Chapitre trois : Instances judiciaires militaires : bilan de l’année

Les renseignements et les analyses fournis ci-après rendent compte des activités du SCPM au cours de la période de référence relativement aux demandes de vérification préalable à l’accusation, aux renvois, aux révisions postérieures à l’accusation, aux procès en cour martiale, aux appels et aux audiences de révision du maintien sous garde.

Aperçu

Au cours de cette période de référence, le SCPM a été saisi d’un nombre total de 105 dossiers de cours martiales incluant 91 dossiers de renvois au DPM et 14 dossiers reportés de la période de référence précédente. 

De plus, le SCPM a traité 87 demandes de vérification préalable à l’accusation, vingt (20) appels à la CACM et six (6) appels à la CSC, pour un total combiné de 218 dossiers.

Les juges militaires sont tenus, dans certaines situations, de réviser les ordonnances de maintien sous garde militaire d’un membre des FAC détenu. Le DPM représente les FAC à ces audiences. Il n’y a eu aucune audience de révision du maintien sous garde au cours de la période de référence.

Finalement, il y a eu un total de 48 procès complétés en cour martiale.

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La pandémie de la COVID-19

La pandémie de la COVID-19 a présenté des défis et des limitations pour saisir les tribunaux sans précédent aux services de poursuite à travers le Canada. Malgré qu’il n’ait évidemment pas été épargné, le SCPM a été en mesure de s’ajuster rapidement aux contraintes liées aux poursuites en temps de pandémie et a démontré qu’il pouvait être opérationnel et performant.

S’engageant dans la troisième année de la pandémie, les cours martiales continuent de procéder de manière efficace et en toute sécurité. La présence physique des parties et témoins durant les procédures commence à revenir à son état pré-pandémique, nécessitant le voyagement des PMRs pour participer aux cours martiales tenues partout au Canada.

Le SCPM a réussi à mener des poursuites avec succès au cours de la pandémie de la COVID-19, ce qui démontre que ce bureau est petit, mais qu’il est une composante souple et agile du système de justice militaire et qu’il est capable d’atteindre les résultats souhaitées dans n’importe quel environnement.

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Effet des recommandations faites par les autorités de contrôle

Le 29 avril 2021, le MDN a nommé Madame Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême du Canada, pour mener à bien l’Examen externe indépendant et complet de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Selon le mandat qui lui a été confié, Madame Arbour a l’autorité d’émettre des évaluations ou des recommandations provisoires qui traitent de problèmes qui pourraient se révéler au cours de l’examen et qui exigent la prise de mesures immédiates.

Le 30 avril 2021, l’honorable Monsieur Morris J. Fish, ancien juge de la CSC, a déposé le Rapport de l’autorité chargée du troisième examen indépendant au ministère de la Défense nationale dans lequel il faisait un total de 107 recommandations. Certaines de ses recommandations adressaient l’indépendance de différents acteurs du système de justice militaire et d’autres visaient le traitement des dossiers d’inconduites à caractère sexuel.

Le 20 octobre 2021, Madame Arbour a émis une recommandation provisoire proposant l’implémentation immédiate de la recommandation no 68 de l’honorable juge Morris J. Fish et le transfert aux corps policiers civils de toutes les allégations d’infractions sexuelles, y compris les allégations sous enquête par le SNEFC, à moins que ces enquêtes étaient presque terminées, et dans tous les cas, toute accusation devait être déposée dans une instance civile. La recommandation provisoire de madame Arbour visait les dossiers d’agressions sexuelles et d’autres infractions de nature sexuelle en vertu du Code criminel qui précédaient le dépôt d’accusations. Elle ne visait pas directement les dossiers pour lesquels une accusation avait été déjà portée et qui avait été transmise au DPM, ou qui était en voie de l’être.

Le 5 novembre 2021, le Grand prévôt des Forces canadiennes (GPFC) et le DPM ont fait une déclaration conjointe dans laquelle ils acceptaient publiquement la recommandation provisoire de Madame Arbour.

