Chapitre 1 – Introduction - Révision globale de la cour martiale - Ébauche du rapport interne

1.1 Contexte

Le 1er septembre 1999, des modifications ont été apportées à la LDN en vue d’imposer au JAG des Forces canadiennes (FC) la responsabilité légale de « proc[éder] ou fa[ire] procéder périodiquement à un examen de l’administration de la justice militaire »1 .

Depuis ce temps, un certain nombre d’examens externes2 portant sur différents aspects de l’administration de la justice militaire, notamment les procès sommaires et les cours martiales3, de même que les poursuites militaires4 et le SAD, ont été réalisés. De nombreux autres examens ont également été réalisés à l’interne par des avocats militaires du Cabinet du JAG (CJAG), et certains de ces examens ont mené à l’élaboration de propositions législatives visant à modifier les dispositions de la LDN relatives à l’administration de la justice militaire5.

Les JAG se sont également acquittés de leur responsabilité de procéder à des examens périodiques de l’administration de la justice militaire au moyen d’entrevues avec des intervenants spécialisés dans ce domaine. Par exemple, en décembre 2012, une équipe du CJAG s’est rendu dans sept endroits différents au Canada où elle s’est entretenue avec des représentants de la chaîne de commandement militaire, des responsables des mises en accusation, des contrevenants, des officiers désignés pour aider les accusés lors d’un procès sommaire, des autorités de renvoi à la cour martiale et divers autres intervenants concernant l’administration de la justice militaire. Des examens semblables ont été réalisés en 2007 et en 2010. Ce type d’examen aide le CJAG à comprendre l’administration de la justice militaire grâce au point de vue de ceux qui sont souvent les plus directement touchés à l’intérieur de ce système de justice.

Depuis 1999, un certain nombre de changements importants survenus au sein du système de justice militaire canadien. Sur le plan législatif, par exemple, la Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada a reçu la sanction royale le 19 juin 20136. Plus récemment, le projet de loi C-71 (la Loi sur les droits des victimes au sein du système de justice militaire, qui portait sur les droits des victimes et la réforme des procès sommaires) a été déposé devant le Parlement le 15 juin 2015, mais il est mort au Feuilleton peu de temps après7. En outre, plusieurs décisions importantes rendues par la Cour d’appel de la cour martiale (CACM), au cours de la dernière décennie, ont donné lieu à d’autres modifications législatives. Par exemple, l’arrêt R. c. Trépanierer8 en 2008 a mené à l’adoption du projet de loi C-609, au cours de cette même année. Les accusés ont dorénavant le droit de choisir entre une cour martiale formée d’un juge siégeant seul ou une cour martiale composée d’un juge et d’un comité de militaires, qui ont la responsabilité de juger les faits. De même, en 2011, l’arrêt R. c. LeBlanc10 a mené à l’adoption du projet de loi C-1611, plus tard au cours de la même année, lequel confère aux juges militaires une garantie d’inamovibilité jusqu’à l’âge de 60 ans, compte tenu de l’obligation constitutionnelle d’assurer leur indépendance judiciaire12.

À la lumière de ces éléments de changement et d’autres éléments ayant une incidence sur le système de cours martiales, le JAG a jugé souhaitable de réaliser un examen proactif de ce système, en visant un but bien précis. Par conséquent, le 13 mai 2016, le JAG a demandé à ce qu’on procède à la révision globale du système de cours martiales (voir le document Termes de référence – Révision globale de la cour martiale joint à l’annexe A).

1.2 Portée de la révision globale

La révision globale consiste en une évaluation de l’efficacité, de l’efficience et de la légitimité du système actuel des cours martiales. Elle consiste également en une évaluation visant à déterminer s’il est conseillé ou nécessaire d’apporter des modifications à l’une ou l’autre des caractéristiques de ce système afin d’en accroître l’efficacité, l’efficience ou la légitimité. Dans le cadre de la révision, les éléments suivants ont été examinés :

1.3 Composition de l’équipe chargée de la révision globale de la cour martiale

L’ERGCM était composée des avocats militaires suivants, qui avaient les rôles indiqués ci-après :

L’expérience et le large éventail de qualifications que possèdent les membres de cette équipe leur ont permis de mener à bien la révision globale. Leur expérience et certaines de ces qualifications sont indiquées ci-dessous :

Ensemble, les membres de l’ERGCM étaient bien placés pour recueillir et comprendre les commentaires reçus d’un large éventail d’intervenants internes et externes, de même que pour entreprendre l’analyse et les autres travaux requis dans le cadre de la révision globale.

