Document d’orientation : Évaluation de la mesure dans laquelle un projet contribue à la durabilité

Le 20 juin 2024, la Loi d’exécution du budget (2024) a reçu la sanction royale entraînant ainsi l’entrée en vigueur des modifications à la Loi sur l’évaluation d'impact (LEI). Ces modifications ont été apportées en réponse à la décision de la Cour suprême du Canada sur la constitutionnalité de la LEI. Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, ce site Web ainsi que nos procédures, politiques et documents d'orientation seront mis à jour pour tenir compte de ces changements législatifs, au besoin.

Ce document d'orientation fait partie du guide du praticien sur les évaluations d'impact fédérales en vertu de la loi sur l'évaluation d'impact

6 décembre 2021

Le Guide du praticien est un document évolutif. Veuillez vérifier régulièrement, car le contenu peut être mis à jour en raison de la participation continue et des commentaires reçus.

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Table des matières

Avis de non-responsabilité

Le présent document est présenté à titre informatif seulement. Il ne vise pas à entraver le travail des décideurs. Il ne vise pas à laisser entendre que le gouvernement peut réglementer des questions qui relèvent de la compétence provinciale. Il ne remplace pas la Loi sur l'évaluation d'impact (LEI) ou ses règlements. En cas d'incompatibilité entre le texte du présent document et la LEI ou ses règlements, la LEI et ses règlements ont prévalence.

Pour les versions les plus à jour de la LEI et de ses règlements, veuillez consulter le site Web du ministère de la Justice.

Le présent document d'orientation provisoire s'adresse aux praticiens de l'évaluation d'impact : promoteurs, consultants et aux autres participants d'une évaluation d'impact. Le présent document s'applique à des projets désignésNote de bas de page 1en vertu de la LEI.

1. Introduction

1.1 Objectif

Aux termes de la Loi sur l'évaluation d'impact (LEI), une évaluation d'impact doit tenir compte de la « mesure dans laquelle un projet désigné contribue à la durabilité »."Note de bas de page 2 La durabilité est « la capacité de protéger l'environnement, de contribuer au bien-être socioéconomique des habitants du Canada et de préserver leur santé d'une manière qui profite aux générations actuelles et futures ». L'examen de la contribution du projet à la durabilité aide à fournir une compréhension holistique des effets positifs et négatifs potentiels du projet, des interactions entre ces effets et de leurs conséquences à long terme. Cette compréhension plus large des effets potentiels du projet appuiera une prise de décision éclairée.

Ce document offre un aperçu des dispositions législatives, des définitions clés et des principes directeurs qui régissent la manière dont la durabilité sera prise en compte dans l'évaluation et la prise de décision. Il décrit les méthodes et les facteurs que les praticiens peuvent suivre pour décrire la contribution d'un projet à la durabilité.

1.2 Contexte et dispositions législatives pertinentes

Favoriser la durabilité est l'un des objectifs de la Loi. Le préambule de la Loi et le mandat qu'elle accorde au gouvernement du Canada, au ministre de l'Environnement et du Changement climatique (le ministre), à l'Agence d'évaluation d'impact du Canada (l'Agence) et aux autorités fédérales dans l'exercice de leurs pouvoirs renvoient à l'engagement à :

Toutes les évaluations d'impact doivent tenir compte de la mesure dans laquelle les projets désignés contribuent à la durabilité, ainsi que d'autres facteurs importants à prendre en compte.Note de bas de page 3 L'Annexe 1 décrit les dispositions législatives à cet égard.

La détermination de l'intérêt public par le ministre ou le gouverneur en conseil doit également tenir compte de la durabilité comme l'un des cinq éléments d'intérêt public à examiner pour rendre une décision finale sur le projet. Voir le Contexte stratégique : Détermination de l'intérêt public en vertu de la Loi sur l'évaluation d'impact pour obtenir de plus amples renseignements sur la détermination de l'intérêt public.

1.3 Explication des termes clés

Comme mentionné ci-dessus, la durabilité est la capacité de protéger l'environnement, de contribuer au bien-être socioéconomique des habitants du Canada et de préserver leur santé d'une manière qui profite aux générations actuelles et futures. La durabilité est contextuelle, elle est liée aux systèmes humains et aux écosystèmes et elle est tributaire du projet. Il importe de comprendre les différentes perspectives et valeurs des collectivités et groupes autochtones engagés dans une évaluation d'impact, afin d'évaluer adéquatement la contribution du projet à la durabilité. Les groupes et les collectivités sont susceptibles d'avoir différentes perspectives ou valeurs.

Le principe de précaution est mentionné dans le mandat de la Loi. Le principe de prudence stipule « qu'en cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour reporter l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement ». Note de bas de page 4Dans le contexte d'une évaluation d'impact, tous les aspects d'un projet doivent être examinés avec soin et précaution pour soutenir la prise de décision.

2. Principes directeurs

L'évaluation d'impact exige de :

Afin d'évaluer ces effets de façon holistique, on procédera à une analyse de l'apport du projet à la durabilité en se fondant sur les principes de durabilité énoncés ci-dessous. L'analyse servira de fondement pour évaluer la contribution du projet à la durabilité. L'application de ces principes permettra d'être mieux renseigné sur les effets du projet (y compris les effets à long terme) et sur la manière dont différents groupes ou personnes peuvent ressentir les effets de différentes manières.

Les principes de durabilité élaborés en vue de la mise en œuvre du projet de loi sont les suivants :

  1. Tenir compte de l'interdépendance et de l'interconnectivité entre les systèmes humains et les écosystèmes;
  2. Tenir compte du bien-être des générations actuelles et futures;
  3. Tenir compte des effets positifs et réduire les effets négatifs du projet;
  4. Appliquer le principe de précaution en tenant compte de l'incertitude et du risque de dommages irréversibles.

3. Approche générale

Bien que les praticiens analyseront la contribution d'un projet à la durabilité après leur évaluation des effets potentiels du projet, il faut tenir compte des besoins en matière de renseignements et de données sur la durabilité dès le début d'une évaluation d'impact. Les contributions à l'analyse de la durabilité doivent donc être continues et itératives tout au long.

Les promoteurs doivent mener une mobilisation précoce auprès des peuples autochtones et du public pendant l'étape préparatoire afin de faciliter le recensement des éléments clés qui encadreront l'évaluation de la durabilité et pour prévoir les effets potentiels positifs et négatifs sur la durabilité. L'Agence utilisera les renseignements recueillis au cours de l'étape préparatoire afin d'élaborer les lignes directrices individualisées relatives à l'étude d'impact (LDIREI) pour le projet. Celles-ci exposeront les renseignements et l'analyse nécessaires à l'évaluation de la durabilité dans l'étude d'impact du promoteur. Le niveau d'effort requis pour évaluer la contribution d'un projet à la durabilité est évolutif en fonction de l'étape du processus et devrait augmenter à mesure que les praticiens passent à travers les étapes d'évaluation d'impact. Le niveau d'effort doit également être approprié au contexte du projet (p. ex., dans le cas où des effets sont prévus sur les générations futures).

