L’ère de la transformation (1990-2010)

En 1990, la chute du mur de Berlin ne semblait pas avoir été un événement monumental pour la Marine canadienne et, pendant l’été, le groupe opérationnel de la côte Est se préparait à participer, comme tous les automnes, à l’exercice annuel de l’OTAN dans les eaux de l’Europe du Nord. Et pourtant, malgré cette nonchalance apparente, l’effondrement de l’Union soviétique — l’adversaire nominal de la guerre froide — préoccupait beaucoup les dirigeants de la Marine. En effet, ce qui était la raison d’être de cette force depuis 40 ans venait de disparaître, au moment où la Marine se trouvait à son nadir de l’après-guerre. En butte aux sarcasmes des médias et qualifiée de « rouillée » et de « dépassée » par ceux-ci, la flotte canadienne n’avait guère changé depuis 1975.

Il était prévu que les bâtiments principaux de la flotte, les vénérables frégates à vapeur mises en service dans les années 1950, seraient retirées et progressivement remplacées par une nouvelle classe, les frégates de patrouille canadiennes (FPC). Or, comme les navires qu’elles étaient destinées à remplacer, les frégates de patrouille étaient conçues pour la guerre anti- sous-marine dans l’Atlantique Nord. Leur remplacement coïncidait aussi avec la mise hors service, pour leur refonte de mi-vie, des destroyers de la classe Iroquois (les DDH-280) qui avaient alors 20 ans. Ce programme de refonte, connu sous le nom de Projet de révision et de modernisation des navires de classe Tribal (TRUMP), et la perte des frégates voulaient dire que la capacité opérationnelle de la Marine allait être très nettement réduite pour les cinq prochaines années, et d’aucuns parlaient déjà de réduire l’ampleur des deux programmes comme « dividendes de la paix ».

Toile dépeignant deux navires qui voguent dans une même direction, tandis qu’un hélicoptère survole la scène. Des hommes dirigent un radeau gonflable dans la même direction.

John Horton, Operation Apollo : une équipe d’arraisonnement canadienne s’approche d’un pétrolier marchand à la recherche de matériel et d’activités indiquant la présence de terroristes à bord.

Comme le reste du monde, le Canada fut brusquement réveillé de sa torpeur estivale par l’invasion du Koweït par les troupes de Saddam Hussein au début d’août. La majorité des observateurs, qui s’attendaient à ce que le Canada se contente d’envoyer une force de maintien de la paix après les hostilités, furent pris de court lorsque le Canada annonça qu’il allait contribuer aux opérations militaires menées par les Américains — Bouclier du désert et Tempête du désert — et envoyer un groupe opérationnel dans le golfe Persique. Si quelque chose démontrait à quel point la flotte canadienne était mal préparée à affronter le présumé adversaire soviétique, c’est bien la peur qu’inspirait la perspective d’une guerre avec l’Irak, dont les forces étaient équipées à la soviétique et armées de chasseurs meurtriers — des Mirage de construction française — et de missiles Exocet qui avaient lourdement endommagé le USS Stark quelques années plus tôt.

Mais le destroyer vieillissant Athabaskan, la frégate à vapeur Terra Nova et le ravitailleur Protecteur partirent, équipés à la hâte de nouveaux systèmes de commandement et de contrôle (C2) et d’armements modulaires comme le système d’arme de combat rapproché (CIWS) Phalanx, le canon anti-missiles Gatling et le missile antinavire Harpoon, empruntés aux projets FCP et TRUMP. Et ce déploiement ne fut pas une simple réponse ponctuelle à une crise. En effet, pendant les 20 années suivantes, le théâtre d’opérations de l’Asie du Sud-Ouest allait devenir un second chez-soi pour la Marine canadienne, dont tous les grands navires de guerre seraient déployés dans la région au moins une fois, et certains deux ou trois fois. Comme nous allons le voir dans les pages suivantes, la flotte a été engagée dans d’autres secteurs du globe, mais les déploiements en Asie du Sud-Ouest ont contribué de façon tout à fait inattendue au destin de la Marine canadienne moderne. La dernière décennie du XXe siècle et la première du XXIe siècle ont vu une arrivée sans précédent de technologie moderne et d’évolution du concept des opérations dans les marines et les forces armées de nombreux pays, de sorte que cette période est appelée « la révolution dans les affaires militaires » ou « l’âge de la transformation ». Si la Marine canadienne bénéficie aujourd’hui de ces nouvelles technologies et de ces nouveaux concepts opérationnels, c’est en raison des déploiements dans le Golfe, et ceux-ci peuvent donc se vanter d’avoir été un catalyseur pour la transformation de la flotte canadienne, qui est passée d’une relique de la guerre froide à une des principales marines de taille moyenne.

Un navire vogue sur l’eau par une journée nuageuse.

Visiblement fatigué de son déploiement de sept mois dans le golfe Persique, dont 49 jours sans escale, l’Athabaskan rentre à Halifax en avril 1991.

