Précis d’information : Le Bureau de la concurrence réclame l’arrêt total du projet d’acquisition de Shaw par Rogers

Document d'information

Le 9 mai 2022, Gatineau (Québec)

Le Bureau de la concurrence a déposé une demande auprès du Tribunal de la concurrence afin d’obtenir une ordonnance judiciaire pour bloquer l’acquisition proposée de Shaw par Rogers, et demande également une injonction pour empêcher les parties de conclure la transaction proposée jusqu’à ce que l’affaire soit entendue par le Tribunal. Le Bureau doit prouver ses allégations devant le Tribunal pour que la transaction proposée soit bloquée.

Ce précis d’information donne des renseignements sur l’enquête du Bureau et décrit les principaux facteurs qui ont motivé les mesures prises par le Bureau.

À propos du processus d’enquête sur les fusions au Bureau

En vertu de la Loi sur la concurrence, toutes les fusions, peu importe leur ampleur ou le secteur économique concerné, peuvent faire l’objet d’une enquête du commissaire de la concurrence. L’objectif d’une enquête sur une fusion consiste à recueillir et à évaluer les preuves pour déterminer si une fusion aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans un marché au Canada.

Si, après avoir mené une enquête, le Bureau détermine que c’est le cas, il peut prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes (ou les deux) :

  • Négocier une mesure corrective avec les parties à la fusion, comme la vente d’actifs, pour résoudre les préoccupations du Bureau en matière de concurrence.
  • Contester la fusion en demandant au Tribunal de la concurrence de rendre une ordonnance pour empêcher la fusion de se réaliser (ou pour dissoudre ou modifier une fusion déjà réalisée).

Dans tous les cas, le mandat du Bureau est de protéger la concurrence et l’intérêt public.

Pourquoi le Bureau intervient-il dans cette affaire?

Le Bureau a mené une enquête approfondie sur la fusion proposée entre Rogers et Shaw, qui a porté sur les services suivants offerts par les deux entreprises :

  • les services sans fil, qui désignent les services de communication mobile, comme la voix, les textos et les données;
  • les services filaires, c’est-à-dire tout service de télécommunication filaire, comme le téléphone, la télévision et l’Internet;
  • les services de radiodiffusion, qui comprennent les services de télédiffusion pour particuliers et inter-entreprises.

L’enquête du Bureau a permis de conclure que le projet de fusion aurait pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans les services sans fil.

Le Bureau conteste cette fusion pour protéger les Canadiens contre des prix plus élevés, une qualité de service amoindrie et une perte de choix – toutes des conséquences qui risquent vraisemblablement de découler de la fusion.

Une concurrence vigoureuse est essentielle pour que les Canadiens aient accès à des services sans fil abordables et de grande qualité. L’élimination de Shaw en tant que concurrent met en péril les progrès considérables que l’entreprise a accomplis pour accroître la concurrence dans le secteur des services sans fil, un marché déjà concentré. En agissant de la sorte, le Bureau cherche à conserver ces progrès accomplis, au bénéfice des Canadiens, en maintenant un concurrent régional efficace, perturbateur et en croissance.

La transaction proposée

Le 13 mars 2021, Rogers a convenu d’acheter Shaw dans le cadre d’une transaction évaluée à environ 26 milliards de dollars, dette comprise.

Les parties

Rogers est une entreprise canadienne de communications et de médias cotée en bourse dont le siège social est situé à Toronto, en Ontario.

  • Il s’agit du plus important fournisseur de services sans fil au Canada, servant environ 11,3 millions d’abonnés à l’échelle du pays par l’entremise de ses marques Rogers, Fido, Chatr et Cityfone.
  • L’entreprise fournit des services câblés filaires (p. ex. Internet, télévision et téléphone) aux consommateurs et aux entreprises en Ontario, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve.
  • Elle offre également des produits médiatiques aux Canadiens, comme le divertissement et les médias sportifs, la télédiffusion et la radio.

Shaw est une société de communications canadienne cotée en bourse dont le siège social est situé à Calgary, en Alberta.

  • Il s’agit du quatrième plus important fournisseur de services sans fil au Canada, servant environ 2,1 millions d’abonnés en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique par l’entremise de ses marques Freedom Mobile et Shaw Mobile.
  • L’entreprise fournit des services câblés filaires aux consommateurs et aux entreprises de l’Ouest du Canada et du Nord de l’Ontario.
  • Elle offre également des services de diffusion directe de télévision par satellite et des services de vidéo sur demande par l’entremise de Shaw Direct. 

Dans les marchés du sans-fil en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, Rogers et Shaw sont les plus proches concurrents l’un de l’autre.

La demande présentée par le commissaire devant le Tribunal de la concurrence couvre des allégations dans les domaines suivants.

La présence de Shaw sur le marché des services sans fil bénéficie aux Canadiens

Shaw est entrée sur le marché canadien du sans-fil en 2016 avec l’achat de Wind Mobile (maintenant Freedom Mobile). L’enquête du Bureau a conclu que l’entreprise est rapidement devenue une force concurrentielle dans un marché dominé par les trois grands fournisseurs nationaux : Rogers, Bell et Telus.

