Prise en compte des populations vulnérables dans l'évaluation des risques
Série de fiches de renseignements : Sujets relatifs aux évaluations des risques des substances en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) (LCPE)
Le gouvernement du Canada s'est engagé à améliorer la prise en compte des populations vulnérables dans l'évaluation et la gestion des substances. Les populations vulnérables sont également appelées « populations qui pourraient être touchées de façon disproportionnée ». Ce choix terminologique vise à reconnaître que bon nombre de ces populations ne sont pas intrinsèquement vulnérables, mais que leur sensibilité est plutôt associée aux circonstances de leur vie.
En 2018, le gouvernement a publié un document de consultation afin de recueillir les commentaires du public sur la définition du terme « population vulnérable » dans le contexte des activités fédérales de gestion des produits chimiques et, à la suite de la consultation, a défini la population vulnérable comme tout groupe de particuliers au sein de la population du Canada qui, en raison d'une susceptibilité accrue ou une exposition accrue, peut courir un risque accru d'effets nocifs sur la santé découlant de l'exposition à des substances. En juin 2023, des modifications ont été apportées à la LCPE, parmi lesquelles l'ajout de cette définition du terme « population vulnérable ».
Cette fiche de renseignement présente la façon dont le gouvernement, au cours de l'évaluation des substances menée en vertu de la LCPE, tient actuellement compte des populations et sous-groupes de population qui pourraient être touchées de façon disproportionnée. Le programme continuera d'élargir la prise en compte de ces sous-groupes de population à mesure que d'autres données se feront jour.
Sur cette page
- Prise en compte des sous-populations à potentiel de susceptibilité accrue
- Méthode de prise en compte des sous-populations à potentiel d'exposition accrue
- Prise en compte des populations qui pourraient être touchées de façon disproportionnée dans la caractérisation des risques
- Prochaines étapes
Prise en compte des sous-populations à potentiel de susceptibilité accrue
Lors de l'évaluation, il est important de savoir que certaines personnes sont plus susceptibles que d'autres de subir des préjudices en raison de l'exposition à des substances. Les humains peuvent être plus susceptibles aux effets nocifs des substances à certaines étapes de la vie. Ces étapes peuvent être, par exemple, lorsque des systèmes biologiques se développent, comme chez le fœtus, chez les nourrissons et les enfants, ou lorsqu'ils commencent à fonctionner moins efficacement, comme chez les personnes âgées. Certains peuvent également être plus susceptibles aux différences liées au sexe dans les caractéristiques physiques, les taux hormonaux ou les organes sexuels. Les différences dans les antécédents génétiques peuvent également influer sur la susceptibilité biologique.
Une des grandes étapes de l'évaluation des substances consiste en la collecte de renseignements, par exemple la collecte des études disponibles sur les effets sur la santé. Des essais et des études spécifiques aideront à déterminer s'il existe une susceptibilité biologique à certains stades de la vie ou s'il existe des différences entre les sexes. S'il ne dispose pas de ces renseignements pour procéder à l'évaluation, le gouvernement a recours à diverses approches pour combler les besoins en données, comme l'utilisation d'analogues et la lecture croisée.
L'évaluation des effets sur la santé tient compte de la possibilité d'une susceptibilité accrue à différentes étapes de la vie, selon les sexes ou les antécédents génétiques, et à partir des études disponibles. Elle peut comprendre la prise en compte d'effets critiques comme les troubles de la reproduction, les effets sur le développement et les effets endocriniens.
Par exemple, l'évaluation du groupe de substances des phtalates a révélé que les mâles exposés pendant le développement étaient les plus susceptibles aux effets endocriniens de l'exposition aux phtalates. Les substances ayant des modes d'action liés au système endocrinien peuvent influer sur le développement et la fonction des organes reproducteurs. Les effets observés, comme la réduction de la fertilité masculine, la féminisation des mâles et les malformations de l'appareil reproducteur masculin, différaient chez les animaux mâles en fonction de leur stade de vie, comme le développement des jeunes, la petite enfance, la puberté et l'âge adulte.
Méthode de prise en compte des sous-populations à potentiel d'exposition accrue
Certains segments de la population risquent une exposition accrue aux substances en raison de différences portant sur :
- Les caractéristiques physiques (p. ex. poids corporel, rythme respiratoire)
- Les étapes de la vie (p. ex. petite enfance, grossesse)
- Les comportements (p. ex. porter à la bouche et ingérer des articles non alimentaires, ramper)
- La culture (p. ex. régime alimentaire particulier ou consommation de produits)
- La géographie (p. ex. logement près d'installations commerciales ou industrielles)
- Le statut socioéconomique (p. ex. logement insalubre, choix d'aliments limité)
Lorsque des différences qui favorisent l'exposition se chevauchent, la vulnérabilité augmente.
