Objectif proposé pour la qualité de l’eau potable au Canada pour les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées : Considérations relatives à l’exposition

Les SPFA constituent une famille regroupant des milliers de substances qui contiennent des atomes de fluor et de carbone liés. Ce lien chimique donne lieu à une molécule très stable qui est essentiellement non réactive et persistante dans l'environnement. En raison de leurs propriétés uniques, les SPFA sont utilisées dans un large éventail d'applications, notamment comme agents tensioactifs, lubrifiants et répulsifs (pour la saleté, l'eau et la graisse). Les SPFA sont également présentes dans des produits aussi divers que les mousses extinctrices, les textiles (p. ex. les tapis, les meubles et les vêtements), les cosmétiques et les matériaux d'emballage alimentaire.

Au Canada, la fabrication, l'utilisation et l'importation de certaines des SPFA héritées (c. à d. l'APFO, le SPFO et les acides perfluorocarboxyliques [APFC] à longue chaîne, leurs sels et leurs précurseurs) sont interdites, à quelques exceptions près. Les SPFA entrent principalement au Canada dans des produits ou en tant que constituants d'articles manufacturés. Certaines SPFA peuvent être utilisées dans des procédés industriels, ce qui peut entraîner des rejets dans l'environnement par les installations industrielles. Les SPFA peuvent également provenir des rejets s'échappant des sites d'enfouissement et des stations de traitement des eaux usées, et de la réutilisation des biosolides produits par les stations de traitement des eaux usées (Guerra et coll., 2014; Hamid et coll., 2018).

De nombreuses études ont démontré que les SPFA sont transportées sur de grandes distances dans l'atmosphère, dans les plans d'eau et dans les eaux souterraines. En plus de l'eau potable, les recherches indiquent que les Canadiens peuvent être exposés aux SPFA par les aliments (Tittlemier et coll., 2007), la poussière (De Silva et coll., 2012; Eriksson et Kärrman, 2015; Karaskova et coll., 2016; Kubwabo et coll., 2005; Shoeib et coll., 2011) et l'air intérieur (Beesoon et coll., 2012; Shoeib et coll., 2011).

Au Canada, le gros de la contamination du milieu aquatique par les SPFA provient de sources ponctuelles ou diffuses. Les sources diffuses de contamination par les SPFA peuvent comprendre le ruissellement de surface depuis les zones urbaines et les dépôts atmosphériques humides ou secs (Lalonde et Garron, 2022). Les sources ponctuelles les plus courantes de contamination par les SPFA sont associées aux mousses à formation de pellicule aqueuse (mousses AFFF) utilisées pour l'extinction des incendies de carburant ou les exercices de formation sur la lutte contre les incendies (p. ex. dans les aéroports et les bases militaires) (D'Agostino et Mabury, 2017; Liu et coll., 2021). Les mousses AFFF contiennent des mélanges exclusifs de SPFA et d'autres produits chimiques. Un certain nombre de SPFA sont détectées dans les eaux souterraines des anciennes zones de formation sur la lutte contre les incendies.

Des concentrations de SPFA ont également été mesurées dans les eaux souterraines et de surface d'autres types de sites (p. ex. lieux d'intervention d'urgence, bassins pour mousse AFFF, réservoirs de stockage liés à des hangars, zones d'entretien de l'équipement de lutte contre les incendies et canalisations ou infrastructures touchées par les mousses AFFF) (Awad et coll., 2011; Anderson et coll., 2016; Milley et coll., 2018). Les SPFA peuvent migrer sur de longues distances dans le sol et l'eau au-delà du point où elles ont pénétré dans l'environnement.

Il existe peu de données concernant les SPFA dans l'eau potable et les sources d'approvisionnement en eau douce au Canada. Le nombre et le type de SPFA présentes dans une source d'approvisionnement en eau potable donnée varient selon la source de la contamination, les conditions environnementales ainsi que les utilisations nouvelles et passées de la source.

Dans le cadre d'une étude visant à examiner la présence des SPFA dans l'eau douce, les auteurs ont échantillonné, entre 2013 et 2020, un total de 29 sites au Canada pour y déceler la présence de 13 SPFA différentes et ainsi déterminer les concentrations de ces SPFA et les tendances. Les sites et la fréquence d'échantillonnage ont varié au cours de l'étude. Les limites de détection allaient de 0,4 à 1,6 ng/L. Parmi les 13 SPFA détectées dans 566 échantillons d'eau douce, l'étude a révélé que le PFBA, le PFPeA, le PFHxA, le PFHpA, l'APFO et le SPFO ont été détectés plus fréquemment que les autres SPFA. Au sein de ce groupe de SPFA, les concentrations de PFBA et de PFPeA avaient augmenté de manière significative entre 2013 et 2020, tandis que les concentrations de PFHpA, d'APFO et de SPFO avaient diminué. Les concentrations maximales relevées ont été de 138 ng/L pour le PFBS (bien que cette SPFA ait été détectée moins fréquemment que les six SPFA mentionnées ci-dessus) et de 137 ng/L pour le PFHxA. Les auteurs ont constaté que, dans cette étude, les SPFA de remplacement, notamment le PFBA, le PFPeA, le PFHxA, le PFHpA et le PFBS, ont été détectées plus souvent que ce qui avait été observé dans les études canadiennes précédentes (Lalonde et Garron, 2022).

