Chapitre 2 : Bilan de l’année

2.1. Survol

20. Le SCPM a fourni des avis juridiques en réponse à 100 demandes d'avis préalables au dépôt d'accusations.  Le DPM a reçu 46 nouveaux renvois durant la période de référence et a complété un total de 46 cours martiales.  Neuf appels ont été complétés à la CACM et un appel a été conclu à la CSC.  Il y a eu une révision de l’ordonnance de maintien sous garde devant juge militaire au cours de cette période de référence.

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2.2 Évolution du système de justice militaire

21. La mise en œuvre du projet de loi C-77, entré en vigueur le 20 juin 2022, a entraîné des changements importants dans le système de justice militaire.  L'adoption des manquements d'ordre militaire, traités dans le cadre d'audiences sommaires, a eu un impact sur le nombre et les types de cas renvoyés devant les cours martiales.  Il existe désormais une distinction beaucoup plus nette entre les affaires qui peuvent être traitées de manière appropriée au niveau de l'unité et celles qui justifient une cour martiale.  Le nouveau système réduit également les délais après le dépôt d’accusations, puisque les cas ne transitent plus par une autorité de renvoi.  La personne qui porte une accusation renvoie désormais les accusations directement au DPM.

22. Depuis la mise en œuvre du projet de loi C-77, le SCPM fournit maintenant des conseils préalables à l'enquête conformément à la nouvelle exigence contenue dans l'article 102.02(2) des ORFC à tous les membres de la police militaire et au SNEFC.  Depuis juillet 2022, toutes les demandes d'avis juridiques du SCPM sont traitées électroniquement par le biais d'une boîte aux lettres électronique centralisée.  Cette période de rapport marque la première année où tous les nouveaux cas reçus par le SCPM ont été traités sous le nouveau régime. 

23. Dans le cadre de la nouvelle procédure, les demandes d'avis sont d'abord examinées par le DAPM ops, ou un délégué (ci-après DAPM ops), qui traite directement la question ou charge un procureur de s'en occuper. 

24. Lorsque cela est possible et approprié, le DAPM ops réoriente le dossier vers le système des audiences sommaires.  Pour ce faire, le DAPM ops examine le résumé des faits fourni par l'enquêteur à l'origine de la demande et évalue s'il est possible que l'affaire soit jugée par une cour martiale.  Si ce n'est pas le cas, DAPM ops indique clairement que si une accusation pour une infraction d’ordre militaire était portée, le DPM ne procéderait pas à une mise en accusation afin qu'elle soit jugée par une cour martiale (ce qui mettrait fin à l’affaire).  Cet effort de filtrage s'est avéré très efficace pour s'assurer que les cas qui peuvent être traités adéquatement au niveau de l'unité ne sont pas inutilement poursuivis devant la cour martiale.  Cette mesure favorise le traitement rapide des allégations d'inconduite au niveau le plus bas possible, tout en assurant le maintien de la discipline, de l'efficacité et du moral des FAC.

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2.3 Accord sur les principes et présomptions pour l'exercice de la compétence concurrente

25. En réponse aux recommandations 19 et 20 du Rapport du troisième examen indépendant de la Loi sur la défense nationale, et en collaboration avec les chefs des poursuites fédéraux-provinciaux-territoriaux, le DPM a adopté la Déclaration de principes et de présomptions pour l'exercice de la compétence concurrente par les autorités canadiennes chargées des poursuitesNote de bas de page 3 .

26. Nonobstant cette déclaration, et conformément à la directive provisoire du DPM mettant en œuvre la recommandation provisoire de Mme Arbour de ne plus poursuivre les infractions sexuelles au Code criminel devant le système de justice militaireNote de bas de page 4 , le DPM a informé le Comité fédéral-provincial-territorial des chefs des poursuites pénales de son approche à l'égard de ces infractionsNote de bas de page 5 .

27. Le DPM a ensuite publié la Directive sur la mise en œuvre de la Déclaration de la concernant les principes et présomptions relatifs à l'exercice de la compétence concurrente par les poursuivants canadiens le 29 février 2024Note de bas de page 6 .  Cette directive, ainsi que la Déclaration, contribueront à une approche cohérente des questions juridictionnelles entre militaires et civils et aideront à informer le public canadien sur la relation entre les systèmes de justice militaire et pénale.