Le déploiement de l’été 1990 (première guerre du Golfe) marqua un virage spectaculaire dans l’emploi des Forces canadiennes. En effet, pour la première fois de l’histoire militaire canadienne, la participation à un grand conflit n’allait pas être définie en fonction de la participation de la force terrestre, mais de son exclusion et de la contribution des deux autres armées. La Marine canadienne en fut complètement chamboulée. En effet, optimisée pour la guerre anti-sous-marine en pleine mer dans les eaux subarctiques de l’Atlantique et du Pacifique, elle devait soudain faire face à une menace principalement aérienne dans des eaux tropicales restreintes.

Mais ce déploiement subit confirma aussi que beaucoup des fondamentaux étaient solides, notamment la très grande polyvalence de conception des navires, les compétences de base de marins bien entraînés et d’officiers d’état-major chevronnés et surtout les grands avantages de s’être doté de grands systèmes normalisés, particulièrement de communications avec la marine américaine.

Tous ces facteurs s’étaient d’ailleurs mis en place dans les dernières années de la Guerre froide, le plus important étant l’installation de systèmes américains informatisés de commandement et de contrôle et de communications par satellite, puisque vers la fin des années 1980, les commandants de groupes opérationnels canadiens exerçaient régulièrement le commandement de la guerre ASM dans de grands exercices de l’OTAN. Le travail des navires canadiens dans le Golfe ne changea donc pas grandement. Leur manque de défense anti- aérienne les empêchait d’avoir une place dans la zone d’opérations avancées du Nord du Golfe, mais lorsque les Américains avaient besoin de quelqu’un pour coordonner les activités de toutes les petites marines qui se trouvaient dans le Sud du Golfe, ils déléguaient le contrôle tactique de la Force logistique de coalition au commandant du groupe opérationnel canadien. C’est ainsi que le Capitaine de vaisseau « Dusty » Miller devint le seul non-Américain à se voir confier un rôle subordonné de commandement de la guerre dans ce conflit. La compatibilité des communications avec la marine américaine permit à Miller de transmettre des informations et des ordres entre les commandants américains, occupés à gérer la guerre, très active, contre l’Irak, et les autres membres de la coalition dont les navires n’étaient pas équipés de systèmes de communications compatibles avec la marine américaine. Parallèlement, Miller remarqua une évolution dans la haute direction de la guerre — main- tenant associée à une coalition plutôt qu’à une alliance — ce qui le porta à suggérer une redéfinition du C2, de « commandement et contrôle » à « coopération et coordination ». 1

Cette première guerre du Golfe déclencha d’autres virages importants dans la philosophie militaire canadienne. D’une part, l’audacieuse décision tactique du commandant du premier groupe opérationnel, le Commodore Ken Summers, de positionner ses navires dans le centre du Golfe, à portée d’attaque de l’aviation irakienne et malgré les capacités limitées d’autodéfense des navires, était une déclaration inspirée que notre marine était une force de combat, qui n’avait pas peur de s’exposer au danger. D’autre part, Summers avait pris cette mesure en partie parce qu’il pouvait compter sur un escadron (et plus tard une escadre) de chasseurs CF-18 Hornet pour assurer la couverture aérienne des forces navales dans le Golfe; il s’agissait du premier déploiement de combat expéditionnaire dans l’histoire de la force aérienne moderne, qui est remarquable aussi parce qu’il s’est fait de concert avec la narine américaine au lieu de son partenaire traditionnel, l’aviation américaine. Et puis, quand Summers fut muté à terre pour prendre le commandement de toutes les Forces canadiennes assemblées au Moyen-Orient, l’établissement de sa base de Bahreïn, le premier véritable quartier général (QG) interarmées déployé dans l’histoire militaire canadienne, qui plus est dirigé par un marin, marqua le début d’une révolution dans les affaires militaires canadiennes.

Deux navires voguent côte à côte.

Vers la fin des années 1990, les frégates de classe Halifax ont été pleinement intégrées à des groupes aéronavals dans la région du golfe Persique; on voit ici le Vancouver avec le USS John C. Stennis.

Après le cessez-le-feu de mars 1991, le gouvernement du Canada aurait voulu maintenir une présence dans la région, mais l’état de transition dans lequel se trouvait la flotte limita ses efforts, comme on s’en serait douté. Cependant, l’arrivée au milieu des années 1990 des très capables frégates de classe Halifax fit envisager la possibilité de recommencer les déploiements et, en 1995, deux navires furent déployés dans le cadre de deux missions distinctes. Le NCSM Fredericton le fut, au début de l’année, tout simplement pour faire la promotion de la technologie canadienne dans les états du Golfe, mais le deuxième fut plus significatif. En effet, le Calgary partit en mission, pas simplement « attaché », mais véritablement « intégré », au groupe aéronaval américain USS Abraham Lincoln grâce à son accès spécial à des systèmes et des codes de communication à haut niveau de sécurité qui permettraient la pleine utilisation de la nouvelle frégate canadienne. Le déploiement du Calgary fut couronné de succès, en partie parce que son tirant d’eau plus faible que celui des bâtiments américains lui permit, pendant une grande partie d’août et de septembre, de patrouiller le nord du Golfe, au large de l’embouchure du Chatt-al-Arab, juste au-delà des 12 milles (19 km) des eaux territoriales irakiennes; ce déploiement devint le modèle des déploiements à venir. Cependant, étant donné l’état de transition de la flotte, la quiescence temporaire de Saddam Hussein et la priorité accordée à l’embargo des Nations Unies contre l’ex- Yougoslavie dans l’Adriatique, il faudrait deux ans de plus pour que les frégates participent à la Force multinationale d’interception.