1.4 Définitions et terminologie

Tel qu’il a été mentionné précédemment, la révision globale de la cour martiale met l’accent sur les questions de l’efficacité, de l’efficience et de la légitimité du système de cours martiales.

Pour les besoins de la révision globale, les membres de l’ERGCM ont adopté les définitions suivantes de ces termes :

En outre, étant donné que l’ERGCM a été chargée d’examiner un large éventail de sujets et a étudié une vaste gamme d’options visant à améliorer le système de cours martiales, elle a adopté des définitions généralisées pour plusieurs autres termes, qui peuvent avantageusement s’appliquer à l’ensemble des options et des situations qu’elle a envisagées. Tout au long du présent rapport, les définitions ci-après seront utilisées :

Système de cours martiales/système de type cour martiale : désigne tout système de justice qui s’applique au personnel militaire et qui permet de juger les infractions militaires. Ces termes ne désignent pas forcément un modèle particulier de système de cours martiales (p. ex., le modèle anglo-américain) et ne doivent pas être considérés comme impliquant un niveau de participation militaire bien défini à l’intérieur du système. Par exemple, le terme « système de cours martiales » employé dans le présent rapport s’entend tout aussi bien des systèmes semblables à ceux en vigueur en Australie (où des officiers militaires formés en droit président en tant que magistrats de la Force de défense et en tant que juges-avocats), au Royaume-Uni (où des juges civils président la cour martiale) et en Finlande (où une forme spécialisée de tribunal civil ayant compétence en matière pénale – formé de deux militaires présidant ensemble avec un juge civil – juge les infractions commises par le personnel militaire).

Infractions militaires : désigne les infractions qui relèvent de la compétence de la cour martiale. Ces infractions concernent généralement les manquements graves au devoir et toutes les inconduites criminelles du personnel militaire. Le terme « infraction militaire » employé dans le présent rapport ne vise pas les fautes mineures relatives au service militaire qui ne sont pas de nature criminelle et que de nombreux systèmes de justice militaire considèrent comme des infractions devant être traitées au moyen d’un système de procès sommaire.

Infractions exclusivement militaires : désigne les infractions qui sont purement d’ordre militaire et qui ne ressemblent pas aux autres infractions relevant du droit pénal civil (p. ex., la désertion, la désobéissance à un ordre légitime, le manquement au devoir en présence de l’ennemi et la négligence dans l’exécution des tâches).

Infractions civiles : désigne les infractions militaires qui constituent également des infractions criminelles d’application générale en droit civil (p. ex., agression sexuelle, vol, possession d’une drogue contrôlée), mais qui sont intégrées dans une loi pénale militaire.

Personnel militaire : désigne les personnes qui sont assujetties au droit militaire. Dans la plupart des pays dotés d’un système de justice militaire semblable à celui du Canada, le « personnel militaire » inclut les membres à temps plein de l’élément constitutif de la force régulière des forces armées et peut également inclure :

1.5 Hypothèses

L’ERGCM a présenté une série d’hypothèses ne prêtant relativement pas à controverse afin de se concentrer davantage sur les aspects particulièrement difficiles de son examen. Chacune de ces hypothèses et les motifs qui les sous-tendent sont présentés ci-dessous.

Hypothèse no 1 : Un système disciplinaire par voie sommaire continuera d’exister. L’ERGCM suppose qu’un certain système de procès sommaire ou d’instruction sommaire, dirigé et administré par le commandant, continuera d’exister au Canada et permettra de statuer sur les inconduites mineures relatives au service militaire, de nature non criminelle, commises par le personnel militaire, et ce, de façon distincte de tout système permettant de juger les inconduites plus graves du personnel militaire qui s’apparentent à des comportements criminels. Plus précisément, l’équipe a présumé qu’un système disciplinaire par voie sommaire semblable, en principe, à celui proposé récemment dans le projet de loi C-7114 – c’est-à-dire un système qui ne prévoit la tenue d’audiences sommaires que pour les cas de « fautes » relatives au service militaire qui ne sont pas des infractions et pour lesquelles la personne ne s’expose pas à de véritables conséquences pénales – sera mis en place à l’intérieur du système de justice militaire canadien.

