1980 à 1999 : Nouvelles perspectives, nouvelles exigences


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Un sujet de préoccupation croissante

Tout au long des années 1980 et 1990, les questions relatives à la santé dans le système correctionnel deviennent un sujet d'intérêt et de préoccupation croissants au Canada. Le nombre de cas de VIH/sida et d'hépatite-C dans les prisons fédérales et provinciales continue d'augmenter dans les années 1990. Dans les prisons fédérales, les cas signalés de VIH/sida passent de 14 en janvier 1989 à 159 en mars 1996, pour atteindre un sommet de 217 en décembre 2000. En 1998, un délinquant sur cinq qui entre dans le système carcéral fédéral fait l'objet d'un diagnostic de tuberculose – une proportion considérablement supérieure à celle de la population générale.

Le Service correctionnel du Canada (SCC) et Santé Canada collaborent pendant plusieurs années à la prévention et au contrôle de la tuberculose dans les établissements fédéraux du Canada. Leur système spécial de surveillance de la tuberculose à l'intention des détenus et du personnel est en place dans tous les pénitenciers fédéraux depuis 1998. Ce système de dépistage proactif contribue au dépistage et au traitement précoces des infections dans le but de prévenir leur propagation dans le milieu carcéral.

Satisfaire à des besoins uniques : les délinquantes

Le Rapport de 1990 du groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale – La création de choix –, a marqué un tournant de la philosophie correctionnelle pour les délinquantes.

Cette nouvelle philosophie est axée sur des principes : le pouvoir de contrôler sa vie, des choix valables et responsables, le respect et la dignité, l'environnement de soutien et la responsabilité partagée. Cette philosophie a permis de faire évoluer le dossier, notamment la fermeture de la Prison des femmes, l'élaboration de programmes expressément pour les femmes, la construction de cinq nouveaux établissements régionaux et d'un pavillon de ressourcement pour les Autochtones ainsi que l'élaboration d'une stratégie communautaire visant l'élargissement et le renforcement des programmes et des services offerts aux délinquantes mises en liberté, notamment au chapitre du logement.

En 1995, l'honorable Louise Arbour de Toronto (Ontario) - une juge de la Cour d'appel de l'Ontario - a fait enquête et rapport sur l'état et la gestion du Service correctionnel du Canada. L'enquête portait une attention particulière aux incidents qui ont eu lieu à la Prison des femmes à Kingston; les mesures et les décisions prises; les mandats; le rôle du personnel; le recours à l'isolement des délinquants. Son rapport sur ces questions est connu sous le nom du Rapport Arbour et a donné lieu à la modification de la Mission du SCC pour y comprendre la primauté du droit.

Les délinquants autochtones

Au cours de cette période, les pratiques autochtones pour lutter contre le crime et punir les délinquants, dont les pratiques de réparation et de guérison, profitent d'une reconnaissance accrue. Deux pavillons de ressourcement voient donc le jour, pour répondre aux besoins uniques des Autochtones du Canada en matière de services correctionnels. Le premier de ces établissements, le pavillon Okimaw Ohci, situé à Maple Creek en Saskatchewan, œuvre ses portes en 1995; il s'adresse aux femmes autochtones condamnées à une peine de ressort fédéral. En 1996-1997, le pavillon Pê Sâkâstêw est construit à Hobbema, en Alberta, pour accueillir des hommes.

Comme en témoigne le le rapport de mars 1987 du Groupe d'étude sur les Autochtones au sein du régime correctionnel fédéral, la perception du ministère du Solliciteur général à l'égard des Autochtones commence à changer. Selon le groupe de travail, pour que le système correctionnel soit équitable pour les Autochtones, il faut améliorer la participation de ces derniers et leur accorder un meilleur contrôle des programmes et des services qui leurs sont destinés. Le Service correctionnel du Canada a également changé : il a créé la Direction des initiatives pour les Autochtones, chargée de tisser des partenariats et de mettre sur pied des stratégies qui permettent de favoriser la réinsertion sociale des Autochtones en temps opportun et en toute sécurité.

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Les jeunes contrevenants

Face à une augmentation de la délinquance juvénile dans les années 1970, le gouvernement procède à un examen approfondi du système de justice pour les jeunes en 1984. Avant, les jeunes qui enfreignaient la loi étaient traités en qualité de « jeunes adultes » et étaient condamnés aux mêmes peines que les adultes - donc souvent des peines sévères, pour des crimes relativement mineurs. La loi est modifiée trois fois au cours des années subséquentes, pour donner suite aux critiques de la population qui estime les peines trop clémentes pour les jeunes reconnus coupables de crimes graves.