Avant de continuer notre histoire, revenons un peu en arrière pour parler d’un des « catalyseurs de la transformation ». À l’automne 1992, la Somalie était devenue un état défaillant, et le NCSM Preserver fut envoyé pour soutenir le déploiement du Régiment canadien aéroporté chargé de distribuer de l’aide humanitaire. La détérioration de la situation sur le terrain entraîna un changement constant de mission, qui eut, entre autres effets, de rendre impossible l’installation à terre du quartier général du commandement de la mission. Il fut donc décidé de reconfigurer la salle des opérations du navire et d’en faire un QG interarmées flottant — quelque chose de bien évident pour une marine qui a des forces amphibies, mais une grande nouveauté pour les Forces canadiennes supposément unifiées (mais qui n’avaient jamais véritablement opéré comme force interarmées en situation de combat). L’infortunée mission en Somalie eut donc au moins un effet positif, qui fut rappelé dix ans plus tard par le chef d’état-major de la défense, le Général Rick Hillier, lorsqu’il lança la soi-disant transformation du commandement et du contrôle des FC. À plus brève échéance, cette mission eut pour effet l’internalisation de l’idée que les ravitailleurs, arrivés en bout de vie utile, devraient être remplacés par un bâtiment qui ferait aussi fonction de QG interarmées en mer. Cela aurait dû accélérer le remplacement des ravitailleurs, mais les trois armées n’arrivaient pas à s’entendre sur l’ampleur de la fonction interarmées désirée, ce qui retarda l’acquisition de ce qu’on appelle maintenant le Navire de soutien interarmées. Ce concept fut néanmoins un catalyseur puissant de la transformation, non seulement de la Marine mais aussi des Forces canadiennes dans leur entier.

Treize navires se déplacent en formation.

Le 4e Groupe des opérations maritimes, dont les six navires de défense côtière de classe Kingston, fait route en formation dans les îles Gulf, en Colombie-Britannique.

Le « nouvel ordre mondial » était plutôt désordonné et faisait parfois appel à l’intervention navale canadienne, mais la modernisation de la flotte n’en fut pas substantiellement retardée et se déroula comme prévu dans le plan de 1987. Même lorsque le groupe opérationnel partit pour le Golfe en août 1990, la première des FCP, le Halifax (FFH-330)', subissait ses essais d’acceptation. Les frégates à vapeur furent retirées du service successivement afin que leurs équipages puissent recevoir l’instruction nécessaire à la nouvelle classe; le dernier navire retiré du service, le Nipigon (DDH-266), fut désarmé en 1998. Pendant les 10 dernières années du XXe siècle, la Marine accepta quatre navires de la classe Iroquois après leur refonte. Outre les 12 frégates de patrouille, il arriva aussi 12 navires de défense côtière (NDC) — la classe Kingston (PB-700) — pour remplacer les dragueurs de mines de la classe Bay qui dataient des années 1950. Les NDC, armés principalement par la Réserve navale, étaient destinés à redonner à la flotte une capacité antimines ainsi qu’à l’instruction de base des officiers de marine. À la fin de la décennie, les trois sous-marins de classe Oberon étaient partis aussi et étaient en cours de remplacement par quatre sous-marins diesel achetés à la Grande-Bretagne — la classe Victoria (ex-Upholder). En 2010, il ne reste de la flotte de la Guerre froide que les deux pétroliers ravitailleurs d’escadre (AOR) Protecteur et Preserver. Même du seul point de vue de la composition physique de la flotte, les deux dernières décennies ont vu la transformation de la Marine canadienne. À la veille du centenaire de la Marine, le Canada a sans contredit la flotte la plus équilibrée et la plus capable de toute son histoire.

Mais la transformation ne s’arrête pas là. Pendant les dernières années de la Guerre froide, les deux superpuissances — les États-Unis et l’Union soviétique — s’installèrent dans un pat nucléaire, et la capacité opérationnelle de la flotte canadienne diminua constamment. Les interventions de crise devinrent de plus en plus rares et les marins canadiens en arrivèrent au point où les grands exercices de l’OTAN étaient leurs seules occasions de naviguer.