3.1. Principales activités liées à la durabilité

Le tableau 1 présente un aperçu de la manière dont la contribution d'un projet à la durabilité est prise en compte tout au long des étapes d'évaluation d'impact.Note de bas de page 6

Tableau 1 : Mesures clés pour évaluer la durabilité par étape
Étape Mesures clés liées à la durabilité
Étape préparatoire
  • Le promoteur mène une mobilisation précoce auprès des peuples autochtones et du public pour cerner les valeurs et les enjeux clés qui éclaireront l'évaluation de la contribution d'un projet à la durabilité (voir « 3.2 Établissement de la portée »).
  • Le promoteur précise les composantes valorisées qui devraient être transférées dans l'évaluation de la durabilité.
  • L'Agence mobilise les peuples autochtones, le public, les autorités fédérales et d'autres détenteurs de connaissances par le biais de discussions liées à la durabilité.
  • L'Agence élabore des lignes directrices individualisées relatives à l'étude d'impact qui exposent les renseignements et l'analyse nécessaires à l'évaluation de la durabilité dans l'étude d'impact du promoteur.
Étape de l'étude d'impact
  • Le promoteur prépare une étude d'impact en se fondant sur les lignes directrices individualisées relatives à l'étude d'impact propres au projet. Les lignes directrices nécessitent une analyse de la mesure dans laquelle le projet contribue à la durabilité.
  • L'Agence continue de mobiliser les peuples autochtones, le public, les autorités fédérales et d'autres détenteurs de connaissances à l'égard de questions liées à la durabilité. Elle fournit une orientation aux promoteurs sur les connaissances spécialisées (notamment le savoir autochtone), les renseignements et les analyses requises dans l'évaluation de la durabilité.
  • L'Agence veille à ce que l'étude d'impact du promoteur fournisse toutes les connaissances spécialisées requises (notamment le savoir autochtone), tous les renseignements et toutes les analyses relatives à la durabilité nécessaires, comme énoncé dans les lignes directrices individualisées relatives à l'étude d'impact pour le projet.
Étape de l'évaluation d'impact
  • L'Agence ou une commission d'examen prend en compte, évalue et analyse les renseignements relatifs à la durabilité dans l'étude d'impact du promoteur, en conjonction avec tous les renseignements disponibles, notamment le savoir autochtone fourni par les peuples autochtones, ainsi que les renseignements du public, des autorités fédérales et des autres détenteurs de connaissances.
  • La mobilisation des peuples autochtones et du public dans le cadre de l'évaluation de la durabilité se poursuit tout au long de cette étape.
  • Le rapport de l'évaluation d'impact, préparé par l'Agence ou une commission d'examen, précise dans quelle mesure le projet contribue à la durabilité.
  • Le rapport de l'évaluation d'impact éclaire l'étape de la prise de décisions.
Étape de la prise de décision
  • Au terme de l'examen du rapport de l'évaluation d'impact, le ministre de l'Environnement et du Changement climatique (le ministre) ou le gouverneur en conseil passe à la détermination de l'intérêt public.
  • Cette détermination doit être fondée sur le rapport de l'évaluation d'impact et sur les cinq facteurs d'intérêt public énoncés dans la Loi.Note de bas de page 7. Cela comprend une prise en compte de la mesure dans laquelle le projet contribue à la durabilité.
Étape post-décisionnelle
  • Après la détermination de l'intérêt public, le ministre produit une déclaration de décision.
  • S'il est décidé que le projet désigné est dans l'intérêt public, la déclaration de décision comprend les conditions, la période durant laquelle le promoteur doit entreprendre substantiellement le projet désigné, une description du projet et les motifs de la détermination.
  • Les conditions énoncées par le ministre peuvent comprendre des mesures d'atténuation des effets environnementaux, sanitaires, sociaux ou économiques négatifs ou un programme de suivi de ces effets au fil du temps.
  • Des mesures complémentaires peuvent également faire partie de la déclaration de décision. Voici des exemples :
    • une mesure fédérale visant à remédier à des effets résiduels négatifs;
    • des mesures fédérales pour aborder les répercussions sur les droits des Autochtones qui ne sont pas du ressort du promoteur.

3.2. Établissement de la portée

La définition de la portée d'une évaluation est un élément essentiel de l'étape préparatoire de l'évaluation d'impact. Dans le cadre de cette étape, les peuples autochtones, le public et d'autres détenteurs de connaissances seront mobilisés pour cerner les enjeux clés d'importance pour eux dans l'évaluation de la durabilité, y compris le potentiel d'interactions entre les effets du projet. Cette mobilisation aidera à déterminer les composantes valorisées (CV) et leurs fonctions environnementales, culturelles et socioéconomiques. Les CV peuvent être définies comme des éléments de l'environnement humain et naturel qui sont importantes pour les participants dans un processus d'évaluation d'impact et qui devraient être transférées dans l'évaluation de la durabilité.

La durabilité est largement définie par des principes de base, elle est contextuelle et tributaire du projet. En soi, la durabilité peut être définie de différentes manières par les collectivités ou même les groupes au sein de ces dernières. Le but n'est pas de dégager un consensus sur des thèmes importants, mais plutôt de documenter et de comprendre les points de vue exprimés. Sans savoir ce qui est important, il est impossible d'analyser les bons enjeux et la durabilité de ces éléments.

Lorsqu'ils désignent les CV qui méritent une évaluation plus poussée du point de vue de la durabilité, outre les CV cernées par les participants, les praticiens doivent également prendre en compte :

Dans le cadre de l'étape préparatoire, les promoteurs détermineront les limites temporelles ou les horizons temporels durant lesquels un projet devrait avoir des effets potentiels sur des CV et leurs systèmes. Les promoteurs devraient décrire les limites temporelles propres aux CV pertinentes pour l'évaluation de la durabilité, y compris les limites temporelles du projet (qu'elles soient à grande ou à petite échelle, telles que la construction, l'exploitation et la désaffectation ou le moment des activités propres au projet) et les caractéristiques temporelles (quand le projet peut avoir une incidence sur certaines CV, comme les cycles économiques, et pour combien de temps).

Il faut tenir compte :

Les systèmes et les éléments d'une CV peuvent aussi prendre des générations à se stabiliser à un nouvel état ou à se rétablir des effets d'un projet désigné. Le choix de la limite temporelle appropriée devrait tenir compte du temps prévu pour que la CV revienne aux conditions de référence (si possible), de la résilience de la CV et de la probabilité qu'elle se rétablisse des effets causés par le projet désigné.

