Utilisations des données de biosurveillance humaine dans l’évaluation des risques
Série de fiches de renseignements : Sujets dans l'évaluation des risques des substances en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) (LCPE)
Sur cette page
- Biosurveillance et exposition aux substances
- Enquêtes de biosurveillance
- Biosurveillance et évaluation des effets sur la santé humaine
Biosurveillance et exposition aux substances
La biosurveillance est la mesure de la présence, dans les tissus ou les liquides humains, de substances chimiques, soit les composés d'origine, leurs métabolites ou leurs produits de réaction. Les mesures se font généralement à partir de prélèvements de sang et d'urine, mais parfois de prélèvements d'autres tissus et liquides, tels que le lait d'une personne allaitante. On appelle généralement les éléments mesurés des « biomarqueurs de l'exposition ». La biosurveillance vise à estimer les niveaux d'exposition aux substances chimiques au sein d'une population. Les données de biosurveillance sont représentatives de l'exposition à la substance à partir de multiples sources. Ça comprend l'air intérieur et extérieur, le sol, la poussière, l'eau et les aliments, ou d'expositions potentielles à des produits fréquemment utilisés par les consommateurs, comme les cosmétiques et les produits de santé. Les données de biosurveillance intègrent aussi toutes les voies d'exposition (par ingestion, par voie cutanée et par inhalation). Bien que les données de biosurveillance puissent fournir une estimation de l'exposition globale à une substance, la présence de celle-ci dans le corps ne signifie pas nécessairement qu'elle a un effet nocif. De plus, l'absence d'une substance mesurée dans le sang ou l'urine ne signifie pas nécessairement que l'individu n'a pas été exposé à une substance donnée.
Les données de biosurveillance, qui indiquent la concentration d'une substance dans le liquide organique analysé, ne permettent pas d'identifier la source de l'exposition (attribution de la source) ni d'établir la durée de la présence de la substance dans l'organisme. La possibilité d'établir la durée de l'exposition est également limitée, en particulier en ce qui concerne les substances ayant une demi-vie plutôt longue. Lorsque l'on interprète et communique des données de biosurveillance, il est crucial d'examiner attentivement la méthode de recherche, la sélection de biomarqueurs, la toxicocinétique (c'est-à-dire la façon dont une substance évolue dans l'organisme en fonction des processus d'absorption, de distribution, de métabolisme et d'excrétion), la toxicologie et les populations étudiées. Lorsqu'on interprète des résultats de biosurveillance, il est important de tenir compte des niveaux naturels, des interactions métaboliques complexes ou de la difficulté d'établir une corrélation entre des concentrations mesurées de nombreux métabolites et les expositions à une substance unique.
Enquêtes de biosurveillance
Au Canada, des données de biosurveillance de la population en général sont recueillies de façon continue depuis 2007 dans le cadre de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) de Statistique Canada. Des données de biosurveillance canadiennes sont également accessibles dans diverses études de sous-populations telles que l'Étude mère-enfant sur les composés chimiques de l'environnement (MIREC), le Programme de biosurveillance de l'Alberta (en anglais seulement), l'Initiative des Premières Nations en matière de biosurveillance (FNBI) et le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord (PLCN). D'autres études de population comme la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) (en anglais seulement) des États-Unis sont également disponibles.
Biosurveillance et évaluation des effets sur la santé humaine
Lorsque l'on évalue les effets des substances sur la santé des membres de la population du Canada, on fait souvent appel à des modèles prédictifs ou à des algorithmes pour estimer leur exposition potentielle aux substances. Les mesures telles que les niveaux d'une substance dans l'environnement (air, eau, poussière) et la concentration d'une substance décelée dans des produits sont versées dans les modèles et les algorithmes. Diverses hypothèses sont utilisées lors de l'estimation de l'exposition à une substance de la population en général ou de populations vulnérables. Cela comprend des hypothèses à propos de la voie d'exposition, du taux d'absorption, de la proportion absorbée ou métabolisée, et des sources potentielles d'exposition. Ces hypothèses pourraient ajouter de l'incertitude à la caractérisation des risques, surtout pour les substances utilisées de plusieurs façons différentes. Dans certaines circonstances, l'utilisation des données de biosurveillance permet une estimation plus précise de l'exposition totale en vue de la caractérisation des risques que l'utilisation de modèles prédictifs. En outre, les données de biosurveillance intègrent la variabilité de l'exposition et de la toxicocinétique d'un individu à l'autre.
Les données de biosurveillance humaine peuvent être utilisées de plusieurs façons dans les évaluations de la santé humaine, notamment :
- pour des expositions quantitatives ou qualitatives et la caractérisation des risques
- pour suivre les tendances sur la façon dont les concentrations de substances fluctuent au sein de la population en général avec le temps
- pour cerner les sous-populations présentant des taux d'exposition plus élevés, par exemple en fonction du sexe ou de l'âge
- pour comparer les estimations d'exposition découlant de modèles prédictifs (par exemple, les doses alimentaires obtenues à partir des données de surveillance utilisées découlant des taux de consommation alimentaire)
Dans le cadre des modifications apportées à la LCPE en juin 2023, le rôle du ministre de la Santé en matière de recherche et d'études, dont les activités de biosurveillance, relativement aux effets des substances sur la santé a été ajouté à la Loi. Cela vise à aider le gouvernement à protéger le droit à un environnement sain et peut également être lié aux populations vulnérables (au sens de la LCPE). L'utilisation de données de biosurveillance pour évaluer les risques est possible s'il est déterminé qu'un biomarqueur d'exposition est spécifique et sensible, de façon que les concentrations mesurées reflètent l'exposition à la substance d'intérêt. De plus, les données de biosurveillance populationnelle générées hors du Canada peuvent aussi être utilisées. Ces données seraient évaluées au cas par cas.