Pendant les années 1990, l’évolution de la composition de la flotte s’accompagna d’une évolution des relations avec l’OTAN. Le Canada continua à envoyer régulièrement un navire à la Force navale permanente de l’Atlantique (STANAVFORLANT), mais la pénurie de bâtiments et les autres obligations entraînèrent un changement subtil mais perceptible dans la priorité qui avait jusque-là été accordée à ce que l’on considérait pratiquement comme une obligation. La première indication de ce changement se produisit à la suite de la guerre du Golfe de 1991. Le Restigouche, qui devait remplacer un des navires envoyés dans le Golfe, fut affecté à la force de l’OTAN; ce fut le premier navire de la côte Ouest à se voir confier cette mission et aussi le premier navire canadien à se joindre à la STANAVFORLANT sans hélicoptère depuis la création de cette force dans les années 1960. Un peu plus tard dans cette décennie, un pétrolier ravitailleur remplirait à l’occasion ce rôle (le Canada avait souvent envoyé des ravitailleurs, mais jamais à la place d’un destroyer ou d’une frégate). C’était encore un rôle important, et d’ailleurs le Canada continua à assurer le commandement tournant du groupe de l’OTAN, soit deux fois dans le cours de la décennie, et chaque fois avec un des destroyers de classe Iroquois modernisés par le programme TRUMP comme navire- amiral, rôle pour lequel il était alors vraiment équipé. Le hasard voulut que ces deux affectations d’un an — en 1993–1994 et en 1999–2000 — coïncident toutes les deux avec le déploiement de la STANAVFORLANT dans l’Adriatique pour imposer des sanctions contre l’ex-Yougoslavie, et là encore, la qualité de la suite de commandement et de contrôle installée dans les destroyers canadiens fut essentielle à la bonne coordination de la mission. Il y eut cependant un signe précurseur de cette évolution en 1998. La frégate Toronto, qui devait faire partie de l’escadre de l’OTAN, en fut détachée et envoyée dans le Golfe en réponse à l’appel à l’aide des Nations Unies, qui avaient besoin de renforts pour obliger Saddam Hussein à laisser entrer les inspecteurs des Nations Unies chargés d’enquêter sur les stocks d’armes de destruction massive. Ce genre de réaffectation — sans remplacement du navire promis à l’OTAN jusqu’au prochain déploiement prévu — allait devenir la réponse habituelle du gouvernement canadien lorsqu’il avait besoin de déployer une frégate à l’avant. Pourtant, le Canada continue à participer à l’OTAN et sa contribution demeure précieuse pour l’Alliance. D’ailleurs, lorsqu’un changement dans le concept d’opération de l’Alliance entraîna une reconstitution de la STANAVFORLANT et sa transformation en 1er Groupe de la Force navale permanente de réaction de l’OTAN (SNMG-1) en 2006, c’est un Canadien, le Commodore Denis Rouleau, qui fut chargé de superviser l’entraînement de la nouvelle force jusqu’à ce qu’elle atteigne le stade opérationnel, et il exerça ce commandement à partir d’une succession de destroyers de classe Iroquois. L’OTAN lui-même évolue, et les navires de guerre canadiens participent à cette évolution; la frégate Toronto participa à la première circumnavigation de l’Afrique en 2007 (expédition incroyable quand on y pense) et le Winnipeg se retrouva à l’avant de la lutte contre les pirates somaliens en 2009.

Trois officiers de la Marine observent le passage de deux sous-marins. L’un des officiers salue, tandis qu’un autre donne un coup de sifflet.

Le Matelot de 1re classe Tammy Comeau ordonne le silence au sifflet pendant que le commandant des Forces maritimes de l’Atlantique, le Contre-amiral Dean McFadden, répond au salut des sous-marins Corner Brook et Windsor, le 21 décembre 2006.

Cette diminution de la priorité accordée à l’OTAN montre que le Canada élargit ses horizons et voit plus loin que l’Europe, ce pour quoi la Marine est parfaitement positionnée par la capacité de la flotte à manœuvrer partout dans le monde. Si « l’excursion dans le golfe Persique » était le dernier cri de guerre de la Guerre froide, la Marine canadienne du « nouvel ordre mondial » dut rapidement augmenter sa cadence opérationnelle afin d’éteindre les « feux de broussailles » du quotidien qui surgissent ça et là, et oublier la routine des exercices de temps de paix. La crise des pêches sur les Grands Bancs de l’Atlantique, l’immigration illégale de ressortissants chinois sur la côte du Pacifique, les menaces pour notre souveraineté dans l’Arctique et l’instabilité constante dans le bassin des Caraïbes occupent constamment la Marine dans les eaux nationales et dans les eaux de l’hémisphère. Plus loin de chez nous, les nouvelles frégates et les destroyers modernisés ont donné la preuve du savoir-faire technologique canadien et même les deux ravitailleurs ont participé, en plus de leur rôle normal de ravitaillement de la flotte, à des opérations d’aide humanitaire à différents endroits, dont la Floride après le passage d’un ouragan et le Timor oriental ravagé par la guerre civile. Les exercices traditionnels réguliers inscrits au calendrier opérationnel (OPSKED) de la flotte — Ocean Safari, Teamwork, MARCOT et RIMPAC — doivent invariablement céder la place à des opérations réelles, aux noms souvent trop évocateurs : Friction (golfe Persique, 1990–1991), Deliverance (Somalie, 1992–1993), Sharp Guard (mer Adriatique, 1992–1995), Forward Action (Haïti, 1993–1994), Ocean Vigilance (guerre du turbot noir de 1995 sur les Grands Bancs), Persistence (opération de récupération dans la baie St. Margaret après l’écrasement du vol de la Swissair, 1998), Toucan (Timor oriental, 1999–2000), Megaphone (arraisonnement et récupération du GTS Katie dans le golfe du Saint-Laurent, 2000), Unison (aide humanitaire après l’ouragan Katrina, 2005), Chabanel (appui à la GRC pour une opération de lutte contre le narcotrafic dans le golfe de Guinée, sur la côte occidentale de l’Afrique, 2006) et Horatio (Haïti encore, mais à titre humanitaire après l’ouragan de 2008). Des incursions de plus en plus audacieuses dans l’Arctique, qualifiées d’opérations alors qu’en fait il ne s’agit que d’exercice nationaux selon la définition normale du terme, menèrent à l’opération Nanook, qui vit la frégate Fredericton, le navire de défense côtière Summerside et le sous-marin Corner Brook opérer avec d’autres navires des Forces canadiennes et de la Garde côtière canadienne dans le passage du Nord-Ouest en août 2007.

