Objectif proposé pour la qualité de l’eau potable au Canada pour les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées : Justification
Étant donné le risque d'exposition simultanée à plusieurs SPFA, le risque d'effets nocifs sur la santé, ainsi que les données incertaines et limitées pour de nombreuses SPFA, il est justifié d'appliquer aux SPFA une approche de précaution par groupe de substances. Plus les concentrations de SPFA sont faibles, plus le risque pour la santé publique est faible. Par conséquent, l'objectif proposé pour les SPFA dans l'eau potable est établi en fonction des concentrations de SPFA totales détectées dans l'eau potable. Pour calculer les concentrations de SPFA totales, on devrait utiliser la liste complète des substances figurant dans la méthode 533 ou la méthode 537.1 de l'EPA (ou les deux) (voir l'annexe A), ou utiliser une méthode validée par d'autres secteurs de compétence qui permet de mesurer au moins 18 SPFA, de sorte que la somme de leurs concentrations ne dépasse pas 30 ng/L. Aux fins de l'objectif proposé, un résultat de non-détection est considéré comme ayant une valeur de zéro. Pour les raisons susmentionnées, il est également recommandé que les stations de traitement s'efforcent de maintenir les concentrations de SPFA dans l'eau potable au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre (ALARA).
L'objectif proposé de 30 ng/L a été établi en fonction des points suivants :
- les données de traitement publiées sur l'efficacité médiane de l'enlèvement des SPFA énoncées pour diverses qualités d'eau par des opérations de traitement à l'échelle pilote et à grande échelle (Sanexen, 2022);
- les concentrations de SPFA obtenues de façon constante à l'échelle pilote et à grande échelle pour chacune des technologies de traitement CAG, AIX et OI, et des concentrations dans l'influent qui sont semblables à celles que l'on trouve dans les eaux canadiennes;
- les seuils de déclaration des SPFA pour lesquelles on dispose d'une méthode d'analyse validée et reconnue (U.S. EPA, 2019, 2020);
- les données de surveillance au Canada (MELCC, 2022; Kleywegt et coll., 2020; Lalonde et Garron, 2022; Kaboré et coll., 2018; Saskatchewan Water Security Agency, 2022);
- les concentrations les plus faibles qu'il est techniquement possible d'atteindre pour un grand nombre de SPFA quantifiables afin de réduire l'exposition potentielle aux SPFA dans l'eau potable.
L'objectif proposé offre au secteur canadien de l'eau potable une méthode efficace de gestion du risque fondée sur une seule valeur cible pour la concentration totale de ce groupe de substances chimiques dans le but de réduire l'exposition aux SPFA (et, de ce fait, de réduire le risque pour la santé). D'autres instances (notamment la Commission européenne, la Suède, le Danemark et certains États américains) ont fixé une valeur recommandée unique similaire qui s'applique à une combinaison de SPFA dans l'eau potable. Par exemple, le Conseil de l'Union européenne a adopté une directive qui prévoit une limite de 100 ng/L pour la somme de 20 SPFA et une limite de 500 ng/L pour la somme de toutes les SPFA dans l'eau potable (UE, 2020). Dans la version préliminaire de son document d'information sur l'APFO et le SPFO dans l'eau potable, l'Organisation mondiale de la Santé propose une valeur recommandée provisoire individuelle de 100 ng/L pour l'APFO et le SPFO pris séparément, et une valeur recommandée provisoire combinée de 500 ng/L pour les SPFA totales (OMS, 2022).
L'établissement de l'objectif proposé ne s'est pas fait selon une approche classique axée sur la santé, en partie en raison de l'évolution rapide de la science. En outre, la science est complexe, il n'y a actuellement aucun consensus concernant les effets les plus sensibles sur la santé, et les méthodes d'évaluation des dangers et des risques sont variées. Par conséquent, les valeurs fondées sur la santé qui ont été fixées par divers secteurs de compétence diffèrent entre elles, et bon nombre de ces valeurs sont plus rigoureuses que les recommandations et les valeurs préliminaires établies précédemment au Canada pour les SPFA dans l'eau potable.