Détermination des valeurs clés et des enjeux d'importance pour l'évaluation de la durabilité

Au cours de l'étape préparatoire dans le cadre d'une étude de cas fictive, les membres d'une collectivité locale situés près du site envisagé d'une mine de minéraux ont indiqué qu'ils appuieraient le projet en raison du potentiel en matière de perspectives d'emploi dans leur collectivité. Ils ont également souligné qu'ils voulaient en tirer des retombées à plus long terme, même si cela supposait moins de postes disponibles par année. Les habitants considéraient que la viabilité à long terme et le bien-être de leur collectivité étaient d'une importance capitale.

À l'opposé, les entrepreneurs locaux en quête d'occasions d'affaires préféraient maximiser leurs chances de passer des marchés à court terme afin de développer leurs capacités commerciales et leurs compétences avant de passer à d'autres projets. Ces entrepreneurs ont déterminé que la priorité consistait à augmenter les occasions et les capacités commerciales le plus rapidement possible. Le promoteur a donc inclus l'emploi et les retombées économiques en tant qu'enjeux clés d'importance dans l'évaluation de la durabilité. Le promoteur a consigné ces différents points de vue dans l'évaluation d'impact.

4. Principes de durabilité

Pour effectuer l'analyse, les praticiens devraient décrire comment les principes de durabilité ont été pris en compte dans l'évaluation des effets potentiels du projet :

  1. Tenir compte de l'interdépendance et de l'interconnectivité entre les systèmes humains et les écosystèmes;
  2. Tenir compte du bien-être des générations actuelles et futures;
  3. Tenir compte des effets positifs et réduire les effets négatifs du projet;
  4. Appliquer le principe de précaution en tenant compte de l'incertitude et du risque de dommages irréversibles.
Dans leurs études d'impact, les promoteurs devraient décrire le contexte d'un projet particulier, y compris les enjeux d'importance pour les participants, la diversité des points de vue exprimés et le choix des CV transférées dans l'évaluation de la durabilité. Au rang des pratiques exemplaires, les promoteurs pourraient inclure des renseignements rédigés du point de vue des participants (voir l'exemple « Projet générationnel de Keeyask : l'histoire que nous racontons est la nôtre »). Les promoteurs devraient faire référence explicitement aux principes de durabilité dans leur évaluation. Ils concluront en fournissant une analyse de la mesure dans laquelle le projet contribue à la durabilité par rapport aux principes de durabilité et aux conclusions tirées. L'analyse devrait être qualitative, mais peut faire appel à des données quantitatives pour étayer les conclusions. Les approches recommandées pour appliquer les principes de durabilité sont décrites aux sections 4.1 et 4.4 ci-dessous.

Projet générationnel de Keeyask : l'histoire que nous racontons est la nôtre »

Dans le cadre de l'évaluation environnementale pour le projet générationnel de Keeyask, les partenaires de la Nation crie (Nation crie Tataskweyak et Première Nation de War Lake), la Nation crie de Fox Lake et la Première Nation de York Factory ont présenté leurs rapports d'évaluation environnementale avec leurs points de vue respectifs. Le rapport d'évaluation environnementale du projet Keeyask, préparé par les partenaires de la Nation crie, souligne que « l'histoire que nous racontons est la nôtre, tout comme les conclusions sur le projet Keeyask. Les méthodes que nous avons utilisées pour évaluer les effets potentiels que nous subissons se fondent sur nos traditions et notre vision du monde, et notre décision d'approuver le projet Keeyask s'articule dans ce contexte. » Le rapport décrit davantage la vision du monde crie, le processus de consultation auprès de ses membres et leurs conclusions.

Les objectifs du rapport d'évaluation environnementale de la Nation crie de Fox Lake traduisent les objectifs à long terme de celle-ci en quête d'un style de vie mino pimatisiwin :

« Mino pimatisiwin fait référence à l'état de santé global de notre peuple. Mino pimatisiwin comprend la protection d'Aski, notre bien-être en matière de santé et de société, la prospérité socioéconomique, l'intégrité de la culture et de la langue, l'intégrité de la gouvernance et de l'autonomie ainsi que la santé des écosystèmes locaux. La santé, définie plus largement, englobe notre bien-être matériel, social, culturel et spirituel. Nous savons ce que doit être l'environnement pour nous procurer l'ensemble des choses indispensables à notre santé. Expressément, nos terres et cours d'eau devraient être sains et entiers, car ils sont indispensables à une existence paisible. Ce concept d'intégralité s'exprime dans une simple phrase : « tout est interrelié ». La compréhension du monde d'après cette relation entre toutes les choses est fondamentale à la philosophie de mino pimatisiwin et associe notre bien-être à notre perception de l'environnement. La définition d'Aski fournie par le groupe principal Kitayatisuk et Harvesters de la Nation crie de Fox Lake aide à comprendre la relation que notre peuple entretient avec les terres, les cours d'eau, les animaux, les plantes et les personnes ainsi que les relations entre ceux-ci. »

Ces rapports ont aidé les décideurs à comprendre les effets potentiels sur ces collectivités autochtones et à mieux cerner le contexte du projet.

Source : Keeyask Cree Nations Environmental Evaluation Reports (disponible uniquement en Anglais)

4.1 Principe 1 : Tenir compte de l'interdépendance et de l'interconnectivité entre les systèmes humains et les écosystèmes

4.1.1 Comprendre le principe 1

Les effets sur l'environnement, la santé, la société et l'économie sont interreliés et complexes, et sont rarement ressentis isolément. On ne peut comprendre la durabilité en sous-pesant séparément les effets potentiels d'un projet désigné; il faut plutôt adopter une approche systémique complexe. En effet, les personnes et les écosystèmes ne subissent pas les effets un à la fois ou en « silo ».

Une approche systémique est axée sur les interactions et facilite une meilleure compréhension des effets d'un projet. Elle permet d'examiner le degré d'interconnectivité au sein des processus ou des systèmes. L'interconnectivité peut être complexe et directe, ou indépendante et indirecte. C'est parce que les systèmes sont dynamiques et ne cessent de changer; ils sont plus grands que la somme de leurs parties.

Une approche systémique permet également d'examiner la résilience : la capacité ou l'incapacité des systèmes naturels à se remettre des perturbations et à tolérer ou à s'adapter aux changements. Les praticiens sont encouragés à établir des liens avec les seuils d'effets existants,Note de bas de page 8 tels que ceux cernés par le biais des évaluations régionales, pour prévoir l'effondrement des systèmes et décrire les incertitudes actuelles. Comme l'illustre la figure 1, les promoteurs peuvent souhaiter élaborer des schémas conceptuels de systèmes pour démontrer le fonctionnement des systèmes humains et des écosystèmes qui sont susceptibles d'être touchés par le projet. Ces modèles de système aident à situer les composants valorisés et les effets dans leur contexte plus large et facilitent la compréhension, le dialogue et l'évaluation complète. Les modèles de système permettent aussi la prise en compte des effets cumulatifs.