Les marins furent aussi très sollicités dans le cadre de diverses opérations à terre : comme observateurs au Cambodge (Op Marquis, 1992), dans l’ex-Yougoslavie (Op Bolster, 1991– 1994) et au Darfour (Op Augural, 2005–2008); comme membres essentiels de l’équipe stratégique consultative auprès du gouvernement afghan à Kaboul (Op Argus, 2005–2008) et dans un rôle général de soutien à la mission en Afghanistan (Op Athena, de 2005 à nos jours), où les plongeurs-démineurs se sont distingués par leur capacité de neutralisation de dispositifs explosifs de circonstance (IED), notamment le Maître de 2e classe Jim Leith, qui reçut l’Étoile du courage « en reconnaissance d’un acte de courage remarquable dans des situations très périlleuses » en 2006. Avec la nonchalance typique des marins qui connaissent leur métier, Leith n’attacha pas particulièrement d’importance à cet acte de courage. « Ces dispositifs ne sont pas techniquement très sophistiqués », dit-il. « Je me sentais en mesure de le neutraliser. Une bonne dose de crainte garde les idées claires. » 2

Mais pour reprendre le fil de l’histoire, ce sont les déploiements dans le Golfe qui ont vraiment défini l’expérience canadienne navale moderne. En 1995, la Marine décida d’interrompre ses incursions afin de terminer la transition de la flotte, et, en 1997, elle était prête à recommencer à déployer des frégates dans le Golfe. La mission du Calgary ayant confirmé ce qu’il fallait faire, son successeur (le Regina, un autre navire de la côte Ouest) fut lui aussi doté d’une suite complète de télécommunications à haut niveau de sécurité, mais le niveau d’interopérabilité technique et d’interopérabilité des communications avec la marine américaine était alors suffisant pour que les navires canadiens puissent remplacer les navires américains sur un pied d’égalité dans l’ordre de bataille. Il faut quand même signaler que le Regina fit d’abord toute sa période d’entraînement et toute sa croisière d’endurance, puis partit pour le Golfe dans le cadre du groupe d’attaque en surface basé à San Diego avec lequel il devait opérer. Cette pratique ayant donné satisfaction, elle fut régularisée.

Le Canada ne devait envoyer qu’un seul navire chaque année, pour six mois seulement, ce qui signifiait une présence canadienne interrompue dans le Golfe, mais Saddam Hussein continuant à refuser les inspections des Nations Unies, le Canada décida de renforcer et d’augmenter sa présence. Après une foule de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU en 1997–1998, la coalition (principalement le Royaume-Uni et les États-Unis) lança l’opération Desert Thunder, et c’est pour cette opération, pour soutenir la Force multinationale d’interception, que, comme nous l’avons vu plus haut, la frégate initialement affectée à la STANAVFORLANT fut envoyée dans le Golfe. Même après sa défaite écrasante par cette coalition, Saddam Hussein ne se conforma que brièvement aux exigences de l’ONU. Le gouvernement Chrétien décida donc de renforcer son soutien à la Force multinationale d’interception. Il s’ensuivit une opération connue au Canada sous le nom d’opération Augmentation, soit le déploiement successif de cinq frégates intégrées dans des groupes aéronavals et des groupes d’attaque en surface américains de 1998 à 2001. L’intransigeance de Saddam Hussein vis-à-vis de l’ONU fut telle que le NCSM Winnipeg (la dernière frégate ainsi déployée) dut arraisonner plusieurs navires qui refusaient de coopérer au printemps et à l’été 2001. Il faut savoir que pendant la dernière patrouille du Winnipeg, en juillet 2001, son commandant, le Capitaine de frégate Kelly Williams, fut désigné comme commandant sur place pour le Nord du Golfe, la première fois pour un navire de la coalition, et encore une fois en raison des capacités de connectivité des télécommunications par une version classifiée d’Internet connue sous le nom de COWAN (Coalition Wide Area Networkspan>).

Deux navires et un sous-marin passent devant un iceberg.

