Évaluation du Programme de prêts aux immigrants
Résumé
Objet de l’évaluation et portée
L’évaluation du Programme de prêts aux immigrants a été réalisée afin de répondre aux exigences énoncées par la Politique sur l’évaluation du Conseil du Trésor (CT)Notes de bas de page 1. L’évaluation était aussi une mesure recommandée dans l’Évaluation du Programme des réfugiés parrainés par le gouvernement et du Programme d’aide au réétablissementNotes de bas de page 2 effectuée par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) en 2011. Le personnel de la Direction générale de la recherche et de l’évaluation de CIC a procédé à la collecte et l’analyse des données nécessaires à cette évaluation de novembre 2013 à janvier 2015.
L’évaluation a porté sur la pertinence, l’exécution et le rendement du Programme de 2003 à 2012 à l’aide de plusieurs catégories de données probantes : entrevues, groupes de discussion formés de bénéficiaires de prêts; sondages auprès des bénéficiaires de prêts, fournisseurs de services et signataires d’entente de parrainage; examen de documents et revue de la littérature; analyse des données administratives; analyse de la base de données longitudinales sur les immigrants.
L’évaluation, guidée par un modèle logique, a consisté en un examen du Programme dans le contexte de trois activités principales (octroi des prêts, remboursement et gestion du programme), aboutissant aux résultats intermédiaires suivants.
- Les prêts contribuent à l’établissement de leurs bénéficiaires.
- Les prêts sont remboursés intégralement et en temps opportun.
- L’avance du Trésor est suffisamment reconstituée pour maintenir le Programme de prêts aux immigrants.
Profil du Programme
Le Programme de prêts aux immigrants « permet à certaines personnes, qui seraient incapables d’assumer les coûts liés aux frais de transport vers le Canada et aux examens médicaux aux fins d’admissibilité, d’avoir accès à une source de financementNotes de bas de page 3 ». Le Programme est financé par une avance de 110 millions de dollars du Trésor. En moyenne, 13 millions de dollars en prêts sont consentis chaque année, le montant du prêt moyen étant de 3 090 dollars.
La vaste majorité des bénéficiaires des prêts (98 %) sont des réfugiés réinstallés : 57,5 % sont des réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG) et 40,3 % sont des réfugiés parrainés par le secteur privé (RPSP). De ce fait, 93,5 % des cas de RPG et 87,9 % des cas de RPSP réinstallés au Canada durant la période de 2008 à 2012 ont reçu au moins un prêt.
Les prêts peuvent être consentis à l’étranger par les agents des visas, pour couvrir les frais associés au transport de la personne et/ou de leurs personnes à charge du point d’origine jusqu’à la destination finale au Canada (prêt de transport), ainsi que les frais des examens médicaux nécessaires pour établir son admissibilité au Canada (prêt d’admissibilité)Notes de bas de page 4. Les prêts peuvent également être consentis au Canada par des agents désignés de CIC pour couvrir les coûts de l’établissement initial non visés par le Programme d’aide à la réinstallation (PAR) (prêt d’aide).
Les services de comptabilité et de recouvrement du Programme de prêts aux immigrants sont guidés par le Règlement sur la radiation des créances du CT et la Directive sur la gestion des comptes débiteurs du CT. Il existe divers documents d’orientation et de soutien, à la fois du CIC et du CT, pour appuyer la gestion financière (comptabilité et recouvrement) du Programme.
Les calendriers de remboursement des prêts varient en fonction du montant du prêt et le remboursement commence 30 jours après l’arrivée du bénéficiaire au Canada. Le prêt porte intérêt, mais seulement après une période initiale de 12 à 36 mois, selon le montant du prêt. Les personnes jugées incapables de rembourser un prêt en raison de grands besoins d’établissement (p. ex. victimes de traumatisme et de torture, chef de famille monoparental, personne âgée qui n’est pas accompagnée ou qui n’a pas de famille établie au Canada) reçoivent une contribution, financée par le PAR. Un montant total de 500 000 dollars provenant du PAR est réservé chaque année pour le paiement des contributions. En outre, à n’importe quel moment, le bénéficiaire d’un prêt qui a de la difficulté à rembourser son prêt peut communiquer avec les Services de recouvrement de CIC pour établir d’autres modalités (p. ex. reporter les paiements ou réduire le montant du paiement mensuel pendant une certaine période). Les prêts qui ne sont pas remboursés peuvent être radiés dans certaines circonstances, par l’intermédiaire d’une présentation au CT. En moyenne, un montant d’environ 700 000 dollars est radié chaque année.