Lors de l'évaluation, l'étape de la collecte d'information comprend une recherche des données susceptibles de recenser les personnes plus exposées que l'ensemble de la population canadienne. Il peut s'agir de renseignements sur la concentration d'une substance dans les aliments traditionnels ou le lait humain, les concentrations d'une substance dans l'environnement (eau, sol, air) autour des sources industrielles de rejet, ou encore la quantité de lixiviation d'une substance provenant d'un produit.
Au cours de l'évaluation de l'exposition, les estimations distinctes de l'exposition qui sont habituellement calculées pour différents groupes d'âge tiennent compte des particularités physiques et comportementales propres à chaque étape de la vie. Par exemple, les nourrissons et les enfants ingèrent une plus grande quantité de nourriture, d'eau potable, de terre et de poussière par kilogramme de poids corporel que les adultes, ce qui peut entraîner une plus grande exposition à une substance donnée. De plus, les tout-petits passent plus de temps au sol (tout en rampant ou en jouant) et ont davantage tendance à porter des produits non alimentaires à la bouche.
Parmi les autres sous-groupes de population qui pourraient, en présence d'information suffisante, être pris en compte dans l'évaluation, il y a les personnes vivant à proximité de sources de rejet de substances. Par exemple, les personnes qui vivent près de mines de métaux, de raffineries ou de centres industriels pourraient subir une exposition accrue provenant de rejets actuels ou passés dans l'environnement. Par exemple, dans l'évaluation préalable d'une substance trouvée dans l'essence, le dicyclopentadiène (DCPD), les sous-populations vivant près de stations-service ou d'installations de stockage en vrac ont été prise en compte en raison des concentrations accrues de DCPD dans l'air qu'elles respirent régulièrement. Pour certaines substances, les données sur l'exposition proviennent de chercheurs universitaires ou d'acteurs gouvernementaux ou de l'industrie qui mesurent les concentrations dans l'environnement. Pour d'autres, il est possible de prévoir les concentrations au moyen de modèles.
Pour certaines substances, l'information provenant d'études de biosurveillance (comme l'Initiative de biosurveillance des Premières Nations ou le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord) ou d'enquêtes sur les aliments et la nutrition dans les aliments prélevés dans la nature (comme l'Étude sur la nourriture, l'alimentation et l'environnement des Premières Nations) peut être utilisée pour estimer le potentiel d'exposition accrue chez les peuples autochtones.
Bien que certaines professions puissent également entraîner une exposition plus élevée, les évaluations de la LCPE n'ont jusqu'à présent pas pris en compte l'exposition professionnelle. Le gouvernement reconnaît qu'il incombe aux organismes fédéraux, provinciaux et territoriaux de santé et de sécurité au travail de coordonner la législation sur l'utilisation sécuritaire des produits chimiques en milieu de travail. Nous travaillons à appuyer cette fonction en intégrant l'information, les outils et l'expertise technique du Plan de gestion des produits chimiques et du Programme des produits dangereux utilisés au travail de Santé Canada.
Prise en compte des populations susceptibles d'être touchées de façon disproportionnée dans la caractérisation des risques
L'évaluation des substances menée en vertu de la LCPE s'appuie sur le principe du poids de la preuve et l'application du principe de précaution. Ce n'est pas parce qu'un sous-groupe de population a une susceptibilité accrue ou une exposition accrue que la population générale à une substance qu'un risque sera nécessairement identifié. Pour évaluer le risque, on met en rapport les effets critiques sur la santé (le danger) de la substance et l'exposition potentielle et l'on obtient un résultat, que l'on qualifie de marge d'exposition. L'évaluation peut comprendre des estimations pour les personnes biologiquement plus susceptibles ou qui sont soumises à une plus grande exposition. Au moment de la gestion des risques, on tiendra compte de ces risques, c'est-à-dire ceux qui auront été relevés pour les populations qui pourraient être touchées de façon disproportionnée.
Par exemple, le gouvernement a restreint l'utilisation d'une substance nouvelle, qui est un mélange de diesters de phtalate utilisé dans les plastiques. L'évaluation des risques a permis de déterminer que l'exposition des nourrissons et des enfants à cette substance contenue dans des articles pour soins (suces, tétines, jouets) pourrait avoir des effets sur leur développement et leur reproduction. Le gouvernement a donc interdit son utilisation en tant que plastifiant dans les jouets et les articles de soins pour enfants afin de prévenir ce risque.
Prochaines étapes
Le gouvernement continuera d'appuyer la recherche et la surveillance afin d'améliorer la connaissance et la compréhension des populations qui pourraient être touchées de façon disproportionnée et élaborera des approches et des outils dans le cadre des activités d'évaluation visant ces populations.