2018 TSSTC 2

Date : 2018-03-16

Dossier : 2016-09

Entre :

Section locale nº 419 de Teamsters, appelante

et

Corporation GardaWorld Services Transport de Valeurs Canada, intimée

Indexé sous : Section locale 419 de Teamsters c. Corporation GardaWorld Services Transport de Valeurs Canada

Affaire : Appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail à l’encontre d’une instruction émise par une représentante déléguée par le ministre du Travail.

Décision : L’appel est rejeté et la demande de l’appelante d’émettre une instruction en vertu de l’alinéa 146.1(1)b) du Code canadien du travail est refusée.

Décision rendue par : M. Jean-Pierre Aubre, agent d’appel

Langue de la décision : Français

Pour l’appelante : Me Katherine Ferreira, Koskie Minsky LLP

Pour l’intimé : Me David J. Bannon, Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP
Me Thomas Shaw, Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP

Référence : 2018 TSSTC 2

Motifs de la décision

[1] Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le Code) à l’encontre d’une instruction émise par une représentante déléguée par le ministre du Travail (déléguée ministérielle), Mme Kim Mordaunt, le 29 février 2016, à l’issue de son enquête au lieu de travail exploité par l’intimée et situé à Mississauga (Stanfield Road), en Ontario.

[2] Cette enquête portait sur une plainte à multiples volets de l’appelante et de façon générale, sur l’introduction par Garda d’un nouveau modèle de véhicule blindé ci-après appelé le Peterbilt ou « série "P" ».

[3] À la fin de son enquête, la déléguée ministérielle Mordaunt a conclu que l’intimée contrevenait à un certain nombre de dispositions du Code et du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (le Règlement). Par conséquent, elle a émis à l’intimée une instruction en vertu du paragraphe 145(1) du Code, cette instruction, ou plutôt son émission, étant le motif du présent appel.

[4] Le libellé desdites contraventions commises par l’intimée brosse un tableau assez clair de ce que cette dernière a été reconnue avoir violée, et par souci de clarté pour ce qui suit, ces contraventions sont énoncées ci-dessous, telles que formulées par la déléguée ministérielle :

[Traduction]

  • Défaut d’évaluer l’efficacité du programme de prévention des risques en consultation avec le comité d’orientation avant la mise en place du nouveau camion de série « P » dans le lieu de travail;
  • Défaut de recenser et d’évaluer les risques du nouveau camion de série « P » en consultation avec le comité d’orientation et avec la participation de celui-ci avant son introduction dans le lieu de travail;
  • Défaut de recenser et d’évaluer les risques associés au nouveau [camion] de série « P » avant son introduction dans le lieu de travail;
  • Défaut d’évaluer l’efficacité des mesures de prévention de la violence dans le lieu de travail avant d’y introduire un nouveau camion; et
  • Défaut de pleinement consulter le comité d’orientation et de permettre à celui-ci de participer à la mise en place des nouveaux camions de série « P » avant leur introduction dans le lieu de travail.

[5] L’instruction émise en vertu du paragraphe 145(1), communément appelée une instruction de « contravention », qui découle des violations susmentionnées, fait l’objet d’un appel de la part du syndicat de Teamsters, section locale 419 (le syndicat) non pas parce que l’appelante conteste que l’intimée a commis lesdites violations et n’a pas participé pleinement au système de responsabilité interne (SRI), mais plutôt parce qu’elle demande à ce qu’un élément ou une instruction de « danger » soit ajoutée en vertu du paragraphe 145(2) du Code. Elle soutient en effet qu’un certain nombre d’éléments structuraux du nouveau véhicule, qui peuvent différer des précédents modèles de véhicules blindés utilisés par l’intimée et qui sont intégrés dans le nouveau camion de série « P », font du véhicule un « danger » au sens du Code. De plus, l’appelante demande à ce que l’agent d’appel émette une ordonnance selon laquelle l’intimée Garda cesse et s’abstienne d’utiliser les véhicules de série « P » jusqu’à ce que les risques pour la santé et la sécurité que ces véhicules posent selon elle aient été réglés adéquatement.

[6] Dans son témoignage à l’audience et dans son rapport d’enquête qui fait partie de la preuve, la déléguée ministérielle a clairement démontré qu’à la fin de son enquête, elle avait également envisagé d’émettre une instruction de « danger » semblable à celle que l’appelante demande en l’espèce. Toutefois, une telle instruction n’a pas été émise pour les motifs suivants exposés dans le témoignage ainsi que dans le rapport d’enquête :

[Traduction]

  • Le manque de participation du comité d’orientation ne constituerait pas en soi un danger;
  • Les camions en question avaient été utilisés à l’échelle du pays pendant six à neuf mois sans incident;
  • Les questions relatives à la sortie du conducteur, à l’ergonomie, [texte caviardé] et autres [sont] examinées en faisant intervenir le système de responsabilité interne;
  • Des renseignements conjoints [syndicat-employeur] [ont] été communiqués aux employés pour cerner les questions litigieuses; et
  • Aucun [refus de travailler] n’[a] été initié par les employés qui utilisent l’équipement;
  • Une instruction de contravention a été émise pour remédier au manque de participation du comité d’orientation au plus tard à la fin de juin 2016.

[7] Il importe de noter à ce stade-ci qu’au début de l’audience, les parties ont demandé une ordonnance de confidentialité que le soussigné a accordée à l’égard de toutes les pièces (documents) déposées en preuve à l’audience ainsi qu’une ordonnance de caviardage selon laquelle le texte intégral de la présente décision serait d’abord communiqué aux parties pour qu’elles l’examinent et qu’elles conviennent des fractions de la décision devant être caviardées; le Tribunal se réservant le dernier mot quant à ce qui sera caviardé dans le texte final.

Contexte

[8] Tel qu’indiqué plus haut, la présente affaire a commencé par une plainte déposée par le représentant de l’appelante, M. [texte caviardé], le 15 décembre 2015, relativement, en termes généraux, au rôle attribué au comité d’orientation en matière de santé et de sécurité (le comité) dans la loi et aux obligations correspondantes qui s’appliquent à l’employeur à cet égard.

[9] Dans le cadre de son enquête, la déléguée ministérielle a reçu beaucoup de renseignements documentaires et a tenu maintes rencontres et discussions avec les représentants de l’employeur et des employés concernant les contraventions alléguées et, finalement, a conclu que l’intimée avait commis les contraventions susmentionnées. Le présent appel toutefois ne concerne pas le fond de ces conclusions tirées par la déléguée ministérielle, mais plutôt le recours qui était instruit, qui, selon l’appelante, devrait comprendre un constat de « danger ». Il convient de noter qu’à ce stade-ci l’intimée a indiqué, dans la déclaration préliminaire de son avocat, qu’elle ne contestait pas les contraventions indiquées dans l’instruction telles qu’elles ont été émises, que les omissions présentées dans l’instruction étaient reconnues et qu’elles avaient été rectifiées ou qu’elles étaient en cours de rectification. Cela étant dit, le contexte factuel étayant la conclusion demandée par l’appelante est assez simple.

[10] Garda est une entreprise fédérale dont la principale fonction est de transporter/transiter de l’argent et des objets de valeur au moyen d’une gamme variée de véhicules, dont la plupart sont des véhicules blindés. En l’espèce, le modèle opérationnel de l’équipe est ce qui est communément appelé le [texte caviardé].

[11] En janvier 2014, Garda a acquis une autre entreprise de transports de valeurs nommée G4S, et a ainsi acquis, la succursale de Mississauga de G4S qui faisait partie des bureaux visés par la transaction. Au moment de cette acquisition, le représentant de l’appelante, M. [texte caviardé], travaillait à la succursale de Mississauga de G4S, comme les deux autres témoins cités à l’appui de l’argumentation de l’appelante. Au moment de l’audience, ces trois personnes ont continué à être des employés de la succursale actuelle de Mississauga de Garda, même s’ils ne travaillaient pas activement avec les véhicules blindés, que ce soit en tant que conducteur, caissier ou messager.

[12] [Texte caviardé].

[13] La meilleure façon de décrire les véhicules traditionnels ou « anciens », selon les témoins, serait [traduction] « [une] boîte en acier entourée d’un blindage balistique résistant et équipée d’un verre pare-balles. » Ces véhicules n’étaient équipés d’aucune nouvelle technologie informatisée comme [texte caviardé].

[14] Au cours de cette même évolution industrielle, la série « U » de véhicules a finalement été lancée. Les soi-disant véhicules « intelligents » sont des camions apparemment conçus de A à Z en consultation avec le comité d’orientation national en matière de santé et de sécurité (comité national). Ils sont équipés d’une abondante variété de systèmes technologiques ou de nouvelles technologies, notamment [texte caviardé] ainsi que [texte caviardé]. De plus, les deux membres de l’équipe [texte caviardé], sont également capables d’accéder, à l’intérieur du véhicule, aux différents compartiments ou composantes du camion [texte caviardé]. Bien qu’aucune preuve n’ait été présentée indiquant que ces véhicules « intelligents » étaient utilisés à d’autres bureaux exploités par Garda, la preuve a démontré que ces véhicules « intelligents » étaient utilisés au bureau de Mississauga lorsqu’il était encore exploité par G4S. En fait, le camion de série « U » peut être décrit comme un véhicule de style G4S dont Garda a hérité lorsqu’elle a acquis G4S en janvier 2014 et il est le principal véhicule utilisé à la succursale de Mississauga. Il n’est toutefois qu’un exemple de véhicules actuellement utilisés dans la flotte de Garda.

[15] Le modèle de série « P » a d’abord été présenté au comité national en février 2015 à l’occasion d’une visite par l’ensemble du comité à l’usine de Cambli, constructeur du véhicule, près de Montréal. À ce moment-là, l’appelante avait été informée que l’intimée avait déjà acquis 1 000 de ces véhicules et à l’occasion de la visite chez le constructeur, un modèle terminé avait été présenté au comité national, qui, selon la preuve, aurait pu être destiné au marché américain, mais qui présentait toutes les caractéristiques du modèle destiné au Canada.

[16] Bien que le véhicule de série « P » ait été mis au point après le camion « U » ou « intelligent », il n’offre pas tous les éléments ou caractéristiques technologiques du véhicule de série « U ». Conçus pour être utilisés dans le cadre du modèle de déploiement complet, les véhicules de série « P », [texte caviardé], selon la norme des Laboratoires des assureurs, [texte caviardé] à l’aide de la méthode des trois points de contact, [texte caviardé].

[17] La preuve a démontré que les camions « rmodernisés » et les camions de série « P » offrent relativement le même mode de fonctionnement en ce que le conducteur et le caissier sont [texte caviardé]. Puisque c’est la technologie intégrée dans le véhicule qui rend principalement un véhicule « intelligent », le camion de série « P » peut être considéré comme un véhicule « intelligent » en raison de l’importante technologie intégrée au véhicule, notamment [texte caviardé], même en l’absence de certaines des caractéristiques présentes dans les véhicules de série « U » de G4S.

[18] En résumé par conséquent, le camion de série « P » destiné à devenir le véhicule blindé [texte caviardé] utilisé chez Garda est un camion « intelligent » [texte caviardé] semblable aux autres véhicules utilisés par l’intimée [texte caviardé]. L’appelante soutient que ces quatre éléments font en sorte que le camion de série « P » constitue un danger au sens de la définition du terme dans le Code.

Questions en litige

[19] Habituellement, définir la ou les questions soulevées par un appel nécessiterait d’examiner la ou les instructions faisant l’objet de l’appel et, selon s’il s’agit d’une instruction de « contravention » ou de « danger », de définir la ou les questions à trancher en appel consistant à déterminer si la déléguée ministérielle (ou l’agent de santé et de sécurité auparavant) avait raison, ceci étant énoncé de façon assez simple, de conclure, à la suite d’une enquête sur l’affaire, à une contravention ou à un « danger » (ou à l’absence de contravention ou de danger) comme le définit la loi. L’agent d’appel doit trancher cette question selon la prépondérance des probabilités et il doit agir dans une capacité de novo, un fait que les parties au présent appel ne contestent pas.

[20] En l’espèce, toutefois, comme on peut le constater ci-dessus, l’appelante demande d’ajouter à une instruction de « contravention » déjà émise et non contestée, une instruction ou un élément de « danger », affirmant que certaines caractéristiques de la conception du nouveau véhicule blindé, qui est un outil de travail du personnel de transport de valeurs, font que ce nouveau véhicule blindé (série « P ») devant être utilisé dans le cadre du travail constitue un danger au sens du Code. Cette décision, néanmoins, ne peut pas être prise dans le vide et doit prendre en compte la nature réelle des outils, des tâches ou de l’environnement de travail qui caractérisent le travail des employés dans le secteur du transport de valeurs en l’espèce. À cet égard, les parties au présent appel conviennent qu’il existe des risques inhérents associés au travail du personnel de transport de fonds, un élément qui a depuis longtemps été reconnu par la jurisprudence relative au Code. Ainsi, en 1993, un agent régional de sécurité a conclu ce qui suit dans Loomis Armoured Car Service Ltd. et Fraternité canadienne des cheminots, employés des transports et autres ouvriers (FCCETAO) Section locale 266A, décision nº 93-008 (Loomis Armoured Car Service) :

21. Personne, oserais-je croire, ne peut nier que les gardes employés dans les transports par fourgons blindés sont exposés chaque jour à des risques. (...) [L]e Conseil canadien des relations du travail soulignait que le risque de vol ou d’agression fait partie de la vie du personnel de transport de fonds. » On peut donc conclure que le danger est inhérent à l’utilisation des fourgons blindés, ce que reconnaît le Code et ce qui empêche les employés de refuser de travailler pour la seule raison qu’il existe un risque de vol ou d’agression. Cependant, on doit aussi se demander à quel moment ou dans quelles circonstances ce danger devient inacceptable.

[21] Plus récemment, les agents d’appel ont, dans un certain nombre de décisions, adopté la même position. Dans l’une de ces affaires, Brazeau c. Securicor Canada Ltd., décision nº 04-049 (Brazeau), l’agent d’appel a indiqué :

[210] À mon avis, les conseils antérieurs ont confirmé que l’industrie des véhicules blindés comportait un niveau de danger élevé inhérent à l’activité […].

[22] Je ne vois aucune raison d’être en désaccord avec cette opinion. Ceci étant dit et acceptant le fait que le vol ou la violence sont des risques inhérents au travail du personnel de véhicules blindés, il est clair que pour conclure à l’existence d’un « danger », il faut examiner le véhicule utilisé par le personnel en question, ce véhicule étant perçu comme un outil et un équipement de protection, pour décider si, étant donné qu’il s’agit d’un nouveau véhicule, sa conception ou, pour être plus précis dans la présente affaire, les quatre éléments de sa conception, modifieraient, en fait augmenteraient ou excéderaient, la menace pour la santé ou la vie des employés si le risque d’attaque ou de vol inhérent à ce secteur se matérialisait, au point qu’il pourrait être envisagé raisonnablement que cette augmentation ou cet excès présente une menace immédiate ou sérieuse pour la vie ou la santé des employés qui utilisent ce nouveau véhicule avant que la situation puisse être corrigée, cette ou ces questions devant être tranchées selon la prépondérance des probabilités.