De gauche à droite : les NCSM Fredericton, Summerside et Corner Brook passe en formation devant un iceberg pendant l’opération Nanook, en août 2007.

Un autre facteur fut la persistance croissante de la présence canadienne. Pendant les déploiements des années 1990, les équipages canadiens s’étaient familiarisés avec les toutes nouvelles communications par satellite et par ordinateur. Mais les déploiements dans le Golfe, malgré l’efficacité de chacun, n’étaient pas assez réguliers pour impressionner les commandants régionaux de la marine américaine, ce qui changea en 2000–2001, lorsque la succession de navires canadiens sur zone fit accepter et même attendre la présence canadienne, d’où la reconnaissance accordée au Winnipeg.

Cette décennie de déploiements dans le Golfe eut un effet profond sur le psychisme de la Marine, pas seulement sur sa compétence technique. En effet, la Marine canadienne se lança dans une révolution intellectuelle pendant les années 1990, cherchant à mieux comprendre ce que représente la puissance maritime pour des pays d’importance moyenne comme le Canada, qui n’ont pas la capacité de projection mondiale de force de la marine américaine. La formulation d’une vision stratégique de sa raison d’être dans l’après-Guerre froide fut en grande partie décidée par une étude approfondie de ce que voulaient dire les déploiements dans le Golfe. En juin 2001, la Marine publia Point de mire : La stratégie de la Marine pour 2020, qui évoquait l’utilité de travailler de concert avec des alliances ou des coalitions, des avantages de l’interopérabilité avec la marine américaine et de l’évolution des opérations navales, qui se déroulent maintenant dans les eaux littorales pour soutenir des opérations terrestres et aériennes. Il est bien difficile de formuler une vision pour la Marine dans un climat militaire mondial en constante évolution, mais on s’y emploie, et une mise à jour de l’approche stratégique est prévue pour 2010.

En 2001, la Marine avait à peine eu le temps de digérer Point de mire que, dans la foulée des attentats du 11 septembre, l’OTAN invoqua l’article 5 de sa charte et le Conseil de sécurité des Nations Unies passa une série de résolutions autorisant une lutte collective contre les terroristes; le Canada mit promptement en place une « nouvelle » stratégie navale. Comme dans le passé, la Marine fut de nouveau la première à répondre à une grande crise à l’étranger. Dans les heures qui suivirent la décision du gouvernement Chrétien d’envoyer les Forces canadiennes participer à l’opération « Liberté immuable », la frégate qui faisait partie de la STANAVFORLANT fut détachée et reçut l’ordre de se joindre à un groupe aéronaval américain dans la mer d’Arabie et, avant la fin du mois, la frégate de la côte Ouest qui se préparait à participer à la dernière édition de l’opération Augmentation partit rejoindre le groupe aéronaval. L’essentiel de la contribution canadienne à cette opération se fit dans le cadre de l’opération Apollo et commença par l’envoi d’un groupe opérationnel composé de trois navires d’Halifax et d’un commodore embarqué, comme en 1990. Les opérations de la deuxième guerre du Golfe durèrent deux années complètes et, avec le recul, on peut dire qu’elles se déroulèrent en quatre phases. Chacune de ces phases était une impressionnante réalisation par elle-même, preuve de l’incroyable souplesse de la flotte polyvalente moderne canadienne.

Des soldats à bord d’un véhicule blindé observent un navire militaire qui s’approche du rivage.

L’équipage d’un LAV-III du Royal 22e Régiment fait un débarquement amphibie pendant un exercice du concept d’opérations de la Force permanente de contingence, en novembre 2006.

Cette fois, contrairement à ce qui s’était produit auparavant, les destroyers modernisés et les frégates constituaient une force imposante et, dès l’arrivée de l’Iroquois et du Charlottetown dans la mer d’Arabie en novembre 2001 — après un voyage de 13 000 km et sans avoir besoin de faire escale pour se ravitailler ou se rééquiper — le Groupe opérationnel canadien fut affecté à l’escorte des groupes amphibies de la marine américaine qui opéraient dans les zones littorales du Pakistan; il eut aussi le contrôle tactique (TACON) des destroyers américains Aegis, une rare marque de confiance en un allié de la part de la marine américaine. En janvier 2002, en pleine première phase, il y avait six navires canadiens dans la région (un tiers de la flotte de surface). Au moment où la mission des Marines américains prenait fin en Afghanistan (ils furent remplacés à Kandahar par le groupe-brigade du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry), la deuxième phase se déclencha, la coalition s’intéressant maintenant davantage à empêcher la fuite des dirigeants des Talibans et d’Al-Qaeda. En effet, la route la plus courte pour se rendre à leurs bases de la corne de l’Afrique, après avoir traversé l’Iran, était par le golfe d’Oman (qui fut bientôt surnommé GOO, d’après l’acronyme de son nom anglais (Gulf of Oman) qui évoque le climat « collant » de la région). D’autres membres de la coalition envoyèrent des forces navales dans la région, et les Canadiens prirent rapidement les choses en main, interdisant le GOO aux terroristes en fuite pendant tout le printemps et l’été 2002. La troisième phase commença avec le rassemblement, à l’automne 2002, de forces de la coalition en vue d’opérations contre l’Irak et se poursuivit pendant toute cette guerre. Bien que le Canada ait décidé de ne pas participer directement à ce conflit, il se rendait bien compte que le passage des navires de la coalition par le détroit d’Hormuz serait un « pot de miel », autrement dit une cible alléchante qui ne manquerait pas d’attirer des attaques terroristes. Le groupe opérationnel organisa donc des centaines d’escortes rapprochées pour la traversée du détroit, qui se déroulèrent sans incident majeur.