Figure 1 : Un modèle de système socioécologique qui démontre comment les gens et la nature sont liés

Dans la figure 1, les humains sont considérés comme faisant partie intégrante de leur environnement socioécologique. Le modèle systémique se compose de facteurs biophysiques, sociaux et économiques qui interagissent régulièrement de manière dynamique et complexe. Ici, les composantes écologiques, socioéconomiques et culturelles sont touchées par une combinaison de processus.

Source : adaptée de The Social-Ecological System Concept (disponible uniquement en Anglais) par Marta Pérez-Soba (de Wageningen Environmental Research) et Janet Dwyer (du Countryside and Community Research Institute), 2016

Dans la figure 1, les humains sont considérés comme faisant partie intégrante de leur environnement socioécologique. Le modèle systémique se compose de facteurs biophysiques, sociaux et économiques qui interagissent régulièrement de manière dynamique et complexe. Ici, les composantes écologiques, socioéconomiques et culturelles sont touchées par une combinaison de processus.

4.1.2 Appliquer le principe 1

Dans leur étude d'impact, les promoteurs devraient examiner comment les éléments des systèmes humains et des écosystèmes sont liés entre eux et comment ils fonctionnent de manière dynamique. Les systèmes devraient être décrits d'une façon suffisamment détaillée pour comprendre les manières directes et indirectes dont ils peuvent être touchés par un projet désigné. L'ensemble des interactions, des voies et des liens entre les effets sur l'environnement et les conditions sanitaires, sociales et économiques devraient être décrits, y compris la manière dont les effets peuvent diminuer ou augmenter au fil du temps. La description des systèmes ne devrait pas être une liste exhaustive de tous les effets potentiels du projet désigné, mais plutôt un étalage des aspects importants pour les collectivités, le système socioéconomique lui-même et le contexte du projet.

Le savoir autochtone est une source importante de renseignements pour décrire les interactions au niveau du système. Bien qu'il existe de nombreuses définitions de ce qu'est le savoir autochtone au sein des peuples et des organisations autochtones et dans la littérature universitaire, aucune d'entre elles n'est universellement acceptée.

Aux fins de l'évaluation d'impact en vertu de la Loi, le savoir autochtone est considéré comme un corpus de connaissances constitué par les peuples autochtones au cours de générations de vie en contact étroit avec la terre, y compris les systèmes de connaissances distincts des Premières Nations, des Inuits et des Métis au Canada. Bien que le terme « savoir traditionnel » soit souvent appliqué, la Loi utilise le terme « savoir autochtone  » afin de reconnaître que les systèmes de connaissances évoluent et ne sont pas fixés dans le passé (comme le mot « traditionnel » peut laisser entendre). Les promoteurs devraient veiller à ce que la description des systèmes et de leurs relations directes et indirectes soit guidée par des données tirées du savoir autochtone.

Comment le savoir autochtone peut éclairer les modèles socioécologiques

Un projet de mine d'or fictif prévoit la conversion d'un plan d'eau naturel en un bassin de stockage de déchets miniers. Le lac contient des ressources en eaux superficielles et souterraines considérées comme importantes pour la santé et le bien-être d'une collectivité autochtone. Le lac abrite du poisson et un habitat du poisson d'importance pour la culture de la collectivité autochtone, ainsi que pour les activités et les valeurs traditionnelles et économiques. Les aires fauniques associées au bassin versant revêtent une importance socioéconomique et culturelle pour la collectivité et font partie des activités autochtones traditionnelles, comme la chasse, la pêche, le piégeage et la cueillette d'aliments traditionnels à des fins de subsistance ou médicinales. Le lac est également un paysage sacré avec une longue histoire de signification spirituelle et de lien culturel.

Selon les renseignements collectés au cours de l'étape préparatoire, le promoteur a décrit l'interconnectivité du lac avec d'autres CV dans le système comme suit :

  • Poisson et habitat du poisson : la conversion du lac en bassin de stockage de résidus miniers et de stériles peut entraîner la perte irréversible de son écosystème fonctionnel. Les principaux effets sont la perte permanente de poisson, de l'habitat du poisson et de ressources aquatiques, et la détérioration du bassin versant causée par l'assèchement du lac pendant l'étape de construction du projet. La pêche et la récolte traditionnelles dépendent d'un système aquatique sain et, à leur tour, soutiennent le bien-être culturel et la santé de la collectivité autochtone.
  • Bien-être physique et culturel : la culture fait partie intégrante de l'exercice des droits des Autochtones et est liée à un esprit des lieux. La perte du lac a le potentiel d'avoir une incidence sur la culture en détériorant les terres et les eaux avec lesquelles la collectivité entretient une relation. Les processus autochtones de partage et d'application du savoir autochtone et les possibilités de transmettre ce savoir peuvent être modifiés par des changements dans le paysage, l'environnement biophysique et les liens spirituels avec le lieu, notamment les sites d'importance pour l'exercice des droits et les pratiques culturellement importantes (comme les camps de pêche et de chasse et les voies de déplacement).
  • Conditions sanitaires et socioéconomiques : la perte du lac et les changements dans le bassin versant environnant peuvent entraîner une réduction considérable de la pêche, de la récolte de gibier et d'animaux à fourrure, ainsi que de la cueillette de baies et de plantes médicinales. Les effets potentiels du projet sont liés à l'état de la sécurité alimentaire au sein de la collectivité autochtone, ainsi qu'à la santé à long terme par la consommation ou l'utilisation d'aliments traditionnels et de plantes médicinales exposés aux contaminants du projet. Une inégalité des effets et des disparités socioéconomiques peuvent découler d'une dépendance accrue à l'égard des aliments commerciaux par opposition aux aliments traditionnels de subsistance, en raison d'une contamination réelle ou perçue ou d'une disponibilité réduite des aliments traditionnels.

L'analyse de la durabilité a conclu que la collectivité autochtone serait la plus touchée par les effets environnementaux du projet puisque ses membres sont les principaux résidents et utilisateurs de la région, et que la mesure dans laquelle le projet contribue à la durabilité est faible. Tels que proposés, les avantages économiques et sociaux du projet l'emportent sur le risque d'effets environnementaux, sociaux et culturels négatifs, dont certains pourraient n'apparaître que des centaines d'années après la fin de l'exploitation minière. Les principales préoccupations consignées dans l'analyse de la durabilité ont trait à la création d'un important héritage de gestion environnementale à long terme sur le site et la perte d'un lac naturel présentant des valeurs spirituelles et culturelles importantes pour la collectivité autochtone touchée par le projet.

Au rang des pratiques exemplaires, les collectivités autochtones et le public devraient être mobilisés pour décrire où ils voient des domaines d'interconnectivité. Les praticiens peuvent élaborer des images simples pour représenter visuellement les liens entre les systèmes humains et les écosystèmes. Ces images peuvent être utiles à utiliser dans le cadre d'une mobilisation ou pour informer les décideurs.

