Conclusion - les Autochtones et l’expérience militaire canadienne

Le Capitaine Catherine Askew, une Crie de Moose Factory, en Ontario, est aumônier des Forces canadiennes.

On voit le Capitaine Catherine Askew, instructrice au Centre-école des aumôniers des Forces canadiennes, à la BFC Borden, aux côtés du Brigadier-général Stanley Johnstone, aumônier général des Forces canadiennes. Le Capitaine Askew a prononcé une prière en cri et en anglais au cours de la cérémonie de réinauguration tenue au Monument commémoratif de Vimy pour souligner le 90e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy, le 9 avril 2007. (Photo par le Cplc Jill Cooper)

La présente étude met en évidence la longue et noble tradition autochtone d’alliance avec la Couronne, de loyauté dans l’adversité et de service militaire pour la défense de la nation et de ses intérêts à l’étranger. Cette tradition s’est bâtie dès le tout début du régime français, alors que de nombreuses confédérations et tribus autochtones ont noué des alliances durables avec la Nouvelle-France. Ces alliances ont été temporairement interrompues par l’effondrement de la puissance française au Canada pendant la guerre de Sept Ans et par la Rébellion de Pontiac. Lorsque les colonies américaines se sont rebellées contre la Couronne, la Grande-Bretagne en est venue à renouer à son tour les alliances avec les peuples autochtones du Nord-Est. Les guerriers autochtones ont combattu pour leurs terres et leurs foyers jusqu’en 1815. Leur combat, en coordination avec les actions militaires britanniques, a contribué à sauver le Canada de la conquête par les armées des tout jeunes États-Unis d’Amérique.

Malgré le déclin de l’importance géostratégique du rôle militaire des peuples autochtones lié à la diminution de leur poids démographique, la tradition s’est perpétuée. Elle s’est renouvelée au XIXe siècle lors des rébellions, de la menace des Fenians et des troubles dans le Nord-Ouest. La relation militaire s’est transformée : on s’est mis à rechercher l’appui des Autochtones pour leurs habiletés individuelles particulières et leur valeur comme défenseurs des intérêts de la Couronne et comme membres de corps expéditionnaires canadiens outre-mer. L’expédition du Nil et la guerre des Boers préfigurèrent les importants services que les soldats autochtones allaient rendre aux armes canadiennes pendant les deux guerres mondiales et la guerre de Corée. Dans la dernière moitié du XXe siècle et les premières années du nouveau millénaire, de nouvelles générations de membres des Premières nations, de Métis et d’Inuits des deux sexes ont servi dans la Force régulière et la Force de réserve ainsi que dans les Rangers, au Canada et à l’étranger. Et cette fière tradition est toujours vivante aujourd’hui.

La loyauté des peuples autochtones et leur service dans l’armée sont longtemps passés à peu près inaperçus dans l’ensemble de la population canadienne, voire dans de nombreuses communautés autochtones. Ce sont d’anciens combattants autochtones qui se sont chargés de faire ressortir et reconnaître à leur juste valeur leurs sacrifices et leurs efforts pour la nation. Le déclencheur a été le controversé dossier du traitement réservé aux anciens combattants autochtones à leur retour de la guerre. Source de tensions pendant des années, cette question a largement contribué à faire mieux connaître la contribution des Autochtones sous les drapeaux. La présente histoire découle naturellement de ce regain d’intérêt, auquel elle fait écho. Il ne faut pas non plus oublier la Journée nationale des Autochtones et le jour du Souvenir qui, chaque année, permettent à tous les Canadiens de faire une pause pour réfléchir aux sacrifices que les peuples autochtones ont consentis pendant près de quatre siècles pour protéger la paix, la sécurité et la souveraineté du Canada.

À la fin des années 1990 et dans les premières années du nouveau siècle, les efforts des anciens combattants ont porté leurs fruits et ont débouché sur la création de la Table ronde nationale sur les anciens combattants des Premières nations, qui réunit des associations d’anciens combattants des Premières nations, l’Assemblée des Premières Nations, la Défense nationale, Anciens combattants Canada et Affaires indiennes et du Nord Canada pour examiner les griefs des anciens combattants autochtones. Le processus a débouché sur la reconnaissance du fait que les anciens combattants des Premières nations avaient été désavantagés relativement à l’accès aux avantages destinés aux anciens combattants, sur des excuses et sur une offre de compensation du gouvernement en 2002.

