Partie 1 : Les menaces autrefois émergentes se sont maintenant concrétisées

L’émergence de nouvelles formes de concurrence stratégique durable et l’affaiblissement de l’ordre international fondé sur des règles se manifestent sur de multiples fronts et dans de nombreuses dimensions de la puissance. La coercition économique, les opérations d’influence, la manipulation des médias, les cyberattaques et l’emploi de forces paramilitaires et interposées ne sont que quelques-unes des façons dont des acteurs hostiles cherchent à perturber le statu quo, souvent en recourant à des moyens flous et ambigus et souvent en violant les principes de la souveraineté.

On peut s’attendre à ce que ces changements influent sur la dynamique géopolitique, depuis les mouvements migratoires jusqu’à l’habitabilité des ville côtières et depuis l’insécurité alimentaire jusqu’à l’accès aux ressources naturelles, en particulier dans la mesure où ils se conjuguent avec des tendances grandissantes et parfois préoccupantes, telles que l’évolution rapide de la technologie ayant un effet perturbateur élargi, la croissance démographique mondiale, l’urbanisation et les changements climatiques. Tous ces facteurs auront d’importantes répercussions sur la défense du Canada et de ses intérêts et sur le travail du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.

Le COMFOSCAN doit donc continuellement suivre la multitude d’aboutissements possibles de ces tendances mondiales et des événements connexes, et toujours être au fait de la manière dont on prévoit qu’ils toucheront le Canada des points de vue économique et politique et sur le plan de la sécurité. Le COMFOSCAN doit aussi être prêt à adapter son savoir, ses compétences, ses capacités, ses relations et ses méthodes opérationnelles à cette ère de changements.

Le COMFOSCAN doit également être prêt à réagir aux menaces actuelles les plus probables. Ces dernières comprennent le recours accru à des méthodes hybrides (p. ex. l’emploi de toutes les composantes du pouvoir national) dans la « zone grise » des conflits, sous le seuil de la guerre entre États; la diminution de la distinction entre les menaces intérieures et internationales; l’influence continue des organisations extrémistes violentes et terroristes; la complexité et l’ambiguïté grandissantes des conflits et de la concurrence; et la prolifération et l’emploi d’armes de destruction massive.

En outre, le COMFOSCAN doit demeurer prêt à aider les FAC à appliquer des moyens conventionnels de dissuasion en ayant la capacité de convaincre un agresseur éventuel que les conséquences de la coercition ou d’un conflit armé seraient plus grandes pour lui que les gains qu’il pourrait en tirer. Enfin, le COMFOSCAN doit être prêt à aider les FAC à faire la guerre, si toutes les autres options échouent.


Figure 1

Longue description suit

 
Figure 1 : Longue description

Le visage des conflits change. Il passe d’un spectre consistant en quatre flux de menaces (la paix, la compétition, la crise et la guerre) à des systèmes de conflits dans lesquels les flux de menaces de croisent et se superposent. Les tendances stratégiques de la compression, de l’enchevêtrement et du flou entourent et façonnent ces flux de menaces.


Un tel environnement imprévisible et dynamique oblige le COMFOSCAN à entretenir des rapports continus avec des partenaires clés et d’autres acteurs partout dans le monde. Il exige du COMFOSCAN qu’il prévoie les répercussions des nouvelles technologies sur ses capacités actuelles et sur les conflits à venir. En fin de compte, le COMFOSCAN doit être proactif et s’adapter aux circonstances, tout en conservant en tout temps les niveaux de disponibilité opérationnelle fixés dans son mandat.

Dans cet environnement, on ne peut plus considérer les conflits uniquement comme se situant dans un spectre linéaire assorti de « fréquences distinctes » en fonction desquelles on décide des interventions nécessaires. Dès lors, les conflits s’apparentent plutôt à un ensemble compliqué de systèmes dans lequel les menaces se manifestent à tous les niveaux, simultanément et de façon non linéaire.

Plusieurs tendances stratégiques façonnent des systèmes de conflits.

Tout d’abord, les conflits militaires conventionnels au niveau des États continuent d’être contenus par la menace dissuasive du recours à des armes de destruction massive et par l’emploi de moyens conventionnels efficaces de dissuasion collective. En revanche, cela amène les acteurs étatiques hostiles à miser de plus en plus sur les conflits de la zone grise, en s’abstenant de franchir le seuil de ce qui, dans le passé, a constitué un conflit armé conventionnel, afin de promouvoir leurs intérêts, tout en évitant la guerre totale.

En second lieu, la transformation de la dynamique des puissances mondiales en incite certaines, qui existent déjà ou sont en devenir, à essayer d’agir dans des espaces auparavant non gouvernés ou peu réglementés (par exemple, l’espace extra atmosphérique et le cyberespace et aussi des territoires physiques). Cette tendance fait entrevoir une diminution probable des petites insurrections organiques déclenchées par des groupes indépendants et un accroissement du nombre de soulèvements hybridés dirigés par de grandes puissances étatiques.

Troisièmement, la technologie donne des moyens à tous les acteurs au sein de la société. Le pouvoir du particulier face à l’État augmente, grâce à l’effet des technologies perturbatrices et des outils transformateurs, effet qui accroît les risques de tension entre « le particulier » et « l’État ». La possibilité qu’ont les citoyens d’accéder à l’information, d’amplifier leur voix et d’agir en réseau afin de promouvoir leurs causes n’a jamais été aussi grande. Parallèlement, mais à l’inverse, les liens entre les structures sociales et les structures politiques qui les régissent sont traçables avec un degré de résolution plus grand que jamais dans le passé, ce qui permet à l’État d’identifier et de suivre les particuliers de façon auparavant impossibles afin de diffuser ses propres messages auprès d’un auditoire accru et de dialoguer avec les citoyens en temps réel au sujet de toute une gamme d’enjeux. Les conséquences de la collision inévitable entre ces deux facteurs sont encore inconnues, ce qui contribuera à l’incertitude permanente dans l’environnement stratégique dans le proche avenir et à moyen terme.

La convergence de ces tendances rend floues les lignes de démarcation entre les divers types de conflits et elle entremêle les seuils distinguant le conflit de la concurrence. Les limites des dommages qu’une partie peut causer aux intérêts d’un adversaire, ou des moyens qu’elle peut prendre pour promouvoir ses propres intérêts, surtout dans le contexte des conflits dans la zone grise, sont mal comprises. En outre, les acteurs tant étatiques que non étatiques continuent de redéfinir le « domaine du possible ». Cela assujettit à des pressions grandissantes les ensembles d’idées, de règles et de croyances mondialement acceptées qui constituent depuis toujours le fondement des actions et des décisions des États, de sorte que ceux-ci sont moins â même de réagir d’une façon significative.

Étant donné cette toile de fond, le COMFOSCAN doit être prêt à réagir à toute une gamme de facteurs en évolution, tout en étant capable de se concentrer rapidement sur les menaces les plus probables.

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