuses interactions consensuelles, sinon dans la majorité d’entre elles, les acteurs communiquent leur désir de participer à l’activité de manière non verbale. En créant une exigence de consentement verbal ou exprès, sans laquelle l’activité constitue une agression, on risque de criminaliser des interactions véritablement consensuelles entre des adultes autonomes. En même temps, cette exigence crée une norme qui est difficile à mettre en œuvre, et risque donc de nuire à l’objectif de protéger les individus contre des conduites réellement coercitives et abusives.

La REE est d’avis que la norme établie par la Cour suprême représente un juste équilibre entre la reconnaissance de la réalité en ce qui concerne les relations intimes entre êtres humains et le besoin d’assurer le consentement clair de tous les participants à une activité sexuelle. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas encourager la communication verbale du consentement. Bien entendu, plus les individus communiqueront clairement les uns avec les autres leur désir de participer à une activité sexuelle, plus ils réduiront les risques de malentendu et de conduite coercitive. Toutefois, la REE est préoccupée du fait qu’une règle requérant le consentement verbal dans toutes les circonstances peut aller trop loin, de sorte qu’il serait impossible d’en assurer l’observation, ce qui limiterait son utilité. Elle propose plutôt que la notion de consentement soit établie clairement dans les politiques des FAC et qu’elle soit expliquée dans le cadre d’instructions obligatoires.

En somme, la norme établie par la Cour suprême vise le même objectif que les normes sur le consentement affirmatif adoptées par de nombreuses universités. La nouvelle loi californienne définit le consentement affirmatif de la manière suivante :

  • Norme de consentement affirmatif permettant de déterminer si les deux participants à une activité sexuelle ont donné leur consentement. Le « consentement affirmatif » signifie qu’un accord affirmatif, conscient et volontaire a été donné pour la participation à une activité sexuelle. Il incombe à chaque personne participant à une activité sexuelle de veiller à ce qu’elle ait obtenu le consentement affirmatif des autres participants à l’activité sexuelle en question. L’absence de protestation ou de résistance ne constitue pas un consentement; le silence n’équivaut pas non plus au consentement. Le consentement affirmatif doit être maintenu pendant la durée de l’activité sexuelle, et il peut être révoqué à n’importe quel moment. Le fait que les personnes participant à l’activité sexuelle soient dans une relation amoureuse ne doit jamais être considéré comme un indicateur de consentement.199

L’objectif de la norme de consentement affirmatif est de modifier la manière dont les institutions voient la définition d’agression sexuelle. Au lieu de demander à la victime d’une agression si elle a dit non, un enquêteur bien formé devrait lui demander si elle a donné son consentement.

6.3.3 Consentement et consommation de boissons alcoolisées

L’influence de l’alcool ou de la drogue est particulièrement pernicieuse dans le contexte des agressions sexuelles. L’alcool et la drogue peuvent faire perdre à la plaignante ou au plaignant sa capacité de contrôle sur la prise de décisions tout en voilant l’activité sexuelle de manière à ce que la plaignante ou le plaignant semble consentir à la conduite. Comme l’a remarqué la Cour d’appel du Québec dans un arrêt qui a ensuite été confirmé par la Cour suprême :

L’agression à caractère sexuel ne revêt pas toujours le caractère hostile d’une agression au sens commun du terme. En l’espèce, l’hostilité venait de l’absence de consentement, puisque G.B. était sous l’influence de la drogue, qu’elle avait prise à son insu à la suite d’actions de [l’accusé].

R. c. Daigle (1997), 127 C.C.C. (3d) 130 au paragraphe 138 (C.A. Qué.), confirmé [1998] 1 R.C.S. 1220

En ce qui concerne la consommation d’alcool et de drogues, même si la plaignante ou le plaignant semble consentir à participer à l’activité sexuelle, il n’y a pas de consentement sur le plan juridique si les facultés de la plaignante ou du plaignant sont affaiblies au point qu’elle ou il n’est pas en mesure de donner ou de refuser son consentement pour l’activité sexuelle 200. Il convient de se demander si la plaignante ou le plaignant avait les facultés affaiblies au point où « elle n’était pas en mesure de comprendre la nature sexuelle de l’acte ou de se rendre compte qu’elle pouvait refuser d’y participer » 201.