De tels systèmes disciplinaires par voie sommaire sont au cœur des systèmes de justice militaire nationaux de pratiquement toute force armée efficace dans le monde (peu importe la mesure dans laquelle un système de type cour martiale a été établi à l’intérieur de ces systèmes de justice). En outre, les très nombreux commentaires reçus par l’ERGCM dans le cadre des consultations publiques et internes15 ont confirmé la nécessité de maintenir un système disciplinaire par voie sommaire comme façon de contribuer à l’efficacité des FAC. Enfin, cette hypothèse est conforme aux obligations juridiques internationales du Canada, qui doit s’assurer que les membres de ses forces armées sont assujettis à un système de discipline interne16.

Hypothèse no 2 : Certaines infractions exclusivement militaires doivent continuer d’exister. L’ERGCM suppose que le droit canadien doit continuer de proscrire certaines infractions exclusivement militaires, soit dans une loi sur la défense nationale ou toute autre loi pénale.

Cette hypothèse est conforme à la jurisprudence canadienne antérieure concernant le système de justice militaire parallèle du Canada17, de même qu’aux obligations juridiques internationales du pays (p. ex., réprimer et sanctionner les violations graves des conventions de Genève)18. Elle reflète également le recours généralisé à des infractions exclusivement militaires dans les systèmes juridiques nationaux de pratiquement chaque État disposant d’une force armée efficace dans le monde (peu importe la mesure dans laquelle un système de type cour martiale a été établi dans ces pays). Pour qu’une force armée fonctionne efficacement et soit assujettie comme il se doit à un contrôle démocratique, la conduite des membres de cette force armée doit être réglementée, à tout le moins, au moyen de certaines interdictions et exigences supplémentaires fondées sur les infractions commises.

Hypothèse no 3 : Il doit être possible d’imposer de véritables conséquences pénales. L’ERGCM suppose que tout système canadien de type cour martiale devra continuer d’offrir la possibilité d’imposer de véritables conséquences pénales en cas d’infraction d’ordre militaire. La CSC a déclaré qu’en vertu du droit constitutionnel canadien, « [l]a véritable conséquence pénale s’entend de la peine d’emprisonnement ou de l’amende qui, compte tenu de son importance et d’autres considérations pertinentes, est infligée dans le but de réparer le tort causé à la société en général plutôt que d’assurer l’observation de la loi »19.

Cette hypothèse concorde avec les réalités observées actuellement au Canada et ailleurs dans le monde (alors que la peine d’emprisonnement ou toute autre forme d’incarcération existe à l’égard d’un grand nombre d’infractions militaires, sinon la totalité, dans la plupart des pays).

Hypothèse no 4 : Tout projet de réforme doit être constitutionnel, dans l’ensemble du spectre des opérations. À plusieurs reprises au cours des dernières années, la CACM et la CSC ont confirmé la constitutionnalité de différents aspects du système de cours martiales. Aucune contestation concernant la validité constitutionnelle de ce système n’est en instance devant les tribunaux. De toute évidence, le système est conforme aux dispositions de la Constitution du Canada. Il demeure impératif d’éviter les risques d’ordre constitutionnel qu’il peut poser.

Par conséquent, l’ERGCM part du principe que pour être jugées pertinentes et réalisables, les modifications proposées au système de cours martiales du Canada doivent reposer sur un fondement constitutionnel capable de résister à un examen juridique des plus rigoureux. Cela est vrai, estime l’ERGCM, que le système s’applique en temps de paix ou lors de conflits armés, au Canada ou à l’étranger, dans l’ensemble du spectre des opérations des FAC.

Les hypothèses ci-dessus s’appliquent tout au long du présent rapport.