Une nouvelle mission

En 1989, le Service correctionnel du Canada (SCC) redéfinit sa mission comme suit :

Le Service correctionnel du Canada, en tant que composante du système de justice pénale et dans la reconnaissance de la primauté du droit, contribue à la protection de la société en incitant activement et en aidant les délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois, tout en exerçant sur eux un contrôle raisonnable, sûr, sécuritaire et humain.

Un document d'accompagnement donne à ceux qui travaillent au Service une orientation claire sur la façon dont ils doivent s'acquitter des responsabilités conférées au SCC. Le document contient notamment une définition de l'approche à prendre pour gérer les délinquants que le SCC prend en charge.

Au sujet des droits et des libertés

Le gouvernement du Canada dévoile avec fierté la nouvelle Charte canadienne des droits et libertés le 17 avril 1982. Fruit d'une longue réflexion et d'un long débat sur des questions d'importance sociale, la Charte reconnaît et renforce les droits de tous les citoyens, y compris les minorités et les groupes défavorisés. Au nombre des sujets traités, la Charte clarifie les pouvoirs de l'État en regard des droits des délinquants.

Que ce soit dans le contexte de la Charte ou non, le Canada commence alors à s'occuper davantage des besoins et des droits des Autochtones du pays. Pour la première fois, les revendications territoriales autochtones se soldent par des règlements importants. Ainsi, dans le cadre d'un traité, la Première nation Nisga'a obtient les droits de propriété de 2 000 km2 dans le Nord de la Colombie-Britannique. Les Inuits du delta du Mackenzie reçoivent pour leur part des terres d'une superficie de 242 000 km2 en 1984.

Au sujet des crises et des changements qui sont survenus

Au cours de l'année même où la Charte canadienne des droits et libertés entre en vigueur, le premier cas du syndrome d'immunodéficience acquise (sida) est rapporté. On sait peu de choses sur le sida à ce moment-là, outre le fait que le syndrome s'attaque au système immunitaire et devient chronique, rendant les victimes vulnérables aux infections et au cancer. Des travaux de recherche sur la transmission de la maladie et son traitement sont réalisés partout dans le monde au cours des années 1980 et 1990.

La technologie avance à pas de géant au cours de cette période. Les magnétoscopes et les ordinateurs personnels trouvent leur place dans les foyers partout au pays; ils céderont ensuite la vedette aux lecteurs de DVD et aux ordinateurs portatifs. Les téléphones cellulaires font leur apparition en grand nombre.

Toutefois, à l'aube de l'ère Internet, Mère Nature rappelle aux habitants de l'Est du Canada qu'elle n'est pas encore domptée : en 1998, une terrible tempête de verglas paralyse de grandes parties du Québec et de l'Ontario. Certaines régions sont privées d'électricité pendant des semaines. Des centaines de travailleurs de sociétés d'électricité des États-Unis viennent prêter main-forte pour réparer les dégâts causés par la catastrophe nationale la plus coûteuse dans l'histoire de l'Amérique du Nord.

La géographie même du pays change à la fin de cette époque. En 1999, un nouveau territoire appelé le Nunavut (« notre terre ») est découpé de la partie est des Territoires du Nord-Ouest – changeant de ce fait les frontières du Canada pour la première fois depuis que Terre-Neuve s'est jointe à la confédération en 1949.

Santé et bien-être

Au cours des années 1990, le nombre de cas de sida signalés au Canada continue d'augmenter – tant dans la population en général que dans la population carcérale.

Les résultats des études sur le sida dans les prisons varient grandement. Selon certaines études, un détenu sur 100 est infecté; selon d'autres, cette proportion passe à un détenu sur neuf. Toutefois, il est clair que l'incidence du sida dans les pénitenciers du Canada est supérieure à celle observée dans la population générale, dans une proportion pouvant se situer entre six fois et 70 fois.

En 1996, le document VIH/sida et prisons : rapport final est rendu public par le Réseau juridique canadien VIH/sida et la Société canadienne du sida. Les deux organismes veulent ainsi aider le Service correctionnel du Canada (SCC) et les réseaux carcéraux fédéral et provinciaux à réduire la transmission du VIH chez les détenus, dans le personnel et dans la population générale.

Naturellement, le sida n'est pas le seul sujet de préoccupation dans les pénitenciers canadiens. En 1998, le SCC met sur pied un programme général de prévention et de contrôle de la tuberculose dans tous les établissements correctionnels fédéraux. Un système actif de surveillance de la tuberculose est mis en place pour les employés et les délinquants afin de détecter et de traiter rapidement les cas d'infection – limitant ainsi la propagation de la maladie dans le réseau carcéral. La participation au système de suivi est facultative autant pour le personnel que pour les détenus.