Constatations de l’évaluation
Constatations relatives à l’efficience et à la rentabilité
Sur le plan de la gestion financière, le Programme fonctionne bien, comme en témoigne le fait que le montant du Trésor utilisé pour financer les prêts est suffisamment reconstitué, et que le portefeuille des prêts aux immigrants est structuré conformément aux règlements et aux directives du CT. Des gains d’efficience ont été réalisés aux Services de recouvrement de CIC au cours des dernières années, ce qui a entraîné une diminution du nombre d’employés à temps plein nécessaires aux Services de recouvrement de CIC. Les données de programme et les systèmes financiers de CIC permettent de faire un suivi du Programme, en offrant un mécanisme de surveillance des activités quotidiennes relatives au Programme de prêts; toutefois, ces systèmes ne permettent pas d’établir des rapports complets sur les résultats du Programme (p. ex. la mesure dans laquelle les prêts sont remboursés en temps opportun).
Constatations relatives au rendement du Programme
Le rendement du Programme a été évalué par rapport aux résultats concernant la détermination du besoin et la capacité de rembourser, l’accès, la compréhension du prêt, le rôle joué par les Services de recouvrement de CIC pour faciliter le remboursement du prêt, le remboursement du prêt et les répercussions sur l’établissement.
Le Programme de prêts est structuré conformément aux directives du Conseil du Trésor. Toutefois, les procédures pour évaluer la capacité éventuelle d’un bénéficiaire à rembourser un prêt au moment de l’octroi du prêt ne sont pas pratiques dans le contexte du traitement des cas de réfugié à l’étranger puisque les renseignements et le temps nécessaires pour la réalisation de cette évaluation sont limités. De plus, le refus du prêt pourrait empêcher la réinstallation du réfugié.
Il y a un risque que certains réfugiés bénéficiaires ne comprennent pas entièrement les modalités du prêt au moment de la signature (en raison de divers facteurs comme l’obstacle de la langue, le manque de temps pour expliquer le prêt, ou l’incapacité de la personne à comprendre la valeur relative du prêt), et qu’ils ne connaissent pas le montant du prêt avant leur départ pour le Canada. Sans cette compréhension et cette connaissance, l’esprit et l’intention d’un accord de prêt sont remis en cause.
Concernant l’accès au Programme de prêts aux immigrants, bien que diverses catégories d’immigrants puissent demander un prêt, le Programme sert principalement à payer les frais de transport et d’admissibilité associés à la réinstallation des réfugiés provenant de l’étranger qui n’ont pas les moyens de payer eux-mêmes ces frais. En outre, bien que les prêts d’aide à l’établissement soient offerts pour répondre au besoin d’accès au marché du travail, ils servent dans les faits presque exclusivement à payer les frais des besoins essentiels, plus particulièrement les dépôts pour le loyer et les services publics.
Des analyses du remboursement des prêts ont révélé que certains réfugiés bénéficiaires ont de la difficulté à satisfaire aux exigences en matière de remboursement des prêts. En fait, très peu de bénéficiaires commencent à rembourser dans le délai prescrit de 30 jours à compter de la date d’arrivée, en partie parce que cela prend jusqu’à quatre mois à CIC à établir un compte de prêt et à transmettre le premier relevé de prêt, ce qui place la vaste majorité des bénéficiaires dans une situation où des arriérés doivent être payés dès le départ. De plus, certains bénéficiaires ne sont pas capables de rembourser pendant la période du prêt initial et certains sont incapables de rembourser durant la période exempte d’intérêt. Bien que les Services de recouvrement de CIC soient en mesure d’offrir un soutien aux bénéficiaires de prêts, l’information touchant les Services de recouvrement de CIC ne fait pas l’objet d’une vaste diffusion, et de nombreux bénéficiaires de prêts ne savent pas qu’ils peuvent demander de l’aide.
Il a été démontré que le remboursement du prêt a une incidence négative sur l’établissement de certains réfugiés. Même s’il existe un mécanisme de radiation pour le Programme, la dette n’est pas annulée et elle ne peut être radiée avant que tous les autres recours de recouvrement ne soient épuisés. Un montant de contribution peut être remis à l’étranger lorsqu’il est improbable qu’une personne puisse rembourser un prêt; toutefois, le budget attribué aux contributions n’est pas suffisant pour répondre à la demande apparente et il n’y a pas actuellement de mécanisme pour convertir un prêt en contribution après l’arrivée au Canada.
Certes, avoir un emploi facilite le remboursement du prêt, mais les RPG et les RPSP ont peu de revenus d’emploi et comptent souvent sur une autre forme d’aide financière au cours de la première année après l’établissement. Dans l’ensemble, un plus grand pourcentage de RPG, les bénéficiaires d’un prêt au montant élevé et ceux qui ont un revenu annuel du ménage plus faible ont de la difficulté à rembourser le prêt.
Pour de nombreux bénéficiaires de prêts, les exigences liées au remboursement du prêt pour immigration sont une source de stress et créent des difficultés additionnelles, qui touchent par exemple la capacité de subvenir à ses besoins essentiels. La nécessité d’avoir un revenu d’emploi pour faciliter le remboursement a aussi des répercussions sur l’établissement, car certains ont de la difficulté à tirer pleinement avantage des services d’établissement, en particulier la formation linguistique.