1.6 Méthode utilisée pour procéder à la révision globale

Observations préliminaires – constitutionnalité du système de cours martiales. L’ERGCM a commencé son examen en étant pleinement consciente des diverses contestations constitutionnelles qui ont été soulevées, au cours des dernières décennies, à l’égard de certains aspects du système de cours martiales, et plus particulièrement, des deux décisions récentes, rendues en 2015 et en 2016, où la CSC a rejeté à l’unanimité de telles contestations20. S’appuyant sur ces décisions, ainsi que sur les nombreux examens indépendants du système de cours martiales réalisés au fil des ans (lesquels seront examinés plus en détail au chapitre 3 ci-dessous), l’ERGCM a clairement reconnu – au moment de rédiger le présent rapport – qu’il n’était pas nécessaire, d’un point de vue constitutionnel, de modifier l’un ou l’autre des aspects particuliers du système de cours martiales. Quoi qu’il en soit, l’ERGCM ne devait pas, en vertu de son mandat, s’arrêter à la simple question de la constitutionnalité du système de cours martiales actuel. Tel qu’il est indiqué dans le rapport Lamer, « [l]es personnes responsables de l’organisation et de l’administration du système de justice militaire du Canada se sont efforcées, et doivent continuer de s’efforcer, d’offrir un meilleur système et non simplement un système dont la constitutionnalité ne peut être contestée »21.

Observations préliminaires – intentions et efforts déployés de bonne foi. La révision globale de la cour martiale n’a pas été entreprise dans le but d’examiner le niveau d’effort ou de motivation ou les bonnes intentions des différents acteurs du système de cours martiales. L’ERGCM a tenu pour acquis que tous ces acteurs travaillent fort pour s’acquitter de leurs rôles respectifs au sein du système, sous réserve des restrictions ou contraintes imposées par le système actuel, et cette hypothèse a été validée tout au long du processus de révision, lorsqu’il est devenu évident que tous les intervenants clés, y compris les procureurs, les juges, les avocats de la défense et le personnel à l’échelle de l’unité, faisaient tout leur possible pour s’acquitter de leurs fonctions dans l’administration de la justice militaire. Quoi qu’il en soit, l’ERGCM était tenue, en vertu de son mandat, d’aller au-delà des niveaux d’effort et de la bonne foi des acteurs afin d’évaluer l’efficacité, l’efficience et la légitimité des composantes du système de cours martiales et – là où des obstacles à l’atteinte de niveaux optimisés à l’égard de ces principes fondamentaux étaient identifiés – d’élaborer des solutions visant à éliminer ou à réduire ces obstacles. La révision globale a été entreprise en gardant en tête cette approche fondamentale.

Historique. L’ERGCM a examiné l’historique et l’évolution du système de cours martiales, depuis ses origines en droit britannique et canadien jusqu’à aujourd’hui. Après avoir pleinement compris comment et pourquoi le système a évolué au fil du temps, l’ERGCM a été plus en mesure d’évaluer l’efficacité, l’efficience et la légitimité du système actuel et d’élaborer des solutions visant à améliorer ce dernier, en tenant compte de l’objectif qu’il vise aujourd’hui.

Examen des opinions critiques formulées antérieurement à l’égard du système. L’ERGCM a examiné attentivement un certain nombre de sources d’information utiles, dans lesquelles on évalue ou commente d’un œil critique le système de cours martiales actuel, de 1997 à 2016. Ces sources d’information ont été sélectionnées dans les grandes catégories de documents suivantes : examens objectifs, externes ou indépendants du système; études subjectives du système réalisées à l’interne; commentaires de médias et d’universitaires canadiens concernant le système; discours sur le droit international ayant trait au système. En comprenant bien comment le système de cours martiales était perçu et apprécié par les autres avant d’entreprendre la présente révision globale, l’ERGCM était bien placée pour en évaluer l’efficacité, l’efficience et la légitimité.

Consultations. L’ERGCM a entrepris une vaste consultation auprès d’un large éventail d’intervenants à l’intérieur et à l’extérieur des FAC, au Canada et à l’étranger. Quatre types de consultations ont été lancés : consultations publiques, consultations internes au sein des FAC, consultations ciblées auprès de spécialistes et consultations menées auprès d’autres ministères. Ce vaste effort de consultation avait pour but de s’assurer que l’ERGCM – un groupe relativement petit et homogène d’avocats militaires des FAC – pourrait tirer profit des opinions, des idées, des expériences et des leçons tirées, qui pourraient ainsi être obtenues auprès d’un groupe d’intervenants beaucoup plus important et plus diversifié.

De nombreux avantages ont résulté de ces consultations :

Un aperçu des consultations qui ont été menées et des résultats de ces dernières est présenté au chapitre 4.

