Rapport de l’observateur indépendant: décès de Stéphane Bissonnette
Avertissement
L’information qui suit traite de sujets susceptibles de provoquer de la détresse. Si vous ou une personne de votre entourage avez besoin de soutien, nous vous encourageons à parler à quelqu’un. Vous trouverez des ressources sur le site canada.ca/sante-mentale.
Titre officiel : Comité d’enquête nationale sur le décès d’un détenu au Centre régional de traitement de l’Établissement de Millhaven (multi-niveaux) survenu le 17 décembre 2021.
Sur cette page
Liste des abréviations
AC
CE
CRSMRQ
DC
LSCMLC
OI
REN
SCC
SNP
SCP
SPVM
agent correctionnel
comité d'enquête
centre régional de santé mentale de la région du Québec
Directives du commissaire
Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
observateur indépendant
Réunion sur les enquêtes nationales exceptionnelle
Service correctionnel du Canada
Section des normes professionnelles
sous-commissaire principal
Service de Police de la Ville de Montréal
Sommaire
Faits saillants
Le 16 juin 2022, le Service correctionnel du Canada (SCC) a convoqué un comité d'enquête (CE) sur le décès d’un détenu survenu au Centre régional de traitement de l’établissement de Millhaven le 17 décembre 2021 afin d'assurer la responsabilité, l'obligation de rendre compte et la transparence, et d'améliorer sa capacité à contribuer à la sécurité du public, du personnel et des détenus.
Ce comité d’enquête était composé de Mike MCPHERSON, enquêteur national, direction des enquêtes sur les incidents, administration centrale, de Joanne BARTON, agente de projet en soins infirmiers, services de santé, administration centrale, en tant que membres du comité et de Kim BRISSON, en tant que membre de la communauté. Ce comité était présidé par Yvan TURCOTTE, enquêteur national, direction des enquêtes sur les incidents, administration centrale, a été nommé. Serge BROCHU agissait en tant qu'observateur indépendant (OI).
Le travail de l’observateur indépendant a commencé le 27 juin 2022. Comme les travaux du comité étaient entamés, il a pu avoir accès à toutes les entrevues alors réalisées. Le travail de l’observateur indépendant s’est poursuivi jusqu’au moment de la Réunion sur les enquêtes nationales exceptionnelle (REN) et du dépôt du rapport final, soit le 16 août 2023.
Après avoir observé les entrevues en direct ou en différé, avoir visionné les enregistrements des caméras en circuit fermé de la cellule ou de la rangée du détenu, avoir pris connaissance des documents pertinents, avoir été témoin des échanges entre les membres du comité, avoir assisté aux réunions de prédébreffage ainsi qu’aux séances de débreffage et avoir comparé les différentes versions du rapport, l’OI peut attester de la rigueur et de l’impartialité du processus d’enquête ainsi que du professionnalisme de chacun des membres du comité d’enquête national en lien avec le décès de Monsieur BISSONNETTE.
L’observateur indépendant a toutefois noté certaines pistes d’amélioration afin que les travaux des comités d’enquête nationale puissent s’effectuer de façon optimale. En ce sens, voici quatre recommandations :
- L’événement qui fait l'objet de la présente enquête a eu lieu le 17 décembre 2021, toutefois ce n’est que le 16 juin 2022 que le comité a été mis en place et que les travaux ont pu débuter. Les travaux du comité ont été suspendus durant une partie de la période estivale et ce n’est que le 16 août 2023 que le rapport fut déposé sous sa version définitive à la Réunion sur les enquêtes nationales exceptionnelle, une fois qu’il a été discuté en réunion de débreffage avec toutes les parties impliquées et revu à la rencontre des enquêtes nationales. De façon à réduire le laps de temps entre la survenu de l’événement et le dépôt du rapport final, il est recommandé de constituer plus rapidement (moins de six mois après l’événement) le comité d’enquête national, d’éviter des interruptions de travail de plus d’une semaine et d’accélérer les processus menant au dépôt du rapport final, sans pour autant sacrifier la qualité des travaux ; ceci afin de s’assurer d’obtenir un portrait le plus vérace possible de la situation qui fait l'objet d'une enquête et de pouvoir rapidement donner suite aux recommandations du comité.
- La personne décédée avait comme langue maternelle le français. Tous les membres du comité ne comprenaient pas bien le français. Bien que la constitution du comité respectât les paramètres énoncés dans la DC 041, il nous apparaît très important que tous les membres du comité puissent comprendre et s’exprimer dans la langue des personnes interviewées. Bien sûr, il peut être difficile de s’assurer que chacun des membres des comités d’évaluation nationaux soit bilingue, mais nous recommandons que, lorsqu’une enquête porte sur une personne anglophone, le SCC s’assure que tous les membres du comité sont en mesure de comprendre l’anglais. En contrepartie, nous recommandons que, lorsqu’une enquête porte sur une personne francophone, le SCC s’assure que tous les membres du comité sont en mesure de comprendre le français; dans le cas contraire, le SCC devrait s’assurer de mettre à la disposition des personnes interviewées un service de traduction.
- En lien avec la récurrence de certaines recommandations des comités d’enquête nationaux, nous encourageons le SCC à effectuer une méta-analyse des recommandations des rapports des Comités d’enquêtes nationaux pour les incidents des dix dernières années afin de faire ressortir les observations récurrentes (problèmes systémiques) et de mesurer dans quelle mesure ces recommandations ont été mises en place.
- Enfin, de façon à bien remplir son mandat, et le faire de façon optimale, sans perte de temps, nous croyons que l’observateur indépendant devrait pouvoir bénéficier d’un guide d’orientation lui permettant de l’informer des outils disponibles au SCC pour la recherche de documents; les étapes d’un processus d’enquête au SCC; le contenu de la DC 041; les lignes directrices et les normes internes propres à la direction des enquêtes et incidents; ainsi que les principes fondamentaux et les directives qui sont communiqués aux membres des comités d’enquêtes nationaux.
