Approche à l'égard des formes nanométriques des substances inscrites à la Liste intérieure des substances : chapitre 2

2. Contexte

2.1 Gestion des produits chimiques au Canada

Au Canada, les produits chimiques sont régis par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (LCPE), qui confère le pouvoir de collecte de renseignements sur les risques pour l’environnement et la santé humaine ainsi que le pouvoir d’évaluation et de gestion de ces risques. Les substances sont définies comme existantes ou nouvelles au moyen de la Liste intérieure des substances (LIS)Note de bas de page2, qui établit si une substance est considérée comme commercialisée au Canada ou nouvelle sur le marché canadien. Les substances existantes sont évaluées et gérées en vertu de la LCPE, par l’intermédiaire du Plan de gestion des produits chimiques (PGPC). Lancé en 2006, le PGPC prend appui sur des initiatives antérieures afin d’établir les priorités et de prendre des mesures en ce qui concerne les substances qui pourraient être nocivesNote de bas de page3. Les nouvelles substances sont régies en vertu du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (substances chimiques et polymères) [le 4èglement], qui prévoit les exigences relatives aux données nécessaires à la réalisation d’une évaluation préalable à la mise en marché avant qu’une substance puisse être importée ou fabriquée au CanadaNote de bas de page4.

2.2 Nanomatériaux

Les nanomatériaux qui sont nouveaux sur le marché canadien doivent faire l’objet d’une évaluation préalable à la mise en marché afin d’évaluer les risques potentiels pour l’environnement et la santé humaine. À ce jour, Environnement Canada et Santé Canada ont réalisé un nombre limité d’évaluations de nouveaux nanomatériaux en vertu du règlement. En général, les nanomatériaux existants n’ont pas été pris en compte en vertu de la LCPE. Par conséquent, la présente approche est proposée pour tenir compte des formes nanométriques des substances inscrites à la LIS.

Aux fins du présent document de consultation, les nanomatériaux sont des substances qui sont fabriquées à l’échelle nanométrique ou dans les limites de celle-ci (de 1 à 100 nanomètres, inclusivement) ou qui ont une structure interne ou une structure en surface à l’échelle nanométrique. Une substance peut également être considérée comme un nanomatériau si elle est plus petite ou plus grande que l’échelle nanométrique dans les trois dimensions et si elle affiche un ou plusieurs phénomènes ou propriétés à l’échelle nanométrique. Ces phénomènes ou ces propriétés réfèrent aux propriétés attribuables à la taille de la substance et aux effets liés à la tailleNote de bas de page5. Par exemple, l’or à l’échelle nanométrique peut jouer le rôle de catalyseur comparativement à l’or non nanométrique, qui est inerte. Les nanomatériaux peuvent également afficher des propriétés électriques, magnétiques ou optiques différentes de leurs formes non nanométriques. Souvent, ces propriétés ne peuvent être extrapolées à partir de la forme non nanométrique.

Environnement Canada et Santé Canada n’ont pas comme intention que cette approche cible les substances à l’échelle nanométrique ou dans les limites de celle-ci qui n’affichent pas différents phénomènes ou propriétésNote de bas de page6. Par exemple, les pigments organiques n’affichent habituellement pas de phénomènes ou de propriétés à l’échelle nanométriqueNote de bas de page7. Ces types de substances sont déjà pris en compte dans le cadre réglementaire aux fins d’évaluation et de gestion des produits chimiques en vertu de la LCPE.

2.3 Échelle nationale

Comme le décrit la Note d’avis du Programme des substances nouvelles 2014-02, les substances, y compris les nanomatériaux, qui ne figurent pas sur la LIS sont considérées comme nouvelles au Canada et peuvent devoir être déclarées en vertu du règlement. Les substances inscrites à la LIS n’ont pas à être déclarées en vertu du règlement à moins qu’elles soient assujetties aux dispositions relatives aux nouvelles activités (NAc) de la LCPE, comme l’indique la mention « S » sur la LISNote de bas de page8.

La LIS énumère les substances en fonction de leur numéro de registre du Chemical Abstracts Service (NR du CAS). L’attribution des NR du CAS est généralement fondée sur la composition chimique des substances. Les NR du CAS ne font aucune distinction entre les substances qui possèdent la même composition chimique, mais qui sont constituées de particules de tailles différentes (par exemple, particules non nanométriques par opposition aux particules nanométriques), et ils ne tiennent pas compte des différences entre les propriétés des formes nanométriques et non nanométriques des substances. Les formes nanométriques des substances inscrites à la LIS (nanomatériaux existants) sont par conséquent généralement considérées comme des substances existantes et n’ont pas à être déclarées en vertu du règlementNote de bas de page9.

