Chapitre 4 – L'étos des Forces armées canadiennes
Section 4.1 – Introduction
L’éthos est défini dans L’éthos des Forces armées canadiennes : digne de servir comme « l’esprit caractéristique d’une culture, d’une communauté ou d’une organisation, tel qu’il se manifeste dans ses croyances et ses aspirationsNote de bas de page 48 ». La figure 4.1 est une représentation visuelle de l’éthos militaire canadien.
Tableau 4.1 – L’éthos des Forces armées canadiennes
Principes étiques
- Respecter la dignité de toute personne
- Servir le Canada avant soi-même
- Obéir à l'autorité légale et l'appuyer
Valeurs militaires
- Loyauté
- Intégrité
- Courage
- Excellence
- Inclusion
- Responsabilité
Attentes professionnelles
- Devoir
- Accepter la responsabilité illimitée
- Esprit combatif
- Leadership
- Discipline
- Travail d'équipe
- Disponibilité opérationnelle
- Intendance
Description longue
Le graphique représente l'éthos des FAC divisé en ses éléments constitutifs de trois principes éthiques au sommet, avec les six valeurs militaires et les huit attentes professionnelles côte à côte sous les principes éthiques.
Bien qu’une description complète de l’éthos présenté au tableau 4.1 soit fournie dans Digne de servir, la suite de ce chapitre explore l’éthos en ce qui concerne ses fonctions, les impératifs fondamentaux, les valeurs canadiennes et les vertus universelles, ainsi que les concepts de confiance, de caractère, de compétence et d’engagement. Digne de servir ainsi que le Code de valeurs et d’éthique des FC et du MDNNote de bas de page 49 définissent qui nous devrions être et comment nous devrions servir en tant que professionnels militaires et partenaires de l’Équipe de la Défense.
Parmi les dix-sept éléments de l’éthos, le principe éthique de respecter la dignité de toute personne mérite un examen particulier dans le contexte de la profession des armesNote de bas de page 50 Il représente un principe fondamental de l’humanité, qui exige une application constante et universelle. Même dans le contexte le plus éprouvant du service militaire, comme le combat, les membres des FAC doivent tenir compte de ce principe. À un certain niveau, il s’agit d’un paradoxe fondamental du service militaire en ce sens que la fonction fondamentale de la force armée – celle de s’engager dans des actions qui entraîneront probablement des blessures ou la mort d’adversaires – va à l’encontre de ce principe éthique. Cependant, à un niveau plus profond, ce paradoxe peut être résolu par une réflexion sur l’objectif de la défense nationale. La défense nationale est la défense du Canada et des intérêts canadiens : c’est la défense des Canadiens et des habitants du pays. Cela peut signifier qu’il peut être nécessaire d’ôter la vie à une personne menaçant la vie d’autres personnes, conformément au droit canadien et international applicable. Les membres de la profession des armes respectent ce principe éthique, l’étendant même à l’adversaire le plus endurci. La profession des armes au Canada concerne la menace ou l’utilisation de la force militaire pour protéger d’autres personnes.
Section 4.2 – L’éthos des Forces armées canadiennes et sa fonction dans la profession des armes
L’éthos des FAC remplit plusieurs fonctions. En premier lieu, il exploite les autres caractéristiques professionnelles que sont la responsabilité, l’expertise et l’identité en établissant les principes éthiques souhaités, les valeurs militaires, les attentes professionnelles et les normes de comportement professionnel qui agissent comme un esprit unificateur – un esprit combatif – pour tous les professionnels militaires. L’éthos guide la façon dont nous appliquons notre expertise militaire de manière vertueuse et efficace, c’est-à-dire avec professionnalisme.
L’éthos militaire est aussi un cadre qui permet de s’adapter dans deux directions. Premièrement, il permet aux militaires de s’adapter continuellement, car l’éthos est enraciné dans une approche fondée sur les valeurs pour guider le comportement. Cette approche laisse place à une interprétation vertueuse à mesure que la société et les normes évoluent. Deuxièmement, cette souplesse permet également de s’assurer que l’éthos demeure pertinent pour les diverses sous-cultures qui se forment inévitablement dans une profession collective comme les FAC. Il s’agit des commandements, des branches et des métiers qui ont tous des façons distinctes d’être et d’agir dans les limites de l’éthos commun des FAC, qui est énoncé dans Digne de servir.
L’éthos militaire sert également de fondement à la façon dont les professionnels militaires au Canada dirigent leur personnel. Il façonne la façon dont nos chefs commandent, dirigent, gèrent et perfectionnent d’autres professionnels militaires. Les chefs – à tous les niveaux – ont une profonde influence sur la culture militaire. Bien qu’il incombe à chaque militaire d’assurer une culture militaire saine, les chefs ont une incidence considérable par les exemples qu’ils donnent, les normes qu’ils exigent, le soutien qu’ils apportent, ainsi que les décisions qu’ils prennentNote de bas de page 51.
Au niveau institutionnel, l’éthos établit les fondements à partir desquels la politique et la doctrine du personnel doivent être façonnées, grâce au jugement de nos chefs institutionnels, de nos commandants en second et des MR occupant des postes supérieurs. Les décisions institutionnelles ont une incidence importante et de grande portée sur les professionnels militaires dans l’ensemble des FAC et doivent s’harmoniser avec les principes, les valeurs et les attentes de l’éthos pour assurer une culture professionnelle saine. Lorsqu’il est combiné à un leadership direct et institutionnel, le pouvoir de l’éthos militaire d’unifier et de façonner l’expertise, la responsabilité et l’identité militaires est inégalé.