[23] Il est important de noter ici que, de façon générale, une telle décision de danger est prise relativement à un refus de travailler par un employé, dans le cas où les particularités du travail d’une personne font partie de l’équation et sont prises en compte dans les risques inhérents au travail et des conditions normales d’emploi. Dans la présente affaire, un tel refus de travailler n’a pas été exercé. C’est le véhicule lui-même, ou plus particulièrement les quatre caractéristiques précises du véhicule, qui sont présentées comme un générateur de « danger » lorsqu’elles sont comparées uniquement auxdits risques inhérents au travail.

Observations des parties

[24] Les parties s’entendent sur la compétence de l’agent d’appel, et par conséquent du soussigné, pour émettre une instruction de danger dans le présent appel. L’intimée a simplement indiqué qu’elle ne conteste pas ni ne remet en cause la compétence du Tribunal pour émettre une instruction de « danger » en vertu du paragraphe 145(2) du Code, ni ne conteste les observations présentées par l’appelante sur ce point précis.

[25] Quant à l’appelante, en plus de noter qu’un agent d’appel possède, en vertu du Code, tous les pouvoirs du ministre et que le ministre n’a pas le pouvoir d’émettre d’instructions en vertu du paragraphe 145(2) du Code, autorisant ainsi un agent d’appel à émettre cette instruction si ce dernier conclut qu’une telle instruction aurait dû être émise, l’appelante appuie également ses observations sur le précédent créé par la Cour d’appel fédérale dans Martin c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 156 (Martin), qui indiquait qu’un agent d’appel pouvait émettre une instruction en vertu du paragraphe 145(1) du Code (instruction de contravention) lorsqu’un agent de santé et de sécurité (désormais le ministre) avait pris la décision initiale d’émettre une instruction en vertu du paragraphe 145(2) du Code (instruction de danger).

[26] L’appelante se fonde également sur la décision du Tribunal dans Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes c. Société canadienne des postes, 2013 TSSTC 23 , qui s’appuie sur le raisonnement de la décision Martin. Le Tribunal a conclu qu’un « agent d’appel peut modifier une instruction afin d’ajouter d’autres infractions qui, à son avis, auraient dû être mentionnées dans le contexte de l’enquête au sujet des mesures correctives dans l’instruction émise initialement par l’agent de SST. » Selon l’appelante, compte tenu du raisonnement précédent et des pouvoirs conférés à l’agent d’appel, rien n’empêche d’appliquer ce raisonnement en sens inverse, permettant ainsi à un agent d’appel de modifier une instruction initiale de contravention pour inclure également une instruction de danger. Assez curieusement, dans ses observations sur ce point, l’appelante n’a pas fait référence précisément au texte du Code qui prévoit expressément aux alinéas 146.1(1)a) et b) qu’en plus de pouvoir modifier, annuler ou confirmer une décision ou des instructions, un agent d’appel a le pouvoir de donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées, à savoir une instruction de danger.

A) Observations de l’appelante

[27] Comme prémisse à l’examen des quatre éléments centraux de son argumentation pour conclure à l’existence d’un danger et à l’émission d’une instruction de danger, l’appelante mentionne que cette allégation de « danger » doit être examinée et analysée selon la plus récente définition du terme « danger » prévue dans le Code, soit la définition de 2014, et fonde son argument sur la récente décision du Tribunal, principalement sur la première interprétation par le Tribunal de ladite définition, dans Service correctionnel du Canada c. Ketcheson, 2016 TSSTC 19 (Ketcheson), qui établit le critère à appliquer pour déterminer si un danger existe au sens du Code. Ainsi, l’appelante souligne que dans cette décision, le Tribunal a fait référence à la décision Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique c. Woollard, 2006 CF 1332, dans laquelle la cour a indiqué la nécessité de donner une interprétation large et libérale aux dispositions du Code qui est conforme à son objet, conduisant ainsi l’appelante à faire valoir que cette approche devrait guider le soussigné dans la présente affaire.

[28] Faisant allusion à l’évolution de la terminologie utilisée dans les versions de 1985, de 2000 et de 2014 du Code pour définir le mot « danger », l’appelante s’est une fois de plus appuyée sur l’affaire Ketcheson dans laquelle il est indiqué que, relativement à l’utilisation des adjectifs « imminente » et « sérieuse » pour décrire les menaces : « Il y a deux types de « danger ». Ils comportent tous deux des risques élevés, mais pour des raisons différentes. La nouvelle définition ajoute un élément temporel afin d’évaluer la probabilité. Elle ajoute le concept de gravité du préjudice. Dans le contexte du reste du Code, un « danger » est une cause directe de préjudice plutôt qu’une cause profonde ». Sur la base de la même définition, l’appelante mentionne par ailleurs qu’en ce qui concerne la phrase « menace imminente ou sérieuse » dans la définition de 2014, le Tribunal a utilisé le terme « disjonctive », signifiant qu’une menace peut être imminente ou sérieuse pour constituer un danger, mais elle n’a pas besoin d’être à la fois imminente et sérieuse, et que bien qu’une menace « imminente » à la santé viserait un effet aigu comparativement à un effet chronique, quel que soit la gravité, mais avec la probabilité que le préjudice se produise et se produise sous peu, une menace « sérieuse » n’est pas imminente ou n’aurait pas à l’être. Le qualificatif « sérieuse » se rapporterait davantage à la gravité du résultat.

[29] Enfin, en ce qui concerne l’expression « une menace [...] pour la vie ou pour la santé de la personne », s’appuyant une fois de plus sur l’affaire Ketcheson, l’appelante précise que le Tribunal a indiqué que « [l]'expression désigne une vaste catégorie de préjudices touchant les gens. Il ne s’agit pas d’une menace aux biens, à l’environnement, à la productivité, à la qualité, à la continuité des affaires ou à d’autres catégories de pertes associées à des accidents et à des expositions. Le Code vise à protéger les gens et non les choses. » Cela étant dit, l’appelante soutient que le Tribunal a clairement affirmé que les questions à poser pour déterminer si un « danger » existe sont les suivantes :

1) Quel est le risque allégué, la situation ou la tâche?

2) a) Ce risque, cette situation ou cette tâche pourrait-il vraisemblablement présenter une menace imminente pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée?

ou

b) Ce risque, cette situation ou cette tâche pourrait-il vraisemblablement présenter une menace sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée?

3) La menace pour la vie ou pour la santé existera-t-elle avant que, selon le cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée ou le risque écarté?

[30] Vu le « critère » mentionné précédemment, l’appelante est d’avis que le véhicule de série « P » possède les quatre éléments, que l’appelante décrit comme les quatre principaux risques pour la santé et la sécurité, qui constituent une « menace imminente ou sérieuse » pour la vie ou pour la santé des employés qui y sont exposés, ceux-ci étant [texte caviardé]. L’appelante est en outre d’avis que cette menace existera avant que le risque soit écarté ou que la situation soit corrigée.

[31] L’appelante présente ses arguments dans le contexte où les travailleurs dans des véhicules blindés, en particulier ceux qui travaillent dans le secteur du transport de valeurs, sont confrontés à des risques sérieux pour la santé et la sécurité, tels que des vols, des prise d’otages ou de la violence, un fait qui est reconnu dans la jurisprudence du Tribunal qui décrit ce qui précède comme « un risque plutôt élevé inhérent à la nature de l’activité » (Brazeau).

[32] Les travailleurs visés par le présent appel travaillent en équipe de deux selon ce qui est appelé le « modèle du déploiement complet », c’est-à-dire [texte caviardé].

[33] L’appelante soutient ainsi que la nature dangereuse du travail de ces employés signifie que lorsque l’équipement, la formation ou les mesures de protection mises à leur disposition pour les protéger sont inadéquats, ce qui est le cas des véhicules de série « P » selon l’appelante, les employés peuvent s’exposer à un sérieux risque de préjudice. Bien qu’il puisse y avoir un danger inhérent au travail de ces employés, l’appelante estime que ce danger ne dispense pas l’employeur de ses obligations prévues dans le Code, ni n’empêche l’émission d’une instruction de danger à l’égard de ce travail.

[34] En bref, et cela résume la position de l’appelante dans l’affaire, dans la mesure où les conditions normales d’emploi des travailleurs changent, telles que l’équipement de protection défectueux ou inefficace, les employés peuvent être confrontés à un danger qui excède les dangers inhérents à leur emploi. En résumé, l’appelante soutient que les risques posés par le véhicule de série « P » excèdent le danger inhérent aux conditions normales d’emploi des équipes de Garda, de telle sorte que le véhicule constitue un danger au sens du Code.

[Texte caviardé]

[35] De façon plus détaillée, l’appelante a examiné un par un ce qu’elle décrit comme les quatre risques associés à la série « P » de la façon suivante. [Texte caviardé]

[36] Tout en reconnaissant que la preuve n’indique pas clairement si le niveau de blindage était inférieur à celui fixé par l’UL ou le NIJ (National Institute of Justice – US Department of Justice), l’appelante soutient que les deux échelles établissent que [texte caviardé].

[37] L’appelante tire de ce qui précède la conclusion que [texte caviardé] pour les travailleurs faisant partie des équipes de Garda. De plus, l’appelante soutient qu’aucun équipement de protection personnelle (EPP) n’a été fourni ni aucune formation supplémentaire n’a été dispensée aux employés pour contrer [texte caviardé].

[Texte caviardé]

[38] Sur la question de la séparation de l’équipe, l’appelante souligne que la preuve indique que dans le véhicule de série « P », les membres de l’équipe [texte caviardé] par le caissier/messager, et un accès aux diverses composantes du véhicule par la cloison étant impossible, [texte caviardé]. Du point de vue de la santé et de la sécurité, l’appelante fait valoir que la séparation de l’équipe représente un risque à maints égards.

[39] Premièrement, au sujet de la communication entre les membres de l’équipe, l’appelante fait valoir que la présence de la cloison met en doute la possibilité de communiquer directement par voie orale (crier), ou d’utiliser un interphone ou un téléphone disponible lorsque l’accès à l’un des deux appareils peut être bloqué, empêchant les membres de l’équipe de s’aviser les uns les autres s’ils sont en danger et de fournir de l’aide ou de prendre des mesures appropriées selon la situation.

[40] Deuxièmement, du point de vue de l’accès physique possible entre les membres de l’équipe, l’appelante a soutenu que la présence d’une cloison incassable entre les compartiments du véhicule de série « P » représente un risque pour la santé et la sécurité des membres de l’équipe puisqu’ils seraient [texte caviardé] ou s’ils ont besoin de soins médicaux. La situation est d’autant plus grave dans le cas d’un conducteur en détresse, par exemple victime d’une crise cardiaque, puisque le caissier ne serait pas en mesure d’entrer dans l’habitacle du conducteur à partir de l’intérieur du véhicule pour aider le conducteur ou pour empêcher un éventuel accident automobile. Il faut mentionner, toutefois, que dans son témoignage, l’appelante a reconnu que la « séparation de l’équipe » constitue la norme commerciale ou la « règle » actuelle.

[41] [Texte caviardé].

[42] [Texte caviardé].

[Texte caviardé]

[43] L’appelante soutient également que le fait que le conducteur sorte du véhicule du côté conducteur (côté gauche), soit souvent au milieu de la circulation, peut entraîner des dommages graves. [Texte caviardé], sortant donc du véhicule sur le trottoir la plupart du temps. L’appelante reconnaît que dans les camions blindés traditionnels, le conducteur sort du véhicule de la même façon que pour les véhicules de série « P », même si dans ces véhicules traditionnels, on fait appel à des équipes de trois personnes contrairement aux équipes de deux personnes ou à déploiement complet, le conducteur ne sortant donc pas du véhicule lorsque les deux autres membres de l’équipe sont dans les locaux d’un client.

[44] De plus, en ce qui concerne la question « de la sortie du véhicule », l’appelante a souligné que les conducteurs qui sortent du véhicule (ou qui y entrent) doivent utiliser la méthode des trois points de contact. Ainsi, d’une part, le conducteur sortant [texte caviardé] le véhicule pour évaluer les dangers potentiels, et d’autre part, rendant le conducteur [texte caviardé]. Dans son témoignage, l’appelante a également reconnu que sortir de [texte caviardé].

[Texte caviardé]

[45] Le quatrième risque recensé par l’appelante se rapportant au véhicule de série « P » est [texte caviardé]; une situation qui est unique au véhicule de série « P » selon l’appelante, ainsi qu’à tous les autres véhicules blindés dans le [texte caviardé]. La décision de l’intimée de retirer [texte caviardé] de ses nouvelles séries de véhicules repose sur l’étude menée par M. [texte caviardé], un ancien policier qui a été appelé et accepté à titre de témoin expert et qui a recommandé que [texte caviardé].

[46] L’appelante estime, toutefois, que le soussigné devrait accorder peu d’importance à cette étude en raison des nombreuses lacunes qu’elle contiendrait selon elle. Au cœur de la position de l’appelante à cet égard est l’avis de cette dernière que les véhicules blindés [texte caviardé] peuvent dissuader des individus d’attaquer ce type de véhicule. Le témoin expert de l’intimée a admis dans son témoignage ne pas avoir effectué de test ou de recherche concernant l’éventuel [texte caviardé], se limitant uniquement à fournir des preuves anecdotiques selon lesquelles, en général, les personnes ne connaissent pas [texte caviardé].

[47] À l’égard de [texte caviardé], l’appelante indique que chez Garda, [texte caviardé], bien que le témoignage présenté dans la preuve de l’appelante selon lequel, en Ontario, du moins, [texte caviardé], un événement tel qu’un « combat rapproché », qui est comparable selon l’appelante à [texte caviardé] et par conséquent, peut être utile [texte caviardé].

[48] Dans l’ensemble, toutefois, l’appelante est d’avis que [texte caviardé], sur lequel repose la décision de l’employeur de [texte caviardé] sur ses nouveaux véhicules, s’appuie sur des renseignements erronés ou incomplets ce qui diminue l’importance qui devrait être accordée à ses conclusions et à ses recommandations.

[49] Par exemple, lors de l’étude, l’expert n’a reçu ni recommandations ni commentaires directement de la part des employés ou de la partie syndicale du comité national, l’intimée n’a pas non plus mis les conducteurs à sa disposition pour l’aider dans son analyse et pouvoir comprendre leur routine quotidienne, même si [texte caviardé], qui est le directeur national de la formation (utilisation des armes à feu) chez Garda, lui a donné un aperçu général du travail de l’équipe. Ce même témoin a indiqué que pour l’Ontario, [texte caviardé].