Les Canadiens paient certains des prix les plus élevés parmi les pays développés pour les services sans fil. L’enquête du Bureau a conclu que Shaw a constamment exercé une pression concurrentielle sur les trois grandes entreprises nationales en procédant à d’importants investissements à long terme visant à améliorer la qualité de son réseau, passant de la 3G à un réseau LTE-Advanced et prêt pour la 5G.

L’enquête du Bureau a permis d’établir qu’en plus des investissements dans son réseau, Shaw a attiré des clients grâce à des prix agressifs, des blocs de données plus importants et des innovations en matière de services.

  • Sa part de marché a augmenté de manière significative et sa base d’abonnés a doublé depuis le lancement initial de sa promotion « Big Gig » en 2017.
  • Ces forfaits promotionnels offraient aux clients de gros blocs de données sans fil à des prix raisonnables et éliminaient les frais de dépassement – une première au Canada.
  • Shaw a aussi été le premier fournisseur à offrir des appareils gratuitement dans le cadre de contrats à durée déterminée, et le seul et unique fournisseur à offrir des forfaits téléphoniques à 0 $ dans le cadre d’offres groupées Internet.

Le Bureau est d’avis que la croissance de Shaw a directement bénéficié aux Canadiens. L’entreprise a fait baisser les prix et a rendu les données sans fil plus accessibles aux consommateurs.

Ses tactiques perturbatrices ont obligé les trois grandes entreprises nationales à livrer concurrence pour retenir leurs clients. En conséquence, la base d’abonnés sans fil de Shaw a doublé et les prix des données ont diminué là où ils augmentaient auparavant d’une année à l’autre.

La transaction proposée a déjà nui à la concurrence et continuera de le faire

L’enquête du Bureau a permis de conclure que la concurrence entre Rogers et Shaw a déjà diminué – et le tort à la concurrence ne fera que s’aggraver s’il est permis à ce projet de transaction d’aller de l’avant. Pour cette raison, le Bureau a déposé une demande en vue d’obtenir une ordonnance pour bloquer la transaction proposée. Le Bureau doit maintenant prouver ses allégations devant le Tribunal pour que la transaction soit bloquée. Plus particulièrement la demande du Bureau avance que la transaction proposée aurait pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans les services sans fil :

  • en éliminant un concurrent indépendant bien établi offrant des bas prix;
  • en empêchant la concurrence future dans les services sans fil, notamment la 5G, à l’intérieur comme à l’extérieur des zones où Shaw offre actuellement ses services;
  • en empêchant la concurrence en matière de services sans fil pour les clients d’affaires en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique;
  • en augmentant la probabilité et la facilité de la coordination entre les trois grandes entreprises nationales, ce qui aura vraisemblablement pour effet d’entraîner une hausse des prix.

L’enquête du Bureau a permis d’établir qu’avant l’annonce du projet de fusion, Shaw prévoyait entrer sur de nouveaux marchés sans fil, lancer son réseau 5G et étendre son offre de services sans fil aux entreprises. Depuis, les investissements dans son réseau ont diminué. De plus, le Bureau soutient que la baisse du marketing et des activités promotionnelles de Shaw s’est traduite par une perte générale de concurrence sur le marché.

Les trois grandes entreprises nationales possèdent des parts relativement égales du marché pancanadien et offrent des services sans fil à environ 87 % des abonnés du pays. Dans sa demande au Tribunal, le Bureau avance que l’élimination de Shaw se traduirait par une hausse significative de la part de marché de Rogers à l’échelle nationale – déjà la plus élevée parmi les trois grandes entreprises nationales – et une augmentation considérable de sa puissance commerciale.

Le Bureau estime que le retrait d’un concurrent régional robuste comme Shaw se traduira vraisemblablement par une hausse considérable des prix pour les consommateurs. Bell et Telus ne restreindront pas efficacement l’augmentation de la puissance commerciale de Rogers, car elles n’ont pas les mêmes motivations concurrentielles que Shaw.

Dans une étude de 2019, le Bureau a déterminé que les trois grandes entreprises nationales sont en mesure de pratiquer des prix plus élevés là où elles détiennent une puissance commerciale, à l’exception des régions occupées par un perturbateur de services sans fil, où les prix peuvent être de 35 à 40 % inférieurs. Selon le Bureau, l’environnement stable de prix élevés qui existait avant la promotion « Big Gig » de Shaw risque vraisemblablement de réapparaître si la fusion va de l’avant.

Prochaines étapes

En vertu des règles du Tribunal, Rogers et Shaw ont 45 jours pour déposer leur réponse. Dès que les parties ont déposé une réponse auprès du Tribunal, le Bureau a 14 jours pour y répondre.

Tous les autres échéanciers sont établis au cas par cas. Il est donc impossible de prévoir combien de temps une affaire peut prendre avant d’aboutir.

La décision ultime dans cette affaire revient au Tribunal.

Détails de la page

Date de modification :