Plus précisément, les tribunaux canadiens trouvent que la simple consommation d’alcool ne rend pas nécessairement le plaignant incapable de consentir à une activité sexuelle. L’affaiblissement des capacités n’équivaut pas à l’incapacité; de même, le fait de prendre une décision imprudente après avoir consommé de l’alcool, d’avoir eu une perte de mémoire ou une diminution d’inhibition ou de maîtrise de soi à la suite de la consommation d’alcool ne signifie pas que la personne qui a un tel comportement est incapable de consentir à une activité sexuelle 202. La REE a remarqué qu’à cet égard, le droit canadien diffère des nouveaux codes de conduite adoptés par certaines universités américaines qui indiquent que la simple consommation d’alcool peut vicier le consentement 203. En droit canadien, iI faut examiner les faits de chaque cas pour déterminer si la plaignante ou le plaignant a atteint le seuil juridique d’incapacité à donner son consentement. Les tribunaux ont statué que l’absence de consentement peut être établie à l’aide de preuves circonstancielles, notamment la quantité d’alcool ou le type de drogue consommée, la difficulté à s’exprimer, la perte de maîtrise physique (p. ex., perte d’équilibre, incapacité à contrôler ses gestes), les trous de mémoire, l’incapacité à se concentrer ou à prendre des décisions, l’indication de somnolence ou de dissociation et la perte totale d’inhibition.204

La REE est d’avis que, tout comme pour le consentement, il serait inapproprié de soumettre, pour ce qui est de l’intoxication, les membres des FAC à des critères différents que ceux qui régissent le comportement des civils en vertu du Code criminel. La règle qui régit la capacité d’une victime à la suite de la consommation d’alcool ou de drogues s’applique donc aussi aux membres des FAC 205. Cependant, compte tenu des témoignages multiples recueillis au cours de l’examen des faits, témoignages qui relataient des incidents d’agression sexuelle liés à la consommation (souvent excessive) d’alcool, les FAC doivent réviser leur approche concernant la consommation d’alcool dans le cadre d’activités liées aux FAC. Plus particulièrement, les FAC doivent remettre en question l’importance accordée à la consommation d’alcool dans le cadre d’activités obligatoires ou semi-obligatoires, car elle favorise une consommation exagérée d’alcool qui peut donner lieu à des conduites excessivement agressives auxquelles certains militaires, particulièrement les femmes militaires, sont vulnérables.

Au cours de l’examen, on a informé la REE que des modifications avaient été apportées aux politiques sur la vente et la consommation d’alcool sur la propriété des FAC. La REE ne peut que souligner l’importance pour les FAC de décourager la consommation excessive d’alcool.

6.3.4 Consentement et inégalités de pouvoir

Au cœur de la question de savoir si un individu a véritablement consenti à une activité sexuelle se situe la liberté de chacune des deux parties de participer ou non aux actes. Lorsqu’il existe une inégalité de pouvoir entre les parties, il peut être particulièrement complexe de déterminer si le consentement était véritable au moment pertinent. Comme l’a indiqué la Cour d’appel de l’Ontario dans le cadre d’une plainte de harcèlement sexuel déposée par divers employés contre leur superviseur

  • En raison de l’inégalité de pouvoir qui existe dans la relation entre une employée et son superviseur, et la perception selon laquelle une opposition au comportement d’un superviseur pourrait engendrer des conséquences, particulièrement lorsque le comportement ne vise pas précisément l’employée en question (par exemple, lorsqu’il émet des propos ou qu’il touche un autre employé, ou qu’il se dénude devant un groupe de personnes), une employée pourrait se plier à cette conduite. Dans ce type de circonstance, l’employée consent à une conduite importune parce qu’elle a le sentiment qu’elle ne peut s’objecter 206.