Tout cet effort était coordonné par la marine américaine dans le cadre de l’opération « Liberté immuable », mais pendant l’hiver 2002–2003, la priorité accordée à l’Irak par les États-Unis mit beaucoup de partenaires de la coalition, y compris le Canada, mal à l’aise. Les opérations en mer sont fluides par nature, contrairement à la façon dont les opérations terrestres ont tendance à évoluer, ce qui signifie qu’elles ne peuvent pas être séparées par de simples démarcations sur une carte, mais cette distinction subtile échappa à beaucoup d’observateurs canadiens de l’époque et de maintenant. Les commandants de la marine américaine de l’époque n’ignoraient pas les sensibilités nationales et trouvèrent une solution pour que l’opération « Liberté immuable » se déroule séparément de l’opération Iraqi Freedom (OIF). Pour ce faire, ils créèrent une nouvelle structure de commandement du groupe opérationnel qui, entre autres, éleva le groupe opérationnel dirigé par des Canadiens dans le golfe d’Oman au statut de force opérationnelle (la distinction entre « groupe » et « force » étant une nette augmentation de puissance) qui relevait du commandant naval de la coalition à Bahreïn plutôt que d’un amiral américain embarqué sur un porte-avions américain. Bien que le commandement canadien de la Force opérationnelle 151 de la coalition ait été mal interprété par les politiciens et les universitaires, qui ont parfois tendance à ne pas vouloir comprendre les structures nationales de commandement et de contrôle, le gouvernement de l’époque comprit parfaitement la distinction et ne vit pas d’objection à ce que faisait la Marine. On peut dire que le commandement de la Force opérationnelle 151 par le Commodore Roger Girouard donna au gouvernement du Canada un bon nombre d’options de gestion de crise, mais aussi qu’il contribua probablement à maintenir la cohésion des forces de la coalition à une période très délicate sur le plan politique. L’ambassadeur des États-Unis au Canada, Paul Cellucci, résume admirablement bien la situation : « … les navires, les avions et les membres des Forces canadiennes … nous aideront indirectement davantage que la plupart des 46 pays qui nous apportent officiellement leur appui direct. » 3

La dernière phase commença au moment où les opérations prenaient fin en Irak, car même si les hostilités « actives » étaient terminées, la valeur des navires marchands qui passaient par le détroit d’Hormuz, ainsi que la poursuite d’Al-Qaeda, rendait nécessaire une présence navale canadienne dans la région de la mer d’Arabie. À l’été, seule la frégate Calgary demeurait sur zone, et son retour à Esquimalt en décembre 2003 marqua la fin de la plus grande opération navale menée par le Canada depuis la guerre de Corée. L’opération Apollo avait nécessité la mobilisation de toute la Marine canadienne — le déploiement de pratiquement tous les grands navires de surface (à l’exception d’un destroyer est d’une frégate qui se trouvaient en grand carénage) et de la presque totalité de nos 4 200 marins appelés à naviguer, de tous les grades et de toutes les spécialités. Avec une contribution qui représentait moins de 20 pour cent des ressources navales de la coalition, les marins canadiens accomplirent quelque 50 pour cent des résultats mesurables : ils effectuèrent 600 des 1 300 arraisonnements, près de deux par jour en moyenne, pendant la durée de l’opération. Le Calgary effectua à lui seul 92 escortes par le détroit d’Hormuz. Mais c’est dans la direction de la coalition en mer que le Canada connut son véritable succès naval. Notre marine fut la première grande flotte à arriver sur zone après la marine américaine. Beaucoup des 49 autres participants envoyèrent une frégate ou un ravitailleur pour établir une présence, mais la plupart étaient peu habitués à opérer avec d’autres flottes. L’interopérabilité unique des systèmes de télécommunications de nos navires avec les bâtiments américains, ajoutée à notre expérience du multilatéralisme, conduisit tout naturellement la marine américaine à confier le commandement des opérations au commodore canadien. La formation de coalitions est peut-être le rôle naval le moins apprécié de la guerre contre le terrorisme, et pourtant c’est le rôle canadien par excellence. Le commandement de la Force opérationnelle 151 fut le premier commandement de niveau opérationnel — la plus grande responsabilité et la plus grande portée de commandement — exercé par un officier supérieur canadien dans un théâtre d’opérations depuis la Deuxième Guerre mondiale, et c’est une grande réalisation nationale, réalisation qui est passée inaperçue dans le faux débat sur la participation à la guerre en Irak.

