4. Qui occupera les postes vacants?
Comme nous l’avons déjà mentionné, quelque 6,4 millions de postes seront disponibles au cours de la prochaine décennie en raison tant de la création d’emplois découlant de l’expansion économique que du remplacement des travailleurs partis à la retraite. Ces postes seront pourvus par des personnes actives nées au Canada (nouveaux venus sur le marché du travail et personnes qui y retournent), de nouveaux immigrants et des étrangers qui travaillent au Canada à titre temporaire. Le vieillissement de la population aura de profondes répercussions sur l’offre de main-d’œuvre au Canada, de plus en plus de travailleurs âgés quittant la population active. La proportion de personnes âgées (55 ans ou plus) dans la population augmentera, et ce groupe d’âge a toujours été le moins actif. On prévoit donc que la population active augmentera en moyenne de 0,8 % par an durant les dix prochaines années, ce qui correspond à la moitié du taux de croissance (1,6 %) relevé pendant les dix premières années du XXIe siècle.
Les étudiants qui sortent du système d’éducation canadien (c.-à-d. les sortants) avec un niveau de scolarité allant des études secondaires incomplètes jusqu'au doctorat continueront d’être la principale source de nouveaux travailleurs, pour un total d’environ 4,7 millions d’entrants sur le marché du travail au cours de la prochaine décennie. Ces sortants représenteront 80 % de l’offre totale prévue de nouveaux travailleurs. Dans l’ensemble, près de 70 % des sortants au cours des dix prochaines années auront un diplôme collégial ou universitaire, alors qu’ils n’étaient que 65 % dans les dix années précédentes. Il importe de préciser que le nombre de nouveaux immigrants qui entreront sur le marché du travail canadien (environ 1,1 million d’entrants durant la même période) sera très inférieur à celui des sortants qui y accéderont.
Le nombre d’immigrants qui entrent sur le marché du travail dépend de plusieurs facteurs liés à l’immigration, notamment les modifications apportées aux niveaux d’immigration, la composition par âge, les pays sources et la répartition des nouveaux immigrants dans les catégories d’immigration. En outre, le rendement global de l’économie canadienne, notamment par rapport à celui d’autres pays qui accueillent des immigrants, peut causer des changements dans l’offre de main-d’œuvre.
4.1. Attentes pour l’avenir – Mise en contexte du rôle de l’immigration
Les immigrants ont été un élément important de l’offre de main-d’œuvre au cours des deux dernières décennies et ils continueront d’être une source importante de nouveaux travailleurs. Nous devons toutefois mettre leur contribution en contexte. Il n’est pas surprenant que les immigrants forment une proportion accrue de l’augmentation de la population et de la main-d’œuvre, compte tenu des changements démographiques qui se produisent au Canada. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer le rôle des natifs du Canada. Les données historiques du Recensement révèlent que les gains en main-d’œuvre provenant des natifs du Canada dépassent largement les gains attribuables à l’immigration, et cette tendance devrait se poursuivre à l’avenir.Note de bas de page 9
Certains chercheurs estiment qu’à un moment donné pendant la présente décennie, la totalité de la croissance nette de la main-d’œuvre sera attribuable à l’immigration. Cette estimation est parfois mal interprétée et peut porter à croire que les jeunes nés au Canada ne participeront pas à la population active. Même si les immigrants récents continueront de représenter une part importante (et peut-être croissante) des nouveaux venus sur le marché du travail, dans un avenir prévisible, la majorité de ces derniers sera constituée de sortants, dans une proportion d’environ quatre sortants canadiens pour un immigrant. La figure 6 présente une perspective historique et une prévision du nombre de nouveaux venus sur le marché du travail – sortants et immigrants – en fonction des projections du SPPC. À noter que le nombre de sortants indiqué à la figure 6 comprend les étudiants qui sortent du système d'éducation avec un niveau de scolarité allant des études secondaires incomplètes jusqu’au doctorat. Ce nombre comprend également les immigrants reçus qui sortent du système scolaire, mais non les étudiants étrangers.
Figure 6 : Nouveaux venus sur le marché du travail : sortants et immigrants, 1996-2020
Version texte : Nouveaux venus sur le marché du travail
Même si l’année exacte est difficile à déterminer, on prévoit aussi qu’à un moment donné au cours des dix prochaines années, environ, le nombre de départs à la retraite dépassera celui des Canadiens arrivant du système scolaire sur le marché du travail. Le moment précis est difficile à prévoir en particulier à cause des variations des taux de retraite attribuables à des facteurs comme le comportement sur le marché du travail lié à la croissance économique globale et le niveau de richesse des retraités éventuels.