[50] L’appelante a également souligné que [texte caviardé], ou plutôt son utilisation, a uniquement pris en compte la formation dispensée au Québec, sans tenir compte des différences au niveau des formations offertes ailleurs dans le pays et plus précisément [texte caviardé].

[51] De plus, l’appelante soutient que l’expert, en formulant sa recommandation à [texte caviardé], s’est appuyé sur des facteurs (tels que le stress ou la distance jusqu’à la cible) qui ne sont ni uniques ni spécifiques aux véhicules de série « P », [texte caviardé], ce qui amoindrit l’importance à accorder à ces facteurs [texte caviardé].

[52] Selon l’appelante, le fait que l’étude fasse référence à plusieurs reprises à la police devrait être pris en compte pour évaluer l’importance qui devrait lui être accordée. Les activités policières et de transport de valeurs sont intrinsèquement différentes. Par exemple, [texte caviardé] alors que les policiers doivent souvent faire face à des situations dangereuses dans le cadre de leur fonction. Puisque cet aspect relatif à la « police » aurait influencé l’opinion de l’expert, qui reconnaît son manque d’expérience en ce qui concerne les véhicules blindés de transport de valeurs, l’appelante pense que peu d’importance devrait être accordée à [texte caviardé].

[53] L’appelante soutient également qu’il a seulement été demandé à l’expert de présenter un avis quant à savoir s’il était sécuritaire et efficace pour un agent [texte caviardé] et s’il était approprié, d’un point de vue stratégique, de ne pas [texte caviardé]. L’expert n’a donc pas examiné cette possibilité d’un point de vue de la santé et de la sécurité, ni n’a été appelé à titre d’expert en santé et sécurité au travail. L’appelante est donc d’avis que cette étude ne peut être invoquée pour conclure que [texte caviardé] serait sécuritaire et conforme au Code.

[54] L’appelante souligne également le fait que la recommandation de l’expert à [texte caviardé] était accompagnée de deux conditions préalables, c’est-à-dire [traduction] « que le niveau de protection balistique des véhicules [doit être] bien maintenu [et que] [texte caviardé] pour les véhicules blindés et [texte caviardé] est fourni. » L’appelante soutient que ces conditions préalables n’ont pas été remplies puisque [texte caviardé].

[55] De plus, la rouille accumulée peut également diminuer [texte caviardé] et pourrait se manifester sur les véhicules de série « P », comme c’est le cas sur les autres véhicules.

[56] La preuve a également démontré que [texte caviardé] a été utilisé à une seule occasion par les équipes de Garda. L’appelante est d’avis, toutefois, que la rareté d’utilisation n’étaye pas [texte caviardé], compte tenu surtout de l’intention préventive et prudente du Code qui soutiendrait l’idée selon laquelle la portée ou la fréquence d’utilisation d’une mesure de protection ou le degré éventuel du risque n’est pas concluant d’un point de vue de la santé et de la sécurité.

[57] Pour conclure sur ce quatrième risque associé au nouveau véhicule de série « P », l’appelante soutient que dans la mesure où il y a des problèmes concernant [texte caviardé], leurs lignes de visibilité ou [texte caviardé], ceux-ci devraient être réglés afin d’améliorer les protections offertes aux travailleurs, probablement par le comité national, plutôt que [texte caviardé] comme Garda l’a fait. De plus, puisque l’expert n’a pas examiné les effets de [texte caviardé] au lieu de ceux de [texte caviardé], l’appelante soutient que l’étude ne peut pas être invoquée pour conclure que [texte caviardé] peut régler certains problèmes concernant leur utilisation.

[58] L’appelante a conclu que ce qui précède confirme la position selon laquelle les risques pour la santé et la sécurité associés aux véhicules de série « P » constituent une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé d’une personne qui y est exposée. Les risques peuvent entraîner des blessures graves voire même causer la mort des travailleurs, par exemple, dans les cas de vols, d’attaques ou d’urgences médicales, les faisant entrer dans la portée de la définition de « danger » du Code.

[59] L’appelante soutient en outre que Garda n’a pas adopté de contrôles adéquats en réponse au danger posé par le véhicule de série « P », soutenant davantage la conclusion selon laquelle une instruction de « danger » devrait être émise selon les motifs de la décision Ketcheson du Tribunal adhérant à la logique, prévue à l’article 122.2 du Code, de la hiérarchie des mesures de contrôle qui est largement acceptée et utilisée dans le domaine de la SST depuis plusieurs décennies et qui étaye l’argument qu’un risque n’est pas un danger s’il peut vraisemblablement être écarté avant de constituer une menace imminente ou sérieuse.

[60] En effet, l’appelante est d’avis que la preuve dont je dispose établit clairement que les véhicules de série « P » ont été déployés avant que les risques pour la santé et la sécurité qui leur sont associés aient été correctement prévenus. Malgré le fait que le comité national ait formulé de nombreuses recommandations sur les préoccupations ou les risques pour la santé et la sécurité posés par les véhicules de série « P » à la suite de l’inspection du véhicule à l’usine de Cambli, Garda a tardé à fournir une réponse appropriée aux recommandations et ne les a pas toutes mises en œuvre.

[61] De plus, le 9 mars 2016, une note de service présentée en preuve et émise par le comité national présentant les problèmes non résolus liés à la sécurité concernant la série « P », a été émise pour respecter l’alinéa 125(1)s) du Code, car en l’absence d’un programme complet de prévention des risques, les employés qui utilisent le nouveau véhicule n’étaient peut-être pas au courant que des risques pouvaient être associés au véhicule ou que des risques pouvaient ne pas avoir été correctement prévenus par le comité. L’appelante souligne que ladite note de service a été émise par le comité en consultation avec la déléguée ministérielle Mordaunt et a affirmé au début [traduction] « qu’il y a des préoccupations ou des questions en matière de santé et de sécurité non résolues concernant l’utilisation du véhicule blindé P330 » (série « P »).

[62] Selon l’appelante, le fait qu’il y avait des problèmes non résolus liés à la sécurité au moment où la série « P » a été déployée appuie la conclusion selon laquelle les risques de menace pour la vie ou pour la santé posés par les véhicules pourraient survenir avant que le risque soit écarté ou la situation corrigée. De plus, l’appelante fait valoir que les mesures de contrôle ou d’atténuation relevées par l’intimée dans sa preuve, [texte caviardé] ne sont ni adéquates ni spécifiques à la série « P ». Les outils, tels que [texte caviardé], ne protègent pas non plus adéquatement les travailleurs contre les risques découlant de la séparation de l’équipe dans les véhicules de série « P ».

[63] En ce qui concerne le fait établi dans la preuve selon lequel en cas d’attaque, le véhicule blindé lui-même peut être utilisé comme « abri », un fait reconnu par l’intimée dans le témoignage de son témoin, M. [texte caviardé], selon lequel [traduction] « le véhicule lui-même fait office de protection pour les membres de l’équipe contre une agression ou une attaque par des personnes extérieures », l’appelante souligne [texte caviardé], comparativement à la série « U », pour conclure que [texte caviardé] dans le cas d’une attaque à main armée provenant de l’extérieur.

[64] L’appelante indique en outre que, encore une fois selon la preuve de l’intimée, [texte caviardé] n’a reçu aucun équipement supplémentaire ni aucune formation différente, et conclut que le fait que ces risques posés par le véhicule, et plus précisément [texte caviardé] ne seront probablement pas écartés avant qu’une menace pour la vie ou pour la santé survienne justifie l’émission d’une instruction de danger.

[65] Selon l’appelante, cette conclusion est étayée par la jurisprudence du Tribunal, plus précisément par les décisions Brazeau et Dino Frighetto and Daniel Lekarczyk et Group 4 Securicor, 2011 TSSTC 7, qui, selon elle, soutient la conclusion qu’en l’absence de mesures d’atténuation des risques relatives à un véhicule déjà en service, des blessures pourraient vraisemblablement survenir avant que les risques soient écartés.

[66] À la lumière de ce qui précède, l’appelante est donc d’avis que le soussigné devrait émettre une instruction en vertu du paragraphe 145(2) du Code et ordonner également à l’intimée de cesser et de s’abstenir d’utiliser les véhicules de série « P », jusqu’à ce que les risques pour la santé et la sécurité posés par lesdits véhicules soient correctement prévenus.

B) Observations de l’intimée

[67] Contrairement à l’appelante, l’intimée est d’avis que l’émission d’une soi-disant instruction de « danger » serait inappropriée dans les circonstances de la présente affaire, étant d’avis que la preuve n’a pas établi l’existence d’un danger au sens du Code.

[68] Énoncé de façon plus précise, l’intimée fait valoir que le véhicule de série « P », que Garda adopte comme son nouveau véhicule blindé, un véhicule qui est [texte caviardé], ne constitue pas un danger au sens du Code. L’intimée partage, toutefois, l’avis exprimé par l’appelante qui veut qu’un agent d’appel a compétence pour émettre une instruction en vertu du paragraphe 145(2) si le soussigné arrive à la conclusion qu’une instruction de « danger » est justifiée en l’espèce. En bref, ayant mentionné que ce nouveau véhicule ne devrait pas être considéré comme présentant un danger, l’intimée circonscrit la principale question en litige dans la présente affaire comme étant principalement une question de relations de travail.

[69] Mentionnant les quatre principales caractéristiques du véhicule qui ont été soulevées par l’appelante et qui sont au cœur de son argumentation, l’intimée reconnaît que les véhicules de série « P » [texte caviardé], sont conçus pour séparer l’équipe, c’est-à-dire que le conducteur et le caissier/messager occupent des compartiments entièrement séparés, et le conducteur doit donc sortir du véhicule du côté conducteur. Ceci étant dit, l’intimée indique qu’à l’exception de [texte caviardé], les trois autres caractéristiques susmentionnées faisaient déjà partie de la flotte de véhicules blindés de Garda, plus précisément ce qui est appelé les véhicules modernisés, et par conséquent, il serait erroné d’accepter l’allégation présentée par l’appelante voulant que le véhicule de série « P » [traduction] « introduise la séparation de l’équipe », comme cela était et continue d’être une caractéristique de ce segment de la flotte de l’intimée utilisée dans plusieurs bureaux à travers le Canada.

[70] Soulignant que le représentant de l’appelante, M. [texte caviardé] ainsi que les deux autres témoins de l’appelante (MM. [texte caviardé] et [texte caviardé]), sont en fonction à la succursale de Mississauga de Garda, bien que certains d’entre eux soient actuellement détachés à d’autres tâches liées au syndicat et que cette succursale faisait autrefois partie d’une autre société (G4S) avant son acquisition par l’intimée en 2014, l’intimée fait valoir que puisque le véhicule utilisé principalement à cette succursale (série « U ») présente des caractéristiques qui diffèrent des véhicules de série « P » proposés, le présent appel constitue simplement une tentative par une section locale, ayant des membres dans ladite succursale de Mississauga, de résister à un changement mis en place par Garda qui diffère de ce qui était utilisé par l’ancienne G4S et auquel ils étaient habitués.

[71] À cet égard, l’intimée a soutenu que le Tribunal devait tirer une conclusion défavorable du fait que le soussigné n’a entendu aucun témoignage d’un conducteur de camion de série « P » puisque l’appelante a omis de citer à témoin une seule personne qui avait conduit ou qui conduisait alors un tel véhicule. La preuve a confirmé qu’aucun conducteur actuel de camion de série « P » n’a rencontré de problèmes, et qu’aucun des témoins de l’appelante ne s’est entretenu avec un conducteur de véhicule de série « P ».

[72] De la même façon que l’appelante a défendu sa position, l’intimée a également examiné la définition la plus récente et par conséquent, celle applicable, de « danger » prévue dans le Code. Ainsi, établissant une comparaison avec l’ancienne définition du terme (année 2000), l’intimée soutient que la définition la plus récente (octobre 2014), mentionnant une « menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé (...) », illustre une tentative claire du législateur de restreindre la portée de ce qui constitue un danger pour mettre l’emphase sur un danger imminent ou sérieux. À cet égard, et étant donné la jurisprudence très limitée qui interprète la définition actuelle, l’intimée soutient que l’évolution législative de la définition de « danger » dans le Code est une considération pertinente que le Tribunal doit prendre en compte, même en reconnaissant que les définitions précédentes ne sont pas identiques à la définition actuelle.

[73] À cet effet, l’intimée mentionne premièrement, que la définition actuelle (2014) de danger est semblable, bien que plus étroite, à la définition (1985) du Code avant les modifications de 2000, qui définissait un danger par « [r]isque ou situation susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant qu’il ne puisse y être remédié. » Elle mentionne deuxièmement que la définition actuelle ressemble également grandement au libellé d’avant 1985 du Code, qui ne définissait pas alors le mot « danger ». Pourtant, dans les dispositions du Code touchant au refus de travailler, celui-ci traitait uniquement de l’utilisation ou du fonctionnement d’une machine, d’un appareil ou d’une chose ou d’une situation qui « constituerait un danger imminent » [soulignement ajouté], reliant ainsi le concept de danger à la notion d’imminence, et dans McIlveen c. Canadian Pacific Airlines Ltd, (1983) 2 C.L.R.B.R. (N.S.) 67, un arbitre a parlé du terme « imminent » comme n’étant pas « les conditions normalement liées à l’exercice d’une profession habituellement considérée comme dangereuse », et dans Les Blindés Loomis Ltée et Guilbault, décision nº 92-010 (Les Blindés Loomis Ltée), un agent régional de sécurité a affirmé que le terme défini « danger » de la version de 1985 du Code est « à toutes fins pratiques identique au concept de "danger imminent" », réaffirmant ainsi la notion d’imminence de la menace pour la vie ou pour la santé présente dans le texte législatif précédent.

[74] Indiquant que les deux affaires précédentes ont été jugées lorsque la définition de « danger » ressemblait davantage à la définition actuelle, l’intimée a établi une distinction entre la définition de 2000 et la définition actuelle qui selon elle, tel qu’indiqué plus haut, constitue une définition plus étroite de « danger », et fait valoir que les décisions concernant les camions blindés faisant appel à la définition (2000) de « danger » concluent en général que toute possibilité de blessures est suffisante pour justifier une instruction de « danger » comme le demande l’appelante, et dans ces situations où il n’y avait pas d’armes, que le nombre d’employés était insuffisant ou que l’équipement était défectueux et où une instruction a été émise, il n’a jamais été clairement jugé qu’il y avait une menace imminente ou sérieuse pour les employés. Cette conclusion était justifiée par la définition d’avant 2014 au motif qu’il existait une possibilité raisonnable que le préjudice survienne à un moment donné dans l’avenir.