Il s’agit d’une préoccupation qui est particulièrement pertinente pour les FAC, puisque la chaîne de commandement et la structure organisationnelle qui la soutient sont à la base de la majorité des interactions. Les inégalités de pouvoir peuvent également survenir lorsqu’il y a une différence de grade, ce qui touche également presque toutes les interactions professionnelles et sociales. La structure d’autorité qui est inhérente à toute organisation militaire peut donc nuire fortement à la perception d’une plaignante quant aux options qui s’ouvrent réellement à elle lorsqu’elle fait l’objet d’avances sexuelles ou d’attouchements sexuels de la part d’un officier de grade supérieur. Dans le cadre de la structure de pouvoir généralisée des FAC – où un officier de grade supérieur peut décider non seulement de l’emploi d’une plaignante, mais également de son avancement professionnel, de ses mutations ou de sa participation à un déploiement –, la pression qui s’exerce sur une plaignante pour qu’elle se plie à la conduite sexuelle est bien plus grande que celle qui s’exerce sur un employé civil.

L’importance accordée à l’obéissance et à la conformité au sein de la chaîne de commandement et de la hiérarchie sociale et organisationnelle globale des FAC peut porter certains militaires subalternes (plus souvent des femmes) à croire qu’ils n’ont pas d’autre choix que de se plier aux avances sexuelles de militaires de grade supérieur (plus souvent des hommes). En effet, les participants ont remarqué que les officiers supérieurs, même les commandants, ferment parfois les yeux sur des relations fort douteuses 207. C’est précisément afin de résoudre ce type de problème que le Code criminel stipule qu’aucun consentement n’existe lorsque la personne accusée abuse de sa position d’autorité ou de son pouvoir par rapport à la plaignante ou au plaignant afin de se livrer à une activité sexuelle 208. Pour ce qui est d’établir si la personne accusée se trouve en position d’autorité ou de pouvoir par rapport à la plaignante ou au plaignant, ce sera généralement une question de fait, et ce sera déterminé au cas par cas.

6.4 Une politique unique

Tel que noté précédemment, la REE a constaté chez les participants une confusion considérable qui provient des nombreux et différents types de documents qui servent à régir les comportements sexuels interdits. Une seule politique, cohérente, couvrant tous les types de comportements sexuels interdits pourrait mieux décrire les règles à l’égard de la conduite sexuelle et fournirait une meilleure orientation aux militaires. Ceci signifierait que les règles relatives à la fraternisation, aux relations personnelles préjudiciables, au harcèlement sexuel et aux agressions sexuelles seraient englobées dans un même instrument. Cependant, puisque certaines politiques des FAC sont communes aux FAC, au MDN et à d’autres ministères, les FAC pourraient ne pas être en position d’adopter un seul document de politique qui couvre tous les comportements sexuels interdits. Néanmoins, les FAC doivent uniformiser leur manière de traiter des comportements sexuels inappropriés et inclure autant d’aspects des comportements sexuels interdits que possible dans un seul document de politique, de manière à établir des liens clairs entre les procédures et les définitions pertinentes et à rendre l’information facilement accessible pour les militaires.

Bien que tous les comportements interdits n’aient pas à faire l’objet du même processus de signalement, d’enquête, de jugement ou de sanction, le processus applicable à chaque type d’inconduite doit être clair et cohérent.

Non seulement ce changement apporterait-il un meilleur éclairage quant à la portée de la conduite interdite (et tout chevauchement possible), mais il mettrait en lumière un facteur crucial commun, mais souvent invisible, qui est à la base des relations personnelles préjudiciables, du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles : ces comportements sont souvent motivés par le pouvoir plutôt que par l’attirance sexuelle. Effectivement, même si la cible des comportements sexuels inappropriés est souvent une femme, le fait que les hommes soient aussi à risque illustre la dynamique de pouvoir qui est à l’oeuvre.

Trop souvent, dans les discussions sur les différentes formes de comportement sexuel interdit, et particulièrement sur le harcèlement sexuel, ces dynamiques de pouvoir sous-jacentes ne sont pas reconnues. Même si les causes profondes des comportements sexuels inappropriés 209 font l’objet de débats, l’élément de pouvoir est une dimension toujours présente. Pourtant, l’abus de pouvoir qui fait partie de toute conduite sexuelle malvenue n’a pas été traité à ce jour dans la notion étroite de harcèlement sexuel ou de relations personnelles préjudiciables dans les DOAD. Cette lacune dans les politiques doit être corrigée, compte tenu des répercussions psychologiques graves pour les victimes et de la responsabilité des FAC 210. En effet, le droit à l’intégrité de la personne établi à l’article 7 de la Charte protège autant des préjudices psychologiques que des préjudices physiques. Même si la question de l’abus de pouvoir a été soulevée à maintes reprises, directement et indirectement, dans les entrevues, la REE n’a pas connaissance qu’il y a présentement des discussions aux niveaux supérieurs des FAC relativement à une politique qui pourrait traiter efficacement de l’abus de pouvoir et des comportements sexuels inappropriés.