Le 26 novembre 2021, le DPM a émis une Directive intérimaire concernant l’implémentation de la recommandation provisoire de Madame Arbour. Le DPM a donné des directives précises à ses PMR quant à la manière de traiter les dossiers d’agressions sexuelles et d’autres infractions de nature sexuelle en vertu du Code criminel pour lesquels une accusation avait été déjà portée et qui avait été transmise au DPM, ou qui était en voie de l’être. Au moment de la recommandation provisoire de Madame Arbour, il y avait 33 dossiers concernés.

Suivant les directives du DPM, les PMR ont communiqué avec les victimes dans les 33 dossiers concernés afin d’expliquer les effets de la recommandation provisoire de Madame Arbour et de solliciter leurs perspectives quant à la juridiction. Dans tous les dossiers sauf un, les victimes ont indiqué qu’ils/elles souhaitaient que les dossiers procèdent au sein du système de justice militaire.

Pour ces raisons, même si le SCPM a cessé de recevoir de nouveaux dossiers d’agressions sexuelles et d’autres infractions de nature sexuelle en vertu du Code criminel depuis la recommandation provisoire de Madame Arbour, les PMRs continueront néanmoins de mener des cours martiales concernant ce type d’infraction au cours de la prochaine période de référence.

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Vérifications préalables à l’accusation

Les procureurs du SCPM sont chargés de procéder à des vérifications préalables à l’accusation tant pour le SNEFCNote de bas de page 17 que pour les conseillers juridiques des unitésNote de bas de page 18.

Au cours de la période de référence, 91 demandes de vérification préalable à l’accusation ont été soumises au SCPM et neuf (9) demandes avaient été reportées de la période de référence précédente, pour un total de 100 dossiers de vérifications préalable à l’accusation. De ces 91 dossiers, 87 vérifications préalables à l’accusation ont été complétées et 13 dossiers étaient toujours en instance d’être traités à la fin de cette période de référence. 

Le nombre de demandes de vérification qui ont été traitées durant la période de référence est inférieur à la moyenne des demandes de vérification traitées pour les quatre dernières périodes de référence (105). La pandémie de la COVID-19 semble avoir eu un impact important concernant les demandes de vérifications préalables à l’accusation qui ont été reçues par le SCPM durant la période de référence. Une hausse des demandes de vérifications préalables à l’accusation est à prévoir pour la prochaine période de référence à mesure que les restrictions sanitaires s’atténueront et que les FAC reprendront leurs activités normales.

La figure 3-1 illustre le nombre total de demandes de vérifications préalables traitées pour les quatre dernières périodes de référence.

Figure 3-1 : Nombre total de vérifications préalables traitées par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Répartition du graphique : Figure 3-1 : Nombre total de vérifications préalables traitées par période de référence
  2017/18 2018/19 2019/20 2020/21 2021/22
Nombre total de vérifications préalables traitées 126 131 122 71 87

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Dossiers renvoyés au DPM et révisions postérieures à l’accusation

Nombre de dossiers renvoyés au DPM

Au cours de la période visée par le présent rapport, 91 dossiers ont été renvoyés au DPM. Ceci représente une augmentation de 15 dossiers comparativement à la précédente période de référence.

Nombre de dossiers traités

Lorsqu’on tient compte des 14 dossiers reportés de la période de référence précédente et des 91 dossiers de renvoi reçus par le DPM, un total de 105 dossiers ont été traités au cours de la présente périodeNote de bas de page 19.

La figure 3-2 illustre le nombre de dossiers traités pour les cinq dernières périodes de référence.

Figure 3-2 : Nombre de dossiers traités par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Répartition du graphique : Figure 3-2 : Nombre de dossiers traités par période de référence
  2017/18 2018/19 2019/20 2020/21 2021/22
Dossiers reportés 81 70 54 47 14
Dossiers de renvoi reçus 118 102 76 76 91
Total 199 172 130 123 105

Mises en accusation, décisions de ne pas donner suite à une accusation et renvoi de l’accusation à l’unité pour un procès sommaire

Au cours de la période de référence, 75 dossiers ont été traités en ce sens qu’un PMR a pris une décision au sujet de la mise en accusation, et 30 dossiers ont été reportés à la prochaine période de référence.