Analyse comparative. L’ERGCM a étudié en profondeur les systèmes de cours martiales de 10 autres pays. À certains égards, tous diffèrent considérablement de celui en vigueur au Canada. L’ERGCM a ensuite effectué des visites techniques approfondies auprès de spécialistes de la justice militaire de ces pays, notamment des avocats, des juges, des administrateurs et des membres de la chaîne de commandement militaire. En plus de ces visites techniques, l’ERGCM a également eu l’occasion d’avoir des échanges moins en profondeur avec les spécialistes de la justice militaire de Singapour et d’Israël, dans le cadre d’autres visites réalisées à ces endroits par les avocats militaires du CJAG. Tous les renseignements qui ont été recueillis lors de ces visites techniques et de ces échanges de connaissances ont contribué à l’analyse comparative de l’ERGCM concernant la façon dont les autres pays structurent leurs systèmes de cours martiales et les mettent en œuvre. De nombreuses idées et leçons très profitables ont été retenues à l’issue de cette analyse comparative, et le chapitre 5 en présente une description complète.

Théorie. En se fondant sur les analyses historiques et comparatives et l’évaluation des consultations qu’elle a réalisées, l’ERGCM a élaboré un modèle théorique tendant à décrire ce que le système canadien des cours martiales pourrait et devrait viser comme objectif. Ce modèle tient compte du but premier de ce système, des principes clés qui doivent le sous-tendre afin qu’il puisse atteindre son objectif, de même que des caractéristiques sur lesquelles chaque principe clé doit reposer. Ce modèle, qui sert de fondement à l’ERGCM pour évaluer l’efficacité, l’efficience et la légitimité (du système de cours martiales actuel et de toutes les options proposées pour l’améliorer), est décrit en détail au chapitre 6.

Évaluation du système actuel. En s’appuyant sur les analyses historiques et comparatives et l’évaluation des consultations qu’elle a réalisées, de même que sur la théorie élaborée relativement à un système de cours martiales évolué, l’ERGCM a évalué l’efficacité, l’efficience et la légitimité du système actuel. Cette évaluation repose sur des données qualitatives et quantitatives concernant le système, lesquels ont été recueillies dans un effort visant à déterminer si le système actuel est optimisé pour ce qui est de son efficacité, de son efficience et de sa légitimité.

Comme les membres de l’ERGCM ne sont pas des experts en analyse de données quantitatives et en évaluation du rendement systémique, ils ont fait appel aux spécialistes de l’organisation du SMA(Svcs Ex) au sein du MDN pour les aider à évaluer l’efficacité et l’efficience du système actuel des cours martiales. Ces spécialistes externes ont offert une aide inestimable. Ils ont réussi à obtenir des données quantitatives et qualitatives de sources internes aux FAC, ainsi que de sources externes au Canada et à l’étranger, et ont effectué une analyse des plus pertinentes dans le cadre de l’examen de l’ERGCM. Ils ont permis d’apporter un point de vue objectif et éclairé à l’ERGCM, grâce à leur analyse et à leur interprétation des données qu’ils ont recueillies.

L’ERGCM a conclu que le système de cours martiales du Canada est passablement efficace (surtout quant à sa capacité à assurer l’ordre et le bien-être publics), que maintes améliorations semblent pouvoir y être apportées pour en accroître l’efficience et donc que sa légitimité est mise en cause. Par conséquent, l’ERGCM en est venue à la conclusion que le système de cours martiales pourrait bénéficier d’améliorations à certains égards. L’évaluation complète réalisée par l’ERGCM à l’égard du système des cours martiales actuel est présentée au chapitre 7.

Élaboration et examen des solutions d’amélioration. En s’appuyant sur les résultats des analyses historiques et comparatives et de l’évaluation des consultations qu’elle a réalisées, de même que sur sa théorie quant aux objectifs que le système de cours martiales du Canada peut et doit viser, l’ERGCM a formulé plusieurs options, dans chacun des domaines à l’étude, qui permettraient d’accroître l’efficacité, l’efficience ou la légitimité de certaines composantes du système. Une courte présentation des options est faite au chapitre 8, suivie, aux chapitres 9 à 17, d’une description de chacune d’entre elles et d’une analyse concernant la façon dont chacune d’elles peut avoir une incidence sur diverses fonctions du système de cours martiales.