Un système intégré de personnes et de territoire

Dans le rapport d'évaluation environnementale pour le projet de route toutes saisons Tłı̨chǫ, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, le promoteur et la commission d'examen de la vallée du Mackenzie ont représenté visuellement les liens entre les parties des systèmes humains et des écosystèmes dans la zone d'une route proposée dans la région subarctique du Canada. Les flèches représentent les principaux liens; les signes plus et moins indiquent si le rapport augmente ou réduit cet élément du système. L'illustration ne se veut pas exhaustive, mais cherche plutôt à indiquer les interactions. Par exemple, une augmentation des voies d'accès et des trajectoires linéaires peut entraîner une augmentation de la prédation par le loup et de la chasse récréative, ce qui peut mener à une diminution du nombre de caribous et à une incidence sur la récolte et la culture traditionnelles. La culture et la langue traditionnelles peuvent favoriser une bonne santé et de bons liens familiaux et réduire les dépendances, tandis que ces dernières peuvent nuire aux liens familiaux et à la santé. L'accès aux services médicaux et sanitaires favorise le rétablissement des toxicomanes et appuie le bien-être culturel.

Source : Report of Environmental Assessment Tłı̨chǫ All‐Season Road Project (disponible uniquement en Anglais)

Figure 2 : Illustration d'un système intégré de personnes et de territoire

Dans cette illustration, les flèches représentent les principaux liens; les signes plus et moins indiquent si le rapport augmente ou réduit cet élément du système.

Source : Report of Environmental Assessment Tłı̨chǫ All‐Season Road Project (disponible uniquement en Anglais)

4.1.3 Facteurs déterminants dans l'application du principe 1

Lorsqu'ils appliquent le principe 1, les praticiens doivent se poser les questions suivantes :

4.2 Principe 2 : Tenir compte du bien-être des générations actuelles et futures

4.2.1. Comprendre le principe 2

Le concept de bien-être comprend les relations entre de nombreux aspects tangibles et intangibles de la santé humaine et de l'environnement social, économique, culturel et biophysique (voir la figure 2). Les personnes et les collectivités peuvent éprouver le bien-être différemment, en fonction de leur propre ensemble unique de circonstances culturelles, historiques et géographiques.

Les promoteurs devraient prendre en compte la façon dont les effets environnementaux, sanitaires, sociaux et économiques sur le bien-être pourraient changer au fil du temps et toucher les futures générations au-delà du cycle de vie du projet. Le savoir autochtone et les connaissances des collectivités locales sont d'importantes sources de renseignements, car de telles connaissances ont été acquises par plusieurs générations de personnes vivant dans une zone du projet. Les peuples autochtones et les collectivités locales devraient être mobilisés afin que l'on puisse comprendre comment ces effets marqueront les futures générations.

Figure 3 : Le bien-être à l'égard des éléments humains et biophysiques

Le concept de bien-être comprend les relations entre de nombreux aspects tangibles et intangibles de la santé humaine et de l'environnement social, économique, culturel et biophysique

Source : Adapté de Evolving Environmental Impact Assessments in the Mackenzie Valley and Beyond (disponible uniquement en Anglais)

Plans pour le bien-être des collectivités

Les peuples autochtones et les collectivités locales pourraient adopter des plans assurant leur bien-être qui encadrent les composantes qu'elles veulent valoriser. Ces plans pourraient prévoir les situations d'urgence et fournir des recommandations, des rapports d'étapes et des résultats souhaités. Lorsque ces plans existent, les promoteurs sont encouragés à les utiliser dans le cadre de leur analyse.

Ainsi, dans le cadre de la planification communautaire globale pour les Premières Nations de Colombie-Britannique, la Nation T'Sou-ke a participé au processus de planification communautaire approfondi où la durabilité occupait le premier rang :

« Le thème respectait les valeurs traditionnelles des Premières Nations fondées sur le respect de la Terre mère, de toutes les créatures vivantes et des éléments : le soleil, le vent et la mer. En adoptant ces valeurs, la collectivité a senti qu'elle pourrait assurer un moyen d'existence plus durable pour les prochaines générations. Pour adopter l'objectif global de la durabilité, la Nation T'Sou-ke a élargi son horizon de planification, passant de 20 ans à plus de 100 ans afin de tenir compte des sept prochaines générations. Elle a commencé à se demander quel type de collectivité elle souhaitait créer et léguer aux sept prochaines générations. Cela a permis d'élaborer quatre objectifs généraux autour desquels leur plan était articulé. Ceux-ci ont été baptisés les quatre piliers de la durabilité : autonomie énergétique, autosuffisance alimentaire, renaissance culturelle et développement économique durable  »

Source : Guide de la planification communautaire globale pour les Premières Nations, Services aux Autochtones Canada, 2018

4.2.2 Appliquer le principe 2

Pour mener une analyse du bien-être des générations présentes et futures, les promoteurs devraient tout d'abord travailler avec les peuples et les collectivités autochtones pour définir leur concept du bien-être et ses composantes clés, y compris les valeurs et les intérêts des générations futures. Cette définition encadrera l'analyse des effets à long terme du projet sur les conditions environnementales, sanitaires, sociales et économiques. L'analyse est menée en comparant l'état actuel ou de référence (santé, état ou condition) à l'état futur prévu avec le projet en place. Les promoteurs devraient ensuite évaluer ces effets à long terme et leur incidence sur les futures générations. Pour ce faire, les limites temporelles et les CV peuvent nécessiter d'être projetées au-delà du cycle de vie d'un projet.

La collecte ou la production de données sont des éléments importants d'une évaluation à long terme du bien-être des générations actuelles et futures. Avec le temps, il peut s'avérer difficile de se procurer ou de produire des données qui étayent l'analyse. Les effets potentiels sur les générations futures devraient être pris en compte avec les données à l'appui, et toute incertitude connexe à l'analyse devrait être documentée. Le savoir autochtone et les connaissances des collectivités sont d'importantes sources de renseignements pour ce type d'évaluation. Ces connaissances ont été acquises par plusieurs générations résidant dans la zone du projet.

Inuit Qaujimajatuaqangit : Le savoir autochtone des Inuits

Inuit Qaujimajatuqangit est le terme utilisé pour décrire l'épistémologie inuite ou le savoir autochtone des Inuits. Les aînés inuits du Nunavut ont défini un cadre pour l'Inuit Qaujimajatuqangit, fondé sur quatre grandes lois ou maligait. L'un de ces malaigait est « continuellement en train de planifier et de préparer l'avenir ». L'Inuit Qaujimajatuqangit est défini comme les manières inuites passées, présentes actuelles et futures.