En Saskatchewan, la Water Security Agency a prélevé des échantillons d'eau potable (n = 7) dans sept stations de traitement de l'eau en 2018–2019 afin de mesurer les concentrations d'APFO et de SPFO dans l'eau potable traitée. Aucune de ces deux SPFA n'a été détectée (limite de détection de la méthode [LDM] : 2 ng/L) dans l'eau potable de six des sept collectivités. L'APFO a été détecté dans l'unique échantillon prélevé dans une station de traitement de l'eau potable à une concentration de 3 ng/L (Saskatchewan Water Security Agency, 2022).

Entre 2012 et 2016, le ministère de l'Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de l'Ontario a mesuré la présence et la concentration de 14 SPFA (PFBA, PFPeA, PFHxA, PFHpA, APFO, PFNA, PFDA, PFUnA, PFDoA, PFBS, PFHxS, SPFO, PFDS et PFOSA) dans 25 systèmes d'approvisionnement en eau potable en Ontario (prises d'eau et eau potable traitée). Les LDM variaient de 0,5 à 1 ng/L, et les résultats inférieurs à la LDM ont été remplacés par des valeurs correspondant à la moitié de la LDM (Kleywegt et coll., 2020). Aucune trace de PFUnA, de PFDoA, de PFDS et de PFOSA n'a été détectée dans les échantillons d'eau potable. Les composés le plus fréquemment détectés dans l'eau potable de l'Ontario étaient l'APFO (73 %; médiane de 1,1 ng/L, maximum de 6,6 ng/L), le PFBA (67 %; médiane de 2,4 ng/L, maximum de 10 ng/L), le PFHxA (54 %; médiane de 1,3 ng/L, maximum de 13 ng/L), le PFPeA (51 %; médiane de 1,0 ng/L, maximum de 15 ng/L) et le SPFO (50 %; médiane de 0,63 ng/L, maximum de 5,9 ng/L).

Entre 2016 et 2021, le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) du Québec a échantillonné 41 systèmes de traitement de l'eau potable pour y déceler la présence de 18 SPFA (PFBA, PFPeA, PFHxA, PFHpA, APFO, PFNA, PFDA, PFUnA, PFBS, PFHxS, PFHpS, SPFO, PFDS, FHUEA, FOUEA, 4:2 FTS, 6:2 FTS, 8:2 FTS). L'échantillonnage visait à la fois des systèmes alimentés en eaux de surface et des systèmes alimentés en eaux souterraines, ces derniers ayant été ajoutés en 2018 (MELCC, 2022). Les sites d'échantillonnage ont été sélectionnés en fonction des résultats de détection de SPFA antérieurs ou des préoccupations posées par les sites, ou encore en raison de leur proximité avec des sources ponctuelles potentielles connues de SPFA. Les limites de détection étaient comprises entre 0,5 et 5 ng/L pour les échantillons d'eau brute et entre 0,3 et 5 ng/L pour les échantillons d'eau traitée. Parmi les 18 SPFA analysées, 6 (PFPeA, PFHxA, PFHpA, APFO, PFNA et SPFO) ont été détectées dans 10 % ou plus des échantillons prélevés. Les données de 2016 montrent une réduction des concentrations maximales d'APFO et de SPFO (6 ng/L et 3 ng/L, respectivement) par rapport aux concentrations maximales mesurées dans les eaux de surface des mêmes sites échantillonnés en 2007–2008 (66 ng/L pour l'APFO et 8,8 ng/L pour le SPFO). Dans le fleuve Saint-Laurent et certaines rivières, 5 substances (PFHxA, PFHpA, APFO, PFNA et SPFO) ont été détectées dans au moins 30 % des échantillons. Les substances le plus souvent détectées étaient l'APFO et le PFHxA (72 % et 59 %, respectivement); toutes deux présentaient une concentration maximale de 6 ng/L et une concentration médiane de 2 ng/L. Dans le lac Memphrémagog, l'APFO (médiane de 1 ng/L, maximum de 2 ng/L) et le PFHxA (médiane de 1,5 ng/L, maximum de 3 ng/L) ont été détectés dans l'eau brute; les deux substances ont également été détectées dans l'eau potable traitée à une concentration maximale de 1 ng/L et à une concentration médiane de 1 ng/L chacune. Dans les sources d'approvisionnement en eau souterraine, le PFPeA (médiane de 4 ng/L, maximum de 48 ng/L) et le PFHxA (médiane de 3 ng/L, maximum de 30 ng/L) ont été trouvés dans 14 % et 17 % des échantillons, respectivement, tandis que l'APFO (médiane de 2 ng/L, maximum de 4 ng/L) et le SPFO (médiane de 2 ng/L, maximum de 3 ng/L) ont été trouvés dans 6 % et 4 % des échantillons (MELCC, 2022).