Analyse juridique. Le but de la révision globale est de procéder à une analyse juridique et stratégique de tous les aspects du système de cours martiales des FAC et – au besoin – d’élaborer et d’analyser des solutions permettant d’accroître l’efficacité, l’efficience et la légitimité de ce système. L’analyse juridique qui a dû être réalisée en vue d’étayer l’analyse stratégique de la présente version provisoire du rapport a été entreprise par l’ERGCM, avec la participation des experts du ministère de la Justice, mais elle n’est pas incluse dans le corps du présent rapport. Ce dernier contient l’analyse stratégique globale effectuée par l’ERGCM, notamment l’évaluation du système actuel des cours martiales et une description complète des options qui permettraient, du point de vue des politiques, d’accroître l’efficacité, l’efficience et la légitimité du système de cours martiales.

1.7 Conclusion

Conformément aux termes de référence modifiés datés du 12 juillet 2017 (voir le document Amendements aux termes de référence – Révision globale de la cour martiale joint à l’annexe B), le présent rapport contient une analyse axée sur les politiques et un examen des solutions qui permettraient d’améliorer le système de cours martiales. Toute décision d’élaborer plus avant l’une des options présentées – ou toute autre option possible – en vue d’améliorer de façon plus poussée le système de cours martiales devra être prise par le JAG. Par conséquent, bien que la révision globale de la cour martiale ait été longue et approfondie, elle ne marque que la première étape d’un processus pouvant mener à d’autres interventions, qui permettront de mettre de l’avant de façon plus définitive les changements à apporter au système de cours martiales.

Dans les chapitres qui suivent, l’ERGCM s’est efforcée de fournir un plan directeur essentiel à l’amélioration future du système de cours martiales. Cette révision globale est un mécanisme important grâce auquel le JAG peut continuer à s’acquitter de ses responsabilités législatives, et le ministre, les dirigeants et les membres des FAC, de même que le public canadien peuvent continuer d’avoir confiance en la capacité du Canada d’administrer un système de cours martiales juste et efficace.


Notes en bas de page

1 LDN, L.R.C. 1985, ch. N-5, par. 9.2(2).

2 En vertu de la Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, L.C. 1988, ch. 35, art. 96, le ministre de la Défense nationale était tenu d’entreprendre ces examens et de voir à ce que les rapports produits à cet égard soient déposés devant chaque chambre du Parlement. Dans d’autres cas, des examens ont été entrepris dans un but particulier, par exemple, par le directeur des poursuites militaires (DPM).

3 Par exemple, en septembre 2003, l’ancien juge en chef du Canada, Antonio Lamer, alors à la retraite, a effectué le premier examen indépendant du projet de loi C-25. Voir : Canada, ministère de la Défense nationale, le premier examen indépendant par le très honorable Antonio Lamer C.P., C.C., C.D., des dispositions et de l’application du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, conformément à l’article 96 des Lois du Canada (1998), ch. 35, Ottawa, ministère de la Défense nationale, 2003 (le rapport Lamer). Cet examen mettait l’accent sur 3 principaux éléments : certains aspects de l’administration de la justice militaire, la procédure de règlement des griefs des FC et le processus de traitement des plaintes concernant la police militaire. Dans son rapport, le juge Lamer conclut que le système de justice militaire « fonctionne généralement bien », bien qu’il « reste perfectible à certains égards ». Le rapport comprend 88 recommandations aux fins d’amélioration.

En décembre 2011, le deuxième examen indépendant des dispositions et de l’application du projet de loi C-25 a été réalisé. Cet examen portait sur certains aspects de l’administration de la justice militaire, la procédure de règlement des griefs des FC et le processus de traitement des plaintes concernant la police militaire. Il a été effectué par l’honorable Patrick J. LeSage, juge en chef à la retraite de la Cour supérieure de l’Ontario (Canada, ministère de la Défense nationale, Rapport final de l’autorité indépendante chargée du deuxième examen à l’honorable Peter G. MacKay, Ministre de la Défense nationale, par l’honorable Patrick J. LeSage, Ottawa, ministère de la Défense nationale, 2011) [le rapport LeSage]. Dans son rapport, le juge LeSage précise avoir « entendu toutes sortes de commentaires sur le fonctionnement du système de justice militaire, plus particulièrement sur la procédure du procès sommaire et des cours martiales », mais encore là, il croit « qu’en général le système fonctionne bien ». Le rapport comprend 55 recommandations visant à apporter des améliorations dans divers domaines.