« L'Inuit Qaujimajatuqangit englobe tout le domaine de l'expérience inuite dans le monde, ainsi que les valeurs, principes, croyances et compétences qui ont évolué à la suite de cette expérience. Ce sont l'expérience et le savoir ou la sagesse qui en résultent qui nous préparent au succès futur et établissent la survie possible des Inuits. Le continuum temporel n'est pas considéré comme entièrement linéaire. Cependant, les aînés inuits ont utilisé l'analogie de l'arc et de la flèche pour expliquer la pertinence de cette vision de la vie, établie au cours des siècles, pour l'avenir des Inuits. Ils disent que si vous ne tirez pas la flèche dans l'arc, elle tombera sur une courte distance devant vous. En d'autres termes, notre degré de compréhension des points de vue et des valeurs de notre passé nous aide à déterminer le degré de réussite de notre avenir, plus notre compréhension est bonne, plus notre succès est grand. Cette approche conceptuelle itérative du passé qui éclaire le présent et le futur constitue un fondement essentiel de la vision du monde des Inuits. »

Source : Centre de collaboration nationale de la santé autochtone (disponible uniquement en Anglais)

4.2.3 Facteurs déterminants dans l'application du principe 2

Lorsqu'ils appliquent le principe 2, les praticiens doivent se poser les questions suivantes :

4.3. Principe 3 : Tenir compte des effets positifs et réduire les effets négatifs du projet

4.3 Tenir compte des effets positifs et réduire les effets négatifs du projet

4.3.1 Comprendre le principe 3

Les évaluations d'impact doivent tenir compte des conséquences positives et négatives des changements causés à l'environnement et à la santé ainsi qu'aux conditions économiques et sociales. Lorsque l'on prend en compte les effets positifs dans l'évaluation de la durabilité :

Afin d'atténuer ou de réduire les effets négatifs d'un projet, les évaluations d'impact obligent les promoteurs à envisager des mesures d'atténuation réalisables sur les plans technique et économique. Les mesures d'atténuation doivent comporter des mesures servant à éliminer, réduire ou contrôler les effets négatifs du projet désigné, et à compenser les dommages à l'environnement au moyen du remplacement, de la restauration, de l'indemnisation ou par d'autres moyens.

4.3.2 Appliquer le principe 3

Après avoir pris en compte les principes 1 et 2, l'analyse de la durabilité peut déterminer que des mesures d'atténuation supplémentaires fondées sur des éléments probants pour les effets relevant d'un domaine de compétence fédérale sont nécessaires pour maximiser les avantages dans tous les domaines. Par exemple, un plan de gestion adaptative de l'eau pourrait être jugé nécessaire si les répercussions sur les droits autochtones et les enjeux de la qualité de l'eau pour le poisson et l'habitat du poisson apparaissent comme des préoccupations clés dans l'évaluation de la durabilité. Le promoteur devrait décrire de telles mesures supplémentaires dans l'étude d'impact.

Les activités liées au projet pourront également avoir divers effets sur des sous-groupes de la collectivité, en particulier sur les groupes plus vulnérables de cette collectivité. Dans le cadre de l'exigence de la Loi relative à l'analyse comparative entre les sexes plus (ACS+), les promoteurs doivent tenir compte des effets du projet sur divers groupes. Cela exige de tenir compte des groupes qui recevront des avantages, des groupes qui peuvent être touchés négativement et de la manière dont cela se rapporte au bien-être général d'une collectivité ou d'un groupe, y compris à travers les générations futures.Note de bas de page 9 Par exemple, les activités du projet peuvent entraîner des effets disproportionnés sur le transfert intergénérationnel du savoir autochtone. Dans un tel cas, bien que le projet puisse avoir des avantages à court terme, il peut entraîner des effets négatifs à plus long terme pour les générations futures qui dépendent de ce transfert du savoir.

Les effets positifs potentiels du projet de mine souterraine Kemess

Le rapport d'évaluation environnementale pour le projet de mine souterraine Kemess, préparé par le Bureau d'évaluation environnementale de la Colombie-Britannique, décrit comment le projet a le potentiel de générer d'importantes retombées à long terme pour les Premières Nations Tsay Keh Nay (TKN). Les Premières Nations TKN estiment que ces retombées (si elles sont actualisées) éclipsent les risques liés aux effets négatifs potentiels du projet. Voici certains des effets positifs décrits dans le rapport :

  • initiatives scolaires pour améliorer l'éducation des membres des Premières Nations TKN;
  • large éventail d'emplois et de programmes de formation pour les membres des Premières Nations TKN;
  • des occasions d'affaires pour les entreprises TKN pendant la construction et l'exploitation du projet de mine souterraine Kemess.
Source : Kemess Underground Project Assessment Report (disponible uniquement en Anglais)

4.3.3 Facteurs déterminants dans l'application du principe 3

Lorsqu'ils appliquent le principe 3, les praticiens doivent se poser les questions suivantes :

4.4 Principe 4 : Appliquer le principe de précaution en tenant compte de l'incertitude et du risque de dommages irréversibles

4.4.1 Comprendre le principe 4

L'un des mandats de la Loi est que « le gouvernement du Canada, le ministre, l'Agence et les autorités fédérales, dans le cadre de l'administration de cette Loi, exerceront leurs pouvoirs de manière à favoriser la durabilité, à respecter les engagements du gouvernement à l'égard des droits des peuples autochtones du Canada et à appliquer le principe de précaution » (paragraphe 6[2]).

Dans leurs études d'impact, les promoteurs devraient décrire et documenter avec clarté toutes les incertitudes et hypothèses qui étayent une analyse et cerner les sources de renseignements. Il faut notamment documenter l'incertitude, la fiabilité, la sensibilité et l'approche prudente des modèles utilisés pour établir des conclusions. Il faut déterminer les lacunes en matière de connaissance et de compréhension, dans les principales conclusions, ainsi que les étapes nécessaires pour les combler. Par exemple, il faudrait cerner et décrire les incertitudes quant aux effets sur la capacité des futures générations d'exercer leurs pratiques traditionnelles.

L'approche de précaution devrait s'appliquer en cas de risque de dommage irréversible. Les dommages irréversibles comprennent les effets relatifs à un projet desquels une CV ne devrait pas se rétablir. Des dommages irréversibles peuvent également découler des effets cumulatifs et combinés des CV. La réversibilité dépend de la résilience de la CV aux contraintes imposées et de l'ampleur de ces dernières sur ladite CV. Dans les cas où il existe un risque de dommages irréversibles, il est important de faire preuve de prudence en assumant que les effets négatifs sont plus importants que moins importants.

Les praticiens devraient tenir compte des principes clés suivants pour les mesures de précaution dans l'évaluation de la durabilité :

Projet de mine et d'usine de Voisey's Bay

L'évaluation environnementale du projet de mine et d'usine de Voisey's Bay, menée par une commission d'examen conjoint en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (2012) et de la Loi sur l'évaluation environnementale de Terre-Neuve-et-Labrador, comprenait une considération de l'étendue de l'application du principe de précaution au projet.

La commission a estimé que le principe ou l'approche de précaution oblige le promoteur à démontrer que ses actions ne provoqueront pas de dommages graves ou irréversibles. La commission a demandé au promoteur d'adopter une approche prudente en ce qui concerne ses prévisions, en prenant en compte, par exemple, le scénario du pire, le cas échéant. La commission a cherché à obtenir l'assurance que, s'il existait une grande incertitude quant à la gravité et à l'irréversibilité des effets de toute composante du projet, le promoteur pourrait réduire cette incertitude, en corrigeant le problème ou en proposant une solution de remplacement viable à cette composante.