[75] L’intimée observe qu’en vertu de la définition actuelle plus étroite de « danger », qui ne comprend actuellement que les menaces imminentes ou sérieuses pour la vie et pour la santé d’un employé, l’appelante avait l’obligation de prouver l’existence d’un risque imminent ou sérieux pour la vie ou pour la santé d’une personne pour établir un danger.

[76] En établissant si un danger existe en l’espèce, l’intimée a mentionné la nécessité d’invoquer le critère établi dans la décision Ketcheson du Tribunal qui a été citée précédemment par l’appelante au précédent paragraphe 27, mais a attiré l’attention sur les commentaires du Tribunal selon lesquels « le critère n’exige pas [d’une partie] qu’il « essaie pour voir » […] mais ne lui permet pas non plus de qualifier de « danger » des scénarios génériques ou hypothétiques lorsqu’il serait préférable d’examiner de telles questions à l’aide des autres mécanismes de résolution de problème prévus dans le Code.»

[77] Sur ce point, l’intimée soutient qu’elle n’a pas indiqué que les employés devaient « essayer pour voir » pour établir un danger, mais que les scénarios génériques et hypothétiques invoqués par l’appelante concernant les « urgences médicales » et les « problèmes techniques » ne respectaient pas le critère établi par le Tribunal, qu’ils étaient mieux abordés par le comité national et qu’ils étaient évités grâce à divers moyens tels que l’analyse du risque professionnel (ARP) et l’élaboration de formations et de politiques qu’elle a produites en preuve.

[78] Mentionnant les deux types de dangers prévus par la définition, celui de la menace imminente et celui de la menace sérieuse pour la vie ou pour la santé, l’intimée souligne les commentaires suivants du Tribunal dans Ketcheson : « Dans le langage courant, un employé comprendrait que l’expression " menace sérieuse " a trait à la gravité du préjudice. Il n’y a pas de moment auquel le préjudice pourrait se matérialiser », et qu’à cet égard, la définition « ne vise pas à englober les risques faibles, les causes profondes, ni les différends à propos de questions autres que les causes directes d’accidents et de maladies. »

[79] La position adoptée par l’intimée est que la véritable question que le Tribunal doit trancher en est une de relations de travail et qu’en conséquence, les problèmes recensés par l’appelante relativement à la série « P » ne constituent pas des « causes directes d’accidents et de maladies ». De plus, puisque la définition de « danger » dans le Code repose sur la notion générique de « menace », le Tribunal a fait une distinction entre « risque » et « menace », commentant qu’une menace « indique la probabilité d’un certain niveau de préjudice » et que « [c]ertains risques sont des menaces et d’autres ne le sont pas. Un risque très faible, soit en raison de sa faible probabilité ou de sa faible gravité, n’est pas une menace. La probabilité et la gravité doivent chacune atteindre un seuil minimal avant que le risque ne puisse être appelé une menace. Il est clair qu’un risque faible n’est pas un danger. »

[80] Plus précisément, le Tribunal a ajouté, relativement à la notion de « menace sérieuse », que le degré de gravité indique ce qui suit :

[210] [...] [I]l est vraisemblable que le risque, la situation ou la tâche cause des blessures ou une maladie grave à un moment donné à l’avenir [...]. Le préjudice n’est pas mineur; il est grave. Le caractère vraisemblable comprend la prise en compte de ce qui suit : la probabilité qu’une personne soit en présence du risque, de la situation ou de la tâche; la probabilité que le risque cause un événement ou une exposition; et la probabilité que l’événement ou l’exposition cause un préjudice à une personne.

[81] L’intimée soutient que dans deux autres affaires, l’importance de la probabilité a été renforcée par le Tribunal. Dans Arva Flour Mills Limited, 2017 TSSTC 2 (Arva), le Tribunal a affirmé : « Une conclusion de danger doit reposer sur plus qu’une menace hypothétique. Une menace sérieuse exige une évaluation de la probabilité que la menace cause un préjudice, que des conséquences en découlent et que ces conséquences soient graves. » Dans une autre affaire, Keith Hall & Sons Transport Limited c. Robin Wilkins, 2017 TSSTC 1 (Keith Hall & Sons Transport Limited), le Tribunal a réaffirmé que « pour conclure qu’il y a présence d’un danger, il faut donc qu’il y ait plus qu’une menace hypothétique » et a soutenu de plus que :

[41] Pour qu’il y ait présence d’un danger, il faut donc qu’il y ait une possibilité raisonnable que la menace alléguée se matérialise, c’est-à-dire que la situation, la tâche ou le risque causeront bientôt des blessures à une personne ou la rendront malade (en l’espace de quelques minutes ou de quelques heures) dans le cas d’une menace imminente; ou qu’elle causera des blessures sévères à une personne ou la rendra gravement malade à un moment donné dans l’avenir (que ce soit dans les jours, les semaines ou les mois, voire peut-être les années, à venir) dans le cas d’une menace sérieuse. [...] Seules les menaces susceptibles de causer des blessures sévères à une personne ou de la rendre gravement malade peuvent constituer des menaces sérieuses à la vie et à la santé des employés.

[82] À la lumière de son examen de la définition applicable et de la jurisprudence récente du Tribunal, l’intimée a tiré les conclusions suivantes concernant les quatre questions centrales soulevées par l’appelante relativement au véhicule de série « P ».

[83] Premièrement, elle soutient que pour conclure que le syndicat a établi une menace sérieuse pour la santé ou la vie des employés, la preuve doit démontrer qu’il y a une attente raisonnable que les employés seront confrontés dans les jours, les semaines ou les mois à venir, à une situation qui leur causera un dommage sérieux découlant [texte caviardé], et non en raison des risques inhérents associés au fonctionnement d’un véhicule blindé.

[84] [Texte caviardé].

[85] Pour déterminer si l’appelante a établi un danger qui nécessiterait l’émission d’une instruction, l’intimée soutient que le Tribunal doit prendre en compte un autre facteur, c’est-à-dire le ou les risques inhérents associés au secteur des camions blindés.

[86] À cet égard, Garda soutient que dans les cas de camions blindés, le Tribunal a toujours pris en considération le fait que les agents des véhicules blindés travaillent dans un secteur qui comprend certains risques inhérents. Par conséquent, lorsque le Tribunal évalue si un danger existe, il cherche toujours à déterminer si le danger excède ce qui est normalement attendu dans ce domaine de travail. Ne soutenant pas que travailler dans un secteur intrinsèquement dangereux exclut l’émission d’une instruction de danger en vertu du Code, l’intimée affirme toutefois que le camion de série « P » n’augmente pas de façon considérable le risque d’attaque ou de blessures au point que le risque inhérent au secteur devient inhabituel et inacceptable pour la sécurité des employés, ce qui représente le critère établi dans Les Blindés Loomis Ltée et qui, comme l’a fait valoir l’intimée, continue d’être le critère que l’appelante doit satisfaire.

[87] [Texte caviardé].

[88] [Texte caviardé].

[89] [Texte caviardé].

[90] L’intimée ne conteste pas l’affirmation de l’appelante selon laquelle les véhicules modernisés sont en voie d’être supprimés, mais attire l’attention sur le fait qu’ils le sont en vue d’être remplacés par la série « P » de façon permanente, et non, comme l’a allégué l’appelante, à titre provisoire en attendant la conception du véhicule de l’avenir.

[91] En outre, alléguer que la série « P » constitue un retour en arrière en ce qui concerne la santé et la sécurité, à l’instar de l’appelante, est simplement inexact. Dans le cas particulier en cause, la décision de l’employeur consiste simplement à abandonner certaines caractéristiques connues auxquelles certains anciens agents de G4S étaient habitués, et par conséquent, ne constitue pas un fondement approprié pour émettre une instruction de danger.

[Texte caviardé]

[92] [Texte caviardé].

[93] [Texte caviardé].

[94] En ce qui concerne le pouvoir d’arrêt de la vitre sur les véhicules de la série « P », l’intimée indique que la preuve soumise au Tribunal démontre qu’il y a un produit du fabricant d’équipement d’origine (FEO), c’est-à-dire, [texte caviardé] une situation qui ressemble à celle des autres véhicules de la flotte de Garda.

[95] [Texte caviardé].

[96] De plus, étant donné que la formation et l’EPP fournis aux employés sont essentiellement les mêmes pour tous les employés à cet égard, notamment ceux qui conduisent un véhicule modernisé qui ont également [texte caviardé], l’intimée estime qu’aucune formation supplémentaire n’est [texte caviardé].

[97] En général, concernant ce facteur en particulier, l’intimée soutient que pour conclure que l’appelante a établi une menace sérieuse pour la vie ou pour la santé des employés, la preuve doit démontrer que les employés pourraient vraisemblablement être confrontés dans les jours, les semaines ou les mois à venir, à une situation qui leur causerait un dommage sérieux découlant [texte caviardé]. Cela signifierait essentiellement, selon l’intimée, que pour constituer un danger, une probabilité [texte caviardé] doit être établie.

[98] Compte tenu de cela, l’intimée soutient que la série « P » présentant [texte caviardé] ne constitue pas un danger au sens du Code.

[Texte caviardé].

[99] Concernant le deuxième facteur soulevé par l’appelante, c’est-à-dire [texte caviardé], et l’affirmation de l’appelante que les deux membres de l’équipe dans un camion de série « P » [texte caviardé], l’intimée soutient que l’appelante n’a pas fourni au Tribunal d’élément de preuve qui établit de façon objective que [texte caviardé] sur le camion de série « P » constitue un danger au sens du Code.

[100] Centrale à la question faisant l’objet de [texte caviardé] est la notion d’accès entre les compartiments du conducteur et du caissier/messager du véhicule. Les observations de l’intimée abordent cette notion sous deux angles à savoir, d’une part, [texte caviardé], et d’autre part, [texte caviardé], l’accès par la voie des communications.

[101] Concernant le premier angle, l’intimée attire l’attention sur la preuve soumise au Tribunal selon laquelle [texte caviardé].

[102] [Texte caviardé].

[103] [Texte caviardé].

[104] [Texte caviardé].

[105] L’intimée mentionne également que l’appelante a admis que d’autres véhicules sont utilisés dans la flotte de Garda, notamment les véhicules modernisés, qui ont [texte caviardé], et qu’à part G4S, ancien employeur de l’appelante, la séparation de l’équipe représente la norme dans ce secteur. L’intimée souligne également les avantages connexes liés à la sécurité de la séparation de l’équipe. Ainsi, grâce à la séparation de l’équipe, la probabilité est plus faible que dans le cas d’une attaque, l’équipe [texte caviardé].

[106] Le deuxième point de vue abordé par l’intimée [texte caviardé]. L’intimée soutient à cet égard que des éléments de preuve ont été soumis au Tribunal démontrant que les membres de l’équipe disposent de nombreux moyens de communication, [texte caviardé], une possibilité qui constitue une simple spéculation selon l’appelante, mais qui selon l’intimée, ne devrait pas être négligée en l’absence de preuve du contraire.

[107] Dans ses observations, l’intimée n’écarte pas le fait que des problèmes techniques ou technologiques peuvent toujours survenir, mais fait valoir que cette « tempête parfaite » de facteurs est rare et qu’elle ne devrait pas servir à établir une incapacité de communiquer de la part des membres de l’équipe. L’intimée soutient en outre à cet égard que le Tribunal n’a pas reçu de preuve qui démontrerait des défectuosités reliées à [texte caviardé] des agents ou à tout autre appareil de communication mis à leur disposition.

[108] Par conséquent, une distinction devrait être faite entre les cas d’« absence de communication » dans la décision Loomis Armoured Car Service et d’inadéquation des communications (zones mortes à la téléphonie cellulaire) dans la décision Brazeau, dans lesquelles décisions une conclusion de danger a été tirée.

[109] De plus, l’intimée a fait valoir que [texte caviardé].

[110] En comparaison, l’intimée mentionne la preuve soumise au Tribunal voulant que les pênes dormants manuels sur les camions modernisés doivent être verrouillés en tout temps lorsque l’équipe est dans le véhicule. Il s’ensuit, tel que l’intimée l’a observé, que sur la base de ce qui précède, l’appelante n’a soumis aucune preuve qui établirait de façon objective que [texte caviardé] constitue un « danger » au sens du Code.

[Texte caviardé].

[111] En ce qui concerne le troisième facteur soulevé par l’appelante, portant sur le fait que le conducteur sortant du véhicule du côté conducteur, sort donc du côté de la circulation, l’intimée soutient que l’appelante n’a soumis aucune preuve qui démontrerait quelle que soit la norme que, puisque le conducteur descend du véhicule du côté conducteur, il va être raisonnablement confronté à une situation qui lui causerait un dommage sérieux. Les observations de l’intimée à cet égard sont fondées d’une part sur un certain nombre de ce qu’elle appelle des concessions faites par l’appelante.

[112] [Texte caviardé]

[113] L’intimée souligne également la concession faite par l’appelante relativement à une question du soussigné, selon laquelle les véhicules blindés ne sont, bien souvent, pas stationnés dans des rues ordinaires, ce qui implique que le conducteur n’aura pas toujours à sortir du véhicule du côté de la circulation.

[114] Par ailleurs, l’intimée souligne que l’appelante a également admis que toute personne, notamment les membres du public, conduisant un véhicule fabriqué en Amérique du Nord, sort à chaque fois du véhicule du côté conducteur.

[115] En outre, l’intimée a fait valoir que la preuve soumise au Tribunal démontre clairement que les employés de Garda qui utilisent un véhicule de série « P », en tant que conducteur sont formés sur la façon d’entrer dans le véhicule et d’en sortir. Ainsi, les conducteurs sont formés pour examiner leurs miroirs (des autocollants de rappel visibles à cet effet sont placés dans le compartiment du conducteur), pour regarder à travers leur pare-brise et les autres fenêtres et pour ne sortir que lorsque c’est sécuritaire. [Texte caviardé]

[116] Tout en reconnaissant qu’en sortant du véhicule en ayant recours à la méthode des trois points de contact, [texte caviardé] l’intimée a souligné que la preuve soumise au Tribunal selon laquelle une telle exposition ne durerait que quelques secondes, ne s’étendant pas sur une longue et importante période de temps, et que ce risque de [texte caviardé] de cette façon est atténué par la procédure de sortie établie par Garda et enseignée aux conducteurs.

[117] De plus, l’intimée souligne la preuve soumise au Tribunal selon laquelle si un conducteur évalue qu’une menace approche ou qu’il est victime d’une attaque lorsqu’il entre dans le véhicule, il devrait essayer d’entrer dans le véhicule, de fermer la porte et de partir, battant en retraite de manière efficace et stratégique, [texte caviardé].

