Message du directeur des poursuites militaires

Colonel Bruce MacGregor, CD, c.r.
Directeur des poursuites militaires

En tant que commandant du Service canadien des poursuites militaires depuis le 14 octobre 2014, j’ai l’honneur de présenter publiquement le rapport annuel du directeur des poursuites militaires pour la période de référence 2020/21. Il s’agit de mon septième et dernier rapport annuel puisque je vais obtenir ma libération des Forces armées canadiennes (FAC) en septembre 2021.

Au cours de la période de référence visée par le présent rapport, les FAC ont fait face à des défis sans précédent en raison de la pandémie de la COVID-19, des échecs de leadership, et de la victimisation accrue des membres et des non-membres des FAC par des personnes en uniforme qui choisissent de ne pas respecter les droits d’autrui et de ne pas tenir compte de la primauté du droit.

En mars 2020, les cours martiales et d’appel ont été évidemment perturbées pour des raisons de santé et de sécurité. Cela a entraîné des retards importants dans les procès et a entravé l’objectif de s’assurer que la justice soit rendue de façon équitable et rapide. Grâce à l’apport et aux efforts sincères des participants indépendants du système de justice militaire, les cours martiales et les appels ont été remis sur les rails plus tôt que bon nombre de nos homologues civils des systèmes de justice criminelle et civile. Il est à espérer que ces défis ont contribué à une meilleure utilisation de la technologie et de l’efficacité pour réduire les délais dans le processus des cours martiales et celui des appels, ainsi qu’à rendre ceux-ci plus accessibles au public.

Cette période de référence a révélé publiquement des échecs remarquables de leadership à tous les niveaux au sein des FAC. Ces échecs existent depuis des années. Les chefs militaires exercent un grand pouvoir pour une bonne raison. Utilisé de manière appropriée, ce pouvoir permet d’assumer les responsabilités et les obligations d’une force armée fonctionnelle et professionnelle. Les allégations liées à l’incapacité des dirigeants à respecter la primauté du droit et à faire preuve d’autodiscipline érodent la confiance dans l’institution et compromettent dangereusement l’efficacité opérationnelle ainsi que la sécurité nationale et internationale.

En tant que service de poursuite militaire, nous avons dû rester concentrés sur la poursuite des affaires, en cherchant à protéger les droits des individus et en faisant respecter l’état de droit conformément à la Charte des droits, quel que soit le rang du suspect ou de l’accusé. Personne n’est au-dessus de la loi. Bien que l’intérêt public est un facteur à tenir compte dans notre prise de décision en matière de poursuites, le sentiment de partisannerie politique n’influencera jamais nos fonctions quasi-judiciaires. Depuis la création du SCPM en 1999, ce principe fondamental a été renforcé quotidienne-ment au sein de notre service de poursuites militaires, conformément à la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2016 dans l’affaire Cawthorne. Sous notre gouverne, les procureurs militaires ne sont pas et ne seront pas influencés illégalement par la haute chaîne de commandement ou par des personnes au pouvoir ayant des intérêts partisans. Nous avons lutté avec acharnement pour notre indépendance en matière de poursuites et les Canadiens peuvent avoir confiance que nous remplissons nos fonctions de manière indépendante et éthique.

L’opinion et les discours publics se sont intensifiés au cours de la période de référence en ce qui concerne l’inconduite sexuelle et la victimisation. Depuis 2014, le soutien aux victimes tout au long du processus de justice militaire est une priorité pour le Service canadien des poursuites militaires. Acceptant pleinement le rapport de Madame la juge Deschamps de 2015, nous avons rapidement mis à jour nos politiques de poursuivant afin de mieux soutenir les victimes, augmenté de manière significative notre formation afin d’inclure la perspective de poursuites judiciaires basées sur les traumatismes, et intensifié nos efforts de communication avec les victimes tout au long du processus de la cour martiale. Reconnaissant très tôt que le processus législatif et réglementaire pourrait être lent à mettre en œuvre les protections de la Déclaration des droits des victimes, nous les avons immédiatement intégrées dans nos propres politiques et pratiques de poursuite. Le soutien aux victimes dans les systèmes militaires et civils a encore un long chemin à parcourir, mais les procureurs militaires continueront à fournir un soutien sans attendre une couverture législative et réglementaire.

En conclusion, je tiens à dire que ce fut un privilège d’avoir servi en tant que votre directeur des poursuites militaires pendant une période sans précédent de presque sept ans. J’ai eu la chance d’avoir une équipe extrêmement forte et dévouée de procureurs militaires et de personnel de soutien civil qui comprennent et mettent en œuvre notre mandat indépendant de promouvoir la discipline, l’efficacité et le moral des FAC par le biais de procédures ouvertes et équitables. J’ai également été soutenu par un juge-avocat général fort : la contre-amiral Bernatchez reconnaît que la protection constante de l’indépendance des procureurs militaires contre toute influence illégale est parmi ses devoirs en tant que surintendante de l’administration de la justice militaire. Le soutien de la contre-amiral Bernatchez a été crucial pour garantir que notre service demeure légitime et conforme aux attentes et aux valeurs des Canadiens. Cependant, malgré ce niveau de coopération, des changements législatifs doivent être apportés pour cristalliser l’indépendance du Service canadien des poursuites militaires. Nous espérons travailler en étroite collaboration avec le juge Fish afin d’établir une voie à suivre pour que cela se produise dans un contexte militaire.

ORDO PER JUSTITIA

Colonel Bruce MacGregor, CD, c.r.
Directeur des poursuites militaires

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