Deux radeaux transportant du personnel des FAC et des hommes dont les visages sont brouillés naviguent côte à côte.

Vue en vision nocturne, depuis la frégate Winnipeg, de son équipe d’arraisonnement en train d’intercepter des pirates somaliens, avril 2009.

La Marine devait prendre une « pause opérationnelle » pour se remettre de ses efforts, mais presque immédiatement, en janvier 2004, la frégate Toronto fut de nouveau déployée dans la région et intégrée au groupe aéronaval USS George Washington. L’opération Altair, code utilisé par le Canada pour désigner la présence navale durable dans la région, est toujours en cours. Elle devait prendre la forme d’un déploiement d’un seul navire à la fois, comme l’opération Augmentation, mais les capacités des navires et les prouesses des équipages rétablirent rapidement leur réputation, et les commandants des navires eurent souvent l’occasion de commander des petites formations multinationales de navires de guerre lors d’opérations ciblées. Une des plus réussies valut au commandant du NCSM Ottawa la Meritorious Service Medal américaine pour son déploiement en 2007 avec la mention : « la très bonne acuité opérationnelle dont a fait preuve le Capitaine de frégate [Darren] Hawco au cours d’une manœuvre importante d’abordage d’un navire soupçonné de trafic de terroristes de différents pays, ainsi que pendant l’escorte cruciale d’un sous-marin étatsunien qui traversait le dangereux détroit d’Hormuz. Les efforts considérables du Capf Hawco ont permis d’accroître grandement la sécurité maritime et serviront d’exemple au chapitre des opérations de la coalition » 4. Le succès croissant de ces déploiements d’un seul navire laissa entrevoir les avantages que pourraient représenter le retour à un groupe opérationnel canadien complet dans la région, et c’est ainsi que le Commodore Bob Davidson exerça le commandement de la CTF 150 pendant trois mois (de juin à septembre 2008), depuis son navire amiral, l’Iroquois, la frégate Calgary et le ravitailleur Protecteur se joignant à d’autres forces de la coalition juste à temps pour anticiper l’intensification subite de la piraterie au large des côtes somaliennes. À l’automne 2008, la seule frégate de classe Halifax qui n’avait pas encore été deployée dans le théâtre de l’Asie du Sud-Est, le NCSM Ville de Québec, fut détachée du groupe de la force permanente de l’OTAN en Méditerranée et affectée à l’escorte de navires affrétés par le Programme alimentaire mondial de l’ONU pour apporter des denrées de secours d’urgence à Mogadiscio, en Somalie.

La transformation réussie des années 1990 donna bien évidemment au Canada la marine dont il avait besoin pour répondre efficacement à une foule de crises nationales et internationales. Mais le vieillissement de la flotte montre bien qu’il est urgent de la renouveler. Les frégates de classe Halifax ont été mises sur cale au début des années 1990, il y a près de 20 ans; les sous-marins de classe Victoria ont été mis en service en Grande-Bretagne au début des années 1980 (il y a pratiquement 30 ans) et les destroyers et les ravitailleurs ont été mis en service au début des années 1970 (il y aura bientôt 40 ans). La refonte de canadianisation des sous-marins avance bien; le Victoria et le Corner Brook devraient reprendre le service en 2010. Le contrat des travaux de modernisation des frégates de classe Halifax a été signé, et les 12 frégates seront retirées du service une à une pour leur refonte de mi-vie. Mais on ne sait toujours pas quand le projet du navire de soutien interarmées sera mis en œuvre ni quelle ampleur il aura, et la nouvelle classe de bâtiments conçus pour le Grand Nord (le navire de patrouille extracôtier de l’Arctique) en est encore au stade de la définition de projet. Pire encore, le gouvernement n’a pas encore convenu de remplacer les destroyers de classe Iroquois qui arrivent à la fin de leur vie utile. Leur perte, qui coïncidera avec la refonte de la classe Halifax, veut dire que pendant quelques années critiques au milieu de la prochaine décennie, le Canada risque de n’avoir que quatre grands navires de surface à déployer en cas d’opérations de contingence.

Ce chapitre de l’histoire de la Marine canadienne semble finir comme il a commencé : avec la perspective d’une capacité opérationnelle réduite pour au moins la moitié de la décennie. Mais comme auparavant dans l’histoire, de nouveaux défis surgiront, et la Marine canadienne saura les relever.


Auteur : Richard H. Gimblett

1 Jean Morin et Richard Gimblett, Opération Operation FRICTION: The Canadian Forces in the Persian Gulf, 1990–1991 (Toronto : Dundurn Press, 1997), 88.

2 Darlene Blakeley, Un plongeur de la Marine reçoit l’Étoile du courage, site de la Marine canadienne.

3 Cité dans Richard Gimblett, Operation Apollo: The Golden Age of the Canadian Navy in the War Against Terrorism (Ottawa : Magic Light, 2004), 125.

4 Darlene Blakeley, Un capitaine de vaisseau reçoit la US Meritorious Service Medal, La Feuille d’érable, 11:41 (3 décembre 2008).

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