4.2. Résidents permanents qui entrent dans la population active
Au cours des dix dernières années, le taux d’immigration (immigration brute en proportion de la population totale du Canada) a été de l’ordre de 0,7 % à 0,8 %, le nombre d’immigrants oscillant entre 220 000 et 280 000 personnes. Pour la présente analyse, nous prévoyons que le taux d’immigration restera relativement stable au cours des dix prochaines années, ce qui se traduira par l’arrivée d’environ 2,5 millions d’immigrants au Canada.
Toutefois, ce ne sont pas tous ces immigrants qui se joindront à la population active. Tout d’abord, certains immigrants ne demeurent pas au Canada après qu’ils reçoivent la résidence permanente. Les taux de migration de retour et secondaire des nouveaux immigrants, qui dépendent de plusieurs facteurs, notamment la conjoncture économique au moment de l’admission au Canada et la situation économique et géopolitique dans leur pays d’origine, ont varié de 13 % à 19 % pour différentes cohortes d’immigrants reçus. Ensuite, une partie des nouveaux immigrants qui viennent au Canada sont des enfants qui ne devraient pas se joindre à la population active avant un certain nombre d’années, ou des personnes à l’âge de la retraite qui ne participeront pas du tout au marché du travail. Enfin, le taux de participation au marché du travail des immigrants, en particulier des femmes, est inférieur à celui des natifs du Canada. Compte tenu du nombre prévu de nouveaux résidents permanents et des tendances historiques en matière de participation, on s’attend à ce que l’offre prévue de main-d’œuvre constituée par de nouveaux résidents permanents soit d’environ un million au cours de la prochaine décennie.
La figure 7 montre une perspective historique du nombre de nouveaux immigrants qui ont l’intention de travailler au moment de leur admission, selon le niveau de compétence professionnelle. Les données tirées du Système de données sur les résidents permanents (SDRP) indiquent qu’au cours des dix dernières années, en moyenne, environ 130 000 des nouveaux résidents permanents chaque année devaient entrer sur le marché du travail, à un large éventail de niveaux de compétence professionnelle.Note de bas de page 10 Environ la moitié des résidents permanents indiquent un niveau de compétence professionnelle prévu, la plupart (de 80 % à 90 %) ayant l’intention d’exercer une profession hautement spécialisée (Gestion ou niveau de compétence A ou B). Il convient également de signaler la forte proportion (environ 50 % du total) de résidents permanents qui affirment avoir l’intention de travailler, mais n’indiquent pas une profession ou un niveau de compétence en particulier. De façon générale, ces immigrants ont récemment terminé leurs études et sont nouveaux sur le marché du travail, ou ont été reçus en vertu de la catégorie du regroupement familial ou à titre de réfugiés, et n’ont donc pas eu à indiquer un code de profession dans leur demande d’immigration.
Les nouveaux résidents permanents qui déclarent une profession prévue peuvent être répartis selon les différents niveaux de compétence mentionnés ci-dessus. Or, les tendances récentes à cet égard montrent clairement que les nouveaux résidents permanents sont bien placés (du moins sur le plan de l’adéquation de la profession) pour occuper des emplois dans les professions hautement spécialisées (niveau de compétence A), qui devraient constituer le segment du marché du travail canadien qui connaîtra la croissance la plus rapide au cours de la prochaine décennie.
Figure 7 : Nombre d’immigrants reçus ayant l’intention de travailler, selon le niveau de compétence, 1980-2011
Version texte : Nombre d’immigrants reçus ayant l’intention de travailler
Quel que soit le motif principal de leur venue au Canada, un pourcentage important des résidents permanents de chaque catégorie d’immigration entreront dans la population active. Toutefois, la tendance à entrer sur le marché du travail peut varier énormément selon la catégorie, le temps passé au Canada après l’admission, les choix familiaux et les autres caractéristiques socio-économiques. Il n’est pas étonnant que les résidents permanents sélectionnés selon un système de points d’appréciation (demandeurs principaux du Programme des travailleurs qualifiés [fédéral]) soient généralement les plus enclins à entrer sur le marché du travail. Ils sont évalués en fonction de différentes caractéristiques du capital humain qui facilitent la participation au marché du travail et jettent les bases de l’établissement économique au Canada.Note de bas de page 11 Toutefois, des données plus récentes indiquent aussi une très grande participation au marché du travail de la part des demandeurs principaux du Programme des candidats des provinces.Note de bas de page 12 Dans les autres catégories d’admission (en particulier celles du regroupement familial et de l’aide humanitaire), la participation au marché du travail est moindre, les motifs de la venue au Canada n’étant pas les mêmes.