Par ailleurs, les membres du comité d’enquête n’ont pas eu accès au rapport du coroner (ni à la cause du décès) avant le 2 février 2023 ou au rapport de police (22 février 2023), donc bien après la fin des entrevues. Il nous apparaît crucial que les membres du comité d’enquête national aient accès à toutes les informations pertinentes et, bien sûr, les causes d’un décès en sont. Nous comprenons que les travaux du coroner ou des services de police ne sont pas de la responsabilité du SCC, mais nous l’exhortons à effectuer des pressions afin que leurs rapports soient accessibles beaucoup plus rapidement.
Introduction
Le 17 décembre 2021, vers 5 h 05, un agent correctionnel (AC) est entré dans le secteur I du Centre régional de traitement de l'Établissement de Millhaven et s'est dirigé vers la fenêtre de la cellule de M. BISSONNETTE. Il a regardé dans la cellule avec sa lampe de poche et a frappé à la fenêtre de la cellule pour tenter d'obtenir une réponse, mais en vain. Vers 5 h 06, un membre du personnel des services de santé est entré dans la rangée et a commencé une évaluation du bien-être. Vers 5 h 07, le membre du personnel des services de santé est arrivé dans la cellule de M. BISSONNETTE, en compagnie de l’AC qui a continué à essayer d'obtenir une réponse du détenu. Vers 5 h 12, la porte de la cellule de M. BISSONNETTE a été ouverte et le personnel est entré. M. BISSONNETTE [caviardée]. Un appel a été fait pour une ambulance vers 5 h 14 et la réanimation cardiorespiratoire a été initiée vers 5 h 16. Les ambulanciers sont arrivés et les mesures de réanimations ont été arrêtées à 5 h 35. À noter que le 16 décembre 2021, vers 10 h 30, M. BISSONNETTE a été traité pour [caviardée] placé dans une cellule d'observation sous surveillance modifiée. M. BISSONNETTE a commencé à présenter un comportement inhabituel tout au long de la journée et à environ 16 h 41, il semblait être dans [caviardée]. Les derniers mouvements de M. BISSONNETTE ont été observés sur l'enregistrement de la télévision en circuit fermé à environ 00 h 06 heures le 17 décembre 2021.
En réponse à cet incident, la commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC), en application des articles 19 et 20 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), a ordonné une enquête nationale.
Compte tenu de la gravité de l’incident et de l’intérêt public à l’égard de l’enquête, le SCC a nommé un observateur indépendant afin de garantir la rigueur, l’impartialité, l’intégrité et le caractère professionnel du processus d’enquête.
Afin d’atteindre les objectifs définis dans ce mandat, l’observateur indépendant a pu bénéficier d’un accès complet et sans restriction aux documents, aux entrevues, aux lieux et aux renseignements liés au comité d’enquête.
L’observateur indépendant a eu un accès direct aux membres du comité. Il a pu bénéficier d’une collaboration pleine et entière de leur part. Toutes ses requêtes ont obtenu une réponse empressée et appropriée. Le président du comité a même adopté une approche proactive afin de l’informer adéquatement des éléments pertinents et des étapes de l’enquête. Toutes les entrevues et rencontres pour lesquelles l’observateur indépendant n’était pas en mesure d’assister ont été enregistrées afin qu’il puisse prendre connaissance des propos échangés.
Une description complète du protocole figure à l’annexe A – Mandat de l’observateur indépendant dans le cas de M. BISSONNETTE.
Méthodologie/approche adoptée par l’observateur indépendant
Afin de remplir le mandat d’observateur indépendant, les tâches suivantes ont été accomplies :
- Le visionnement des enregistrements des caméras de la cellule de Monsieur BISSONNETTE et de la rangée où était située sa cellule pour la journée de son décès;
- Le visionnement de la rencontre préliminaire des membres du comité, le 10 juin 2022;
- Le visionnement de la rencontre initiale avec les divers représentants des employés ainsi que celle avec les gestionnaires impliqués, toutes deux réalisées le 22 juin 2022;
- Le visionnement des rencontres avec les 49 personnes interviewées. Pour la majorité d’entre elles, il s’agissait d’observation directe via Microsoft Teams (caméra et micro fermés, après un court mot d’introduction). Toutefois, les entrevues menées avant la signature du contrat (3) et lors de conflits d’horaire (4) ont dû être visionnées en différé;
- La participation aux rencontres de débreffage post-entrevues;
- La visite du centre régional de traitement de l’établissement de Millhaven et la consultation des dossiers institutionnels de Monsieur BISSONNETTE, le 27 septembre 2022;
- L’observation de la rencontre de travail pour la rédaction des recommandations, le 28 septembre 2022 (en direct) et 21 octobre (en différé);
- La lecture de tous les échanges de courriels entre les membres du comité ou en lien avec la rédaction du rapport du comité;
- La lecture des modifications apportées au rapport lors des différentes itérations;
- La participation (caméra et micro fermés) à la rencontre de débreffage avec les gestionnaires locaux impliqués (le 18 novembre 2022), la rencontre prédébreffage (le 7 février 2023)
- Le visionnement de la rencontre avec les gestionnaires portant sur les recommandations (21 décembre 2022);
- La lecture de tous les échanges courriel avec les parties prenantes en lien avec les recommandations du rapport;
- La lecture des lois, règlements et directives du commissaire pertinent à l’enquête;
- La lecture du rapport de situation du directeur d’établissement – Incidents en établissement;
- La lecture d’autres documents pertinents (voir la liste des références);
- La participation (caméra et micro fermés) à la rencontre de prédébreffage (12 avril 2023) avec l’équipe de la Direction des enquêtes sur les incidents;
- Le visionnement de la rencontre de débreffage national (26 avril 2023);
- Le visionnement de la rencontre postdébreffage national (26 avril 2023);
- La participation à la réunion sur les enquêtes nationales exceptionnelle (16 août 2023); et
- La comparaison des différentes versions du rapport d’enquête.
Évaluation de l’observateur indépendant
D’entrée de jeu, mentionnons que nos observations nous permettent d’affirmer que les entrevues menées par le comité d’enquête nationale se sont déroulées selon l’énoncé de valeurs du SCC (DC 001). Ainsi, nous pouvons affirmer que celles-ci furent conduites avec respect, justice et professionnalisme. Nous reviendrons sur ces éléments en traitant plus spécifiquement de la rigueur du processus, de son impartialité et de l’intégrité du processus.