[118] Concluant sur ce sujet, l’intimée demande au Tribunal de se reporter aux dépositions du témoin [texte caviardé] selon lesquelles G4S était la seule entreprise de transport de valeurs qui faisait sortir tous les membres de l’équipe du côté caissier du véhicule, un élément qui n’a pas été contesté ni contredit par la preuve de l’appelante.

[119] Somme toute, l’intimée a soutenu que le fait que le conducteur sorte du véhicule du côté conducteur ne constitue pas un danger au sens du Code.

[Texte caviardé]

[120] Le quatrième facteur invoqué par l’appelante à l’appui du présent appel, et celui pour lequel elle était le plus précise dans ses observations, avait trait à [texte caviardé]. À ce propos, l’intimée a admis que la série « P » est la première série de véhicules dans sa flotte à [texte caviardé], et souligne que la décision de [texte caviardé] de ce véhicule s’appuyait, essentiellement, sur un rapport rédigé par un expert reconnu par le Tribunal comme expert en matière de recours à la force, d’intervention tactique et d’équipement spécialisé et d’analyse des risques, [texte caviardé].

[121] Eu égard à la prétention formulée par l’appelante selon laquelle [texte caviardé] qui seront perdus s’ils sont retirés, l’intimée souligne d’une part qu’aucun des témoins de l’appelante qui a fait une telle affirmation n’a présenté des tests ou des recherches concernant [texte caviardé], fondant uniquement leur affirmation sur des suppositions ou des croyances.

[122] D’autre part, l’intimée fait également valoir qu’une preuve a été soumise au Tribunal selon laquelle [texte caviardé]. En outre, la preuve présentée au Tribunal veut que les employés de Garda [texte caviardé], ce qui ne serait pas le cas en situation d’attaque réelle.

[123] L’expert a également indiqué que [texte caviardé]. Dans son témoignage, l’expert a également soutenu que [texte caviardé].

[124] En ce qui concerne la tentative de la part de l’appelante de discréditer ou de limiter les résultats des tests obtenus par l’expert en mettant l’accent sur la grande expérience de ce dernier dans la police plutôt que dans le secteur du transport de valeurs, l’intimée a soutenu que le fonctionnement et les angles de tir sont les mêmes peu importe qu’un employé soit un policier ou un agent travaillant dans le secteur du transport de valeurs, et que par conséquent, l’expérience dans la police de l’expert n’a aucune incidence sur les résultats de son test, pas plus que sur le choix de l’arme à feu utilisée (Glock, 9 mm).

[125] [Texte caviardé].

[126] En ce qui concerne l’affirmation de l’appelante selon laquelle [texte caviardé] peut être assimilé à [texte caviardé], l’expert de l’intimée a contesté cette affirmation, mentionnant que ce type de tir ne fait pas partie de la formation ou de la formation de requalification des employés, ni même du cadre de la formation de feux rapides à courte distance, [texte caviardé].

[127] L’intimée a également souligné l’avis exprimé par l’expert selon lequel même si une formation approfondie sur [texte caviardé] était dispensée aux employés de Garda, [texte caviardé], représentant un risque pour le public en général et l’autre [texte caviardé], parce que l’employé [texte caviardé].

[128] En outre, relativement à la perte [texte caviardé], que l’intimée a remise en question par l’entremise du témoignage de son expert, ces conséquences ne l’emporteraient pas sur les risques associés [texte caviardé], et par conséquent, [texte caviardé] représente l’option la plus sûre.

[129] Compte tenu de ce qui précède, l’intimée soutient que [texte caviardé] ne constitue pas un danger au sens du Code.

[130] [Texte caviardé].

[131] [Texte caviardé].

[132] Plus précisément relativement à [texte caviardé], l’intimée fait valoir deux éléments. Premièrement, l’intimée souligne le fait que les témoins de l’appelante ont tous admis [texte caviardé].

[133] En outre, au fil des ans, il n’y a eu qu’un seul cas connu de [texte caviardé] blindé. Lors de l’évaluation de la probabilité pour déterminer l’existence d’un danger, l’intimée soutient que cet incident isolé doit être évalué par rapport aux 4,5 millions de services que l’intimée fournit annuellement au Canada. Ainsi, l’intimée est d’avis qu’un seul accident [texte caviardé], compte tenu du nombre de services qu’elle fournit tous les ans, n’est pas suffisant pour établir quoi que ce soit mis à part une probabilité extrêmement faible d’avoir recours à [texte caviardé], ce risque faible ne constituant pas un danger si l’on tient compte de la jurisprudence du Tribunal.

[134] L’intimée soutient par ailleurs que tout en rejetant [texte caviardé] mené par le témoin expert [texte caviardé], l’appelante n’a présenté aucune preuve pour contrer ses conclusions, notamment la conclusion fondée sur le bon sens selon laquelle [texte caviardé] constitue potentiellement un danger pour le public en général. Concrètement, même si l’appelante possédait cette étude depuis décembre 2015, soit longtemps avant l’audience dans la présente affaire, elle n’a présenté aucune contre-expertise au rapport.

[135] Sur la foi de ce qui précède, l’intimée soutient que la preuve soumise au Tribunal n’établit pas que du fait [texte caviardé], les employés seront raisonnablement confrontés à une situation qui leur causerait un dommage sérieux, et ainsi, cela ne constitue pas un danger au sens où ce terme est employé dans le Code.

[136] Pour soutenir davantage sa position concernant la sécurité du véhicule de série « P », l’intimée souligne également un certain nombre de caractéristiques et de procédures présentées en preuve destinées à atténuer le risque. [texte caviardé].

[137] [Texte caviardé].

[138] D’autre part, [texte caviardé].

[139] L’intimée souligne également le témoignage entendu par l’agent d’appel selon lequel les employés [texte caviardé].

[140] De plus, relativement à l’intention établie de l’intimée de [texte caviardé], des éléments de preuve ont été présentés à l’agent d’appel concernant les avantages liés à la sécurité associés à une telle mesure. Selon l’intimée, [texte caviardé] permettrait d’améliorer la formation puisque l’accent serait mis sur les procédures pour [texte caviardé] plutôt que sur [texte caviardé]. Cela permettrait également de s’assurer que tous les employés travaillent de la même façon et utilisent les mêmes procédures, permettant ainsi à chaque employé de se familiariser davantage avec le véhicule et ses procédures.

[141] Finalement, en ce qui concerne le 9 mars 2016, soit une note portant sur d’« excellents dispositifs de sécurité » devant être signée par chaque employé utilisant un camion de série « P » déployé, l’intimée a fait valoir que le soussigné ne devrait pas tenir compte de l’interprétation de l’intention du document présentée par l’appelante, puisque la preuve présentée par un certain nombre de témoins de l’intimée démontrait que ces mots se rapportaient simplement au fait que l’ARP et l’évaluation ergonomique n’étaient pas terminés au moment où le déploiement de la série « P » a commencé.

[142] En résumé, l’intimée soutient que la preuve soumise à l’agent d’appel n’établit pas qu’un seul aspect du camion de série « P » crée une menace imminente ou sérieuse prise dans son ensemble, une condition préalable à l’émission d’une instruction de danger par le Tribunal.

[143] Précisant que le soussigné devrait privilégier la preuve présentée par ses témoins, puisque ces derniers étaient plus francs lors de leur témoignage devant le Tribunal, l’intimée soutient que selon la propre jurisprudence du Tribunal, pour conclure que l’appelante a établi une menace sérieuse pour la vie ou pour la santé des employés, la preuve doit démontrer que les employés pourraient vraisemblablement être confrontés dans les jours, les semaines ou les mois à venir, à une situation qui leur causerait un dommage sérieux découlant [texte caviardé] et non des risques inhérents associés à la conduite d’un véhicule blindé. L’intimée fait valoir que cela n’a pas été établi.

[144] Invoquant une fois de plus la jurisprudence du Tribunal selon laquelle « un risque très faible, soit en raison de sa faible probabilité ou de sa faible gravité, n’est pas une menace », et donc pas un danger, l’intimée indique que la preuve soumise au Tribunal est que les employés de Garda rendent 4,5 millions de services par année au Canada, qu’un seul accident est survenu où [texte caviardé], et que les statistiques communiquées par le témoin expert démontrent que presque toutes les tentatives de vol à l’encontre des véhicules blindés sont survenues [texte caviardé].

[145] Précisant qu’hormis la présente instance, aucune inquiétude n’a été manifestée au sujet des véhicules de série « P » et aucun conducteur de ces véhicules n’a refusé de travailler, l’intimée est d’avis qu’il n’existe aucune menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé des employés de Garda et que, par conséquent, le présent appel devrait être rejeté.

C) Réplique

[146] La première question sur laquelle s’est penchée l’appelante dans sa réplique porte sur l’affirmation de l’intimée, dans ses observations, que la véritable question en litige dans le présent appel est une question de relations de travail, une allégation que rejette l’appelante. Selon cette dernière, le fait qu’une section locale ayant des membres dans la succursale de Mississauga de l’intimée a appuyé l’appel ne mène pas à la conclusion que la question dont est saisi le Tribunal est une question de relations de travail.

[147] Selon l’appelante, en examinant cette question en particulier, il est important de souligner que bien que la section locale comprenne la succursale de Mississauga de Garda, les personnes qui appuient l’appel font partie du comité national. Il convient davantage de souligner que l’appel a été déposé par M. [texte caviardé] qui, tout en travaillant à l’extérieur de la succursale de Mississauga, est le coprésident pour les employés du comité national; il se penche par conséquent sur les questions de santé et de sécurité à l’échelle de Garda et pas seulement pour la succursale de Mississauga.

[148] Précisant que les trois témoins de l’appelante ont tous soulevé des questions de santé et de sécurité et des inquiétudes concernant la série « P », l’avocat de l’appelante soutient qu’observer simplement, comme l’a fait M. [texte caviardé], qu’il [traduction] « y a toujours une résistance au changement » ne signifie pas qu’un changement n’est pas susceptible de poser des risques sérieux et légitimes pour la santé et la sécurité.

[149] Au sujet de l’évolution sur le plan législatif de la définition de « danger » dans le Code (1985, 2000 et 2014), l’appelante soutient qu’il serait erroné d’accepter la proposition de l’intimée voulant que la définition actuelle soit semblable à celle de 1985, bien que plus étroite que celle-ci, citant à cet égard la décision du Tribunal dans Ketcheson selon laquelle :

[186] En résumé, l’évolution de la définition de « danger » sur le plan législatif porte à croire que, malgré une certaine similitude sur le plan terminologique, la définition de 2014 est, de par sa nature, différente de celles qui l’ont précédée, soit les deux qui nous intéressent. Il ne s’agit ni d’un retour à la version antérieure à 2014 de l’expression « danger imminent » ni d’une simplification de la définition qui était en vigueur de 2000 à 2014. Il y a deux types de « danger ». Ils comportent tous deux des risques élevés, mais pour des raisons différentes. La nouvelle définition ajoute un élément temporel afin d’évaluer la probabilité. Elle ajoute le concept de gravité du préjudice. Dans le contexte du reste du Code, un « danger » est une cause directe de préjudice plutôt qu’une cause profonde.

[150] Compte tenu de ces propos du Tribunal, l’appelante soutient qu’il est peu utile et intéressant d’examiner les décisions du Tribunal portant sur la définition de « danger » de 1985 sur lesquelles s’est appuyée l’intimée, et qu’il n’y a pas lieu de s’inspirer de ces affaires pour interpréter la définition actuelle du terme.

[151] En ce qui concerne le critère établi par le Tribunal dans la décision Ketcheson, l’appelante souligne que le Tribunal dans les récentes décisions Arva et Keith Hall & Sons Transport Limited a affirmé qu’un danger doit reposer sur plus qu’une « menace hypothétique » et que la nouvelle définition contient une exigence d’attente raisonnable. À cet égard, l’appelante soutient que la jurisprudence antérieure du Tribunal appuie le fait que les risques auxquels sont confrontés les employés du secteur du transport des valeurs peuvent causer des blessures graves ou la mort. L’appelante fait ainsi valoir que ceci indique que la possibilité d’une blessure grave découlant des risques posés par les véhicules de série « P » n’est pas hypothétique et qu’il existe une possibilité raisonnable qu’elle se matérialise.

[152] En outre, et contrairement à la position adoptée par l’intimée, l’appelante est d’avis que la présence de risques inhérents dans le travail effectué dans le secteur du transport de valeurs ne signifie pas que les risques pour la santé et pour la sécurité posés par les véhicules de série « P » constituent des dangers inhérents au secteur.

[153] Selon l’appelante, puisque la présente affaire ne découle pas d’un « refus de travailler » exercé par un employé, ce qui était le cas dans les décisions du Tribunal invoquées par l’intimée, il ne faudrait pas aborder la notion de « danger inhérent » de la même façon qu’elle l’a été dans ces affaires. L’appelante ajoute que, même s’il y a des dangers inhérents ou des risques connexes dans le secteur du transport de valeurs, ce danger inhérent ou ce risque ne résulte pas d’une protection inadéquate des travailleurs. Il provient plutôt, au moins en partie, du risque posé par les menaces, telles que le vol ou les attaques, qui sont inhérentes au travail dans le secteur des valeurs.

[154] Dans la mesure où les travailleurs sont confrontés à des dangers découlant de protections ou d’équipements inadéquats, comme c’est le cas avec la série « P » selon l’appelante, ces dangers ou ces risques ne font pas partie des dangers inhérents que présente le secteur du transport de valeurs. De plus, les véhicules de série « P » ne marquent pas simplement l’abandon de certaines caractéristiques connues auxquelles certains anciens agents de G4S étaient habitués, comme l’a affirmé l’intimée. Ce sont plutôt les quatre caractéristiques de la série « P » en cause qui comportent des risques ou qui posent des risques pour la sécurité qui n’existent pas ou qui n’existent pas au même degré sur les véhicules qui ont suivi les véhicules modernisés, tels que la série « U ». Elles représentent un retour en arrière plutôt qu’un simple changement et servent à démontrer que le véhicule de série « P » n’est pas aussi sécuritaire que les véhicules intelligents qui ont été conçus comme véhicules blindés.

[Texte caviardé]

[155] [Texte caviardé].

[156] Pour l’appelante, le changement de blindage a son importance étant donné la preuve [texte caviardé].

[157] Finalement, sur ce point particulier, l’appelante soutient que l’allégation de l’intimée que [texte caviardé] est simplement trompeuse puisqu’il n’est pas requis [texte caviardé] un risque pour la santé et la sécurité. À cet égard, l’appelante fait valoir que les protections en matière de santé et de sécurité en vertu du Code ne sont pas subordonnées à l’existence de règlements ou de normes exigeant certains niveaux ou seuils.

[Texte caviardé]

[158] [Texte caviardé].