Il importe de préciser que, comme pour la conjoncture économique globale, l’offre (et la demande) de main-d’œuvre varie d’une région à l’autre du pays. Cela s’explique par plusieurs facteurs, notamment le profil démographique de la région, la présence d’établissements d’enseignement ou de formation, et la capacité des différentes régions d’attirer et de retenir les nouveaux travailleurs. Dans ce contexte, le rôle que joue et jouera l’immigration est important.Note de bas de page 13 La mobilité des travailleurs, qu’ils soient immigrants ou natifs du Canada, dans les différentes régions géographiques est une autre question clé à examiner.Note de bas de page 14 En outre, le désir des immigrants et des natifs du Canada de se réinstaller dans les régions où leurs compétences sont requises sera probablement une question importante à prendre en compte à mesure que les baby-boomers prendront leur retraite et que les pénuries localisées de travailleurs se feront de plus en plus fréquentes.
4.3. Améliorations récentes apportées aux politiques et programmes liés au marché du travail canadien
Depuis la mise en œuvre de la LIPR (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés) en 2002, certains programmes et politiques clés ont été élaborés et améliorés afin de répondre de façon souple à l’évolution des besoins de main-d’œuvre au Canada. Les améliorations (voir ci-dessous) visent à attirer de nouveaux immigrants, à les aider à s’intégrer plus rapidement au marché du travail et à assurer leur réussite.
Le Programme des candidats des provinces (PCP)
Le Programme des candidats des provinces vise à faciliter l’immigration des étrangers vers certaines provinces ou certains territoires canadiens afin de répondre à des besoins économiques précis. Les personnes qui immigrent au Canada dans le cadre du PCP sont dotées de la scolarité, de l’expérience et des compétences nécessaires pour contribuer immédiatement à la vie économique de la province ou du territoire qui les désigne comme candidats. Depuis le lancement de ce programme, l’accent a été mis sur les besoins immédiats selon la profession, établis par les provinces participantes. Les règles relatives au PCP reconnaissent que le gouvernement de chaque province est le mieux placé pour définir les besoins économiques propres à celle-ci en ce qui a trait à l’immigration.
Les besoins du marché du travail varient au fil du temps en raison de plusieurs facteurs comme les cycles économiques généraux, le taux de croissance dans certains secteurs et l’évolution des effectifs dans certaines professions. On considère généralement que le PCP est mieux adapté aux besoins à court terme du marché du travail que le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) [PTQF]. Les candidats des provinces obtiennent un traitement prioritaire, ce dont ne bénéficient pas la plupart des TQF,Note de bas de page 15 et le PCP couvre plus largement l’éventail des professions sur le marché du travail.
Depuis son lancement, le PCP est souvent comparé au PTQF en ce qui a trait à ses résultats sur le marché du travail. Toutefois, il faut se rappeler que ces deux volets d’immigration économique sont très différents : le PTQF recrute des professionnels qualifiés pour combler les besoins à long terme dans l’industrie du savoir, alors que le PCP tend plutôt à combler des besoins immédiats relevés par une province pour certains travailleurs ou les membres d’une profession en particulier.
Instructions ministérielles (IM) – Projet de loi C-50
Le 18 juin 2008, des modifications ont été apportées à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés en vue d’accorder au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration le pouvoir de formuler des instructions qui auraient pour effet, de l’avis du ministre, de faire en sorte que le traitement des demandes respecte mieux les objectifs en matière d’immigration fixés par le gouvernement du Canada.Note de bas de page 16 Doté de ce pouvoir, le ministre peut formuler des « instructions ministérielles » à l’intention des agents d’immigration sur le type de demandes à traiter et la façon de le faire. Les IM peuvent accélérer le traitement de certains types de demandes, limiter le nombre de demandes ou déterminer qu’il n’est pas nécessaire de traiter les demandes non conformes à certains critères de recevabilité; elles ne touchent toutefois pas quelques types de demandes (comme les demandes d’asile).