Notre évaluation du processus d’enquête s’appuie principalement sur la directive du commissaire 041 ainsi que les lignes directrices et les normes internes de la Direction des enquêtes sur les incidents (DEI) et de la Section des normes professionnelles (SNP).
Rappelons que la DC 041qui a pour but de :
Veiller à ce que le Service correctionnel du Canada prenne des mesures appropriées à la suite d’un incident
Veiller à ce que l’examen et les pratiques organisationnelles lorsqu’il y a lieu et que les recommandations/constatations principales provenant de ces rapports soient communiquées afin d’éviter que des incidents semblables se reproduisent dans l’avenir
Veiller à ce qu’un examen de la qualité des soins soit mené lorsqu’un détenu décède de causes naturelles dans une installation du SCC, excluant les centres correctionnels communautaires.
Rigueur du processus du comité d’enquête
La rigueur du processus d’enquête est définie dans la Directive du commissaire 041.
D’entrée de jeu, mentionnons que la composition du comité d’enquête respecte les articles 21 à 29 de la DC 041.
Les membres du comité d’enquête cumulaient une solide expérience au sein du SCC et leur expertise couvrait l’ensemble des dimensions importantes, permettant ainsi de bien saisir les enjeux liés au présent mandat. Ainsi, les membres avaient tous une bonne expérience en tant qu’enquêteur. Le président, un psychologue, a travaillé au centre régional de santé mentale de la région du Québec (conformément à l’article 26 de la DC 041). Madame BARTON, une infirmière, a œuvré à Millhaven ainsi qu’à l’administration centrale (conformément à l’article 26 de la DC 041). Elle a permis au comité d’identifier, de localiser et de comprendre des documents importants pour les travaux du comité. Monsieur MCPHERSON cumule de solides expériences au niveau des opérations et en tant que gestionnaire au SCC; il connaît bien les éléments et les enjeux liés à la sécurité et aux opérations. Madame Kim BRISSON, membre de la collectivité (article 24; DC 041), cumule de solides expériences terrain avec des contrevenants et présente bien les questionnements qui pourraient germer de la communauté. Les membres du comité connaissaient bien le SCC, ses procédures, ses politiques, sa culture et sa dynamique. Entre autres, ils comprenaient bien les questions relatives à l’évaluation des niveaux de risque et de gestion des délinquants. Somme toute, ils connaissaient et comprenaient très bien l’organisation sur laquelle ils enquêtaient.
Monsieur TURCOTTE et Madame BRISSON sont parfaitement bilingues. Madame BARTON comprend et s’exprime un peu en français alors que Monsieur MCPHERSON ne comprend ni ne parle le français. La composition du comité respecte donc les directives de l’article 22 de la DC 041 stipulant que :
Lorsqu’on s’apprête à tenir une enquête dans une région désignée bilingue, au moins un membre du comité d’enquête sera bilingue. Tous les efforts seront déployés pour que le comité compte deux membres bilingues.
Les membres du comité ont été relevés de leurs fonctions habituelles le temps nécessaire pour conduire l’enquête et la rédaction du rapport (article 29 de la DC 041). Le SCC a mis à la disposition du comité les ressources suffisantes pour l’enquête.
Selon notre compréhension, les membres du comité étaient bien informés et conscients de la portée de leur mandat d’enquête et les travaux du comité furent menés en respect des paramètres établis dans ce mandat. Chacune des neuf dimensions mentionnées dans l’ordre de convocations a été analysée avec attention et fait l’objet du rapport. Le président et les membres du comité ont recensé, rassemblé et analysé les éléments pertinents à l’enquête. Ils ont identifié, contacté et rencontré toutes les personnes connues pouvant détenir des informations pertinentes à l’enquête. Les membres du comité posaient des questions appropriées, légitimes et adéquates aux personnes interviewées.
Les recommandations apparaissant dans le rapport du comité sont bien soutenues par des faits/preuves recueillis durant les travaux et présentés de façon claire. Ces faits s’appuyaient sur les entrevues réalisées ou les documents consultés. Toutes les modifications apportées au rapport ont reçu l’approbation de tous les membres.
Bien que l’enquête constituât un long processus, tous les membres du comité sont demeurés très investis dans leur rôle, tout au long de son développement. Chacun des membres avait à cœur d’améliorer les façons de faire du SCC afin qu’une situation similaire à celle menant au décès de Monsieur BISSONNETTE ne se reproduise plus.
En somme, l’observateur indépendant peut témoigner du sérieux et de l’exhaustivité de l’enquête. Le comité d’enquête a tenu compte de tous les éléments probants portés à son attention. Les membres du comité ont fait un travail rigoureux, et ce dans une atmosphère de collaboration, afin d’analyser, sous tous ses angles, le cas qui leur a été attribué.
Impartialité du processus d’enquête
L’impartialité réfère à l’absence de préjugé et de parti pris.
Les membres du comité, sauf le membre issu de la communauté, étaient des employés du SCC. Toutefois, aucun membre ne s’est trouvé en situation réelle ou apparente de conflit d’intérêts, outre leur lien d’emploi. Dans les circonstances, nous attestions que l’enquête fut menée de façon aussi indépendante que possible.
Les membres du comité cumulaient de longues expériences en lien avec le cas qui fait l'objet de la présente enquête. Ils ont pu ainsi cerner et analyser tous les points pertinents à l’enquête. Ils ont fait preuve d’ouverture d’esprit tout au long du processus. L’enquête n’a pas été menée de façon à obtenir des résultats prédéterminés. Les recommandations ne se sont fondées que sur les éléments de preuve/faits, sans en négliger aucun. À notre connaissance, aucun élément n’a été systématiquement dissimulé.
Les membres du comité d’enquête n’ont été l’objet d’aucune influence indue portée à l’attention de l’observateur indépendant dans le but de modifier ou de changer leurs faits à l’appui ou leurs recommandations. Bien sûr, les personnes susceptibles d’être touchées par les recommandations du comité ont eu la possibilité de les commenter avant qu’elles ne soient rédigées dans leur formulation définitive, le contraire aurait été inéquitable à leur égard, mais cela n’a pas entravé l’impartialité du processus.