Pour ces 75 dossiers, 51 ont fait l’objet d’une mise en accusation tandis qu’aucune mise en accusation n’a été prononcée dans 21 dossiers et trois (3) dossiers ont été renvoyés à l’unité pour que celle-ci puisse juger sommairement l’accusé. Le taux de mise en accusation pour cette période est d’approximativement 68%. 

La figure 3-3 illustre le nombre total de mises en accusation prononcées, de décisions de ne pas donner suite à une accusation et de renvoi de l’accusation à l’unité pour un procès sommaire pour les cinq dernières périodes de référence.

Figure 3-3 : Nombre de mise en accusation et de décision de ne pas prononcer une mise en accusation par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Répartition du graphique : Figure 3-3 : Nombre de mise en accusation, de décision de ne pas prononcer une mise en accusation par période de référence et de renvoi de l’accusation à l’unité pour un procès sommaire
  2017/18 2018/19 2019/20 2020/21 2021/22
Renvoi de l’accusation à l’unité pour un procès sommaire 0 0 0 6 3
Aucune suite 41 47 31 15 21
Mise en accusation
55 107 56 55 51
Total 96 154 87 76 75

Taux de mise en accusation par organisme d’enquête

Bien que tous les dossiers renvoyés au DPM soient reçus par l’entremise d’une autorité de renvoi, les enquêtes peuvent avoir été complétées par le SNEFC, par un enquêteur de la police militaire qui ne fait pas partie du SNEFC ou par un enquêteur de l’unité, selon le cas. Le taux de mise en accusation peut varier sensiblement d’un organisme d’enquête à l’autre en raison des différents niveaux d’expérience et d’entraînement des enquêteurs respectifs.

Ainsi, au cours de la présente période de référence, le taux de mise en accusation pour les dossiers ayant fait l’objet d’une enquête du SNEFC était de 86%. Ce taux de mise en accusation est légèrement supérieur au taux pour les dossiers ayant fait l’objet d’une enquête de la police militaire (78%), mais il est considérablement supérieur à celui pour les dossiers ayant fait l’objet d’une enquête de la part d’un enquêteur d’unité (48%)Note de bas de page 20.

L’écart entre les enquêtes du SNEFC et les enquêtes d’unité concernant le taux de mise en accusation est une constante depuis plusieurs années : les enquêtes menées par le SNEFC se soldant par une mise en accusation beaucoup plus souvent que celles menées par les enquêteurs d’unité. 

Pour un survol complet des taux de mise en accusation par organisme d’enquête au cours des cinq dernières périodes de référence, veuillez consulter la figure 3-4.

Figure 3-4 : Taux de mise en accusation par organisme d’enquête et par période de référence

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Répartition du graphique : Figure 3-4 : Taux de mise en accusation par organisme d’enquête et par période de référence
  2017/18 2018/19 2019/20 2020/21 2021/22
SNEFC 100 94 79 96 86
Police militaire
53 75 77 95 78
Unité 37 53 46 46 48

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Cours martiales

La présente section donne un aperçu et une analyse des affaires entendues en cour martiale au cours de la période visée par ce rapport. Pour une ventilation complète de toutes les cours martiales qui ont été complétées au cours de cette période de référence, veuillez consulter l’annexe A.

Nombre de cours martiales complétées

Il y a eu un total de 48 procès complétés par cour martiale. De ce nombre, 36 procès ont eu lieu devant une CMP et 12 devant une CMG. Il s’agit d’une augmentation comparativement à la période de référence précédente et indique un retour au nombre historique annuel de cours martiales, ce qui semble s’expliquer par la relaxation des contraintes associées à la pandémie du COVID-19. 

La figure 3-5 illustre le nombre de procès en cour martiale par type de cour martiale pour les cinq dernières périodes de référence.

Figure 3-5 : Nombre de cours martiales par type et par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Répartition du graphique : Figure 3-5 : Nombre de cours martiales par type et par période de référence
  2017/18 2018/19 2019/20 2020/21 2021/22
Cour martiale générale 5 6 10 7 12
Cour martiale permanente 57 45 45 27 36

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Cours martiales notables

Cette section offre des résumés de cours martiales notables qui se sont déroulées au cours de la période de référence visée par ce rapport. Veuillez-vous reporter à l’annexe A pour un aperçu de l’ensemble des cours martiales au cours de la période de référence.