Au cours des évaluations des effets sur la santé, on peut interpréter les données de biosurveillance selon des méthodes qualitatives et quantitatives, qui sont abordées ci-dessous.
Dans le cadre du programme actuel d'évaluation des risques, en ce qui a trait aux substances qui sont décelées à de très faibles concentrations dans le contexte des études de biosurveillance canadiennes et qui, par conséquent, sont considérées comme peu préoccupantes pour la santé humaine, les méthodes qualitatives sont utilisées depuis un certain temps. Cette approche a été publiée dans le document sur l'approche scientifique « Méthode fondée sur la biosurveillance 1 ».
Lorsque les données de biosurveillance indiquent une exposition potentielle de la population générale, on peut appliquer une méthode quantitative à l'évaluation des substances. Parmi les méthodes quantitatives, il y a la comparaison directe, la dosimétrie inversée et la dosimétrie prédictive, qui sont expliquées ci-dessous.
Lorsque l'on emploie la comparaison directe, si l'on sait qu'une concentration particulière dans une matrice spécifique (du sang ou de l'urine par exemple) est associée à un effet critique sur la santé, les concentrations déclarées dans les études de biosurveillance peuvent être comparées directement aux niveaux associés à cet effet critique sur la santé. De façon générale, cette méthode est peu utilisée en raison de la grande quantité de données qu'elle exige.
Lorsque l'en emploie la dosimétrie inversée (ou reconstitution de l'exposition), les données de biosurveillance, par exemple les mesures de substance en mg/l ou de quantité de créatinine en mg/g, sont converties en niveaux d'exposition externe (par exemple en mg/kg/j). Le rapport d'évaluation du triclosan fournit des détails sur l'application de la dosimétrie inversée aux estimations de l'exposition externe effectuées à l'aide de données de biosurveillance.
Lorsque l'on emploie la dosimétrie prédictive, on compare les données de biosurveillance à une valeur de biosurveillance guide basée sur la santé, telle qu'un équivalent de biosurveillance (EB). On définit l'EB comme étant la concentration (ou la plage de concentrations) d'une substance ou de ses métabolites dans une matrice biologique (sang, urine ou autre) qui est compatible avec, ou directement reliée à, une valeur d'exposition guide basée sur la santé, par exemple une dose de référence (DRf) ou une dose journalière tolérable (DJT)Note de bas de page 1. Cette méthode quantitative peut être employée lorsqu'il y a présence généralisée de la substance au sein de la population en général et qu'on peut mettre les données de biosurveillance (en tant que valeurs de remplacement des estimations de l'exposition) en rapport avec le niveau d'effet que représente un EB ou une autre valeur de biosurveillance guide basée sur la santé. On peut aussi obtenir les valeurs de biosurveillance guides basées sur la santé (par exemple les EB) utiles à la dosimétrie prédictive au moyen d'autres modèles toxicocinétiques (des modèles qui simulent le comportement de la substance une fois dans l'organisme) ou de la corrélation entre la concentration de la substance dans la matrice biologique et les doses journalières. Par exemple, dans son évaluation des risques associés à l'argent et ses composés, le gouvernement du Canada a utilisé un modèle toxicocinétique pour déterminer les EB du sang entier associés aux effets sur la santé. De même, lorsqu'il a évalué le sélénium et ses composés, il a utilisé la corrélation entre les concentrations de sélénium dans le sang entier et l'apport alimentaire pour calculer l'EB dans le sang entier. L'approche du bilan massique, une méthode simple qui s'appuie sur la fraction de la substance cible excrétée par l'organisme et sur le débit urinaire (par exemple en l/kg p.c./j), est celle qui est couramment utilisée pour l'établissement des valeurs de biosurveillance guides basées sur la santé (par exemple les EB urinaires qui ont été établis lorsque l'on a évalué le zinc et ses composés). Les détails de la méthode de dosimétrie prédictive se trouvent dans le document sur l'approche scientifique « Méthode fondée sur la biosurveillance 2 ».
En plus de l'utilisation des données de biosurveillance pour l'évaluation, le fait de suivre ces données peut également constituer un important outil de mesure de l'efficacité de la gestion des risques menée par rapport à la substance toxique. On considère comme hautement efficace la gestion des risques qui fait baisser la concentration de la substance chez les membres de la population générale, selon les données issues de la biosurveillance. Par exemple, grâce à une gestion des risques déjà en place, la concentration de plomb dans le sang des membres de la population du Canada a diminué de plus de 70 % depuis les années 1970.
Les progrès réalisés dans le domaine de la chimie analytique ont amélioré la disponibilité des données de biosurveillance humaine; plus de 500 substances sont actuellement surveillées dans diverses matrices biologiques humaines.
Notes de bas de page
- Note de bas de page 1
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Hayes et coll., 2007
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