Protéger la concurrence dans le secteur de l’alimentation au Canada
Discours
Allocution de Matthew Boswell, commissaire de la concurrence
Innovations alimentaires Canada 2020 – Fédération canadienne des épiciers indépendants
Le 25 novembre 2020
(Le discours prononcé fait foi)
Bonjour à tous. Je vous remercie pour cette aimable présentation, et je remercie la Fédération canadienne des épiciers indépendants de m’avoir invité à vous parler aujourd’hui. Je suis heureux d’avoir l’occasion de discuter du rôle de l’application de la loi en matière de concurrence dans le secteur de l’alimentation.
Au cours de la dernière année, les Canadiens ont été témoins de tout ce dont le secteur de l’alimentation est capable en temps de crise. Un simple coup d’œil aux statistiques sur le montant dépensé par les Canadiens en épicerie et à la quantité de produits disponibles toute l’année rappelle rapidement que votre travail est important et à quel point il est essentiel pour tous les Canadiens.
La concurrence entraîne la résilience et l’adaptabilité
La pandémie nous a montré l’importance des prix bas et du choix pour les consommateurs, de même que la mesure dans laquelle il est essentiel d’avoir des chaînes d’approvisionnement résilientes et adaptables qui peuvent répondre à de grandes perturbations, comme celles dont nous avons fait l’expérience ces derniers mois. La pandémie nous rappelle également la nature physique inévitable du processus qui amène la nourriture à nos tables, et ce, malgré le fait que les consommateurs aient massivement accéléré leur utilisation des services d’épicerie et de livraison en ligne. Je suis convaincu que de nombreux Canadiens, en particulier ceux qui vivent dans les grandes villes, ont pensé à la réalité qui entoure la chaîne d’approvisionnement pour la première fois depuis longtemps. Que nous ayons réussi à traverser jusqu’à maintenant cette période difficile sans perturbations majeures témoigne de l’impact de la pandémie et de la force de la réponse à tous les échelons de la chaîne d’approvisionnement en alimentation.
En ce qui concerne cette résilience et cette adaptabilité, je suis d’avis que la concurrence a un rôle important à jouer. Tout comme l’économie, un marché plus concurrentiel et diversifié peut mieux répondre et s’adapter aux défis inattendus. Des marchés ouverts et concurrentiels assurent aux entreprises de toutes les tailles qu’elles peuvent y participer et réussir ou échouer selon le mérite de leur travail, tout en créant un environnement qui récompense les sociétés qui innovent et créent de la valeur. Lorsque le Bureau applique la loi en matière de concurrence d’une manière forte et fondée sur des principes, il protège et favorise le processus concurrentiel, de sorte que les marchés canadiens soient plus résilients et adaptables.
Le droit de la concurrence au Canada
Il vaut la peine de faire le point sur les tenants et aboutissants du droit de la concurrence au Canada. Nous avons récemment vu ressurgir le débat sur la question d’un code de conduite entre les fournisseurs et les détaillants dans le secteur de l’alimentation, à la manière des codes de conduite en vigueur au Royaume-Uni et en Australie. L’objectif de tels codes est d’aborder ce que de nombreuses personnes considèrent comme un déséquilibre du pouvoir entre les grands détaillants et leurs fournisseurs et de décourager les comportements déloyaux de la part des grands détaillants.
Dans sa forme actuelle, le droit de la concurrence au Canada est axé sur les comportements qui peuvent éventuellement restreindre l’intensité de la concurrence et nuire à la concurrence par le mérite. Le droit de la concurrence au Canada ne réglemente pas les déséquilibres en matière de pouvoirs de négociation, et le Bureau, dans son rôle actuel, ne peut pas élaborer ni contrôler l’application d’un code de conduite pour aucune industrie. Toutefois, le Bureau peut fournir un point de vue en faveur de la concurrence aux décideurs politiques de tous les ordres de gouvernement, et il continue de le faire au besoin.
Nos efforts d’application de la loi se regroupent dans quatre catégories : traiter les fusions anticoncurrentielles, mettre un frein aux comportements abusifs des entreprises dominantes, démanteler les cartels criminels et enrayer les pratiques commerciales trompeuses. Le Bureau a déployé des efforts actifs d’application de la loi dans le secteur de l’alimentation, plus récemment dans le cadre de son enquête sur le comportement de Loblaw envers ses fournisseurs et de son enquête en cours sur un cartel allégué de fixation du prix du pain.
Le droit de la concurrence est rarement noir ou blanc comme on pourrait le croire à première vue, ce qui fait en sorte que le Bureau doit explorer les zones grises spécifiques à chaque affaire. Cela signifie que, pour chaque affaire que le Bureau entame, il doit faire un examen complet et exhaustif des faits pertinents au Canada avant de conclure s’il y a eu infraction à la Loi sur la concurrence.