Constatations relatives à la pertinence du Programme
Le rôle du gouvernement fédéral sur le plan de l’administration du Programme de prêts aux immigrants est approprié. Cependant, le Programme tel qu’il a été mis en œuvre ne cadre pas entièrement avec les objectifs d’établissement et de réinstallation du Canada, puisque le besoin de rembourser un prêt a des répercussions négatives sur l’établissement initial de certains réfugiés. Bien que le Programme facilite l’arrivée de réfugiés au Canada et aide le Canada à répondre à ses engagements internationaux à l’égard de la protection des réfugiés, le recours à un prêt peut ne pas convenir à tous les réfugiés qui ont besoin d’une aide financière pour payer les coûts associés à la réinstallation.
Conclusions et recommandations
Le Programme de prêts aux immigrants est régi par les directives du CT qui stipulent que les prêts doivent être autorisés et approuvés de façon appropriée et dans la mesure où ils sont censés être remboursés en entier. Toutefois, l’évaluation a permis de constater qu’en raison du contexte du traitement des cas de réfugié à l’étranger, la nature des critères établis pour l’évaluation par les agents des visas de la capacité des réfugiés de rembourser et le fait que le temps et les renseignements nécessaires pour cette évaluation soient limités, entraînent des difficultés. Il découle de tous ces facteurs que le prêt devient l’option par défaut de la plupart des réfugiés réinstallés.
Recommandation #1 : Il est recommandé que CIC se conforme pleinement aux exigences relatives aux programmes de prêts, énoncées dans les directives du Conseil du Trésor (CT). Tout particulièrement, compte tenu du contexte du traitement des cas de réfugié à l’étranger, la conformité aux directives du CT exige des modifications de politique ou de procédure pour assurer :
- la conformité aux critères établis pour l’évaluation de la capacité de rembourser le prêt;
- les procédures pour la signature de l’entente de prêt sont claires et prévoient le consentement libre et éclairé du client, y compris la communication du montant à emprunter.
Compte tenu du fait que certains réfugiés peuvent ne pas être admissibles à un prêt en raison des exigences figurant dans les directives du CT, il est aussi recommandé que CIC veille à ce que des politiques et les mesures correspondantes soient établies pour appuyer ses objectifs stratégiques humanitaires et faciliter la réinstallation de tous les réfugiés qui ne sont pas admissibles à un prêt.
Les constatations sur le remboursement des prêts indiquent que certains réfugiés bénéficiaires peinent à satisfaire aux exigences en matière de remboursement. En outre, la nécessité de rembourser le prêt a des répercussions négatives sur l’établissement de certains réfugiés, entraînant des difficultés à payer des produits essentiels comme la nourriture, les vêtements et le logement.
Recommandation #2 : Il est recommandé que CIC modifie les politiques ou procédures régissant ses exigences de remboursement et ses pratiques de recouvrement afin de veiller à ce que le programme de prêts concorde avec les objectifs des politiques d’établissement, de réinstallation et d’intégration de CIC, et qu’elles n’influent pas négativement sur les résultats en matière d’établissement de réfugiés réinstallés. Plus particulièrement, CIC devrait envisager les mesures suivantes :
- harmoniser les politiques du programme de prêts avec celle d’autres programmes pour les réfugiés;
- faire correspondre le début du remboursement au moment de la réception du premier relevé de prêt;
- faire concorder le calendrier de remboursement du prêt avec la période nécessaire au remboursement;
- veiller à adapter les intérêts et exemptions d’intérêts à la situation du client;
- prévoir des mécanismes de remise de dette, au besoin;
- donner facilement accès à de l’information sur la façon de communiquer avec les Services de recouvrement de CIC et les types d’aide à la disposition des clients.
Le Programme de prêts aux immigrants pourrait éventuellement être utilisé de manière plus complète à l’appui des objectifs d’établissement et d’intégration du Canada. Par exemple, bien que le prêt d’aide à l’établissement au Canada occupe une place unique pour appuyer l’établissement une fois au Canada, il est grandement sous-utilisé sur le plan du type d’aide (il se limite à couvrir les dépôts pour le logement et les services publics) et des bénéficiaires (presque exclusivement des RPG).
Recommandation #3 : Il est recommandé que CIC étudie comment le Programme de prêts aux immigrants pourrait favoriser davantage l’atteinte des objectifs stratégiques d’établissement et d’intégration de CIC (participation des nouveaux arrivants et des citoyens à l’appui d’une société intégrée), en envisageant des possibilités comme l’expansion du prêt d’aide à l’établissement au Canada de manière à améliorer l’accès au marché du travail pour tous les nouveaux arrivants, y compris les réfugiés.
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