Au cours de cette période, les établissements et les traitements ne sont pas seulement réservés aux maladies physiques. Les auteurs d'études et de rapports, remontant même à la Commission Archambault en 1938, ont exhorté le gouvernement à fournir de meilleurs services aux délinquants atteints de troubles mentaux. En 1958, le Service canadien des pénitenciers a nommé son premier psychiatre à temps plein, et les programmes de traitement à l'intention des délinquants atteints de troubles mentaux ont commencé à prendre de l'expansion. Trois centres psychiatriques régionaux – un à Abbotsford (C.-B.), un à Saskatoon et un à Kingston – ont été ouverts au début des années 1970. Le Centre psychiatrique régional œuvre ses portes à l'Université de la Saskatchewan en 1978 et conduit à des changements révolutionnaires dans le domaine des soins de santé mentale aux détenus. Le centre est agréé depuis 1984 par le Conseil canadien d'agrément des services de santé (CCASS).

Toxicomanie

La toxicomanie et le comportement criminel sont liés depuis longtemps. Quelque 80 % des hommes et des femmes qui ont des démêlés avec la justice sont aux prises avec des problèmes de dépendance à des substances intoxicantes. Aujourd'hui, la toxicomanie est considérée comme un problème de santé; il est donc crucial de repérer et de traiter les délinquants qui ont un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie pour réduire la toxicomanie et le comportement criminel futurs. Le Questionnaire informatisé sur le mode de vie (QIMV)/Questionnaire informatisé sur la toxicomanie (QIT) est un instrument d'évaluation normalisé que le Service correctionnel du Canada a adapté et mis en œuvre pour repérer les délinquants qui ont des problèmes de dépendance. Il sert à évaluer la nature et la gravité des problèmes des délinquants et à élaborer des programmes de traitement adéquats.

Le bien-être des Autochtones

En 1990, le gouvernement fédéral accepte et approuve le Rapport sur les femmes purgeant une peine fédérale, qui œuvre la voie à une nouvelle approche pour répondre aux besoins particuliers des femmes autochtones. L'ouverture du pavillon de ressourcement Okimaw Ohci en 1995 s'inscrit dans cette nouvelle approche en fournissant un environnement dans lequel les femmes autochtones peuvent entreprendre leur cheminement individuel de guérison. Le pavillon offre aux pensionnaires et au personnel un environnement très sûr et confortable, grâce à des techniques de sécurité dynamique, un personnel attentionné et la participation de membres de la collectivité.

La Commission royale d'enquête sur les Autochtones de 1991 met en lumière la gravité des problèmes avec lesquels sont aux prises les Autochtones du Canada – dont leur surreprésentation dans le système de justice pénale. Des facteurs historiques ainsi que les conditions socio-économiques ont contribué de façon importante à la présence disproportionnée des Autochtones dans les établissements correctionnels. La volonté d'assimiler les Autochtones a altéré leur mode de vie aux plans économique, politique et social. Une crise culturelle s'est ensuivie, qui est directement liée aux problèmes auxquels sont confrontées aujourd'hui les collectivités autochtones.

Afin de donner suite au rapport de la Commission, le gouvernement du Canada fait connaître en janvier 1998 le Plan d'action du Canada pour les questions autochtones. Il y présente un train de mesures pour répondre aux besoins des collectivités autochtones. Dans ce plan, le gouvernement cherche à nouer un nouveau partenariat fondé sur les principes du respect, de la reconnaissance, de la responsabilité et du partage.

Les droits des victimes

De plus en plus, on reconnaît que les victimes d'actes criminels ont des besoins particuliers sur le plan des droits de la personne. On a donc déposé un projet de loi au Parlement pour améliorer les droits des victimes. Ainsi, en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, une victime a le droit d'assister – mais pas de prendre la parole – à une audience de libération conditionnelle et de recevoir des renseignements sur le statut et les déplacements du délinquant lorsque celui-ci est sur le point d'être mis en liberté. Des modifications à la loi sont actuellement envisagées qui pourraient, par exemple, donner à la victime le droit de présenter une déclaration aux audiences de libération conditionnelle et d'avoir accès aux enregistrements sonores de ces audiences.

En 1996, le Service correctionnel du Canada a mis sur pied la Direction de la justice réparatrice et du règlement des différends afin de répondre aux nouveaux besoins découlant de la médiation entre les victimes et les délinquants et de réagir aux conflits au sein du milieu correctionnel. La justice réparatrice met l'accent sur les torts causés à une personne et à la collectivité. Les programmes portent sur la participation volontaire à des discussions entre les victimes d'actes criminels et le délinquant et, idéalement, les membres de la collectivité, le but étant de rétablir les relations, de redresser les torts causés et d'empêcher que d'autres crimes ne soient commis. Il existe maintenant différents modèles ou pratiques de justice réparatrice utilisés et adaptés un peu partout au pays.


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