Le traitement de tous les comportements sexuels interdits dans une même politique établirait un lien clair entre ces types de conduite malvenue et les dynamiques de pouvoir sous-jacentes qui les motivent souvent. Ce lien aiderait à souligner le fait que le harcèlement sexuel et l’agression sexuelle ne peuvent se résumer à une simple question de relation de travail 211 et qu’ils ne sont pas le propre des femmes, mais qu’ils touchent l’ensemble des FAC 212.

6.5 Pistes d’amélioration

Même si un simple changement de politique n’est pas suffisant pour restreindre la prédominance des comportements sexuels inappropriés dans les FAC, il représente tout de même une première étape cruciale. Les dirigeants des FAC ont besoin de politiques robustes et réfléchies afin d’opérer un changement de culture, de punir les comportements interdits et de dissuader les agresseurs. En définissant et en traitant des comportements sexuels interdits dans un langage clair, les FAC jetteront les bases qui leur permettront d’agir pour réduire les incidents de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle et améliorer les normes de professionnalisme en vigueur dans l’organisation. Puisque la REE recommande de confier les responsabilités liées à la prévention du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles au CRHaSAS, ce centre devrait aussi prendre part à l’élaboration des politiques qui régiront ces questions.

Recommandation no 5

Avec le concours du centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle :

Élaborer une définition simple et large du harcèlement sexuel qui englobe toutes les dimensions des relations entre les militaires au sein des FAC.

Élaborer une définition du terme relation personnelle préjudiciable qui traite précisément des relations entre personnes de différents grades et qui comporte une présomption de relation personnelle préjudiciable applicable lorsque les personnes en cause détiennent des grades différents, à moins qu’elles aient divulgué la relation de manière adéquate.

Définir l’agression sexuelle dans la politique comme un attouchement de nature sexuelle, intentionnel non consensuel.

Fournir du soutien sur l’exigence du consentement, spécifiquement sur l’impact de certains facteurs sur le consentement véritable, comme l’intoxication, la différence de grade et la chaîne de commandement.

Recommandation no 6

Avec le concours du centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle, élaborer une approche unifiée portant sur les comportements sexuels inappropriés et inclure dans une seule politique rédigée en langage clair, autant d’aspects des comportements sexuels interdits que possible.