En général, les propriétés nouvelles potentielles des nanomatériaux existants n’ont pas été prises en compte dans les évaluations des risques menées en vertu de la LCPE. Par conséquent, les risques potentiels pour l’environnement et les Canadiens n’ont pas été étudiés. Quand la LIS a été créé, les formes nanométriques des substances n’ont pas été prises en considération dans les critères pour le processus de déclaration de substances; toutefois, certaines substances peuvent maintenant être identifiées comme étant des nanomatériaux. Par conséquent, certains nanomatériaux peuvent avoir déjà été commercialisés au Canada depuis des décennies, tandis que d’autres pourraient n’avoir été commercialisés que tout récemment. D’autres nanomatériaux pourraient être fabriqués ou importés au Canada dans l’avenir. Environnement Canada et Santé Canada veulent s’assurer que les nanomatériaux existants sont pris en compte puisque certains pourraient nécessiter des mesures supplémentaires afin de déterminer s’ils présentent un risque pour l’environnement ou la santé humaine.

2.4 Échelle internationale

En 2013, le Conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a formulé une recommandation sur les essais de sécurité et l’évaluation des nanomatériaux manufacturés :

« les Membres, pour gérer les risques liés aux nanomatériaux manufacturés, appliquent les cadres réglementaires ou autres systèmes de gestion internationaux et nationaux existants en matière de produits chimiques, adaptés pour prendre en compte les propriétés spécifiques des nanomatériaux manufacturés. »Note de bas de page10

Conformément à la recommandation de l’OCDE, l’approche proposée dans le présent document de consultation respecte les régimes législatif et réglementaire actuels du Canada afin de tenir compte des nanomatériaux existants. Les nanomatériaux qui ne sont pas couverts par un NR du CAS sur la LIS sont assujettis au règlement, et des clarifications sont apportées au besoin pour tenir compte des nanomatériaux (p. ex., par l’intermédiaire de la publication d’avis du Programme des substances nouvellesNote de bas de page11). De même, la LCPE fournit le pouvoir législatif nécessaire pour recueillir et examiner les données sur les formes nanométriques des substances inscrites à la LIS, ainsi que pour éclairer l’évaluation des risques, le cas échéant, et les activités potentielles de gestion des risques liées à ces substances. D’autres administrations, comme l’Australie, les États-Unis et l’Union européenne, tiennent également compte des nanomatériaux existants dans leurs cadres législatif et réglementaire actuels. En particulier, l’Agence de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency) des États-Unis réglemente les nanomatériaux régis par la loi sur le contrôle des substances toxiques (Toxic Substances Control Act) des États-Unis et développe une règle pour la collecte de données afin d’exiger la déclaration de certains renseignements aux fins de compréhension des effets possibles des nanomatériaux sur l’environnement et la santé.

Sur la scène internationale, le Canada participe à divers programmes, notamment l’Initiative sur la nanotechnologie du Conseil Canada-États-Unis de coopération en matière de réglementation (CCR) et le Groupe de travail sur les nanomatériaux manufacturés (GTNM) de l’OCDE. Les objectifs de ces programmes sont d’approfondir les connaissances scientifiques sur les nanomatériaux et d’utiliser ces connaissances pour élaborer des approches uniformes d’évaluation des risques que présentent les nanomatériaux. Les résultats et les données découlant de ces programmes et d’autres initiatives internationales seront utilisés pour éclairer l’approche proposée pour les nanomatériaux existants au Canada.

Par exemple, l’Initiative sur la nanotechnologie du CCR a permis d’acquérir des connaissances sur les utilisations commerciales des nanomatériaux au Canada et aux États-Unis. Des consultations ciblées ont été menées avec certains intervenants de l’industrie dans le cadre des travaux d’une équipe technique sur les utilisations des nanomatériaux commercialisés ou sur le point de l’être au Canada et aux États-Unis. Ces renseignements ont été résumés dans une matrice des utilisations des nanomatériaux. En outre, une structure a été mise au point aux fins de classification des nanomatériaux en fonction de leur composition chimique. Cette structure pourrait contribuer à l’identification des catégories de nanomatériaux dont le comportement diffère de leurs formes non nanométriques (c'est-à-dire, celles fabriquées pour tirer parti d’un phénomène ou d’une propriété à l’échelle nanométriqueNote de bas de page12). En outre, un vaste jeu de données sur la toxicité de treize nanomatériaux pour l’environnement et la santé humaine a été recueilli dans le cadre du programme de parrainage du GTNM de l’OCDENote de bas de page13.

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