Il nous est donc possible d’affirmer que le processus d’enquête s’est déroulé en cohérence avec les normes de contrôle de qualité de la DEI. Il a été réalisé avec justice et équité, de façon impartiale, sans parti pris et sans préjugés.
Caractère professionnel et intégrité du processus du comité d’enquête
a) Caractère professionnel du processus du comité d’enquête
Toutes les entrevues et les interactions/communications avec les parties concernées et les intervenants, sous forme verbale et écrite, se sont effectuées de manière courtoise respectueuse et en temps opportun étant donné que le mandat ne fut confié au comité d’enquête national qu’en juin 2022, soit près de six mois après les événements.
Toutes les personnes interviewées dans le cadre de la présente enquête ont été informées par le président du comité de la protection que leur assure l’article 13 de la Loi sur les enquêtes (article 33a de la DC 041).
Les membres et le président ont travaillé ensemble dans un esprit collégial d’ouverture, d’honnêteté et de transparence.
De l’avis de l’observateur indépendant, tous les membres du comité d’enquête ont respecté le Code de valeurs et d’éthique du secteur public. Les membres du comité ont toujours eu des rapports respectueux et équitables avec les membres du personnel du SCC et de la communauté. Entre autres, chacun des membres, et notamment le président, démontrait une attitude bienveillante envers les personnes interviewées. Il mentionnait qu’il comprenait que la situation qui fait l'objet de la présente enquête avait été difficile et que les questions des membres du comité pourraient faire renaître un malaise. Il mentionnait que les services d’aide au personnel leur étaient accessibles, si un besoin se faisait sentir. Chacun des membres était très à l’écoute des propos rapportés par les personnes interviewées. Somme toute, l’observateur indépendant peut témoigner professionnalisme de chacun des membres du comité et du caractère professionnel du processus d’enquête.
b) Intégrité du processus d’enquête
L’intégrité réfère à l’état de quelque chose qui demeure intact, entier.
Avant de remettre son rapport définitif, le comité d’enquête a organisé des rencontres de débreffage au niveau local, régional et national conformément à l’article 44 de la DC 041.
Le rapport fut également l’objet d’un examen attentif de la part du personnel de la Direction des enquêtes sur les incidents avant son dépôt auprès des autorités régionales et nationales. Les commentaires de la part du personnel de la DEI ont été communiqués et discutés avec le président du comité lors d’une rencontre de prédébreffage. Nous avons assisté (caméra et micro fermés) à cette rencontre de prédébreffage. Les commentaires formulés consistaient généralement en des demandes ou des suggestions d’éclaircissement qui ne changeaient en rien la nature des observations ou des recommandations. Néanmoins, une recommandation (no. 2 – qualité des patrouilles) contenue dans le rapport fut l’objet d’une discussion plus vive. Cette discussion porta essentiellement sur la meilleure façon de libeller cette recommandation afin qu’elle puisse être acceptée par les hautes autorités du SCC et mise en œuvre. Dans ce cas et ce, pour toutes les observations ou recommandations, le président et les membres du comité demeuraient libres d’accepter ou non les suggestions de modifications formulées par le personnel de la DEI. La directrice fut très claire; le comité d’enquête conservait toute la latitude pour maintenir ou non le libellé de leurs recommandations telles qu’elles ont été initialement formulées.
La rencontre de débreffage nationale (26 avril) a donné l’occasion à la haute direction du SCC de poser des questions de clarification, de discuter avec les membres du comité d’enquête et de présenter leurs réactions au rapport ainsi que leurs points de vue, parfois en désaccord avec certaines recommandations. Encore une fois, la recommandation no. 2 (qualité des patrouilles) fut longuement discutée. Ces discussions portaient, entre autres, sur la définition d’une patrouille de qualité et des indicateurs pour la mesurer. De même, certains participants croyaient qu’il s’agissant davantage d’un problème de conformité que d’une lacune au niveau des politiques. Certains membres de la direction ne semblaient pas en accord avec le libellé de cette recommandation et fournissaient des passages alternatifs, mais le président a maintenu une consistance dans ses propos tout au long de la discussion afin de maintenir le message intrinsèque, l’esprit même de la recommandation du comité. Il a néanmoins accepté de revoir la recommandation 2 à la lumière de la discussion.
La recommandation no. 5 fut également longuement discutée. Encore une fois, le président a écouté les arguments présentés, a accepté de modifier le libellé de la recommandation si nécessaire tout en maintenant le cap sur le message essentiel de la recommandation. D’autres recommandations furent discutées moins longuement. Les recommandations qui suscitaient le plus de réactions semblaient celles qui demandaient une modification au niveau des politiques nationales (directives du Commissaire).
Une rencontre postdébreffage national, avec les membres du comité, s’est déroulée le 26 avril 2023, à la fin de la rencontre de débreffage national. L’ensemble des membres ont alors donné leur appui aux positions prises par le président lors de la rencontre précédente. Dans les jours qui ont suivi, le président a retravaillé certaines sections du rapport, entre autres la recommandation no. 2 et les changements apportés (en suivi de modifications) ont été acceptés par chacun des membres. De l’avis de l’observateur indépendant, le changement apporté au libellé n’affecte en rien le message initial.
En réponse à la rencontre de débreffage nationale, une recommandation a été retirée (recommandation initiale 7), car elle recoupait deux recommandations précédentes (recommandations 5 et 6), mais les faits soutenant cette recommandation sont demeurés dans le rapport afin de les exposer clairement.
En somme, les discussions lors de la rencontre de debreffage national, bien qu’elles aient donné lieu à quelques avis de la part des membres de la haute direction du SCC, n’ont pas eu pour effet de menacer l’intégrité des recommandations du comité. Lorsque des modifications ont été apportées au libellé d’une recommandation (très peu), ce fut fait avec un souci de préserver son essence et sans la diluer, et ce, avec l’accord de tous les membres du comité. En ce sens, nous pouvons affirmer que la haute direction du SCC n’a pas exercé de pression indue afin de modifier les recommandations ou les observations contenues dans le rapport.
Il nous est donc possible d’affirmer que tout le processus d’enquête s’est déroulé de façon intègre.
