4.0 Analyse

4.1 Intérpretation

Les données de base de l’étude de surveillance de la santé à bord du NCSM Chicoutimi montrent que les congés de maladie ou les CERM n’ont représenté que 2,0 % des jours de service des membres d’équipage avant l’incendie, les proportions étant de 2,8 % et 3,9 % dans le groupe témoin et dans l’équipe de Faslane, respectivement. Après l’incendie, toutefois, les congés de maladie et les CERM chez les membres d’équipage ont augmenté sensiblement par rapport à la proportion observée durant la période de référence ou dans le groupe témoin. De fait, les membres d’équipage ont été jugés médicalement inaptes au service en mer durant 25,9 % de leurs jours de service après l’incendie (à cause d’un congé de maladie ou d’une CERM), comparativement à des proportions de 5,4 % dans le groupe témoin et de 5,5 % dans l’équipe de Faslane.

La catégorie de diagnostics dans laquelle l’effet est le plus notable chez les membres d’équipage (en termes de nombre de sujets touchés ou de jours de congé de maladie ou de CERM) est celle des troubles psychiatriques, cette catégorie représentant près des deux tiers du nombre total de jours de congés de maladie. Dans cette catégorie, le TSPT a été le diagnostic principal, ce trouble ayant été nouvellement diagnostiqué chez 60 % des membres d’équipage après l’incendie. Le risque relatif lié à ce diagnostic a été 45 (IC à 95 % : 11, 190) chez les membres d’équipage par rapport au groupe témoin. La dépression nouvellement diagnostiquée a été observée chez 15 % des membres d’équipage, le risque relatif (RR) étant de 7,3 (IC à 95 % : 1,9, 28) par rapport au groupe témoin.

L’asthme ou l’affection respiratoire réactionnelle a été la deuxième nouvelle affection la plus souvent diagnostiquée chez l’équipage après l’incendie, avec un taux d’incidence de 21 % et un RR de 10 (IC à 95 % : 2,9, 37) par rapport au groupe témoin.

Après l’incendie, la proportion de congés de maladie ou de CERM (tous types confondus) a été 7 % plus élevée chez les membres de l’équipe de Faslane que dans le groupe témoin et, bien que le taux de référence ait été faible dans les deux groupes, il a été de 42 % plus élevé dans l’équipe de Faslane. Cet effet n’était toutefois pas suffisamment marqué pour conclure à une différence statistiquement significative entre le nombre total de jours perdus à cause de congés de maladie ou de CERM (inapte au service à bord d’un sous-marin/à quai) chez les membres de l’équipe de Faslane et chez les membres du groupe témoin.

Aucun cancer n’a été signalé chez les membres d’équipage ou au sein de l’équipe de Faslane durant la période à l’étude. Ainsi qu’il a été décrit en détail dans un rapport précédent, il a été conclu qu’il était peu probable que l’exposition des membres d’équipage augmente l’incidence de cancer au-delà des niveaux de base observés dans la population canadienne en général.Note de bas de page 8

Le parachèvement de l’Étude de surveillance de la santé à bord du NCSM Chicoutimi vient répondre à l’engagement pris par le Groupe des services de santé des FC et le conseil clinique de fournir aux membres d’équipage du NCSM Chicoutimi des réponses sur leur état de santé après l’incendie. Cette étude vient également compléter un document précédent ayant fait l’objet d’un examen par des pairs, intitulé Incendie du 5 octobre 2004 à bord du NCSM CHICOUTIMI : expositions potentielles à des produits chimiques et effets sur la santé, 16 juin 2008 (daté du 16 juin 2008).

4.2 Limites de l'étude

4.2.1 Biais et insu

Les membres d’équipage ont reçu des soins médicaux accrus durant la première année et ont fait l’objet d’un dépistage plus poussé des problèmes de santé mentale au début de 2005, alors que l’équipe de Faslane et les membres du groupe témoin ont reçu les soins habituels. Cette surveillance accrue de l’état de santé mentale des membres d’équipage pourrait toutefois avoir introduit un biais (c.-à-d. que le taux de confirmation de cas a peut-être été plus élevé chez les membres d’équipage). Les médecins qui ont dispensé les soins médicaux disposaient de données non anonymisées au moment de poser les diagnostics ou de prescrire des congés de maladie ou des CERM aux membres d’équipage (ou aux autres groupes). De même, l’extraction des données par les examinateurs et le spécialiste en médecine du travail ne s’est pas faite à l’aveugle.

4.2.2 Variabilité des diagnostics entre observateurs

Les examinateurs et le spécialiste de la médecine du travail se sont fiés à la précision des renseignements indiqués par les fournisseurs de services médicaux pour documenter tous les diagnostics médicaux présents; les normes utilisées à cette fin pouvaient toutefois varier d’un fournisseur de soins à un autre. À titre d’exemple, il est possible que des cliniciens se soient fondés sur des critères subjectifs pour diagnostiquer l’asthme ou une affection respiratoire réactionnelle, plutôt que de poser un diagnostic objectif basé sur les résultats de tests de spirométrie ou du test de provocation à la méthacholine.

