Préface

Des milliers de Canadiens et Canadiennes ont servi et le font encore, avec honneur, au sein de l’une des organisations les plus prestigieuses du pays : les Forces armées canadiennes (FAC). Cependant, pour plusieurs, cette possibilité leur a été refusée. Les membres de la communauté LGBTQ2+ furent écartés. Les membres des communautés autochtones et noires, et d’autres minorités visibles et membres de groupes en quête d’équité, ont été largement absents et n’étaient manifestement pas les bienvenus. Pendant des années encore, les femmes furent tout simplement exclues.

Quand on a finalement permis aux femmes de servir, on leur a fait sentir qu’elles n’étaient pas à leur place. Des possibilités de concourir et de s’épanouir leur ont été refusées. Elles ont été harcelées, humiliées, maltraitées et agressées et, chose consternante, plusieurs continuent encore d’être ciblées aujourd’hui.

Dans le cadre de mon examen, les histoires les plus poignantes que j’ai entendues étaient celles de rêves brisés et de désillusions. Beaucoup de ces témoignages ont déjà été racontés. Des efforts ont été déployés pour renverser cette réalité honteuse, mais il reste encore beaucoup à faire.

Les FAC recrutent depuis longtemps au sein des familles de militaires. J’ai été plutôt surprise d’entendre que plusieurs membres actifs des FAC, y compris des officiers supérieurs, n’encourageraient pas leur(s) fille(s) à s’enrôler aujourd’hui. En effet, le dévoilement au grand jour de l’inconduite sexuelle dans les FAC a été aussi néfaste que l’aurait été une défaite au combat pour démoraliser les troupes et choquer les Canadiens et Canadiennes.

Au-delà de leur volonté accrue de témoigner publiquement de leurs histoires personnelles, les femmes se sont mobilisées pour demander un redressement. J’ai entendu d’incroyables témoignages de courage et de résilience de la part de femmes qui sont déterminées à se battre pour occuper la place qui leur revient au sein des FAC. Cette mobilisation extraordinaire des femmes – plaignantes, victimes, survivantes et alliées – a été l’impulsion irréversible d’un changement profond et radical. Le changement de culture que les FAC ont entrepris ne peut se permettre d’échouer. Par-dessus tout, les FAC se doivent d’être à la hauteur des valeurs qu’elles disent incarner et défendre au pays et à l’étranger, et ce, au nom des anciens, ainsi que des membres actuellement dans les rangs et à venir, ces valeurs étant le devoir, la loyauté, l’intégrité et le courage.

Aussi difficile que cela puisse être, cette organisation doit faire preuve de suffisamment d’humilité pour accepter de l’aide externe et pour s’ouvrir au monde extérieur.
Un changement significatif reposera sur la volonté politique et la détermination des civils qui chapeautent les FAC. Cependant, ce changement ne se produira pas sans le soutien des dirigeants des FAC et, ultimement, sans la bonne volonté de tous leurs membres qui, chaque jour, se voient confier le devoir de protéger notre pays, et qui le font en notre nom.

Je crois, j’espère, qu’ils y arriveront.

Louise Arbour

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