Principales observations et recommandations
Maintenant que la rigueur, l’impartialité et le professionnalisme des travaux du comité d’enquête ont été établis, prenons quelques instants pour analyser les façons dont le processus pourrait être amélioré.
Début et durée des travaux
Dans le protocole de l’observatrice indépendante qu’elle a développé, Lafontaine (2016) mentionne que la célérité constitue un indicateur important de l’application cohérente d’un processus d’enquête rigoureux. Effectivement, avec le temps, les souvenirs deviennent moins précis ou peuvent devenir confus. Des documents peuvent être plus difficiles à identifier ou localiser (égarés, corrompus ou écrasés). Des membres du personnel peuvent avoir démissionné. Des codétenus peuvent avoir été libérés et difficiles à retracer. Ce n’est que le 16 juin 2022, que le Service correctionnel du Canada (SCC) a convoqué le comité d'enquête (CE), soit six mois après le décès de Monsieur BISSONNETTE et le rapport final a été déposé lors de la réunion sur les enquêtes nationales exceptionnelle le 16 août 2023, une fois qu’il avait été discuté en réunion de débreffage avec toutes les parties impliquées et revu à la rencontre des enquêtes nationales, soit 20 mois suivants l’événement. Pour le début des travaux, nous comprenons qu’il est préférable que l’enquête nationale se déroule à la suite de l’enquête disciplinaire afin de ne pas contaminer les deux processus. Toutefois, il nous apparaît que ce temps accordé est très long et ne satisfait pas le critère de célérité énoncé plus tôt.
La Directive du Commissaire 041 présente une section portant sur les échéances (articles 11 et 12). Il est indiqué que les enquêtes nationales
…devraient être achevées et prêtes à soumettre à l’examen du Comité de direction dans les six mois suivant la date de l’ordre de convocation. Toutefois, dans le cas d’enquête plus complexes… le sous-commissaire principal peut prolonger la durée de l’enquête au-delà du délai établi P.5
On peut comprendre que l’enquête actuelle peut être identifiée comme une enquête complexe (par exemple : incident notoire), mais avec un délai de plus d’une année entre la date de l’ordre de convocation et la date du dépôt du rapport lors de la réunion sur les enquêtes nationales exceptionnelle, il est clair que le délai prescrit a été largement dépassé. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce long délai.
Entre autres, une pause estivale s’est immiscée au cœur des travaux du comité. Toute longue pause comporte des risques (entre autres, une difficulté à se remémorer avec vivacité le contenu des rencontres effectuées avant ladite pause). Il est recommandé d’effectuer les entrevues dans un seul bloc sans pause de plus d’une semaine.
Enfin, il nous importe de mentionner que, pour donner suite au dépôt d’une première version du rapport, un long processus d’échanges avec les parties prenantes et les gestionnaires, de contrôle de qualité et de débreffage s’est déployé. Bien que nous comprenions la nécessité de chacune de ces étapes, il nous apparaît que le processus dans son ensemble est beaucoup trop long et devrait être raccourci afin de permettre la mise en place des recommandations dans des délais raisonnables.
Par ailleurs, les articles 11 et 12 de la DC 041 ne fournissent aucune quant au début des travaux du comité. Nous recommandons d’ajouter un article portant sur les délais maxima pour l’émission de l’ordre de convocation. Selon nous, ce délai ne devrait pas dépasser trois mois.
Bilinguisme des membres du comité
Il a été mentionné plus tôt qu’un membre du comité comprenait et s’exprimait difficilement en français alors qu’un autre ne comprenait ni ne pouvait s’exprimer en français. Toutefois, la composition du comité respectait l’article 22 de la DC 041.
Le président du comité demandait invariablement aux personnes rencontrées de choisir leur langue de préférence pour l’entrevue (article 30 de la DC 041). Toutefois, lorsque la personne interviewée mentionnait qu’elle préférait s’exprimer en français, certains membres ne pouvaient pas suivre la conversation (entre autres, pour l’entrevue avec [caviardée]). Dans d’autres circonstances (rencontre avec un ami de la personne décédée), l’entrevue a débuté en français, mais après s’être rendu compte que certains membres pouvaient éprouver de la difficulté à comprendre le français, la personne interviewée a préféré s’exprimer en anglais dans le but de bien se faire comprendre par chacun des membres du comité. Lors de l’entrevue avec [caviardée] le président du comité lui demande, comme il le fait pour toutes les entrevues, en quelle langue il veut que la rencontre se déroule. Cette personne, un francophone, demande alors si tous les membres du comité comprennent bien le français. Comme on l’informe que ce n’est pas le cas, il dit qu’il préfère donc parler en anglais afin de se faire comprendre par tous les membres. Comme il ne maîtrisait pas bien l’anglais, il alternait entre le français et un anglais approximatif. En une occasion, le président a senti l’obligation de résumer la conversation en français afin de s’assurer qu’il avait bien compris les propos tenus en anglais par la personne interviewée. Un membre du comité a demandé de répéter une des explications en français, car elle avait mal compris certains éléments qui lui semblaient importants.
Il nous apparaît très important que toutes les personnes rencontrées dans le cadre d’un comité d’enquête national se sentent entendues et comprises, par tous les membres du comité, dans l’une des deux langues officielles du Canada, leur langue maternelle. C’est d’ailleurs le principe qui sous-tend l’article 30 de la DC 041.
Pour des raisons évidentes, l’obligation de s’exprimer dans l’une des deux langues officielles que l’on ne maîtrise pas, afin de tenter de bien se faire comprendre par tous les membres du comité, pose un problème. Il n’est pas normal, au Canada, que certaines personnes se sentent obligées de s’exprimer dans une des deux langues officielles qui n’est pas la sienne et qu’elles ne maîtrisent pas bien.
Le SCC doit maintenant faire un pas de plus afin de s’assurer que tous les membres du comité sont en mesure de comprendre les propos des personnes interviewées. Ainsi, nous recommandons de modifier l’article 22 de la DC 041 pour exiger que lorsqu’une enquête porte sur une personne anglophone, le SCC s’assure que tous les membres du comité sont en mesure de comprendre l’anglais; en contrepartie, lorsque l’enquête porte sur une personne francophone, le SCC doit s’assurer que tous les membres du comité sont en mesure de comprendre le français. Lorsque tous les membres ne sont pas en mesure de comprendre les propos tenus dans la langue qui n’est pas la leur, un service de traduction devrait être offert.