Lors de la Journée nationale des Autochtones, le 21 juin 2001, Son Excellence la très honorable Adrienne Clarkson, gouverneure générale du Canada, a présidé à Ottawa au dévoilement du Monument aux anciens combattants autochtones. Dans son allocution, elle a évoqué avec émotion l’histoire racontée dans le présent ouvrage, laquelle est résumée en peu de mots sur le Monument lui-même :

Ce monument se veut un profond et perpétuel hommage à la contribution de tous les Canadiens autochtones aux efforts de guerre et aux opérations de maintien de la paix.

Plusieurs milliers d’Autochtones subirent de dures épreuves en participant à la Première et à la Deuxième Guerre mondiale ainsi qu’à la guerre de Corée. Ils servirent avec honneur et distinction dans tous les services et à tous les rangs, depuis celui de soldat à celui de brigadier. Ils livrèrent combat outre-mer pour défendre la souveraineté et la liberté des nations alliées, et ils appuyèrent cette cause au pays. Enfin, dans les opérations de maintien de la paix à l’étranger, ils continuent de faire preuve de dévouement.

Leurs actes héroïques leurs valurent de nombreuses décorations ainsi que le respect et l’amitié de leurs camarades de guerre. Des centaines d’Autochtones, d’un bout à l’autre du pays, donnèrent leur vie afin que tous les Canadiens puissent connaître la paix et hériter de la liberté.

Nous, qui voulons suivre leur exemple, nous inclinons devant la grandeur de leur sacrifice, et leur détermination est source d’inspiration. Notre dette de reconnaissance à leur égard est immense.

Leur héritage est toujours vivant. Lorsque le capitaine Catherine Askew, aumônier anglican de la nation crie de Moose Factory, a présidé une cérémonie de dépôt de la couronne à la crête de Vimy, en avril 2007, à l’occasion du 90e anniversaire de cette célèbre bataille, elle lut sa prière en anglais et en cri. « Nous devons leur être reconnaissants pour tous les sacrifices qu’ils ont consentis et dont nous profitons encore aujourd’hui dans nos vies » [traduction], a-t-elle expliqué. Ses paroles étaient un hommage aux milliers de jeunes soldats autochtones qui avaient servi leur pays :

Eyam ahatauw
Ni moo shoo muk / noo koom muk / gitche Manitou
Ni mah moo he too nan / ah nooch / kah kee see kak
Oh tah eh may tay kwa yak
Ki keh ski see tee tak / ki chi wa shi she muk
Kee nah kah tah mook / oh ski ni pi mah ti si win
Eh koo mah kah / kee mis kah mook / un ni mah
Kah ki stat ti kook
Eh nuk keh skuk ah ni mah / ah kah kee too chi kah tek
Kee mah si kewk / kah she mas kan nuk
Puh ki te nan / kee kis ske see yak
ah kah kee chi too tah kik / moo lah kah / she nah
koon ni pun
ni pi ma ti soon ah nooch
puh ki te nan kee kis ske see yak / may koch
Ni moo shoo muk / noo koom muk / gitche Manitou
kee meen te nan / oh mah / ah noch kah kee she kak
oh mah / ah yum chi kay win
eh kway chi mi tak pi shik ki tah yun
may koch eh may tay kwa yak
oh kik kah mah shi kay chik na peh wuk
kah nee kan tay chik
kah kee shi ni kah soot ki koo sis
kah kee pah chi pam moo tat oh tay
Chi meeg-wetch, chi meeg-wetch, chi meeg-wetch.

Hi, hi.
Grands-pères, grands-mères, Divin Créateur.
Nous sommes aujourd’hui rassemblés dans cette place
d’honneur pour nous souvenir de vos enfants.
Confrontés à l’impossible,
ils ont livré une bataille qui a aidé à gagner la guerre.
Souvenons-nous que sans leur sacrifice,
nos vies ne seraient pas telles qu’elles sont aujourd’hui.
Grands-pères, grands-mères, Divin Créateur.
Nous vous transmettons aujourd’hui nos prières
et nous vous demandons d’être toujours avec nous,
car nous honorons ces guerriers qui nous ont précédés.
Au nom de votre Fils qui est descendu parmi nous.
Amen.

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