En Nouvelle Écosse, depuis 2019, les municipalités sont tenues d'analyser l'eau potable brute et traitée pour y détecter la présence d'APFO et de SPFO. À ce jour, aucune de ces deux substances n'a été détectée (LDM : 20 ng/L) dans les neuf systèmes soumis à des analyses (NSECC, 2022).

Des concentrations médianes similaires de PFBA, de PFPeA, de PFHxA, d'APFO et de SPFO ont été signalées dans des échantillons d'eau potable provenant de 19 sites situés autour du lac Ontario et du fleuve Saint Laurent (n = 8) et d'autres lacs et petites rivières au Canada (n = 11). Les concentrations maximales de SPFA étaient comprises entre 0,1 ng/L (PFDA) et 4,1 ng/L (SPFO) dans les échantillons des Grands Lacs et du Saint Laurent, et entre 0,1 ng/L (PFUnA) et 4,9 ng/L (APFO) pour le reste des échantillons d'eau du robinet prélevés au Canada. Le PFHxA a été détecté dans tous les échantillons d'eau du robinet prélevés au Canada dans cette étude. D'autres SPFA ont été fréquemment détectées, notamment le PFBA (95 %), le PFHxS et le SPFO (89 % chacun), tandis que le PFPeA, le PFHpA, l'APFO, le PFNA, le PFDA et le PFBS ont été détectés dans au moins 84 % des échantillons. Les composés détectés moins fréquemment dans les eaux canadiennes comprenaient le FOSA (53 %), le 6:2 FTSA (37 %) et le 5:3 FTCA (11 %), ainsi que le PFUnA, le PFDoA et le 7:3 FTCA, qui ont été chacun détectés dans moins de 10 % des échantillons. Selon les résultats d'une méthode de détection qualitative, le FBSA, le FHxSA, le PFECHS et le PFPeS étaient parfois présents dans l'eau du robinet (les concentrations allaient d'en deçà de la limite de détection à 1,2 ng/L), alors que le PFEtS, le PFPrS et le PFPeS étaient présents à des concentrations inférieures à la limite de détection pour tous les échantillons canadiens. Les limites de détection dans l'eau du robinet variaient de 0,01 à 0,08 ng/L (Kaboré et coll., 2018).

Entre 2013 et 2015, l'U.S. EPA a réalisé la surveillance de six SPFA (PFHpA, APFO, PFNA, PFBS, PFHxS et SPFO) dans l'eau potable en vertu de la troisième règle de surveillance des contaminants non réglementés (Third Unregulated Contaminant Monitoring Rule, UCMR 3). Les résultats ont montré qu'il y avait au moins un composé SPFA détectable dans 1,6 % des 36 977 échantillons et dans 4 % des 4 920 systèmes publics d'approvisionnement en eau (Guelfo et Adamson, 2018). Les seuils de déclaration de la méthode (SDM) variaient de 10 à 90 ng/L pour les composés SPFA surveillés et étaient généralement supérieurs à la limite de quantification dans la plupart des études publiées (Hu et coll., 2016). L'APFO (SDM de 20 ng/L) et le SPFO (SDM de 40 ng/L) étaient les SPFA le plus souvent détectées (1,03 % et 0,79 %, respectivement) parmi les systèmes de toute taille et de source de tout type. Les concentrations maximales de SPFO (7 000 ng/L), de PFHxS (1 600 ng/L), de PFHpA (410 ng/L), d'APFO (349 ng/L) et de PFNA (56 ng/L) ont été détectées dans de grands systèmes alimentés par une source d'approvisionnement en eau souterraine. Le PFBS (SDM de 90 ng/L) a été détecté seulement dans de grands systèmes, et la concentration maximale de 370 ng/L a été observée dans un grand système alimenté par une source d'approvisionnement en eau de surface (Crone et coll., 2019). Une analyse des données obtenues en vertu de la règle UCMR3 a révélé qu'environ 50 % des échantillons dans lesquels on avait détecté des SPFA contenaient deux SPFA ou plus et que, dans 72 % des cas, les SPFA avaient été détectées dans des eaux souterraines (Guelfo et Adamson, 2018). Certaines activités étaient des prédicteurs significatifs de la fréquence et des concentrations de détection des SPFA dans les approvisionnements publics en eau (soit le nombre de sites industriels qui fabriquent ou utilisent des composés SPFA, le nombre de zones militaires de formation sur la lutte contre les incendies et le nombre de stations de traitement des eaux usées) (Hu et coll., 2016).

Détails de la page

Date de modification :