Pour revenir au déséquilibre des pouvoirs de négociation, la différence est parfois mince entre une négociation difficile et un comportement anticoncurrentiel. L’intention de réduire les incitatifs à livrer concurrence, comme un détaillant qui refile la note de la concurrence au détail à ses fournisseurs, peut faire basculer ce que certains considèrent comme de simples négociations difficiles de la part d’un grand détaillant vers une infraction à la Loi sur la concurrence. Lorsque le Bureau enquête sur des plaintes logées par de vigilants participants au marché, il mène toujours une enquête approfondie afin de veiller à ce qu’il puisse clairement déterminer si le comportement tombe du côté d’une concurrence vigoureuse ou d’un comportement anticoncurrentiel.
L’enquête sur Loblaw
En 2017, nous avons mis fin à une enquête sur des allégations selon lesquelles Les Compagnies Loblaw limitée avait eu une conduite contraire aux dispositions sur l’abus de position dominante de la Loi sur la concurrence. L’enquête exhaustive du Bureau sur des politiques potentiellement anticoncurrentielles de Loblaw envers ses fournisseurs montre l’importance d’être prêt à composer avec les zones grises afin d’établir clairement où se trouve la ligne. Notre enquête a porté sur plusieurs pratiques concernées par les allégations d’une intention anticoncurrentielle. Bien que Loblaw ait mis fin à un certain nombre de ces pratiques au cours de l’enquête, il était important pour le Bureau de terminer son enquête afin de confirmer si ces pratiques atteignaient le seuil d’une conduite anticoncurrentielle. Bien que les éléments de preuve n’aient pas suffisamment appuyé les allégations, il était nécessaire de terminer l’enquête afin de tirer des conclusions éclairées et d’être entièrement transparent envers le marché à propos de nos conclusions. Cela étant dit, nous savons que les faits peuvent être très différents dans l’avenir, même au sein d’un même marché, et qu’ils peuvent justifier une nouvelle enquête.
La collaboration entre concurrents
Dans le même ordre d’idées, les comportements qui se ressemblent en principe peuvent, en pratique, avoir des effets considérablement différents sur la concurrence. Cette différence peut être particulièrement importante en ce qui concerne la collaboration entre concurrents, qui peut concerner tant des groupes d’achat proconcurrentiels constitués de petits joueurs que des comportements de cartels criminels, infraction la plus grave dans le droit de la concurrence canadien. Il importe donc de souligner le besoin de clarté et de communication ouverte concernant les limites appropriées de la collaboration dans un marché en perpétuelle évolution. Le Bureau a relevé ce défi plus tôt cette année en publiant des lignes directrices révisées sur la collaboration entre concurrents aux fins de consultation et un énoncé sur la flexibilité en matière de collaboration pendant la pandémie. Cet énoncé, motivé par les circonstances exceptionnelles actuelles, reconnaît que la pandémie peut demander l’établissement rapide de collaborations entre concurrents d’envergure et de durée limitées afin d’assurer la fourniture et prestation des produits et services essentiels aux Canadiens.
Toutefois, je voudrais m’attarder au récent intérêt porté par le Comité de l’industrie de la Chambre des communes envers les communications entre certains concurrents dans le secteur de l’alimentation concernant le salaire des employés. De manière générale, les communications entre concurrents concernant le salaire des employés n’apparaissent pas liées à la réponse efficace à la pandémie, et j’ai été préoccupé d’entendre que de telles discussions avaient eu lieu. Je souhaite profiter de cette occasion pour rappeler qu’il est essentiel que toutes les entreprises demeurent conscientes de leurs obligations en vertu de la Loi sur la concurrence et faire remarquer également que l’augmentation de la collaboration entre concurrents comporte le risque que les entreprises continuent sur une pente glissante. Maintenant plus que jamais, les Canadiens s’attendent et ont droit à ce que les entreprises se livrent une concurrence vigoureuse pour obtenir leur argent durement gagné.
En gardant cela en tête, je souhaite réaffirmer l’engagement du Bureau de protéger la concurrence, en particulier dans un marché aussi essentiel que le vôtre. Nous devons tous travailler ensemble durant une crise, et nous devons continuer de veiller à ce que ceux qui détiennent un pouvoir de marché ne nuisent pas au processus concurrentiel.
Le Bureau est responsable de protéger les Canadiens contre les pratiques anticoncurrentielles, et je m’engage devant vous à ce que nous continuions de travailler avec tous les secteurs pour aider à relever les nombreux défis dont nous avons tous fait l’expérience en raison de la pandémie.
Je vous remercie de m’avoir reçu, et je suis impatient de répondre à vos questions.
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