[159] L’appelante est d’avis qu’une urgence médicale n’a pas à avoir eu lieu pour conclure que [texte caviardé]. Les protections en matière de santé et de sécurité sont préventives et devraient viser la prévention des incidents avant qu’ils surviennent plutôt que simplement réagir à l’événement ou aux incidents après leur survenance.

[Texte caviardé]

[160] Le fait que pour la série « P », l’appelante a qualifié [texte caviardé] de risque pour la santé et la sécurité qui justifierait l’émission d’une instruction de « danger », indépendamment du fait que les employés n’ont déposé aucune plainte à ce sujet, qu’un conducteur sortant d’un véhicule de cette façon est essentiellement la norme en Amérique du Nord ou que les véhicules blindés ne sont pas toujours, voire même pas souvent, stationnés dans la rue de sorte qu’un conducteur sortant du côté conducteur ne descendrait pas du côté de la circulation automobile.

[161] Sur ce point, l’appelante conteste la position adoptée par l’intimée selon laquelle les employés ont été adéquatement formés sur la technique de sortie (maintenir les trois points de contact). L’appelante observe que cette formation ne modifie pas le fait que lors d’une sortie du véhicule du côté conducteur, [texte caviardé].

[162] L’appelante reconnaît, toutefois, que les conducteurs d’autres séries de camions blindés, notamment les véhicules modernisés, sortent en faisant face au véhicule, même si elle souligne que les camions modernisés sont en voie d’être supprimés.

[Texte caviardé]

[163] Finalement, en ce qui concerne la quatrième caractéristique soulevée par l’appelante, [texte caviardé] sur la série « P », celle-ci conteste la position de l’intimée et [texte caviardé], soutenant que l’allégation selon laquelle [texte caviardé] est purement spéculative et que l’expert de l’intimée n’a effectué aucun test relativement à [texte caviardé].

[164] En ce qui a trait au témoin expert présenté par l’intimée, l’appelante fait valoir que le manque d’expérience antérieure dans le secteur du transport de valeurs, qui diffère de la police, est pertinent pour évaluer le témoignage de l’expert. Ceci étant dit, l’appelante soutient également que certaines des conclusions présentées par l’expert ne sont que simple spéculation, en particulier lorsqu’il affirme [texte caviardé] demeurerait dangereux même si une formation approfondie était dispensée aux employés de Garda.

[165] L’appelante estime par ailleurs que le fait qu’en évaluant [texte caviardé], l’expert a eu recours à une arme de service qui est ou qui sera généralement utilisée partout au Canada, à l’exception de l’Ontario, a pour effet de limiter la mesure dans laquelle le Tribunal peut s’appuyer sur les conclusions de l’expert.

[166] L’appelante soutient également que le danger créé par [texte caviardé] n’est pas modifié par le fait que les employés sont [texte caviardé].

[167] De plus, le seul cas noté soumis en preuve [texte caviardé] ne devrait pas mener à la conclusion que [texte caviardé] puisqu’il n’est pas nécessaire qu’un incident survienne pour que les travailleurs puissent invoquer les protections en matière de santé et de sécurité prévues au Code. L’appelante estime que la santé et la sécurité sont liées à la fréquence et à la gravité des risques potentiels et que par conséquent, un risque peut être sérieux, soit en raison de sa fréquence, soit en raison de la gravité de ses conséquences potentielles. Même si [texte caviardé] peut être rare, des attaques envers les travailleurs peuvent entraîner de graves conséquences.

[168] En ce qui concerne la sécurité du public [texte caviardé], l’appelante précise que, comme pour tous les cas ou toutes les situations où on a recours à la force, les employés doivent suivre les mêmes processus et tenir compte des mêmes facteurs extrinsèques et intrinsèques indiqués par le témoin expert avant de prendre des mesures.

[169] En conclusion et contrairement à la position adoptée par l’intimée, l’appelante soutient que les procédures en place sont insuffisantes pour atténuer le risque posé par les véhicules de série « P » et qu’une menace pour la vie ou pour la santé existera avant que le risque soit écarté ou la situation corrigée. À cet égard, l’appelante constate encore une fois que la preuve soumise au Tribunal a démontré que les camions de série « P » ont commencé à être déployés avant la réalisation d’une ARP et fait référence au libellé de la note du 9 mars 2016 présentée en preuve ([traduction] « des préoccupations ou des questions en matière de santé et de sécurité non résolues ») et des observations de l’intimée ([traduction] « l’ensemble des membres du Comité des politiques nationales ne s’entendait pas encore sur ces questions ») pour affirmer qu’il restait des préoccupations ou des questions en matière de santé et de sécurité non résolues au moment du déploiement et qu’en conséquence, un risque pouvait survenir avant qu’il soit écarté, justifiant l’émission d’une instruction de « danger ».

[170] De plus, l’appelante soutient que de nombreuses mesures indiquées par l’intimée, telles que [texte caviardé], ne sont pas propres à la série « P » et qu’elles ne peuvent donc pas répondre adéquatement à ces préoccupations qui sont spécifiques à ce véhicule. Au sujet du témoignage de ses témoins, l’appelante estime qu’en cas de conflit avec la preuve de l’intimée, les dépositions des témoins de l’appelante devraient être privilégiées puisque, contrairement à ce qui a été soutenu par l’intimée, leurs témoignages étaient francs et sincères, précisant qu’un témoin peut refuser d’admettre un point en contre-interrogatoire, tout en étant franc et crédible.

Analyse

[171] Le présent appel pourrait être décrit comme étant atypique, dans le sens où il ne découle pas d’une conclusion habituelle de danger ou d’absence de danger qui résulte d’un refus de travailler exercé par un employé ou un groupe d’employés relativement à une ou plusieurs tâches qu’ils peuvent être tenus d’accomplir dans le cadre de leur travail et de l’enquête qu’un tel refus engendrerait.

[172] Comme je l’ai indiqué au début des présentes, il n’est pas non plus présenté comme constituant un désaccord ou une contestation quant au fond de l’instruction de « contravention » qui a été émise par la déléguée ministérielle Mordaunt à l’issue de son enquête sur les plaintes qu’elle décrit dans son rapport d’enquête comme étant des [traduction] « plaintes du Comité des politiques ». L’action engagée par l’appelante semble plutôt être l’expression de son désaccord quant à la portée des instructions émises par la déléguée ministérielle à la fin de son enquête.

[173] À cet égard, on pourrait affirmer que la question soulevée par l’appel est complètement distincte des conclusions de la déléguée ministérielle sous-tendant l’instruction de contravention. Ainsi, tout au long du déroulement et de l’audience de la présente affaire, aucune partie n’a effectivement soutenu que les conclusions de contravention de la déléguée ministérielle Mordaunt devraient être annulées. Au contraire, le présent appel correspond à une demande voulant que le soussigné approfondisse ces conclusions et, d’après les faits qui ont mené à l’intervention de Mme Mordaunt, conclut qu’une instruction de danger devrait être émise.

[174] De plus, aucun des trois individus/témoins qui ont comparu, parlé et témoigné pour le compte du syndicat de l’appelante, même s’ils étaient enregistrés à titre d’employés de l’intimée à sa succursale de Mississauga, ne travaillait en fait avec des véhicules blindés de livraison de valeurs de ladite succursale ou de toute autre succursale au moment de la plainte et de la présente audience, occupant plutôt chez Garda diverses autres fonctions, ou fonctions syndicales dans le cas de M. [texte caviardé], et tous faisaient partie du comité national de l’intimée, dont M. [texte caviardé] était le coprésident (côté des employés). Personne n’avait travaillé avec un véhicule blindé de série « P » et la preuve a démontré que les trois individus n’ont vu le véhicule en question, qui n’était pas non plus utilisé à la succursale de Mississauga de Garda, qu’en de rares occasions.

[175] J’ai déjà établi longuement ci-dessus ce que je considère être la véritable question devant être tranchée dans la présente affaire et avant d’aborder cette question centrale, j’estime que je devrais aborder brièvement certaines questions qui ont été énoncées par les parties et qui sont présentées comme pouvant avoir une incidence sur la façon dont la question de « danger », qui constitue principalement ce qui doit être tranché en l’espèce, devrait être traitée.

[176] La première question concerne l’allégation énoncée à plusieurs reprises par l’intimée, qui modifierait ma perception de la présente affaire, selon laquelle la « véritable question » en l’espèce n’est rien d’autre qu’une question de relations de travail, une [traduction] « tentative par une section locale, ayant des membres dans ladite succursale de Mississauga, de résister à un changement mis en place par Garda qui diffère de ce qui était utilisé par l’ancienne G4S et auquel ils étaient habitués. »

[177] En entendant la preuve et en recevant les observations des parties, on ne peut éviter de tirer la conclusion qu’effectivement, l’intention de Garda de remplacer éventuellement un véhicule privilégié à la succursale de Mississauga par un véhicule de série « P » ne plaisait apparemment pas à une partie des membres de la section. Je dis « une partie » des membres, car effectivement, à l’exception des trois individus/témoins qui ont comparu pour l’appelante, le soussigné n’a pas entendu ni reçu d’autres témoignages de la part d’autres membres de la section (qui s’étend au-delà des quatre coins de la succursale de Mississauga), ni d’ailleurs d’autres sections, concernant leur avis sur le nouveau camion blindé proposé.

[178] Toutefois, il convient de préciser d’une part que de ces trois individus mentionnés précédemment (MM. [texte caviardé], [texte caviardé] et [texte caviardé]), aucun n’avait jamais travaillé avec un véhicule de série « P » puisqu’aucun n’était affecté à la succursale, et d’autre part, même si les membres de la section locale peuvent comprendre la succursale de Mississauga de Garda, les personnes qui appuient le présent appel font partie du comité national, plus précisément M. [texte caviardé], qui, tout en travaillant à l’extérieur de la succursale de Mississauga, est le coprésident pour les employés du comité national qui s’occupe des questions de santé et de sécurité à l’échelle de Garda et pas uniquement à la succursale de Mississauga. À cet égard, il est utile de rappeler que l’intention déclarée de Garda est [texte caviardé] et pas uniquement d’apporter des changements à Mississauga.

[179] En outre, il faut se rappeler que le présent appel découle de conclusions tirées par la déléguée ministérielle Mordaunt reconnaissant le manquement par l’intimée de dûment consulter le comité.

[180] Finalement, il convient de souligner expressément le libellé du paragraphe 146(1) du Code qui confère précisément le droit d’interjeter appel à un « syndicat qui se sent lésé par des instructions données par le ministre », ce qui est essentiellement le cas en l’espèce.

[181] Cela étant dit, je ne partage clairement pas l’opinion réductrice présentée par l’intimée selon laquelle la question en litige en l’espèce porte uniquement sur les relations de travail. Bien qu’il ne fasse aucun doute que M. [texte caviardé] et les deux autres témoins ne sont pas satisfaits du nouveau véhicule proposé, étant donné le caractère sérieux d’une telle allégation et de tous les autres éléments présentés à l’audience, il faudrait plus d’éléments que ceux qui ont été présentés par l’intimée pour convaincre le soussigné que l’allégation de l’intimée est fondée.

[182] La deuxième question concerne le fait que la présente affaire ne découlait pas de l’exercice d’un refus de travailler, qui est l’étape la plus courante menant éventuellement à un appel alléguant l’existence d’un « danger » dans un lieu de travail.

[183] Dans sa réplique, l’avocat de l’appelante semblait suggérer que puisque le présent appel ne découlait pas d’un refus initial de travailler, la question de savoir si un danger existait en l’espèce devait être abordée différemment. Se référant à la jurisprudence invoquée par l’intimée, plus particulièrement aux récentes décisions du Tribunal dans Arva et Keith Hall & Sons Transport Limited, dans son examen du critère relatif à une instruction de danger, ce critère ayant été énoncé dans la décision Ketcheson, l’avocat de l’appelante a soutenu qu’il [traduction] « est important de mentionner que les décisions sur lesquelles s’est appuyée l’intimée comportaient des refus de travail. L’appel interjeté devant le Tribunal ne comporte pas de refus de travail et par conséquent, les discussions sur le concept de danger inhérent qui y figurent se distinguent de la présente affaire. »

[184] Il est vrai que la présente affaire ne découle pas d’un refus de travailler et par conséquent n’évalue pas le « danger » par rapport à une situation précise d’un employé à l’égard de l’utilisation d’une machine ou d’une chose, d’une situation existant dans le lieu de travail ou de l’accomplissement d’une tâche, mais plutôt à l’égard de l’objectif de l’appelante, bien qu’il ne soit pas indiqué clairement, d’obtenir une conclusion de danger et une ordonnance de cessation et d’abstention qui concernerait tous les camions de série « P » proposés [texte caviardé].

[185] Ce qui précède ne modifie pas le fait que dans le Code, « danger » est défini d’une seule façon et que cette définition s’applique à toutes les situations qu’un agent d’appel peut devoir examiner pour décider si un « danger » existe, bien que le manque ou l’absence de situations particulières peuvent avoir une influence sur l’examen de la question.

[186] À cet égard, par conséquent, je ne partage pas l’avis exprimé par l’avocat de l’appelante voulant que puisque les toutes premières décisions des agents d’appel interprétant la plus récente définition de « danger » ont été rendues dans des affaires portant sur des refus de travailler, le concept de « danger inhérent » examiné dans ces affaires ne devrait pas être interprété de la même façon en l’espèce.

[187] Enfin, la dernière question concerne, faute d’une meilleure expression, l’élaboration des arguments et des observations de l’appelante qui, par nécessité, a également entraîné l’intimée dans le même type de présentation, et découle essentiellement de la nature quelque peu exceptionnelle de la présente affaire et du type de question sous-jacent. Il est important de souligner à nouveau à cet égard que le présent appel ne fait pas suite à une décision sur un refus de travailler qui traiterait de situations particulières d’un individu ou d’un groupe d’employés, ni ne découle de conclusions tirées par un délégué ministériel quant à l’existence d’un danger ou non concernant la situation au cœur des présentes, soit la mise en service proposée d’un véhicule [texte caviardé].

[188] Bien que j’aie déjà conclu que la mesure prise par l’appelante à l’égard de l’introduction du camion blindé de série « P » ne constitue pas une simple mesure de l’appelante relevant des « relations de travail », il a toutefois été indiqué clairement lors de l’audience, et je ne peux l’ignorer, que l’appelante, plus précisément les trois individus qui ont témoigné à l’appui de l’argumentation de l’appelante à l’audience, n’aime pas la configuration du véhicule de série « P » que l’on envisage d’adopter dans l’ensemble de l’entreprise, et que vu la succursale de Garda à laquelle ils sont affectés, même s’ils n’ont pas à travailler avec un camion blindé, ils estiment que le véhicule de série « U » qui est le véhicule principalement utilisé à Mississauga est un véhicule blindé supérieur du point de vue de la sécurité et, par conséquent, de la santé et de la sécurité.