R c Sdt August

Le Sdt August a été accusé de trois chefs d’agression sexuelle et a été reconnu coupable de deux de ces chefs d’accusation. Il a finalement été condamné à six mois d’emprisonnement (l’exécution de la peine d’emprisonnement a été suspendue) à l’issue d’un long procès, marqué par une myriade d’ajournements. Le procès a débuté le 13 août 2018 et s’est terminé le 18 février 2022.

La preuve de la poursuite a été entendue dans la semaine du 13 août 2018. L’accusé, par l’intermédiaire de son avocat, a par la suite présenté une requête de non-lieu sur le premier chef d’accusation. La requête a été accueillie et a abouti à un verdict de non-culpabilité relativement à cette accusation. L’affaire a été ajournée au 22 octobre 2018 pour la présentation de la preuve de la défense.

Le procès a été de nouveau retardé à la suite de la décision R c Beaudry, 2018 CACM 4 rendue le 19 septembre 2018, et qui déclarait l’alinéa 130(1)(a) de la LDN inopérant dans son application à toute infraction civile pour laquelle la peine maximale est de cinq ans ou plus. Le 26 juillet 2019, la CSC a renversé l’arrêt Beaudry et a confirmé la validité constitutionnelle de l’alinéa 130(1)(a) de la LDN. Bien que cette décision ait techniquement permis la reprise de la cour martiale, le procès a été ajourné au 20 avril 2020 en raison de l’indisponibilité de la défense. Avant que l’affaire ne puisse reprendre, la pandémie de la COVID-19 a entraîné la suspension de toutes les procédures en cour martiale pour la période du 16 mars au 31 mai 2020.

La défense a présenté sa preuve entre le 21 et le 31 juillet 2020 et a soulevé une défense d’automatisme, postulant que l’accusé était dans un état de somnambulisme lors de l’incident. La défense a offert une preuve d’expert à l’appui de cette proposition. Un contre-expert a également été appelé par la poursuite. Le tribunal lui a permis de fournir une expertise sur le somnambulisme et la parasomnie. L’expert appelé par la poursuite a conclu que les résultats des tests effectués par l’expert appelé par la défense auraient été suffisants pour poser un diagnostic de somnambulisme, mais insuffisants pour révéler quoi que ce soit sur ce qui aurait pu se passer le matin des faits, ou à tout autre moment précis de le passé.

Les parties ont présenté leurs plaidoiries finales entre le 5 et le 7 août 2020. Le 30 avril 2021, le tribunal a déclaré l’accusé coupable des deux chefs d’accusation restants.

À la suite de nouvelles demandes d’ajournement présentées par la défense, l’audience sur le prononcé de la sentence a été reportée au 14 février 2022. La peine a été prononcée le 18 février 2022.

R c Bdr Cogswell

La Bdr Cogswell a été reconnue coupable d’une accusation de conduite déshonorante contrairement à l’article 93 de la LDN et de huit accusations portées en vertu de l’article 130 de la LDN pour avoir administré une substance destructive ou délétère, contrairement à l’article 245(1) du Code criminel.

Le 21 juillet 2018, alors que la Bdr Cogswell était responsable de la gestion et du soutien d’une cantine mobile de campagne qui fournissait des collations et des fournitures aux soldats, elle a distribuée à d’autres membres une douzaine de muffins qu’elle avait cuisiné avec du cannabis.

Les membres qui ont consommé les muffins, sans savoir qu’ils étaient préparés avec du cannabis, devaient tous participer à exercice de tir réel d’artillerie dans le cadre de l’exercice COMMON GUNNER dans la zone d’entraînement à la Base des Forces Canadiennes Gagetown au Nouveau-Brunswick. Peu de temps après avoir consommé les muffins distribués par la Bdr Cogswell, les victimes ont ressenti des symptômes cohérents avec l’ingestion de cannabis.

La Bdr Cogswell a été condamnée à la combinaison d’une peine d’emprisonnement de 30 jours avec la destitution du service de Sa Majesté et à une rétrogradation au grade d’artilleuse. Le tribunal a souligné de nombreux facteurs aggravants, notamment le risque grave pour la sécurité découlant de la distribution clandestine de cannabis lors d’un exercice de tir réel d’artillerie, l’effet sur les huit victimes, la violation de leur intégrité personnelle, le degré de préméditation, et la tentative de la contrevenante d’inculper d’autres membres innocents au cours de l’enquête.