Le Plan d’action pour accélérer l’immigration a été lancé en novembre 2008 afin de mieux adapter le PTQF au marché du travail canadien. L’élément central de ce plan d’action était une première série d’IM qui accélérait le traitement de certaines demandes du PTQF afin que les immigrants qualifiés puissent se rendre rapidement au Canada lorsque leurs compétences sont recherchées, tout en interdisant le traitement des demandes non conformes à certains critères de recevabilité. Plus particulièrement, ces premières IM ont lancé le traitement prioritaire de trois groupes de demandeurs du PTQF :
- Étrangers présentant une demande accompagnée d’une offre d’emploi réservé (OER);Note de bas de page 17
- Étrangers résidant au Canada à titre d’étudiants étrangers ou de travailleurs étrangers temporaires;
- Étrangers ayant présenté une demande accompagnée d’une preuve d’expérience dans l’une ou plusieurs des professions prioritaires au cours des dix dernières années.
Depuis 2008, le pouvoir de formuler des IM a été utilisé de façon soutenue pour réduire les pressions exercées sur la capacité de traitement dans plusieurs catégories. Toutefois, il continue d’améliorer le traitement des demandes du PTQF afin de répondre le mieux possible aux besoins du marché du travail.Note de bas de page 18
La liste des professions prioritaires a été établie principalement en fonction des projections relatives au marché du travail de Ressources humaines et Développement des compétences Canada ainsi que des provinces et des territoires, et des commentaires des employeurs et des partenaires. Toutes les professions qui figurent dans la liste des professions prioritaires suivent le système de codification de la Classification nationale des professions (CNP).
Bon nombre de professions sur la liste prioritaire actuelle relèvent du domaine médical (omnipraticiens, médecins spécialistes, dentistes, pharmaciens, infirmiers, etc.). Toutefois, d’autres domaines professionnels s’y retrouvent fréquemment, notamment les métiers de la restauration (directeurs de restaurant, chefs et cuisiniers) et de la construction, et les professions connexes. Il ne faut pas s’étonner si RHDCC a également désigné un grand nombre de ces professions comme devant subir des « pressions » ou des pénuries dans les années à venir en raison du nombre accru de départs à la retraite et d’une croissance de l’emploi supérieure à la moyenne.
Catégorie de l’expérience canadienne (CEC)
Même si le nombre de résidents permanents reçus au titre de la catégorie de l’expérience canadienne est toujours peu élevé (6 027, ou 2,4 % du nombre total de nouveaux résidents permanents en 2011), l’objectif de cette catégorie est d’attirer et de retenir les personnes qualifiées et talentueuses qui ont déjà démontré leur capacité de s’intégrer à la société et au marché du travail canadiens. La CEC autorise certains travailleurs étrangers temporaires et certains étudiants étrangers diplômés, notamment ceux qui ont acquis de l’expérience dans un poste de gestion, un poste de professionnel ou encore un poste technique ou un métier, à présenter une demande de résidence permanente et, ultérieurement, de citoyenneté canadienne sans devoir quitter le Canada.Note de bas de page 19 Contrairement aux autres programmes, cette nouvelle voie vers l’immigration tient compte de l’expérience canadienne d’un candidat en tant que facteur clé de sélection.
Selon les données de recherche sur le rendement économique des nouveaux immigrants au Canada, ceux qui séjournent au pays (en particulier comme travailleurs étrangers temporaires) avant d’y être reçus obtiennent de meilleurs résultats économiques que ceux qui n’y séjournent pas avant d’obtenir la résidence permanente, et cela est de bon augure pour les immigrants admissibles au titre de cette catégorie.Note de bas de page 20 Même si certains des premiers résultats de ces améliorations et modifications apportées aux politiques et aux programmes sont encourageants et laissent entrevoir de meilleurs résultats, certaines difficultés en matière d’intégration subsistent. L’immigration étant censée jouer un rôle croissant dans l’offre de main-d’œuvre, les difficultés d’intégration des immigrants au marché du travail (reconnaissance des titres de compétences, formation linguistique, etc.) sont des facteurs clés à régler pour obtenir un meilleur rendement économique.
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