[189] Tout au long de la présentation des arguments de l’appelante et du témoignage de tous ses témoins, cette autre série « U » a constamment été mentionnée pour comparer non seulement ses différentes caractéristiques, plus particulièrement les quatre caractéristiques qui sont au cœur de la présente affaire, mais également pour expliquer qu’elles étaient supérieures à celles de la série « P », ainsi qu’à d’autres qui ne se retrouvent pas dans cette série controversée.

[190] Il y a toutefois une limite à cet exercice de comparaison. D’un point de vue informatif, il pourrait être utile de connaître les caractéristiques des autres véhicules de la flotte de Garda. Il faut être clair qu’établir si un véhicule blindé de série « P » constitue un danger au sens du Code n’implique pas un exercice de comparaison par lequel on examinerait si un véhicule est plus sécuritaire qu’un autre. Dans le cadre de l’application de la définition de « danger », cet exercice consiste plutôt à examiner le véhicule lui-même, isolément, et son utilisation.

[191] À cet égard, la définition de « danger » prévue dans le Code est relativement nouvelle, puisqu’elle a été décrétée par le Parlement dans la Loi no 2 sur le plan d’action économique de. 2013, L.C. 2013, ch. 40 et est entrée en vigueur le 31 octobre 2014. Elle se lit comme suit :

[...] Situation, tâche ou risque qui pourrait vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée avant que, selon le cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée ou le risque écarté.

[192] Ce qui est essentiel à la plus récente définition sont les concepts de menace imminente et de menace sérieuse pour la vie et pour la santé avant d’apporter des mesures correctives. En raison de cette nouveauté, la définition n’a pas fait l’objet de commentaires ou n’a pas souvent été analysée par les agents d’appel, même si elle a fait l’objet de comparaisons avec les anciennes définitions de 1985 et de 2000 et même avec la terminologie du Code avant la première définition en 1985, dans laquelle le concept d’imminence était au cœur du processus du refus de travailler.

[193] Parmi ces commentaires, certains étaient d’avis que cette nouvelle définition limite considérablement les situations dans lesquelles on pouvait conclure à l’existence d’un « danger » alors que d’autres prétendent le contraire et que la plus récente définition est simplement une réadoption de l’ancienne, quoiqu’avec moins de mots. Tel qu’indiqué plus haut, il y a eu quelques déclarations à ce sujet, même si dans Ketcheson, faisant référence aux diverses positions susmentionnées, l’agent d’appel a fait les commentaires suivants :

[191] La nouvelle définition de « danger » est plus simple et plus claire que la précédente. Il serait trompeur de s’attarder à la question de savoir si la nouvelle définition nous ramène ou non à un sens antérieur plus restrictif, [...] ou à la question de savoir si la nouvelle définition a considérablement changé ou non [...]. La nouvelle définition de « danger » diffère des précédentes définitions. Elle énonce plus clairement ce qu’un employé raisonnable considérerait comme suffisant pour déclencher un refus de travailler. En contexte, elle incitera probablement les employés à reconnaître, parfois, que leur préoccupation ne repose pas sur un risque suffisamment élevé au point de constituer un « danger » et que la question devrait être réglée par d’autres moyens, et que le fondement de leur préoccupation est davantage une cause profonde qu’une cause directe ce qui, encore une fois, se prête mieux à l’application d’autres mécanismes prévus dans le Code.

[194] Ceci étant dit, après avoir examiné l’évolution législative de la définition et conclu qu’elle est différente de celles qui l’ont précédée, l’agent d’appel dans Ketcheson a tiré la conclusion suivante, qui est répétée avec approbation par l’agent d’appel dans Brink’s Canada Limited c. Robert Dendura, 2017 TSSTC 9 (Brink’s Canada Limited) et avec laquelle le soussigné est en accord :

[186] En résumé, l’évolution de la définition de « danger » sur le plan législatif porte à croire que, malgré une certaine similitude sur le plan terminologique, la définition de 2014 est, de par sa nature, différente de celles qui l’ont précédée, soit les deux qui nous intéressent. Il ne s’agit ni d’un retour à la version antérieure à 2014 de l’expression « danger imminent » ni d’une simplification de la définition qui était en vigueur de 2000 à 2014. Il y a deux types de « danger ». Ils comportent tous deux des risques élevés, mais pour des raisons différentes. La nouvelle définition ajoute un élément temporel afin d’évaluer la probabilité. Elle ajoute le concept de gravité du préjudice. Dans le contexte du reste du Code, un « danger » est une cause directe de préjudice plutôt qu’une cause profonde.

[195] De plus, faisant référence à la dichotomie entre une menace « imminente » et une menace « sérieuse » dans la définition, l’agent d’appel dans Ketcheson a écrit à ce propos :

[193] La jurisprudence établie pendant la période comprise entre 2000 à 2014 comporte de nombreuses expressions de probabilité : « plus probable qu’improbable »; « probable »; « possibilité raisonnable »; « simple possibilité ». Le laps de temps pendant lequel la probabilité doit être évaluée était toutefois rarement mentionné : le jour du refus de travailler; l’avenir prévisible le jour du refus de travailler; une année à compter du refus de travailler? Est-ce qu’une chose est probable? Il peut être presque certain qu’une chose se produise au cours des cinq prochaines années, raisonnablement prévisible qu’elle se produise dans la prochaine année, mais qu’il n’y ait qu’une simple possibilité qu’elle se produise dans les cinq prochaines minutes. Il est inutile de parler de probabilité sans préciser un laps de temps. Contrairement à la définition de « danger » qui était en vigueur de 2000 à 2014, la définition de 2014, en établissant une distinction entre la « menace imminente » et la « menace sérieuse », ajoute un laps de temps pour la probabilité.

[soulignement ajouté]

[196] La définition de « danger » demeure toutefois interprétée à partir des notions essentielles de risque, de situation ou de tâche qui doivent constituer une menace pour qu’un danger existe. Pourtant rien dans la loi ne délimite ce qui doit être le lien ou la cause à effet entre le risque et la menace.

[197] À nouveau dans Ketcheson, l’agent d’appel a établi un lien entre les concepts de probabilité et de gravité du risque et s’est exprimé ainsi :

[198] Dans le New Shorter Oxford English Dictionary (1993) le mot « threat » est défini comme suit [traduction] : « une personne ou une chose considérée comme étant susceptible de causer un préjudice ». On peut donc dire que, selon cette définition, la menace indique la probabilité d’un certain niveau de préjudice. Certains risques sont des menaces et d’autres ne le sont pas. Un risque très faible, soit en raison de sa faible probabilité ou de sa faible gravité, n’est pas une menace. La probabilité et la gravité doivent chacune atteindre un seuil minimal avant que le risque ne puisse être appelé une menace. Il est clair qu’un risque faible n’est pas un danger. Un risque élevé est un danger.

[soulignement ajouté]

[198] Bien que le mot « menace » soit l’élément central de la définition, qualifié par les termes « imminente » et « sérieuse », il convient de souligner ce qui est évident, à savoir que pour conclure à un danger, cette menace doit être « pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée ». Par conséquent, la menace doit être spécifique, dans le sens où elle doit être la cause potentielle de la blessure ou de la maladie de l’individu, prêtant foi à l’opinion que les processus prévus dans le Code peuvent ne pas viser à statuer sur un « danger » en général, comme une généralisation systématique, sans attention particulière aux circonstances individuelles. Je suis d’avis que cela a pu faire partie des motifs de l’agent d’appel, à nouveau dans Ketcheson, où ce dernier a indiqué ce qui suit en abordant un refus de travailler d’un individu :

[192] La définition de « danger » comporte l’expression « une menace [...] pour la vie ou pour la santé de la personne ». L’expression « pour la vie ou pour la santé » est très large. Elle désigne les menaces pouvant causer la mort, des blessures ou la maladie. Le mot « santé » peut désigner l’absence de maladie ainsi que l’intégrité corporelle (l’absence de blessure). L’expression désigne une vaste catégorie de préjudices touchant les gens. Il ne s’agit pas d’une menace aux biens, à l’environnement, à la productivité, à la qualité, à la continuité des affaires ou à d’autres catégories de pertes associées à des accidents et à des expositions. Le Code vise à protéger les gens et non les choses.

[199] Bien que la notion de « danger » dans le Code soit établie sur le concept d’une menace imminente ou sérieuse, ce concept n’est pas sans limite, c’est-à-dire qu’il requiert des circonstances qui vont au-delà de ce que l’on présenterait comme une simple possibilité. À cet égard, l’agent d’appel dans Brink’s Canada Limited a cité avec approbation les termes de l’agent d’appel dans Keith Hall & Sons Transport Limited :

[40] Il convient également de noter que le concept d’attente raisonnable (c’est-à-dire, les mots « pourrait vraisemblablement ») demeure inclus dans la définition modifiée. Tandis que l’ancienne définition exigeait que l’on tienne compte des circonstances aux termes desquelles une situation, une tâche ou un risque est susceptible de causer des blessures à une personne ou de la rendre malade, la nouvelle définition exige plutôt que l’on examine si la situation, la tâche ou le risque pourrait vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée. À mon avis, pour conclure qu’il y a présence d’un danger, il faut donc qu’il y ait plus qu’une menace hypothétique. Une menace n’est pas hypothétique si elle peut vraisemblablement causer un préjudice, ce qui signifie, dans le contexte de la Partie II du Code, qu’elle peut causer des blessures à des employés ou les rendre malades.

[41] Pour qu’il y ait présence d’un danger, il faut donc qu’il y ait une possibilité raisonnable que la menace alléguée se matérialise, c’est-à-dire que la situation, la tâche ou le risque causeront bientôt des blessures à une personne ou la rendront malade (en l’espace de quelques minutes ou de quelques heures) dans le cas d’une menace imminente; ou qu’elle causera des blessures sévères à une personne ou la rendra gravement malade à un moment donné dans l’avenir (que ce soit dans les jours, les semaines ou les mois, voire peut-être les années, à venir) dans le cas d’une menace sérieuse. Il convient de mettre l’accent sur le fait que, dans le cas d’une menace sérieuse, il faut évaluer non seulement la probabilité que la menace puisse entraîner un préjudice, mais également la gravité des conséquences indésirables potentielles de la menace. Seules les menaces susceptibles de causer des blessures sévères à une personne ou de la rendre gravement malade peuvent constituer des menaces sérieuses à la vie et à la santé des employés.

[soulignement ajouté]

[200] Dans Nolan et autres c. Western Stevedoring, 2017 TSSTC 11 (Nolan et autres c. Western Stevedoring), l’agent d’appel s’est exprimé dans le même sens sur le critère d’« attente raisonnable », en affirmant :

[61] Étant donné que la définition du mot « danger » dans le Code est fondée sur le concept de ce qui pourrait vraisemblablement se présenter, la simple possibilité qu’un événement ou un incident cause un préjudice sérieux ne suffit pas pour conclure à l’existence d’une menace sérieuse. La preuve doit être suffisante pour permettre d’établir que des employés pourraient vraisemblablement être assujettis à un préjudice sérieux en raison de leur exposition au risque, à la situation ou à la tâche en question.

[201] Dans cette affaire, l’agent d’appel a également reconnu que même si le libellé de la définition prévoit une « possibilité raisonnable » comme seuil à atteindre pour parvenir à une conclusion de « danger », cette conclusion ne peut être tirée dans le vide. Ainsi, il a affirmé :

[62] Il n’est pas toujours facile de déterminer si une menace pourrait vraisemblablement se matérialiser ou s’il s’agit plutôt d’une menace indirecte ou hypothétique. Dans chaque cas, c’est une question de fait qui dépend de la nature de la tâche et du contexte dans lequel elle est examinée. Sa détermination exige une appréciation des faits et une décision sur la probabilité de survenance éventuelle d’un événement. Selon moi, l’un des moyens acceptables de procéder à cette détermination est de se poser la question suivante : une personne raisonnable, dûment informée, examinant les circonstances objectivement et d’un point de vue pratique, conclurait-elle qu’un événement ou un incident causant un préjudice sérieux à un employé surviendra probablement?

[soulignement ajouté]

[202] Après avoir examiné tout ce qui précède, le critère juridique à appliquer pour décider si on peut conclure à un danger dans les circonstances particulières de la présente affaire, cette conclusion pouvant avoir des répercussions sur l’utilisation de chaque véhicule de série « P » de la flotte de l’intimée, et par conséquent, sur les employés qui travaillent avec ces véhicules, peut être décrit comme suit et découle de la décision Ketcheson :

(i) Quel est le risque allégué, la situation ou la tâche?

(ii) Ce risque, cette situation ou cette tâche pourrait-il vraisemblablement présenter une menace imminente?

ou

Ce risque, cette situation ou cette tâche pourrait-il vraisemblablement présenter une menace sérieuse?

(iii) La menace pour la vie ou pour la santé existera-t-elle avant que, selon le cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée ou le risque écarté?

[203] Comme l’a affirmé l’agent d’appel dans Brink’s Canada Limited, « la première question est donc de déterminer le "danger, la situation ou la tâche" que l’on prétend être une menace pour la vie ou la santé » des employés. J’emploie ici le pluriel puisque j’ai déjà précisé précédemment que puisque la présente affaire ne fait pas suite à un refus de travailler d’un employé, la question à trancher en l’espèce n’est entourée par aucune circonstance particulière ou personnelle. Par conséquent, l’appelante demande une conclusion d’application générale, ce que je pourrais décrire comme une conclusion générale, qui s’appliquerait à l’ensemble de la flotte de série « P » de Garda et aux employés qui y sont affectés.

[204] Cette conclusion ou déclaration de « danger » qui est demandée par l’appelante pourrait être tirée à la lumière d’une acceptation commune des deux parties selon laquelle le travail ou le secteur relié au transport de valeurs comporte des risques inhérents de violence, qu’il s’agisse de vols ou de tentatives de vol effectués de diverses façons, notamment en utilisant des armes à feu, mais sans préciser les circonstances, élevant ce risque général au niveau d’éventualité ou de possibilité, et non de probabilité.

[205] L’appelante a examiné le risque, ou plutôt le risque allégué, en fonction des caractéristiques d’un nouveau camion blindé, [texte caviardé], qu’elle a considéré constituer une menace pour la vie ou pour la santé des personnes qui y étaient exposées, ces personnes étant évidemment ces employés qui conduiraient le véhicule en question, si elles sont confrontées à des situations qui sont généralement décrites comme étant [texte caviardé]. Ces caractéristiques ont été décrites dans [texte caviardé] qui, la preuve l’a démontré, est un [texte caviardé], de la séparation de l’équipe, le conducteur sortant du côté conducteur et [texte caviardé]; tous ces éléments se rapportant intégralement au véhicule lui-même.