R c Sdt Waugh

Le Sdt Waugh a été déclaré non responsable pour cause de troubles mentaux relativement à une infraction punissable en vertu de l’article 130 de la LDN, soit une agression sexuelle contrairement à l’article 271 du Code criminel. Il s’agit d’un cas rare où la preuve de la défense à l’appui de l’état d’automatisme du Sdt Waugh, à savoir un état de somnambulisme, était si convaincante qu’elle a poussé la poursuite à ne pas s’opposer à la thèse de la défense. Le tribunal a jugé qu’il ne devait pas tenir d’audience de décision conformément à l’article 202.15 de la LDN, et a plutôt renvoyé l’affaire à la Commission d’examen compétente.

R c Matc Machtmes

Le Matc Machtmes a été reconnu coupable de trois chefs d’accusation, soit deux accusations portées en vertu de l’article 130 de la LDN, c’est-à-dire pour avoir leurré un enfant, contrairement à l’article 172.1(1)b) du Code criminel et d’incitation à des attouchements sexuels, contrairement à l’article 152 du Code criminel. La troisième accusation portait sur l’infraction de conduite déshonorante contrairement à l’article 93 de la LDN.

Le décès malheureux du Matc Matchmes après le verdict de culpabilité a mené à l’abandon des procédures avant que l’audience sur le prononcé de la peine ne puisse avoir lieu.

Toutes les accusations découlaient d’une série de conversations sexualisées par l’entremise des médias sociaux avec un citoyen australien âgé de 15 ans.  Ces conversations avaient été initiées par le Matc Machtmes alors qu’il était déployé dans le cadre d’une opération maritime au large des côtes australiennes.

Le procès a été tenu pendant les restrictions associées à la pandémie de la COVID-19. À la suite d’une requête de la poursuite, et ce malgré l’objection de la défense, le tribunal a autorisé les quatre témoins australiens de la poursuite à témoigner par moyen audio-vidéo. Le tribunal s’est appuyé sur l’article 179(1) de la LDN, qui confère à une cour martiale le pouvoir de contrôler ses procédures en ce qui concerne la comparution, l’assermentation et l’interrogatoire des témoins.

Le tribunal a déterminé que le témoignage par audio-vidéo était le moyen le plus approprié pour la recherche de la vérité, à la lumière des sévères restrictions de voyagement qui étaient en place à l’époque. Le tribunal a estimé que le témoignage par audio-vidéo était le moyen qui servirait le mieux les intérêts de l’accusé et a préféré ce moyen à l’obtention de preuve sur commission rogatoire conformément à l’article 184 de la LDN.

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Cour d’appel de la cour martiale

La section des appels du SCPM a été très occupée l’an dernier. Pour la liste complète des affaires qui ont été traitées ou qui sont en cours présentement à la CACM ou de la CSC, consultez les annexes B et C du présent rapport.

Ci-dessous, vous retrouverez un résumé de deux cas particulièrement remarquables en raison des questions d’importance qu’ils soulèvent : McGregor et Edwards et al.

Décisions rendues et nouveaux appels à la CACM

R c McGregor, 2020 CACM 8

À la suite de la décision de la CACM du 31 décembre 2020, le Cpl McGregor a demandé l’autorisation de faire appel à la CSC.  L’autorisation de faire appel a été accordée le 14 octobre 2021.

Lors de sa CMP, le Cpl McGregor a été reconnu coupable d’agression sexuelle en vertu de l’art. 130 de la LDN, contrairement à l’article 271 du Code criminel; de deux chefs d’accusation de voyeurisme en vertu de l’article 130 de la LDN, contrairement à l’article 162(1) du Code criminel; d’un chef de possession d’un dispositif d’interception clandestine de communications privées en vertu de l’article 130 de la LDN, contrairement à l’article 191(1) du Code criminel; d’un chef de conduite cruelle ou déshonorante contrairement à l’article 93 de la LDN; et d’un chef de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline contrairement à l’article 129 de la LDN.