Le promoteur a expliqué à la commission comment il avait incorporé le principe de précaution dans la conception du projet afin de prévenir les effets négatifs, de prévenir la pollution, de gérer les événements imprévus, d'élaborer des programmes de surveillance et de suivi ainsi que de s'assurer que le régime de responsabilité et d'assurance de l'entreprise tiendrait le promoteur comme responsable des dommages.

Source : Rapport de la commission d'évaluation environnementale – Projet Voisey's Bay

4.4.2 Appliquer le principe 4

Lorsqu'ils déterminent le niveau d'incertitude associé à l'analyse de la durabilité, les praticiens devraient tenir compte de l'ampleur cumulative de toutes les incertitudes associées. L'ampleur cumulative peut être utilisée en tant qu'indice de la probabilité qu'une affirmation en question soit vraie. Par exemple, il serait important de déterminer la nature et le niveau d'incertitude dans l'affirmation que « le moment des activités du projet est très susceptible d'atténuer les effets négatifs sur une espèce en péril ». Si le niveau d'incertitude est faible, alors l'affirmation est plus susceptible d'être vraie que si l'incertitude associée est élevée. Lorsqu'ils déterminent l'ampleur de l'incertitude, les praticiens doivent tenir compte de la validité des constatations pertinentes (c.-à-d. le type, la quantité, la qualité et la cohérence des éléments probants) et l'étendue de l'accord entre les participants. En règle générale, l'incertitude est la plus faible lorsqu'il existe plusieurs sources d'éléments probants indépendantes et cohérentes de haute qualité.

Les affirmations concernant l'ampleur de l'incertitude sont elles-mêmes des affirmations scientifiques et devraient être évaluées sur la base des éléments probants fournis. Selon le type d'affirmation, il existe des méthodes d'applicabilité et de rigueur variables qui peuvent être utilisées pour fournir des estimations qualitatives ou quantitatives de l'incertitude. Pour les enjeux évalués à l'aide de méthodes quantitatives ou statistiques, il convient de décrire le niveau de confiance associé aux prévisions d'incertitude. L'approche servant à déterminer le niveau de confiance doit être clairement citée et documentée. Lorsque des méthodes statistiques sont utilisées, il est important de considérer la nature et la qualité des données, la validité scientifique des hypothèses et la signification statistique. La signification statistique se caractérise par une faible probabilité d'erreur et un niveau de confiance élevé. Les sources d'incertitude devraient également être clairement décrites afin de fournir une base pour le niveau de confiance indiqué.

En l'absence de méthodes statistiques, le jugement professionnel et les connaissances des praticiens sont souvent appliqués pour caractériser le niveau de confiance en matière d'incertitude avec des termes qualitatifs tels que « faible », « modéré » et « élevé ». Les critères de détermination du niveau de confiance doivent être définis et documentés pour permettre des interprétations cohérentes par les examinateurs. Les descriptions qualitatives de l'incertitude devraient également citer les sources d'incertitude et les lacunes dans les données, et décrire où et comment on a appliqué un jugement professionnel.

La pratique consistant à tenir compte de l'incertitude dans l'évaluation de la durabilité doit inclure le savoir autochtone. Le savoir autochtone peut fournir des preuves et une compréhension de l'interdépendance des systèmes humains et des écosystèmes et des incertitudes des effets potentiels connexes.

4.4.3 Facteurs déterminants dans l'application du principe 4

Lorsqu'ils appliquent le principe 4, les praticiens doivent se poser les questions suivantes :

5. Envisager des solutions de rechange

La Loi exige la prise en compte :

Les praticiens devraient appliquer les principes de durabilité à l'évaluation de ces solutions de rechange, le cas échéant.

Cette prise en compte de solutions de rechange est un processus itératif qui commence à l'étape préparatoire et se poursuit tout au long de l'étude d'impact. Elle offre un moyen d'évaluer les effets du projet par rapport à ceux qui découleraient d'autres options. Chaque solution de rechange au projet devrait être évaluée de manière comparative par rapport à la mesure dans laquelle elle contribue à la durabilité. Par exemple, en comparaison avec la solution de rechange d'aucun projet, il peut n'y avoir aucune retombée économique locale et régionale, ainsi qu'aucun risque environnemental, sanitaire, social et culturel associé, pour les générations présentes et futures. La solution de rechange « sans mesure » (nulle) sert de référence pour l'évaluation, ainsi que d'un moyen d'évaluer les conditions futures prévues sans le projet en place. La comparaison du projet à la solution de rechange nulle aide à encadrer l'analyse de la contribution nette du projet à la durabilité à l'avenir.

Une pierre angulaire de l'évaluation de la durabilité est la reconnaissance du fait que les générations présentes et futures ont le droit de bénéficier équitablement des capacités écologiques et socioéconomiques. Il n'est pas possible de comprendre dans quelle mesure un projet peut contribuer au bien-être des générations actuelles et futures sans tenir compte de la répartition actuelle et future des effets positifs et négatifs, des risques et des incertitudes. Par exemple, une inégalité intergénérationnelle peut survenir lorsque les mesures actuelles déterminent les ressources économiques ou écologiques dont les générations futures hériteront. Dans cet exemple, des inégalités intergénérationnelles peuvent se produire parce que les générations futures ne participent pas aux décisions qui les toucheront.

Les praticiens doivent donc tenir compte des éléments suivants dans leur évaluation des solutions de rechange au projet :

Les promoteurs et les praticiens devraient consulter les lignes directrices individualisées relatives à l'étude d'impact propre au projet pour des exigences détaillées sur la description des moyens de rechange à la réalisation du projet. Voir également le Contexte stratégique : aperçu de « besoin de », « raison d'être », « solutions de rechange » et « moyens de rechange » pour plus de détails.

Projet de carrière Black Point : évaluation des solutions de rechange

Dans son rapport d'évaluation environnementale du projet de carrière Black Point, l'Agence décrit comment l'évaluation des solutions de rechange du promoteur a pris en compte ce que les collectivités ont jugé comme précieux et comment cela a contribué au choix des solutions de rechange.
Les pêcheurs locaux ont recommandé que le terminal maritime soit construit le plus à l'ouest possible afin de couper autant que possible les vents ainsi que les forts courants au large de Black Point. Le promoteur a fait valoir que le plan d'eau à l'ouest n'était pas suffisamment profond pour un terminal. À la suite de discussions avec les pêcheurs locaux, le promoteur a modifié sa voie de navigation afin d'éviter les zones de pêche privilégiées pour la crevette entre les routes maritimes établies et le terminal maritime proposé, minimisant ainsi les effets potentiels sur la pêche tout en conservant l'emplacement d'origine du terminal.