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2.4 Système de gestion des cas (SGC)

28. Le SGC suit l'état d'avancement des dossiers et recueille des données aux stades de la pré-inculpation, de l'orientation, de la post-inculpation, de l'instruction et du procès.  Toutes les dates importantes associées à ces dossiers sont enregistrées dans le SGC, y compris, mais sans s'y limiter, les dates auxquelles le dossier a été transmis au DPM, lorsque le dossier a été assigné à un procureur, la date de la décision du procureur de procéder à une mise en accusation, ainsi que les dates clés des procédures en cour martiale.  Le SGC continue d'être amélioré périodiquement.

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2.5 Les dossiers en chiffres

Demandes d'avis juridiques préalables à l'enquête et pour les avis juridiques requis dans le cadre d'une enquête en cours.

29. Le SCPM a reçu 119 demandes d'avis juridiques préalables à l'enquête.  Parmi celles-ci, le DAPM ops en a réorienté 44 pour qu'elles soient traitées au niveau de l'unité par le biais du système d'audiences sommaires ou via tout autre moyen disponible.  Quatre autres demandes ont été réorientées vers le système de justice civile car elles concernaient des allégations d'infractions sexuelles au Code criminel

30. Le SCPM a reçu 56 demandes d'avis juridiques dans le cadre d'une enquête en cours.  Parmi ces demandes, le DAPM ops en a réorienté 13 pour qu'elles soient traitées au niveau de l'unité par le biais du système d'audiences sommaires ou via tout autre moyen disponible.  Deux autres demandes ont été réorientées vers le système de justice civile car elles concernaient des allégations d'infractions sexuelles au Code criminel

Avis préalables au dépôt d’accusations

31. Le SCPM a reçu 210 nouvelles demandes d'avis préalable au dépôt d'accusations.  Parmi celles-ci, le DAPM ops a réorienté 90 demandes pour qu'elles soient traitées au niveau de l'unité dès leur réception.  Douze autres dossiers ont été réorientés vers le système de justice civile car ils concernaient des allégations d'infractions sexuelles au Code criminel.  Les 98 dossiers restants ont été confiés à un procureur militaire pour un examen complet avant le dépôt d’accusation.

32. Outre les 98 nouvelles demandes d'avis préalable au dépôt d'accusations assignées aux procureurs militaires, 13 autres demandes ont été reportées de la période précédente.  Sur les 111 demandes totales, 100 dossiers d'avis préalable au dépôt d'accusations ont été traités au cours de la période couverte par le présent rapport, 11 dossiers étant encore en suspens à la fin de cette période. 

33. Le graphique suivant montre le nombre de demandes d'avis préalables au dépôt d'accusations complétées pour les cinq dernières périodes de référence:

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Répartition du graphique : nombre de demandes d'avis préalables au dépôt d'accusations complétées pour les cinq dernières périodes de référence
2019/20 2020/21 2021/22 2022/23 2023/24
122 71 87 142 100

Nombre de renvois reçus au cours de la période de référence

34. Au cours de la période couverte par le présent rapport, le DPM a reçu 46 nouveaux dossiers suivant le dépôt d’accusations. 

35. Le tableau suivant montre le nombre de nouveaux dossiers reçus par le SCPM au cours des cinq dernières périodes de référence :

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Répartition du graphique : nombre de nouveaux dossiers reçus par le SCPM au cours des cinq dernières périodes de référence
2019/20 2020/21 2021/22 2022/23 2023/24
76 76 91 60 46

Mises en accusation, décisions de ne pas donner suite à une accusation

36. Au cours de la période couverte par le présent rapport, les procureurs ont pris des décisions postérieures au dépôt d'accusations dans 53 dossiers.  Quinze de ces décisions ont été prises sur des dossiers reçus avant le début de la période de référence.  Par conséquent, sur les 46 renvois reçus cette année, 8 dossiers étaient toujours en attente d'une décision du procureur à la fin de la période couverte par le présent rapport.

37. Sur les 53 examens post-accusation réalisés au cours de la période couverte par le présent rapport, les procureurs ont procédé à une mise en accusation dans 46 dossiers.  Aucune mise en accusation n’a été prononcée dans 7 dossiers.  Le taux de mise en accusation pour cette période de référence est donc de 87%.