Récurrence des recommandations des comités d’enquête nationaux
Un des buts des enquêtes sur les incidents (DC - 041) est de :
Veiller à ce que l’examen et l’analyse des rapports d’enquête influencent les politiques et les pratiques organisationnelles lorsqu’il y a lieu et que les recommandations/constatations principales provenant de ces rapports soient communiquées afin d’éviter que des incidents semblables se reproduisent dans l’avenir.
Cormier, Jones et Leonardi (2019) écrivaient, dans leur rapport du cinquième comité d’examen indépendant sur les décès de causes non naturelles survenus en établissement que :
…il nous apparaît important que les nombreux éléments de non-conformité constatés ne soient pas négligés au cours du processus. Ces cas illustrent la nécessité d’éplucher les rapports des comités d’enquête pour dégager les éléments de non-conformité récurrents et les analyser, de sorte que l’organisation soit au fait des éventuels problèmes systémiques. L’organisation pourrait ainsi tirer parti de l’ensemble des travaux des comités d’enquête et prendre les mesures qui s’imposent, et ce faisant, mieux assumer sa responsabilité dans ce domaine primordial que sont les décès de causes non naturelles en établissement. Pp. 155-156
Plus loin, les auteurs poursuivent :
Le manque répété de conformité commence à devenir un problème systémique et érode la confiance accordée au SCC dans son ensemble et à la DEI pour ce qui est de mener des enquêtes indépendantes et impartiales. Pp. 166-167
Il nous apparaît que des mentions de non-conformité et des recommandations similaires à celles qui se trouvent dans le rapport portant sur le décès de Monsieur BISSONNETTE (entre autres sur la qualité des patrouilles de sécurité) ont déjà été apportées à plusieurs occasions lors de comités antérieurs, et ce sans réelle suite probante. De telles observations/recommandations répétées, mais sans suite convaincante, pourraient produire un biais cognitif chez les membres d’un comité d’enquête ou le personnel de la DEI. En effet, ceux-ci pourraient juger inutile de réitérer une énième fois un même élément de non-conformité ou une même recommandation, devenir complaisants ou diluer une recommandation afin qu’elle devienne « acceptable » aux regards des hautes autorités carcérales.
Nous encourageons le SCC à effectuer une méta-analyse des observations de non-conformité et des recommandations des rapports des Comités d’enquêtes nationaux pour les incidents des dix dernières années afin de faire ressortir les récurrences, d’analyser la présence possible de problèmes systémiques et de mesurer dans quelle mesure des solutions efficaces ont été mises en place et ce, afin de s’assurer que les buts de la DC 041 soient entièrement respectés.
En ce sens, nous appuyons la recommandation 30 du cinquième comité d’examen indépendant sur les décès de causes non naturelles survenus en établissement :
Que la direction des enquêtes sur les incidents élabore un rapport thématique mettant l’accent sur les rapports des comités d’enquête sur les décès survenus en établissement pour déterminer s’il existe des tendances et/ou de possibles problèmes systémiques liés à la conformité. Selon le résultat de présent examen, il pourrait s’avérer approprié d’inclure ce sujet dans le cadre du mandat d’un futur comité d’examen indépendant. P. 168
Accès à toutes les informations pertinentes
Les membres du comité d’enquête n’ont pas eu accès au rapport du coroner avant le 2 février 2023, donc bien après la fin des entrevues. De plus, le rapport n’indiquait pas la cause du décès. Les membres du comité n’ont donc pas pu poser des questions spécifiques en lien avec la cause précise du décès de Monsieur BISSONNETTE. Les membres du comité, et entre autres le président, ont toutefois déposé des demandes répétées afin de recevoir le rapport du coroner.
De même, le rapport de police n’a pas été reçu à temps (reçu le 22 février 2023) pour l’utiliser lors des entrevues. Toutefois, ce rapport indiquait qu’il n’y avait pas d’éléments criminels suspectés en lien avec ce décès.
Dans le cas qui nous intéresse, il ne semble pas que le décès soit dû à une surdose ou un autre élément criminel; aussi la lecture des conclusions du rapport du coroner ou du rapport de police n’aurait rien changé au déroulement des entrevues. Toutefois, en d’autres circonstances, entre autres si la cause du décès avait pu être en lien avec un effet synergétique prouvé entre la prise de médicaments psychotropes et l’usage de substances illicites, les questions posées à certaines personnes interviewées auraient pu être différentes.
Il nous apparaît crucial que les membres du comité d’enquête national aient accès à toutes les informations pertinentes et, bien sûr, les causes d’un décès en sont. Nous sommes bien conscients que les travaux du coroner ou des services de police, ainsi que leurs échéances, ne sont pas de la responsabilité du SCC, mais nous l’exhortons à effectuer des pressions afin que leurs rapports soient accessibles beaucoup plus rapidement.
Par ailleurs, l’observateur indépendant n’a bénéficié d’aucune séance d’introduction ou de formation formelle avant son entrée en poste. Il devait, par lui-même, tenter de trouver quels étaient les documents pertinents et à quels endroits ils se trouvaient afin de les consulter. Il a toutefois bénéficié d’un très bon accompagnement de la part du président du comité qui s’est rendu disponible pour répondre à toutes ses questions, ainsi que du personnel de la DEI. De façon à bien remplir son mandat, et le faire de façon optimale, sans perte de temps, l’observateur indépendant devrait pouvoir bénéficier d’un guide d’orientation portant sur :
- Les outils disponibles au SCC pour la recherche de documents;
- Les étapes d’un processus d’enquête au SCC;
- La DC 041;
- Les lignes directrices et les normes internes propres à la direction des enquêtes et incidents; et
- Les principes fondamentaux et les directives qui sont communiqués aux membres des comités d’enquêtes nationaux.