4 Voir Andrejs Berzins, c.r. et Malcolm Lindsay, c.r., External Review of the Canadian Military Prosecution Service, Ottawa, Bronson Consulting Group, 31 mars 2008 (le rapport Bronson [DPM]), et des mêmes auteurs, External Review of Defence Counsel Services, Ottawa, Bronson Consulting Group, 15 septembre 2009 (le rapport Bronson [DSAD]).

5 Par exemple, en 2004, l’Équipe d’examen interne du JAG a été créée en vue de présenter la réponse du Ministère au rapport Lamer, précité, note 3. De la même façon, en 2010, une équipe chargée de l’examen stratégique de la justice militaire a été créée dans le but d’élaborer les politiques sous-jacentes au projet de loi C-15, Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada, L.C. 2013, ch. 24.

6 Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada, L.C. 2013, ch. 24. Lors de la rédaction du présent rapport, la majeure partie des dispositions de cette loi n’étaient pas encore en vigueur. Toutefois, on prévoit que presque toutes les dispositions de la Loi prendront effet dans un délai d’environ un an suivant la date de dépôt du présent rapport.

7 Projet de loi C-71, Loi sur les droits des victimes au sein du système de justice militaire, 2e session, 41e législature, 2015 (mort au Feuilleton).

8 R. c. JSKT, 2008 CACM 3.

9 Projet de loi C-60, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale (cour martiale) et une autre loi en conséquence.

10 R. c. Leblanc, 2011 CACM 2.

11 Projet de loi C-16, Loi sur l’inamovibilité des juges militaires, L.C. 2011, ch. 22.

12 Ibid.

13 Voir, par exemple, les al. 60(1)f) et j) de la LDN, précitée, note 1, pour des exemples de la façon dont ces personnes peuvent être soumises à la compétence d’une cour martiale.

14 Précité note 7.

15 Ces consultations sont décrites plus en détail ci-après, au chapitre 4 (Consultations).

16 En vertu de l’article 43 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) [PA I], 1125 RTNU 3 (ouvert à la signature le 8 juin 1977 et entré en vigueur le 7 décembre 1979), les États doivent s’assurer que leurs « forces armées [sont] soumises à un régime de discipline interne qui assure, notamment, le respect des règles du droit international applicable dans les conflits armés ».

17 Voir, par exemple, R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, au par. 293 : « des tribunaux militaires spéciaux, plutôt que les tribunaux ordinaires, se sont vu conférer le pouvoir de sanctionner les manquements au Code de discipline militaire. Le recours aux tribunaux criminels ordinaires, en règle générale, serait insuffisant pour satisfaire aux besoins particuliers des Forces armées sur le plan de la discipline. Il est donc nécessaire d’établir des tribunaux distincts chargés de faire respecter les normes spéciales de la discipline militaire. »

18 PA I, précité, note 16, par. 43(1) :

« Les forces armées d’une Partie à un conflit se composent de toutes les forces, tous les groupes et toutes les unités armés et organisés qui sont placés sous un commandement responsable de la conduite de ses subordonnés devant cette Partie, même si celle-ci est représentée par un gouvernement ou une autorité non reconnus par une Partie adverse. Ces forces armées doivent être soumises à un régime de discipline interne qui assure, notamment, le respect des règles du droit international applicable dans les conflits armés. » Voir également le par. 86(1) du PA I : « Les Hautes Parties contractantes et les Parties au conflit doivent réprimer les infractions graves et prendre les mesures nécessaires pour faire cesser toutes les autres infractions aux Conventions ou au présent Protocole qui résultent d’une omission contraire à un devoir d’agir. »

19 Guindon c. Canada, 2015 C.S.C. 41, au par. 75. Comme l’a réaffirmé la CSC dans l’arrêt Guindon, l’importance sur les plans juridique et constitutionnel de qualifier une peine de « véritable conséquence pénale » vient du fait qu’une personne accusée d’une infraction pour laquelle une véritable conséquence pénale peut être imposée a droit à la protection de tous les droits garantis à l’article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés, ce qui inclut le droit d’être jugée dans un délai raisonnable et le droit d’être présumée innocente tant qu’elle n’est pas déclarée coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable. Il est tout aussi important de le faire lorsqu’une personne inculpée est soumise à une procédure de nature criminelle – indépendamment de la peine qui peut être infligée.

20 R. c. Moriarity, 2015 C.S.C. 55; R. c. Cawthorne, 2016 C.S.C. 32.

21 Rapport Lamer, précité, note 3, p. 1.

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