[206] Dans ses observations, l’appelante a tenu compte dudit risque inhérent pour affirmer que [traduction] « lorsque l’équipement, la formation ou les mesures de protection mises à leur disposition (pour la protection des employés) sont inadéquats, ce qui est le cas des véhicules de série « P », les employés peuvent s’exposer à un risque sérieux de préjudice », identifiant donc le risque à évaluer comme étant le véhicule ou pour être plus précis ces quatre caractéristiques susmentionnées, indépendamment de circonstances personnelles ou particulières, puisque l’existence d’un risque inhérent au secteur est acceptée de façon constante.

[207] L’appelante a efficacement souligné la question en litige en affirmant que [traduction] « le ou les risques posés par les véhicules de série " P " excèdent le danger présent dans les conditions normales d’emploi des équipes de Garda, de telle sorte que le véhicule constitue un danger au sens du Code. » L’intimée a contesté cette affirmation en faisant valoir que [traduction] « le camion de série " P " n’augmente pas de façon significative le risque d’attaque ou de blessures au point que le risque inhérent au secteur devienne inhabituel ou inacceptable », réaffirmant ainsi effectivement que le danger allégué est le véhicule et plus précisément, ces quatre caractéristiques susmentionnées.

[208] L’analyse de la menace qui constitue la deuxième partie du critère nécessite qu’on évalue si ce qui a été identifié ou présenté comme le risque (situation ou tâche) peut vraisemblablement constituer une menace imminente ou sérieuse. Je ne consacrerai pas beaucoup de temps au premier élément de cette analyse, qui consiste à déterminer si le risque (ou la situation ou la tâche) constitue une menace imminente, puisque d’une part lorsqu’on examine ce qui est allégué aux présentes, il faut distinguer la présente affaire de ce qui a été présenté comme constituant une menace imminente dans la première décision du Tribunal portant sur la nouvelle définition de « danger », à savoir la décision Ketcheson, qui a été suivie dans les quelques décisions qui ont été rendues par la suite et qui ont été mentionnées aux présentes.

[209] Dans cette décision, le Tribunal a déclaré au paragraphe 205 :

Une menace imminente existe quand il est vraisemblable que le risque, la situation ou la tâche entraîne rapidement (dans les prochaines minutes ou les prochaines heures) des blessures ou une maladie. La gravité du préjudice peut aller de faible (sans être triviale) à grave. Le caractère vraisemblable comprend la prise en compte de ce qui suit : la probabilité que le risque, la situation ou la tâche existe ou ait lieu en présence de quelqu’un; la probabilité que le risque cause un événement ou une exposition; la probabilité que l’événement ou l’exposition cause un préjudice à une personne.

[210] De toute évidence, il n’y a aucune allégation ici que le risque allégué par l’appelante peut entraîner des blessures dans les prochaines minutes ou les prochaines heures.

[211] D’autre part, même si les parties ne se sont pas exprimées ainsi, avec autant de mots dans leur présentation, on peut facilement comprendre de ceux-ci qu’aucune des parties n’a suggéré que le ou les risques ou ce qui a été présenté comme le ou les risques pourraient vraisemblablement constituer une menace imminente.

[212] En examinant la prochaine question de savoir si le ou les risques (situations ou tâches) relevés pourraient vraisemblablement constituer une menace sérieuse pour la vie ou pour la santé des employés, on doit tenir compte des circonstances de la présente affaire, où les quatre caractéristiques susmentionnées, prises isolément des circonstances particulières, ne peuvent d’elles-mêmes représenter une menace, et où aucune situation factuelle personnelle n’est mentionnée puisqu’il ne s’agit pas d’un cas de refus de travailler, une telle conclusion ne pourrait être tirée que s’il existe une attente raisonnable ou une possibilité raisonnable que les employés, tous les employés travaillant avec un camion de série « P », seraient confrontés à une quelconque attaque et subissent des blessures en raison des quatre caractéristiques auxquelles s’oppose l’appelante.

[213] Dans Ketcheson, l’agent d’appel a abordé comme suit cette notion de menace sérieuse dans le cas d’un refus de travailler au paragraphe 212 de la décision :

Pour conclure que l’intimé était exposé à une menace sérieuse pour sa santé ou sa vie, la preuve doit démontrer qu’il était vraisemblable que l’intimé soit confronté, dans les jours, les semaines ou les mois à venir, à une situation qui lui aurait causé un préjudice sérieux parce qu’il n’a pas été en mesure de porter sur lui un vaporisateur de poivre et des menottes.

[214] Bien que je convienne de la formulation, il faut noter, comme il est indiqué ci-dessus, qu’une telle décision a été prise dans un cas mettant en cause un employé et l’exercice d’un refus de travailler relativement à une situation et à des tâches propres à cet individu en particulier. En l’espèce, comme il a été mentionné à plusieurs reprises, lorsqu’aucune circonstance particulière ou personnelle n’est invoquée et, ainsi que je l’ai indiqué précédemment, dans le cas où on demande une déclaration générale de danger en raison des caractéristiques d’un véhicule jumelées au risque inhérent au secteur du transport de valeurs, une décision semblable à celle citée précédemment, mais adaptée à l’affaire en cause, pourrait se lire comme suit :

[Traduction] Pour conclure que les employés représentés par le syndicat de l’appelante sont ou seraient exposés à une menace sérieuse pour leur santé ou pour leur vie, la preuve doit démontrer qu’il est vraisemblable que les employés utilisant un camion de série « P » présentant les quatre caractéristiques en cause seront ou seraient confrontés dans les jours, les semaines ou les mois à venir, à une situation qui est un risque inhérent au secteur qui pourrait leur causer un préjudice sérieux en raison de ces caractéristiques.

[215] Reconnaissant, à l’instar de l’agent d’appel dans Keith Hall & Sons Transport Limited, qu’il doit y avoir plus qu’une simple menace hypothétique et qu’« [u]ne menace n’est pas hypothétique si elle peut vraisemblablement causer un préjudice, ce qui signifie, dans le contexte de la Partie II du Code, qu’elle peut causer des blessures à des employés ou les rendre malades », il faut reconnaître qu’une telle conclusion peut ne pas être facile à tirer.

[216] Dans Brink’s Canada Limited (précitée), l’agent d’appel a écrit à ce propos :

[143] [...] Dans chaque cas, c’est une question de fait qui dépend de la nature de la tâche et du contexte dans lequel elle est exercée. Les données statistiques sont pertinentes pour tirer une conclusion factuelle éclairée sur cette question, bien qu’en dernière analyse, il s’agisse d’une appréciation des faits et d’un jugement sur la probabilité de la survenue d’un événement futur [...].

[217] Il faut souligner à ce stade-ci que très peu d’éléments de preuve statistiques ont été présentés dans la présente affaire, et aucune preuve ne concernait la fréquence des vols ou des tentatives de vol. Il semble, au vu de la preuve, que Garda, ou plutôt ses employés, rendent environ 4,5 millions de services annuellement, qu’il y a eu [texte caviardé], survenu il y a plusieurs années, et finalement que [texte caviardé]. Cette preuve indique que, statistiquement, la probabilité d’attaques à l’égard de véhicules blindés est très faible.

[218] Dans Nolan et autres c. Western Stevedoring (précitée), l’agent d’appel s’est exprimé sur la difficulté de différencier une possibilité raisonnable d’une possibilité hypothétique, indiquant qu’il est possible d’apprécier les faits et de prendre une décision sur la probabilité de la survenance éventuelle d’un événement en se posant la question suivante : « une personne raisonnable, dûment informée, examinant les circonstances objectivement et d’un point de vue pratique, conclurait-elle qu’un événement ou un incident causant un préjudice sérieux à un employé surviendra probablement? » [soulignement ajouté].

[219] J’ai examiné et tenu compte de l’ensemble de la preuve qui m’a été présenté et je l’ai analysé avec la conclusion, corroborée par la position des deux parties, que ce qui est inhérent au travail de transport et de transit de valeurs est la survenance d’un comportement humain criminel imprévisible sous la forme d’un vol ou d’une tentative de vol, qui constitue une possibilité, et non une probabilité, ne pouvant être éliminée.

[220] Ceci étant dit, toutefois, je ne suis pas convaincu selon la prépondérance des probabilités que les quatre caractéristiques du véhicule de série « P » au cœur de l’argumentation de l’appelante, indépendamment de circonstances personnelles ou particulières, modifient ou augmentent le risque associé à la possibilité que ce comportement criminel se produise. Je n’ai pas non plus été convaincu que les quatre caractéristiques en cause augmentent le risque de blessures sérieuses pour les employés qui est inhérent au secteur du transport de valeurs, dans le cas d’une tentative de vol.

[221] En d’autres mots, bien que selon l’appelante, la protection offerte par le véhicule de série « P » soit inadéquate, je ne suis pas convaincu que ce camion blindé, examiné tel quel, offre aux employés de Garda un équipement de protection défectueux ou inefficace. Pour les motifs qui suivent, je conclus que son utilisation ne ferait pas en sorte que les employés soient confrontés à une menace pour leur vie ou pour leur santé qui excède le danger qui est inhérent à leur domaine de travail.

[222] Selon mon examen de la preuve, il faut souligner que selon ces quatre caractéristiques du véhicule qui concernent la « séparation de l’équipe », cette séparation constitue la règle ou la norme dans le secteur et que les déficiences mentionnées comme les problèmes de santé (par exemple crise cardiaque) pour les membres séparés de l’équipe ou le mauvais fonctionnement de certains appareils de communication ou d’autres équipements ne dépassent pas le cadre de l’hypothétique. En effet, comme le soutient l’employeur, la possibilité qu’une « tempête parfaite » de problèmes qui serait nécessaire pour que la « séparation de l’équipe » entraîne un préjudice sérieux pour les employés est fort peu probable. Ainsi, la preuve est insuffisante pour convaincre le soussigné qu’il existe une possibilité raisonnable que cela se produise.

[223] En ce qui a trait à la question des employés [texte caviardé], malgré le respect de la procédure, de l’attention et des précautions établies, la preuve indique qu’il s’agit également de la norme dans le secteur. De plus, la majorité des véhicules de la flotte de Garda, notamment les véhicules autres que la série « P », nécessite déjà [texte caviardé]. Pour ce motif, je ne peux pas accepter que l’élimination graduelle du soi-disant « mode traditionnel » pour sortir du véhicule, qui, il convient de le souligner, était accompagné d’une formation aux conducteurs sur la façon d’entrer dans les véhicules configurés comme la série « P » et d’en sortir de façon sécuritaire, crée un risque pour la santé et la sécurité qui constitue un « danger » au sens du Code. Par ailleurs, on ne m’a présenté aucun élément de preuve indiquant que la principale préoccupation de l’appelante, à savoir [texte caviardé], dépasse le seuil de la simple possibilité.

[224] Pour ce qui est de [texte caviardé], j’estime que les conclusions tirées par l’expert de l’intimée sur [texte caviardé] n’ont pas été véritablement contredites par la preuve testimoniale de l’appelante qui portait principalement sur l’effet dissuasif allégué perçu de celui-ci, sans être étayé par une preuve convaincante. Même si l’appelante a remis en cause certains aspects du rapport de M. [texte caviardé], le fait demeure que ce rapport contient la meilleure preuve qui m’a été soumise sur [texte caviardé], et j’estime que les conclusions de l’expert sont très pertinentes et crédibles. Plus précisément, j’accepte son avis qu’il aurait pu être préférable [texte caviardé] et que, même si une formation approfondie était dispensée aux employés, [texte caviardé].

[225] [Texte caviardé].

[226] [Texte caviardé].

[227] Je suis également conscient des diverses procédures opérationnelles de l’intimée axées sur [texte caviardé] ou [texte caviardé], de la configuration du camion de série « P » qui, selon moi, serait plus efficace pour empêcher que des vols soient commis, du fait que chaque arrêt d’un véhicule pour rendre un service fait l’objet d’une évaluation des risques liés aux lieux (ÉRL), de la sophistication des outils de communication de l’équipe ou du véhicule et [texte caviardé] et de la communication constante entre les employés ainsi que du contrôle efficace du véhicule au besoin, et de l’EPP des employés, de leur capacité à déclencher des alarmes, à faire des appels de détresse et à accéder à divers compartiments du véhicule ou à empêcher un tel accès selon la méthode décrite de « bunkering ». Tout ce qui précède atténue la probabilité de blessures sérieuses pour les employés en raison des quatre caractéristiques qui, selon l’appelante, constituent un risque pour la santé ou la sécurité qui nécessiterait l’émission d’une instruction de danger.

[228] Même si la survenance d’une attaque ou d’une tentative de vol est perçue et acceptée comme un risque inhérent, c’est-à-dire une possibilité, et qu’une telle survenance peut entraîner des blessures, elle ne dépasse pas et ne peut pas dépasser la simple possibilité lorsqu’on examine le secteur dans son ensemble, les moyens de défense offerts par ce véhicule, l’équipement de protection fourni à tous les employés, et le manque de preuve pour étayer le contraire. J’estime qu’une personne raisonnable qui est dûment informée des normes et des pratiques du secteur ne pourrait pas arriver à une conclusion d’attente raisonnable de blessures en raison des caractéristiques du véhicule de série « P ».

[229] Selon moi, même si la preuve soumise en l’espèce étaye l’existence d’une possibilité d’attaque à l’encontre de camions blindés de façon générale, ce qui constitue pour les employés une exposition potentielle à la violence, on ne m’a pas présenté de preuve convaincante que les caractéristiques du véhicule « P » auxquelles s’est opposée l’appelante augmentent la possibilité de blessures ou que leur modification ou suppression permettrait de diminuer cette même possibilité générale.

[230] En résumé, puisque la définition de « danger » du Code repose sur le concept d’attente raisonnable et qu’au mieux, la preuve présentée ne dépasse pas la notion de « simple possibilité », le cas échéant, je ne peux pas conclure que les quatre caractéristiques de la série « P » auxquelles s’est opposée l’appelante peuvent vraisemblablement constituer une menace sérieuse pour la vie ou pour la santé d’une personne qui travaille avec un véhicule de série « P » ainsi configuré.

[231] Suite à ma conclusion ci-dessus, il n’est pas nécessaire pour le soussigné d’examiner le troisième et dernier élément du test. Étant arrivé à cette conclusion, j’estime également que le véhicule de série « P », selon la configuration à laquelle s’oppose l’appelante, ne constitue pas un « danger » au sens du Code lorsqu’on examine son utilisation générale.

Décision

[232] Pour ce motif, l’appel est rejeté et la demande de l’appelante d’émettre une instruction en vertu de l’alinéa 146.1(1)b) du Code, à savoir une instruction de danger en vertu du paragraphe 145(2), est refusée.

Jean-Pierre Aubre
Agent d’appel

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