38. Le graphique suivant montre le nombre de mise en accusation, de décision de ne pas prononcer une mise en accusation pour les cinq dernières périodes de rapport.  Les années précédentes montrent également le nombre de renvois d'accusations à l'unité pour un procès sommaire, une option qui n'existe plus depuis C-77 :

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Répartition du graphique : nombre de mise en accusation, de décision de ne pas prononcer une mise en accusation par période de référence et de renvoi de l’accusation à l’unité pour un procès sommaire
  2019/20 2020/21 2021/22 2022/23 2023/24
Dossiers renvoyés à l’unité 0 6 3 6 0
Dossiers sans mise en accusation 31 15 21 11 7
Mises en accusation 56 55 51 41 46

Taux de mise en accusation par organisme d’enquête

39. L'incident à l'origine des accusations peut techniquement faire l'objet d'une enquête par l'un des trois organismes d'enquête militaires : le SNEFC, un enquêteur de la police militaire qui n'est pas membre du SNEFC ou un enquêteur de l'unité.  Après l'adoption de la loi C-77, les enquêtes d'unité sont rarement appropriées pour les incidents qui justifient une cour martiale.  Bien que la police militaire puisse enquêter sur des manquements d'ordre militaire dans certaines circonstancesNote de bas de page 7 , il devrait être extrêmement rare qu'une enquête d'unité mène au dépôt d'accusations d'infractions d'ordre militaire.  Si l'allégation est suffisamment grave pour justifier une cour martiale, l'enquête doit être menée par un enquêteur de police professionnel. 

40. Le taux de mise en accusation varie d'un organisme d'enquête à l'autre, car leurs enquêteurs ont des niveaux d'expérience, de compétence et de formation différents.  Le refus de procéder à une mise en accusation suivant un renvoi peut également résulter de changements concrets liés à l'affaire qui surviennent suite au dépôt des accusations et avant l'achèvement de l'examen postérieur à l'inculpation.

41. Au cours de la période de référence, les taux de mise en accusation sont:

  1. Dossiers enquêtés par le SNEFC : 100% (5 dossiers sur 5 ont mené à une mise en accusation);
  2. Dossiers enquêtés par la police militaire régulière : 87% (41 dossiers sur 47 ont mené à une mise en accusation); et
  3. Dossiers enquêtés par un enquêteur de l'unité : 0% (0 dossier sur 1 a mené à une mise en accusation).

42. La figure suivante donne un aperçu des taux de mise en accusation par organisme d'enquête au cours des cinq dernières périodes de référence :

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Répartition du graphique : taux de renvoi préférentiel par organisme d'enquête au cours des cinq dernières périodes de référence
  2019/20 2020/21 2021/22 2022/23 2023/24
SNEFC 79 96 86 89 100
Police militaire 77 95 78 79 87
Unité 46 46 48 50 0

Cours martiales terminées

43. Cette section fournit un aperçu et une analyse des cas entendus par une cour martiale au cours de la période de référence.  Pour une liste complète de toutes les cours martiales complétées durant l’année, veuillez-vous référer à l'annexe A.

44. Au total, 46 cours martiales ont été complétées au cours de la période visée par le présent rapport.  De ce nombre, 38 étaient des cours martiales permanentes et 8 des cours martiales générales.  De plus, dans 4 cas, toutes les accusations qui avaient été portées à l'origine ont été retirées avant le début du procès, ce qui a entraîné la conclusion de l'affaire.

45. Le diagramme suivant illustre le nombre de cours martiales terminées par type pour les cinq dernières périodes de référence:

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Répartition du graphique : nombre de cours martiales terminées par type pour les cinq dernières périodes de rapport
  2019/20 2020/21 2021/22 2022/23 2023/24
Cour martiale générale 10 7 12 11 8
Cour martiale permanente 45 27 36 30 38

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2.6 Dossiers en cour martiale

46. L'annexe A fourni un survol de toutes les cours martiales complétées au cours de la période couverte par le présent rapport. 

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2.7 Appels significatifs

47. La liste complète des affaires complétées à la CACM figure à l'annexe B.  La liste des cas devant la CSC se trouve à l'annexe C.

R c Crouch, 2023 CACM 11

48. La poursuite a fait appel de l'acquittement du caporal Crouch par la cour martiale générale pour deux accusations d'actes indécents en vertu de l'article 130 de la LDN et de l'article 173 du Code criminel.  Le caporal Crouch était accusé de s'être exposé et de s'être masturbé devant une amie et une collègue.  Les seuls témoins à comparaître étaient le plaignant et le caporal Crouch.  Ce dernier a nié les allégations.

49. L'appelant a affirmé que le juge militaire avait commis une erreur : (1) en autorisant des preuves inadmissibles de mythes et de stéréotypes en relation avec la conduite du plaignant; (2) en omettant de corriger une déclaration faite par l'avocat de la défense dans ses conclusions finales; et, (3) en omettant d'instruire correctement le panel en relation avec les preuves et les conclusions finales.