157 Groupes de discussion : femmes subalternes, femmes s/off; entrevues organisées par le coordonnateur; témoignages volontaires
158 Groupes de discussion : femmes subalternes, hommes subalternes; entrevues organisées par le coordonnateur
159 Groupes de discussion : hommes et femmes subalternes; entrevues organisées par le coordonnateur; témoignage volontaire
160 Groupe de discussion : hommes subalternes; femmes officiers subalternes; entrevues organisées par le coordonnateur
161 Entrevues organisées par le coordonnateur
162 Afin d’expliquer la dichotomie entre les deux concepts, il convient de consulter l’information présentée aux militaires au chapitre 23, section 1 du Manuel de droit administratif militaire, qui leur indique de faire la différence entre deux types de conduite : « Il importe de pouvoir faire la distinction entre les inconduites à caractère sexuel, qui présentent un aspect disciplinaire ou criminel, et le harcèlement sexuel qui, bien qu’il soit tout aussi inacceptable, est puni par des sanctions administratives. »
163 Selon l’instrument de politique, le quatrième type de comportement interdit peut être le racisme ou l’intimidation.
164 Au paragraphe 10(1) du Code des droits de la personne de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. H.19 et au paragraphe 1(1) de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, L.R.O. 1990, ch. O.1, on parle d’un comportement « importun » qui ne doit pas nécessairement être affiché à l’endroit d’une personne en particulier; l’expression « importun » est également utilisée au Nouveau-Brunswick, au paragraphe 10(1) de la Loi sur les droits de la personne, L.R.N.-B. 2011, ch. 171, et en Nouvelle-Écosse, au paragraphe 3 de la Loi sur les droits de la personne, R.S.N.S. 1989, ch. 214; au Québec, l’expression « non désiré » est utilisée au paragraphe 81.18 de la Loi sur les normes du travail, RLRQ, ch. N-1.1 tandis qu’en Saskatchewan, l’expression « inappropriate » [inconvenant] est utilisée au paragraphe 3-1(1) de la Saskatchewan Employment Act, S.S. 2014, ch. S-15.1.
165 Julie Bourgault, Le harcèlement psychologique au travail, Montreal, Wilson & Lafleur, 2006, p. 40; A. P. Aggarwal et M. M. Gupta, Sexual Harassment in the Workplace, 3e éd., Toronto et Vancouver : Butterworths, 2000, p. 120
166 Janzen c. Platy Enterprises Ltd. [1989] 1 R.C.S. 1252
167 Manuel de référence du conseiller en matière de harcèlement, p. 61
168 Groupe de discussion : femmes et hommes s/off; entrevues organisées par le coordonnateur
169 E. Goffman, Asiles : études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, Paris, Éditions de Minuit, ©1968, 1979
170 États-Unis : AR 600–20, 7-5 et 7-6, 18 March 2008; Royaume-Uni : renvoi au questionnaire fourni par les forces armées britanniques; pour les forces armées néerlandaises, renvoi à l’information fournie dans le questionnaire;, voir aussi la liste de vérification pour les politiques sur l’inconduite sexuelle sur le campus (Checklist for Campus Sexual Misconduct Policies) proposé par l’US Task Force afin de protéger les étudiants contre les agressions sexuelles, 2014;
171 Annexe B, D(G) Pers 35-4
172 Millhaven Fibres Ltd. v. Oil, Chemical & Atomic Workers Int’l Union, Local 9-670, [1967] O.L.A.A. No. 4 (Ont. Lab. Arb.)
173 Simpson v. Consumers’ Association of Canada et al, 57 O.R. (3d) 351 (Ont. C.A.) (demande d’autorisation d’interjeter appel à la CSC rejetée, [2002] CSCR no 83)
174 Groupes de discussion : femmes subalternes, hommes subalternes, femmes et hommes officiers subalternes; entrevues organisées par le coordonnateur; témoignages volontaires
175 L. Gouliquer, Soldiering in the Canadian Forces: How and Why Gender Counts, 2011, Thèse de doctorat, Département de Sociologie, Université McGill, p. 282. Il convient de noter qu’on trouve ce type d’exemples dans les politiques AR 600–20, 7-5 et 7- 6 des États-Unis et de la politique sur le respect en milieu de travail de la police de Vancouver (Respectful Workplace Policy, 4.1.11)
176 DOAD 5019-1, Mesures administrative
177 Dans l’affaire R. c. Paul et Babin, 2014 CM 2013, les ordres du commandant concernant ce qui constituait une relation personnelle interdite ont été jugés indûment vagues et l’accusation en vertu de l’article 129 de la LDN a été rejetée.