Autres remarques (le cas échéant)
Une entrevue s’est déroulée dans un lieu où il était très difficile de bien entendre les propos de la personne interviewée. Bien plus, l’un des membres du comité a partagé un doute sur la confidentialité des propos qui pouvaient être révélés dans cette salle. Le SCC doit porter une attention particulière au maintien de la confidentialité des propos recueillis lors de ses comités d’enquête. Entre autres, il devrait s’assurer que les salles où se déroulent les entrevues sont suffisamment insonorisées et à l’abri des regards indiscrets.
Conclusion
Après avoir visionné les enregistrements des caméras en circuit fermé de la cellule et de la rangée du détenu la journée de son décès, avoir assisté aux entrevues du comité d’enquête en direct ou en différé, avoir pris connaissance des documents pertinents et avoir assisté aux rencontres de prédébreffage et de débreffage, l’observateur indépendant peut attester de la rigueur, de l’impartialité du processus ainsi que du professionnalisme de chacun des membres du comité d’enquête national en lien avec le décès de Monsieur BISSONNETTE.
En effet, les membres du comité d’enquête cumulaient une solide expérience au sein du SCC et leurs expertises couvraient l’ensemble des dimensions importantes pour bien comprendre les enjeux associés à leur mandat. Chacune des neuf dimensions mentionnées dans l’ordre de convocations a été analysée avec attention et fait l’objet du rapport. Les membres du comité ont identifié, contacté et rencontré toutes les personnes connues pouvant détenir des informations pertinentes à l’enquête. Les membres posaient des questions pertinentes, légitimes et adéquates aux personnes interviewées. Les recommandations du comité sont bien appuyées sur des faits recueillis durant les travaux et présentés de façon soignée.
L’observateur indépendant est en mesure de témoigner de l’absence de préjugé de la part des membres du comité d’enquête, de l’équipe de soutien au comité d’enquête et de la DEI. Les membres du comité, sauf le membre issu de la communauté, étaient des employés du SCC. Toutefois, aucun membre ne s’est trouvé en situation réelle ou apparente de conflit d’intérêts, outre leur lien d’emploi. L’enquête n’a pas été menée de façon à obtenir des résultats prédéterminés. Les recommandations ne se sont appuyées que sur les éléments de preuve/faits, sans en négliger aucun.
Toutes les entrevues et les interactions/communications avec les parties concernées et les intervenants, sous forme verbale et écrite, se sont effectuées de manière respectueuse. De l’avis de l’observateur indépendant, tous les membres du comité d’enquête ont respecté le Code de valeurs et d’éthique du secteur public. Entre autres, chacun des membres du comité a toujours eu des rapports respectueux et équitables avec les membres du personnel du SCC et de la communauté. Les membres et le président ont travaillé ensemble dans un esprit collégial d’ouverture, d’honnêteté et de transparence.
Enfin, malgré le fait que certains hauts dirigeants du SCC ont mentionné leur perplexité face à certaines recommandations lors de la séance de débreffage national, ces derniers n’ont pas exercé de pressions indues sur les membres du comité afin qu’ils modifient leur rapport et les recommandations n’ont pas été changées de façon à trahir leur nature ou à les diluer.
L’observateur indépendant a toutefois noté certains éléments qui pourraient être améliorés afin que les travaux du comité puissent s’effectuer de façon optimale. En ce sens, voici quatre recommandations :
- L’événement qui fait l'objet de la présente enquête a eu lieu le 17 décembre 2021, mais ce n’est que le 16 juin 2022 que le comité a été mis en place. Les travaux du comité ont été suspendus durant une partie de la période estivale. Les communications avec les parties prenantes et les gestionnaires se sont déroulées à l’automne 2022. Le processus de contrôle de qualité a remis ses remarques à l’hiver 2023 et la rencontre de débreffage nationale s’est déroulée le 26 avril 2023, quelques mois avant le dépôt final en août 2023. Il est recommandé de constituer plus rapidement (trois mois après l’événement) le comité d’enquête national, d’éviter des interruptions de travail de plus d’une semaine et d’accélérer les étapes menant au débreffage national; ceci afin de s’assurer d’obtenir un portrait le plus vérace possible de la situation qui fait l'objet de la présente enquête et la mise en place d’actions concrètes afin d’éviter que des situations semblables ne se reproduisent.
- La personne décédée avait comme langue maternelle le français. Tous les membres du comité ne comprenaient pas bien le français. Il nous apparaît très important que tous les membres du comité puissent comprendre et s’exprimer dans la langue des personnes interviewées. Bien sûr, il est peut-être difficile de s’assurer que tous les membres des comités d’évaluation nationaux sont bilingues, mais nous recommandons que, lorsqu’une enquête porte sur une personne anglophone, le SCC s’assure que tous les membres du comité sont en mesure de comprendre l’anglais. En contrepartie, nous recommandons que lorsqu’une enquête porte sur une personne francophone, le SCC s’assure que tous les membres du comité sont en mesure de comprendre le français. Sinon, des services de traductions devraient être offerts.
- En lien avec la récurrence de certaines recommandations, nous encourageons le SCC à effectuer une méta-analyse des recommandations des rapports des Comités d’enquêtes nationaux pour les incidents des dix dernières années afin de faire ressortir les observations récurrentes, d’analyser la présence possible de problèmes systémiques et de mesurer dans quelle mesure des solutions efficaces ont été mises en place et ce, afin de s’assurer que les buts de la DC 041 soient entièrement respectés.
- Enfin, nous comprenons la nécessité que l’OI demeure indépendant et, en ce sens, ne doit pas se conformer à des instructions pointues du SCC. Toutefois, de façon à rendre son travail plus efficace, il nous apparaît nécessaire de lui fournir un guide d’orientation lui permettant de l’informer des outils disponibles au SCC pour la recherche de documents; les étapes d’un processus d’enquête au SCC; le contenu de la DC 041; les lignes directrices et les normes internes propres à la direction des enquêtes et incidents; ainsi que les principes fondamentaux et les directives qui sont communiqués aux membres des comités d’enquêtes nationaux.
Par ailleurs, nous tenons à faire part de l’excellente collaboration offerte à l’OI par le personnel de la DEI tout au long du processus. Cette collaboration dénotait le grand professionnalisme de ses membres.