Il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 36 mois et à une destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

La question principale dans cette affaire est de savoir si l’article 8 de la Charte s’appliquait ou non à la perquisition de la résidence du Cpl McGregor dans l’État de Virginie, aux États-Unis.

Cette affaire est intéressante pour le système de justice militaire car elle met en évidence ses différences par rapport à toute autre juridiction canadienne. Normalement, la Charte ne trouve pas application à l’extérieur du Canada puisque le Parlement n’a pas, en général, la compétence d’appliquer les lois canadiennes dans des États étrangers.  

Ceci empêche, par exemple, la possibilité pour un accusé de demander l’exclusion d’éléments de preuve recueillis à l’étranger en vertu de l’article 24(2) de la Charte. Un accusé peut néanmoins demander l’exclusion de ces éléments de preuve si leur admission rendait son procès inéquitable en vertu des articles 7 et 11(d) de la Charte.

Puisque le Code de discipline militaire (CDM) s’applique aux militaires à l’extérieur du Canada, la Charte accompagne l’application du CDM sur un territoire étranger. Cette compétence découle soit du consentement de la nation hôte, soit de l’obligation du Canada de maintenir le contrôle de ses forces en vertu du droit international. Il s’agit d’un exemple, auquel fait allusion l’arrêt R c Hape, 2017 CSC 26, d’un rare cas où la Charte s’applique à l’étranger avec la permission d’un autre pays ou par l’action d’une autre règle permissive du droit international.

Dans le cas du Cpl McGregor, la compétence du Canada en matière d’application de la loi découlait de la Convention sur le statut des forces de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, dont les États-Unis et le Canada sont signataires. Cet accord donnait aux enquêteurs canadiens une juridiction complète sur le Cpl McGregor alors qu’il se trouvait aux États-Unis. Selon les termes de la Convention, pourtant, la résidence du Cpl McGregor, de par son emplacement, était hors de portée des pouvoirs d’exécution directe des FAC. Les enquêteurs canadiens devaient demander l’aide des autorités américaines pour obtenir un mandat de fouille et perquisition.

Le Cpl McGregor prétend que la perquisition de son domicile en Virginie, aux États-Unis, et la saisie et la fouille subséquentes de ses appareils électroniques, bien qu’autorisées par un mandat américain, étaient illégales et violaient ses droits protégés par l’article 8 de la Charte. Cette proposition a été rejetée par le juge militaire et par la CACM.

Le MDN, au nom de Sa Majesté dans cet appel, affirme que si la Charte s’appliquait à toutes les autres étapes de l’enquête dans ce dossier, elle ne s’appliquait pas, et ne pouvait pas s’appliquer, à la perquisition de la résidence du Cpl McGregor puisque cette perquisition, effectuée en vertu de la loi de la Virginie, n’était pas une « question relevant de la compétence du Parlement », tel que stipulé à l’article 32 de la Charte.

L’audience a eu lieu le 19 mai 2022 et la CSC a réservée sa décision.

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Cour suprême du Canada

Décisions rendues

Aucune décision de la CSC n’a été rendue pendant la période de référence.

Demande d’autorisation d’appel

Indépendance et impartialité des tribunaux militaires

Comme indiqué dans le rapport annuel de la période de référence précédente, une série de décisions de la cour martiale concernant l’indépendance et l’impartialité des tribunaux militaires en vertu de l’article 11(d) de la Charte ont été portées en appel par le DPM. Le 11 juin 2021, la CACM a accueilli les appels du MDN et de nouveaux procès ont été ordonnés. 

Suite à cette décision, les accusés dans les affaires Edwards et al. ont demandé l’autorisation de porter appel devant la CSC le 10 septembre 2021. Depuis, plusieurs autres accusés ont demandé l’autorisation d’appel à la CSC pour les mêmes motifs : R c Proulx et Cloutier, 2021 CACM 3, R c Christmas, 2022 CACM 1, R c Brown, 2022 CACM 2, et R c Thibault, 2022 CACM 3.

Au moment de la rédaction du présent rapport, la CSC n’avait pas encore déterminé si les autorisations d’appel seront accordées.

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