Les nouvelles données qui sont publiées sur la toxicité indiquent qu'un nombre croissant d'effets sur la santé sont associés à l'exposition aux SPFA, et les valeurs toxicologiques de référence (VTR) pour ces substances sont établies à des concentrations inférieures. De plus, les Canadiens sont exposés simultanément à plusieurs SPFA, et le danger potentiel associé à l'exposition à ces mélanges est inconnu. Ainsi, une évaluation substance par substance des VTR disponibles pour chaque SPFA ne constitue pas une approche durable pour gérer les SPFA dans l'eau potable. Bien que l'approche ne soit pas axée sur la santé, les données sur la toxicité appuient généralement l'objectif proposé. Selon un examen de certaines des données actuelles pour les SPFA les plus étudiées, lorsque ces VTR sont combinées à des valeurs de référence standards (comme le poids corporel et l'apport en eau potable), les valeurs fondées sur la santé qui en résultent pour les SPFA individuelles dans l'eau potable sont souvent de l'ordre de quelques ng/L.
Bon nombre des SPFA visées par l'objectif proposé font partie des SPFA les plus étudiées (soit les acides perfluorocarboxyliques et les acides sulfoniques) et des SPFA qui sont actuellement considérées comme ayant le plus fort potentiel toxicologique (p. ex. l'APFO, le PFNA, le PFDA, le PFHxS et le SPFO) (Bil et coll., 2021; Sanexen, 2021). Ce groupe comprend aussi les SPFA le plus souvent détectées dans l'eau potable (p. ex. le PFHxA, l'APFO et le SPFO). Bien qu'il existe des données limitées sur la surveillance des SPFA dans l'eau potable au Canada (Kleywegt et coll., 2020; Kaboré et coll., 2018; MELCC, 2022; NSECC, 2022; Saskatchewan Water Security Agency, 2022), les données obtenues ailleurs montrent que bon nombre de ces substances sont détectées dans l'eau et d'autres milieux environnementaux et indiquent qu'elles peuvent être transférées ou lessivées dans l'eau potable (Reade et Pelch, 2020).
L'objectif proposé comprend les SPFA ciblées par les méthodes d'analyse validées disponibles, ou par une autre méthode validée par un secteur de compétence, de façon à réduire l'exposition aux SPFA qui peuvent être quantifiées, tout en offrant une certaine latitude dans le choix de la méthode. Toutefois, la présence d'une SPFA donnée dans un échantillon d'eau potable peut varier grandement. Compte tenu de cette variabilité, l'utilisation exclusive d'un petit groupe de SPFA sélectionnées pour les besoins de l'objectif proposé pourrait ne pas réduire l'exposition au même degré que l'utilisation de la somme totale d'un groupe plus large de SPFA pouvant être analysées de façon fiable dans l'eau potable. Dans la mesure du possible, les responsables de systèmes de distribution d'eau potable devraient analyser autant de SPFA que possible à l'aide de méthodes validées pour mieux comprendre les SPFA présentes dans l'eau potable et choisir les méthodes de traitement en conséquence.
L'adoption d'un objectif par groupe de substances nécessite la prise en compte de plusieurs points importants, ce qui a été fait pour les SPFA. Les SPFA étudiées à ce jour se sont avérées extrêmement persistantes, mobiles et difficiles, voire impossibles à enlever de l'environnement une fois qu'elles y sont libérées. Ces propriétés rendent l'exposition aux SPFA inévitable et potentiellement continue. Les effets néfastes associés à chaque SPFA sont actuellement inconnus. Cependant, pour les SPFA bien étudiées (notamment l'APFO et le SPFO), de plus en plus d'effets nocifs sont mis au jour à des concentrations toujours plus faibles. Dans le cas des SPFA moins bien étudiées, des effets nocifs supplémentaires sont constatés au fur et à mesure que les recherches progressent. Par conséquent, d'après les connaissances que l'on possède sur les SPFA bien étudiées et la possibilité que d'autres SPFA se comportent de manière similaire, le groupe des SPFA représente des préoccupations potentielles pour la santé humaine. Une approche de précaution par groupe de substances est donc justifiée.
Compte tenu de tous les facteurs susmentionnés, l'objectif proposé est considéré comme étant l'approche la plus appropriée pour réduire l'exposition potentielle des Canadiens à de nombreuses SPFA par l'eau potable, pendant que les recommandations officielles sont en cours de révision. La révision complète des recommandations pour les SPFA dans l'eau potable comprendra un examen exhaustif des nouvelles données toxicologiques (p. ex. les VTR) et des évaluations des risques, comme les avis sanitaires de 2022 de l'U.S. EPA pour quatre SPFA (U.S. EPA, 2022d, e, f, g). La révision comprendra également un examen complet des nouveaux renseignements sur les méthodes d'analyse et de traitement des SPFA, et elle tiendra compte des nouvelles avancées concernant la gestion des résidus de traitement.
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