50. La CACM a rejeté l'appel et confirmé les acquittements.  La Cour n'a pas trouvé que les questions posées à la plaignante comportaient des stéréotypes inadmissibles.  Le juge militaire a correctement instruit le panel que ces questions n'étaient pas pertinentes et que les questions ne sont pas des preuves.

51. La CACM s'est ralliée à la position de l'appelant selon laquelle la défense a invoqué un raisonnement stéréotypé inadmissible dans ses plaidoiries finales, et que les instructions au comité sur la manière de traiter ces commentaires auraient pu être plus complètes.  Cependant, la Cour a estimé que, cumulées, ces erreurs n'ont pas eu d'impact matériel sur le verdict.

R c Ellison, 2024 CACM 3

52. Le major Ellison était accusé de quatre infractions liées à la fraude.  Alors qu'il était chirurgien d'escadre et chef de détachement d'un département des services de santé des FAC à North Bay (Ontario), il aurait rédigé des ordonnances de médicaments contrôlés au nom de tiers au profit de son épouse. 

53. Le major Ellison a été acquitté de tous les chefs d'accusation (R c Ellison 2023 CM 5002) à l'issue de sa cour martiale permanente, qui s'est tenue en avril 2023.  La juge militaire a conclu qu'aucune preuve prima facie n'avait été établie pour chaque chef d'accusation, car la poursuite n'avait pas présenté de preuves sur certains ou tous les éléments essentiels de chaque infraction. 

54. La poursuite a fait appel de cette décision en faisant valoir que le juge militaire n'avait pas correctement appliqué le critère de la présomption de culpabilité pour chacun des chefs d'accusation soumis à la Cour, en particulier en ce qui concerne l'élément de privation, tel qu'il s'applique aux infractions de fraude.

55. La CACM a accueilli l'appel, annulé les acquittements et ordonné un nouveau procès.  La Cour a estimé que la juge militaire avait commis des erreurs significatives dans l'application du test prima facie.  Pour la fraude, les éléments essentiels comprennent la preuve d'une privation malhonnête.  Contrairement à la position de la juge militaire, la CACM a réitéré que la preuve d'un risque de privation, sans preuve de privation réelle, est suffisante pour satisfaire la norme de preuve requise pour les accusations liées à la fraude.  La CACM a déterminé qu'il y avait de la preuve d’un risque de privation et que, par conséquent, la juge militaire avait eu tort de conclure que l'accusation n'avait pas atteint le seuil prima facie.

R c Vu, 2024 CSC 1

56. Le soldat Vu a été accusé d'un chef d'Agression sexuelle et de trois chefs d'accusation liés au voyeurisme.  Tous les chefs d'accusation sont liés à un acte sexuel qu'il a pratiqué sur une plaignante extrêmement intoxiquée.  La capacité de la plaignante à consentir était au cœur de l'affaire.

57. Le soldat Vu a été acquitté de tous les chefs d'accusation lors de sa cour martiale permanente.  La poursuite a fait appel devant la CACM, arguant que le juge militaire n'avait pas pris en compte toutes les preuves de manière cumulative et avait évalué les preuves sur la base de principes juridiques erronés.  La majorité de la CACM a rejeté l'appel. 

58. La Couronne a ensuite fait appel devant la CSC.  L'audience a eu lieu le 16 janvier 2024 et s'est concentrée sur deux questions centrales : (1) si le juge militaire a omis de prendre en compte tous les éléments de preuve cumulativement en ce qui concerne la capacité de consentir à un acte sexuel; et, (2) si le juge militaire a spéculé de manière inappropriée.

59. L'appel a été rejeté du Banc.  Une majorité de six juges a estimé qu'il n'y avait aucune raison d'interférer avec l'évaluation de la preuve par le juge militaire.  Bien qu'ils aient reconnu que les spéculations auxquelles s'est livré le juge militaire étaient inappropriées, ils n'étaient pas convaincus qu'elles avaient eu un impact sur l'acquittement.  Cette décision souligne le haut degré de déférence que les cours d'appel accorderont aux juges de première instance.

60. Dans son opinion dissidente, la juge O'Bonsawin a indiqué qu'elle aurait accueilli l'appel car elle estimait que le juge militaire n'avait pas évalué les preuves de manière cumulative.

R  c  Edwards et autres, 2024 CSC 15

61. La CSC a entendu cet appel le 16 octobre 2023.  L'arrêt a été rendu le 26 avril 2024.  La décision affirme que le statut des juges militaires est indépendant et constitutionnel. 

62. La date de la décision de la CSC se situant en dehors de cette période de rapport, le résumé de l'affaire sera inclus dans le prochain rapport annuel.

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2024-11-13