Le processus de validation a révélé un taux d’exactitude moyen de 93,3 % (intervalle de 87,1 % à 98,8 %) chez les examinateurs des dossiers. Les examinateurs et le spécialiste de la médecine du travail ont dû exercer leur jugement pour extraire les données des dossiers médicaux.

4.2.3 Correction en fonction des données démographiques et du plan de l'étude

Sur le plan démographique, malgré la répartition aléatoire, certaines différences ont été observées entre les membres d’équipage et les deux autres groupes. En ce qui a trait aux affectations, les membres d’équipage ont servi à bord de sous-marins beaucoup plus longtemps que les membres du groupe témoin (p =< 0,01), et ces affectations ont représenté une proportion nettement plus grande des affectations totales (comparativement au groupe témoin; p = 0,002). Ce facteur a dû être pris en compte au moment d’interpréter les résultats de l’étude.

Pour évaluer la consommation de tabac, les sujets ont été répartis en trois catégories, soit fumeurs, anciens fumeurs et non-fumeurs. Le développement des données de manière à pouvoir utiliser le nombre de paquets-année comme mesure des antécédents de tabagisme aurait offert une méthode plus robuste pour comparer l’exposition à la fumée de tabac. Une telle méthode serait nécessaire si l’on souhaitait approfondir les données sur les diagnostics respiratoires.

La perte de sujets au suivi après leur libération avant le 31 décembre 2009 a limité les renseignements sur la santé dont disposait le spécialiste en médecine du travail pour l’ensemble de la période de cinq ans après l’incendie.

Seuls les congés de maladie d’une durée d’au moins trois jours ont été consignés. Le nombre total de jours de travail perdus par année, tous motifs confondus, pourrait fournir plus de précisions sur l’état de santé des sujets.

4.2.4 Calculs de l'efficacité statistique

La taille restreinte et fixe du groupe composé des membres d’équipage a limité l’efficacité statistique de l’étude. Il fallait donc que l’ampleur d’un effet soit importante pour pouvoir conclure que le taux d’incidence d’une affection courante différait entre le groupe témoin et les membres d’équipage. L’efficacité statistique de l’étude n’était toutefois pas suffisante pour tirer des inférences statistiques rigoureuses sur les diagnostics de faible incidence. Pour ce faire, il aurait fallu établir des comparaisons avec d’autres populations de référence, ces diagnostics pouvant n’être que le fruit du hasard comme cela peut se produire dans la population en général. Des limites comparables seraient présentes pour l’équipe de Faslane.

4.3 Développement et application possibles des données restantes

La documentation mondiale renferme peu de données recueillies avant et après un incendie à bord d’un sous-marin. Bien qu’une analyse plus poussée des données existantes ne puisse permettre, à ce stade, d’améliorer sensiblement les soins médicaux et la surveillance des membres d’équipage, ces données pourraient orienter les interventions si d’autres incidents semblables devaient survenir à l’avenir (notamment les données sur la fonction pulmonaire).

4.4 Conclusion

Les données et les résultats précisent et documentent les effets sur la santé à court et à moyen terme associés à l’incendie à bord du NCSM Chicoutimi et en donnent un aperçu. Malgré la petite taille de la cohorte des membres d’équipage, la forte incidence des diagnostics importants et cliniquement manifestes, recensés après l’incendie, a pu être statistiquement confirmée. Aucun cancer n’a été rapporté chez les membres d’équipage ou ceux de l’équipe de Faslane.

Ainsi qu’il est indiqué dans les calculs de l’efficacité statistique post-hoc présentés dans le résumé, le faible nombre de sujets dans la cohorte des membres d’équipage n’a pas permis d’établir d’inférences statistiques solides au sujet des diagnostics de faible incidence. Cette limite deviendra de plus en plus importante à mesure qu’augmentera le nombre de sujets qui quitteront l’armée et seront pris en charge par une équipe médicale civile. Toute phase subséquente de l’étude présenterait ainsi trop de difficultés d’ordre pratique et serait inefficace pour le suivi de l’équipage du NCSM Chicoutimi. Par conséquent, le suivi futur de ce groupe devrait s’inscrire dans la prestation normale de soins médicaux, dans le processus de traitement des demandes d’indemnisation d’Anciens combattants Canada ainsi que dans l’Étude permanente du cancer et de la mortalité chez les membres des Forces canadiennesNote de bas de page 9. Une telle stratégie offrirait un mécanisme de suivi plus efficace en vue de cerner et de prendre en charge les problèmes de santé ou les résultats sur la santé à long terme.

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