Références
Cormier, R., Jones, G., Leonardi, L. (2019). Cinquième comité d’examen indépendant sur les décès de causes non naturelles survenus en établissement. Ottawa : SCC.
Directive du commissaire 001 (2018). Cadre de la mission, des valeurs et de l’éthique du Service correctionnel du Canada.
Directive du commissaire 041 (2020). Enquêtes sur les incidents.
Directive du commissaire 048 (2019). Communication de renseignements et prestation de services de soutien liées à des enquêtes médico-légales ou à des enquêtes publiques du coroner/médecin légiste.
Directive du commissaire 060 (2019). Code de discipline.
Directive du commissaire 568-1 (2016). Consignation et signalement des incidents de sécurité.
DORS/92-620 du 29 octobre 1992. Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (Modifié le 30 novembre 2019).
Lafontaine, F. (2016). Évaluation de l’intégrité et de l’impartialité des enquêtes du SPVM sur des allégations d’actes criminels visant des policiers de la SQ à l’encontre des femmes autochtones de Val-D’Or et d’ailleurs. Rapport de l’observatrice civile indépendante. Montréal.
LC 1992. Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
(Modifiée le 23 juin 2022).
LRC 1985. Loi sur les enquêtes. (Modifiée le 01 avril 2005).
LRC 1985. Loi sur la protection des renseignements personnels. (Modifié le 01 octobre 2022).
Annexe A (Mandat)
Mandat de l’observateur indépendant
Comité d’enquête nationale sur le décès d’un détenu au Centre régional de traitement à l’Établissement Millhaven survenu le 17 décembre 2021
Renseignements généraux
Le 17 décembre 2021, vers 5 h 05, un agent correctionnel (AC) est entré dans le secteur I du Centre régional de traitement de l'Établissement de Millhaven et s'est dirigé vers la fenêtre de la cellule de M. BISSONNETTE. Il a regardé dans la cellule avec sa lampe de poche et a frappé à la fenêtre de la cellule pour tenter d'obtenir une réponse, mais en vain. Vers 5 h 06, un membre du personnel des services de santé est entré dans la rangée et a commencé une évaluation du bien-être. Vers 5 h 07, le membre du personnel des services de santé est arrivé dans la cellule de M. BISSONNETTE, en compagnie de l’AC qui a continué à essayer d'obtenir une réponse du détenu. Vers 5 h 12, la porte de la cellule de M. BISSONNETTE a été ouverte et le personnel est entré. M. BISSONNETTE [caviardée]. Un appel a été logé pour une ambulance et la réanimation cardiorespiratoire a été initiée. Les ambulanciers sont arrivés et les mesures de réanimations ont été arrêtées à 5 h 35. À noter que le 16 décembre 2021, vers 10 h 30, M. BISSONNETTE a été traité pour [caviardée] et placé dans une cellule d'observation sous surveillance modifiée. M. BISSONNETTE a commencé à présenter un comportement inhabituel tout au long de la journée et à environ 16 h 41, il semblait être dans [caviardée]. Les derniers mouvements de M. BISSONNETTE ont été observés sur l'enregistrement de la télévision en circuit fermé à environ 00 h 06 heures le 17 décembre 2021.
En réponse à cet incident, la commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC), en application des articles 19 et 20 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) a ordonné une enquête nationale.
Compte tenu de la gravité de l’incident et de l’intérêt public à l’égard de l’enquête, le SCC a nommé un observateur indépendant afin de garantir la rigueur, l’impartialité, l’intégrité et le caractère professionnel du processus d’enquête.
Mandat d’enquêteNote de bas de page 1
- L’OI évaluera si le comité d’enquête est rigoureux, impartial et professionnel.
- La rigueur correspond au respect des paramètres établis dans l’ordre de convocation, ainsi qu’à l’application constante d’un processus d’enquête rigoureux, tel que défini dans la Directive du commissaire 041, ainsi que des lignes directrices et des normes internes propres à la Direction des enquêtes sur les incidents (DEI).
- L’impartialité correspond à l’absence de préjugés ou de biais, réels ou présumés, dans le dénouement de l’enquête, qui ne sera guidé que par les éléments de preuve.
- Le professionnalisme correspond à la garantie que tous les entretiens et toutes les interactions et communications avec les parties prenantes, sous forme verbale et écrite, soient effectués de manière respectueuse et en temps opportun.
- Au cours de toutes les activités, il est attendu de l’OI qu’il ou elle émette des observations et des recommandations sur toute question liée à son mandat. Les observations et recommandations seront faites à l’intention du comité d’enquête ou, dans l’éventualité où les observations ou recommandations concerneraient le comité d’enquête ou selon la préférence de l’OI, à l’intention du sous-commissaire principal (SCP) du SCC. Cela comprend le fait de cerner les préoccupations possibles et de proposer des solutions concernant la façon de dissiper ces préoccupations.
- Après la conclusion du processus d’enquête, l’OI fournira un rapport final de ses observations et conclusions au plus tard le vendredi 16 décembre 2022. Le format du rapport sera établi par l’OI, et le rapport sera rendu public par le SCC.
- L’OI assurera la liaison entre le président ou la présidente du comité d’enquête pour avoir l’accès à toute l’information et à tous les documents qu’il ou elle juge nécessaires.
- L’OI assurera aussi la liaison avec le directeur général ou la directrice générale de la DEI et son bureau pour obtenir de l’aide concernant toute question procédurale ou administrative liée au déroulement de l’enquête.
- Le SCC fournira à l’OI des articles et du matériel de bureau (comme un ordinateur portable du SCC), sur demande.
- L’OI devra assurer la sécurité des documents, notamment en respectant le principe du besoin de connaître, tel que mentionné dans la Politique sur la sécurité du gouvernement.
- L’OI respectera les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
- L’OI informera le SCP de toute demande d’engagement de la part de médias ou du gouvernement.
- L’OI se verra rembourser tous les frais de déplacement et tous les débours, conformément aux politiques du gouvernement du Canada en la matière.
En conséquence de ce qui précède et conformément au mandat établi ci-haut, j’accepte d’agir à titre d’observatrice indépendante ou d’observateur indépendant dans cette affaire.
Approuvé en date du…… jour de…… (mois) ……(année) à Montréal (Québec).
Nom
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