178 Groupes de discussion : femmes s/off, hommes s/off; entrevues organisées par le coordonnateur; témoignages volontaires
179 Groupes de discussion : femmes subalternes, femmes s /off; entrevues organisées par le coordonnateur
180 Groupes de discussion : femmes subalternes, hommes subalternes, femmes s/off; entrevues organisées par le coordonnateur; témoignage volontaire
181 Entrevues organisées par le coordonnateur
182 Groupes de discussion : femmes s/off; entrevues organisées par le coordonnateur
183 Entrevues organisées par le coordonnateur
184 LDN, article 92
185 LDN, article 95
186 LDN, article 129
187 Rapport final de l’autorité indépendante chargée du deuxième examen à l’honorable Peter G. MacKay, Ministre de la Défense nationale, Patrick J. LeSage, p. 20
188 Voir : Code criminel, articles 372(1), 372(2), 372(3) et 423
189 Groupes de discussion : femmes subalternes; entrevues organisées par le coordonnateur; témoignages volontaires
190 1983 (Loi modifiant le Code criminel en matière d’infractions sexuelles et d’autres infractions contre la personne et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, S.C. 1980-81-82-83, ch. 125)
191 Une agression sexuelle peut être définie come un attouchement sans consentement dans un contexte de nature sexuelle qui porte atteinte à l’intégrité sexuelle de la victime. Voir : R. c. Bernier, 119 C.C.C. (3d) 467 (confirmé par R. c. Bernier, [1998] 1 R.C.S. 975) pour la définition d’agression et R. c. Chase, [1987] 2 R.C.S. 293 pour la définition d’agression sexuelle.
192 En Ontario, la première ministre provinciale Kathleen Wynne a récemment demandé que le programme d’éducation sexuelle provincial fasse l’objet d’une révision et qu’il aborde les relations saines et la question du consentement : http://www.cbc.ca/news/canada/toronto/new-ontario-sex-ed-curriculum-will-include-consent-awareness-1.2894623; 2 février 2015
193 Projet de loi sénatorial : Senate Bill No. 967, Ch. 748; An act to add Section 67386 to the Education Code, relating to student safety. Approuvé par le gouverneur le 28 septembre 2014.
194 R. c. Ewanchuk, [1999] 1 R.C.S. 330
195 R. c. Ewanchuk, [1999] 1 R.C.S. 330, paragraphes 26 et 29
196 R. c. Ewanchuk, [1999] 1 R.C.S. 330, paragraphe 42
197 Code criminel, paragraphe 265(3)
198 On l’appelle parfois la « norme d’Antioch », selon une série de normes adoptées en 1991 par l’Université Antioch, en Ohio, qui exigeaient un consentement verbal (sans compter les « gémissements ») à chaque nouvelle étape de l’activité sexuelle.
199 Loi sénatoriale : Senate Bill No. 967, Ch. 748; An act to add Section 67386 to the Education Code, relating to student safety. Approuvée par le gouverneur le 28 septembre 2014.
200 R. v. Jensen (1996), 106 C.C.C. (3d) 430 (C.A. Ont.)
201 R. v. L.G. (2007), 228 C.C.C. (3d) 194 (C.A. Ont)
202 R. v. Jensen; R. v. J.W.M., [2004] O.J. No. 1295 (C.S.J. Ont.)
203 Par exemple, il est indiqué sur le site Web de l’Université de Notre Dame que l’accord donné sous l’influence de l’alcool ou de la drogue n’est pas considéré comme consentement et que la personne n’a pas consenti à un rapport sexuel, il s’agit d’une viol : http://oade.nd.edu/educate-yourself-alcohol/hookups/sexual-assault/; consulté le 11 février 2015
204 R. c. J.R. (2006), 40 C.R. (6th) 97 (C.S.J. Ont.), confirmé 2008 ONCA 200, 59 C.R. (6th) 158; R. c. L.G. (2007), 228 C.C.C. (3d) 194
205 Code criminel, article 273.2 et paragraphe 33.1(2)
206 Simpson v. Consumers’ Association of Canada, (2001) 57 O.R. (3d) 351, paragraphe 64
207 Groupes de discussion : femmes subalternes; témoignage volontaire
208 Le paragraphe 273.1(2) du Code criminel statue ce qui suit : Le consentement du plaignant ne se déduit pas, pour l’application des articles 271, 272 et 273, des cas où : [...] c) l’accusé l’incite à l’activité par abus de confiance ou de pouvoir.
209 L. M. Cortina et J. L. Bergdahl, « Sexual Harassment in Organizations, A decade of Research in Review », The Sage Handbook on Organizational Behaviour, chap. 25, p. 474
210 K. S. Zippel, The Politics of Sexual Harassment, 2006, p. 25; concernant la responsabilité, voir p. ex. : Vancouver (Ville) c. Ward, 2010 CSC 27, [2010] 2 R.C.S. 28
211 K. Zippel, The Politics of Sexual Harassment, 2006, p. 36
212 Groupe de discussion : femmes subalternes; entrevues organisées par le coordonnateur

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