Source : Rapport de la commission d'évaluation environnementale – Projet Voisey's Bay

6. Analyse de la mesure dans laquelle un projet contribue à la durabilité

Dans leurs études d'impact, les promoteurs doivent fournir une analyse de la mesure dans laquelle le projet contribue à la durabilité. L'analyse devrait être qualitative, mais peut faire appel à des données quantitatives pour fournir un contexte. L'analyse doit décrire :

Lorsqu'il existe des évaluations régionales ou stratégiques pertinentes, celles-ci devraient également éclairer l'analyse du promoteur quant à la mesure dans laquelle le projet contribue à la durabilité.

L'Agence ou une commission d'examen entreprendra des consultations et des analyses afin de décrire la contribution du projet à la durabilité dans le rapport de l'évaluation d'impact, et examinera et évaluera l'analyse de la durabilité du promoteur dans son étude d'impact.

7. Tenir compte de la durabilité dans la prise de décision

Le ministre ou le gouverneur en conseil détermine si les effets négatifs cernés dans le rapport de l'évaluation d'impact sont d'intérêt public. L'un des facteurs dont doivent tenir compte le ministre ou le gouverneur en conseil dans son évaluation de l'intérêt public est la mesure dans laquelle le projet désigné contribue à la durabilité. Le rapport de l'évaluation d'impact exposera les résultats de l'évaluation d'impact et résumera les points de vue exprimés par les collectivités. Cela dotera les décideurs d'une vue d'ensemble plus complète de la contribution du projet à la durabilité. La déclaration de décision publiée par le ministre comprendra les raisons justifiant cette détermination.Note de bas de page 10 Voir Contexte stratégique : Détermination de l'intérêt public en vertu de la Loi sur l'évaluation d'impact pour obtenir de plus amples détails sur la détermination de l'intérêt public.

Dans le cas où le projet peut être mis en œuvre, la déclaration de décision contiendra également des conditions exécutoires qui sont réalisables sur les plans technique et économique. Les conditions sont les exigences auxquelles le promoteur doit se conformer. Des conditions peuvent être définies pour traiter tout effet négatif relevant d'un domaine de compétence fédérale cerné lors de l'évaluation de la contribution d'un projet à la durabilité. De plus, en prenant la décision d'intérêt public, le décideur peut également envisager des mesures complémentaires. Les mesures complémentaires sont des initiatives supplémentaires menées dans le cadre de programmes fédéraux ou sous l'autorité d'un ministre ou d'un ministère fédéral, au-delà de celles énoncées dans la Loi, qui peuvent également être utilisées pour atténuer les effets. Ces mesures peuvent servir à répondre aux questions qui ne relèvent pas du promoteur, lorsqu'il s'agit de questions de portée générale nécessitant une réponse intégrée ou des accommodements lorsque les droits des Autochtones sont touchés en vertu de l'article 35. Les mesures complémentaires pourraient, à titre d'exemple, comprendre des programmes de perfectionnement des compétences et de formation ou des programmes sociaux. Par exemple, une aide financière pour un programme de surveillance de la santé pourrait être proposée pour répondre aux préoccupations liées à l'incertitude quant aux effets à long terme d'un projet sur la santé.

8. Post-décision

Lorsqu'un projet désigné est jugé d'intérêt public, les conditions subséquentes à son approbation doivent comporter la mise en œuvre d'un programme de suivi.Note de bas de page 11 La Loi permet également à l'Agence de mettre sur pied des comités de surveillance sur les questions liées à la mise en œuvre des programmes de suivi. Les programmes de suivi vérifient l'exactitude de l'évaluation d'impact d'un projet désigné et déterminent l'efficacité de toute mesure d'atténuation établie relativement aux effets relevant d'un domaine de compétence fédérale. Ces derniers pourront servir à vérifier les prévisions, à cerner l'occurrence d'effets imprévus et à exiger ou faciliter les solutions adéquates aux problèmes et occasions qui se présentent. Lorsque les mesures d'atténuation s'avèrent inefficaces ou lorsque les effets ne se produisent pas comme prévu, les programmes de suivi peuvent signaler la nécessité d'ajuster les mesures d'atténuation ou d'en ajouter d'autres. Dans le cadre des programmes de suivi, les conditions exécutoires de la déclaration de décision du ministre exigent que le promoteur ajuste ou remplace les mesures d'atténuation lorsqu'elles ne fonctionnent pas comme prévu.

Les programmes de suivi constituent également un mécanisme en vertu de la Loi pour gérer l'incertitude dans la prévision des résultats de projets potentiels. Dans des circonstances où l'incertitude quant à l'efficacité de mesures d'atténuation spécifiques est plus élevée, un plan de gestion adaptative peut être approprié pour compléter un programme de suivi.

Annexe 1 : Exigences législatives spécifiques

La Loi sur l'évaluation d'impact comporte plusieurs dispositions qui font référence à la durabilité et à la manière dont elle sera prise en compte dans le processus d'évaluation d'impact.

L'alinéa 6(1)(a) indique qu'un des objectifs de la Loi consiste à favoriser la durabilité.

Le préambule de la Loi et le paragraphe 6(2) confèrent des mandats au gouvernement du Canada, au ministre, à l'Agence et aux autorités fédérales (dans l'application de la présente Loi). Les articles indiquent que ces organismes doivent exercer leurs pouvoirs de manière à « favoriser la durabilité, à respecter les engagements du gouvernement à l'égard des droits des peuples autochtones du Canada et à appliquer le principe de précaution ».

L'alinéa 22(1)(h) indique qu'un des facteurs à prendre en considération dans l'évaluation d'impact du projet désigné, qu'elle soit faite par l'Agence ou un comité d'examen, est « la mesure dans laquelle le projet désigné contribue à la durabilité ».

L'alinéa 63(a) stipule que l'un des facteurs d'intérêt public qui doivent être pris en considération lorsque le ministre ou le gouverneur en conseil prend une décision d'intérêt public est « la mesure dans laquelle le projet désigné contribue à la durabilité ».

Des exigences législatives supplémentaires permettront d'opérationnaliser l'approche axée sur la durabilité. Certaines de ces exigences complémentaires liées à la durabilité figurent ci-après.

Objets de la Loi (paragraphe 6[1]) :

Le paragraphe 22(1) indique que l'évaluation d'impact d'un projet désigné, qu'elle soit effectuée par l'Agence ou par une commission d'examen, prend en compte les éléments suivants :

L'article 63 stipule que le ministre et le gouverneur en conseil doivent tenir compte de divers facteurs pour prendre une décision dans l'intérêt du public. Ces facteurs sont les suivants :

L'alinéa 65(1)(a) stipule que le ministre doit remettre une déclaration de décision au promoteur du projet désigné l'informant de la décision et des raisons la justifiant. Ces raisons doivent démontrer que le ministre ou le gouverneur en conseil, selon le cas, a pris en considération l'ensemble des facteurs nécessaires.

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