Section 4.3 – Les valeurs canadiennes et la profession des armes
La légitimité sociale de la profession des armes pour s’acquitter de sa fonction militaire est fondée sur la façon dont les professionnels militaires incarnent et vivent les valeurs mêmes qu’ils défendent. Les professionnels militaires ne sont peut-être plus des civils, mais ils demeurent des citoyens responsables et doivent donc refléter le meilleur des valeurs canadiennes. Ces mêmes valeurs façonnent la culture militaire, même lorsqu’elles sont adaptées aux fins de la défense du Canada et des intérêts canadiens. Pour cette raison, une expression officielle des valeurs canadiennes est importante.
Les valeurs canadiennes
Les valeurs canadiennes jouent un rôle déterminant dans l’éthos militaire. Les valeurs du Canada sont exprimées dans des lois comme les Lois constitutionnelles de 1867 à 1982 et la Charte canadienne des droits et libertésNote de bas de page 52. D’autres documents nationaux, comme le guide d’étude fédéral pour devenir citoyen canadien, Découvrir le Canada, éclairent davantage notre compréhension des valeurs canadiennesNote de bas de page 53.Dans une perspective plus vaste, la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies présente trente articles exprimant des principes fondamentaux qui reflètent les valeurs canadiennesNote de bas de page 54. Tous ces droits, libertés et valeurs trouvent un écho dans le droit canadien et dans divers sondages et recherches sur l’opinion publiqueNote de bas de page 55. Cependant, seule la publication Découvrir le Canada décrit les six responsabilités fondamentales des citoyens canadiens : respecter les lois, répondre à ses propres besoins et à ceux de sa famille, faire partie d’un jury, voter aux élections, offrir de l’aide aux membres de la communauté et protéger notre patrimoine et notre environnement.
Ces valeurs et responsabilités se reflètent en grande partie dans l’éthos de nos trois principes éthiques et de nos six valeurs militaires. L’éthos est cependant un esprit caractéristique d’une organisation et ne représente pas toute la gamme des valeurs et des comportements connexes qui doivent constituer la culture militaire. Il est donc nécessaire de mieux délimiter la façon dont une personne, en tant que professionnel militaire, devrait mieux vivre ces valeurs canadiennes au sein des forces armées. Pour ce faire, nous nous tournons vers le cadre de IVANote de bas de page 56, qui comprend trente vertus universelles et forces de caractère, ainsi que vers le cadre du caractère des leaders d’IveyNote de bas de page 57, qui comprend onze dimensions de caractère et soixante-deux comportements de soutien, afin de renforcer les valeurs canadiennes et les approches du leadership militaire. Les professionnels militaires doivent adopter ces nouveaux cadres afin que nos équipes de plus en plus diversifiées fonctionnent de manière plus positive et soient dirigées par un éventail plus large d’approches de leadership inclusives, non seulement parce que c’est la bonne façon d’être, mais aussi parce que cela conduit à un bien-être accru et à une excellence militaire soutenue, qui s’harmonisent tous deux avec notre éthos militaire.
Section 4.4 – Intérioriser l’éthos, les impératifs fondamentaux et l’importance de la confiance
La fiabilité des FAC est fondamentalement enracinée dans la façon dont la société et le gouvernement perçoivent le niveau de professionnalisme dont font preuve les militaires canadiens. La fiabilité même des forces armées joue un rôle décisif dans la formation de l’impératif fonctionnel – déterminer la mesure dans laquelle la société et le gouvernement accordent aux forces armées l’autonomie et les ressources nécessaires pour s’autoréguler au sein de la profession afin d’assurer l’efficacité militaire. Sur le plan interne, c’est la confiance entre les dirigeants et les dirigés, et entre leurs différentes équipes militaires, qui détermine le degré de cohésion et d’efficacité de la force militaire dans l’accomplissement de sa mission. Pour instaurer cette confiance, l’éthos militaire et l’expertise militaire doivent être pratiqués quotidiennement afin d’imprégner l’institution et d’influer sur le rendement de ses membres. Ce professionnalisme est obtenu grâce à un engagement à poursuivre l’excellence au moyen de l’apprentissage par l’expérience sous forme de socialisation.
La socialisation est un aspect intégral et continu de l’avancement du professionnalisme, caractérisé par un effort continu pour développer à la fois le caractère et la compétence. La socialisation n’est pas un processus périodique. Il s’agit d’un processus informel et continu par lequel les personnes acquièrent une identité personnelle et apprennent les normes, les valeurs, le comportement, les compétences sociales et l’expertise correspondant à leur poste au sein de l’organisation. Il doit s’agir d’un processus d’apprentissage informel essentiel qui accélère l’apprentissage et, par conséquent, le rendement. La socialisation et le développement de l’habitude de vivre l’éthos militaire ne sont pas moins importants que les opérations. En fait, l’efficacité des opérations repose sur le militaire comme exemple de l’éthos militaire.
La notion de responsabilité est au cœur de ce processus d’apprentissage social. Chaque membre des FAC est responsable vis-à-vis de lui-même, de son entourage et des normes de la profession. Chaque membre des FAC a un rôle à jouer dans la création d’un environnement où tout le monde est inspiré et soutenu pour devenir la meilleure incarnation possible d’un professionnel militaire. Il s’agit d’un environnement dans lequel l’échec doit être accepté comme une méthode positive d’apprentissage si l’on veut que la profession innove et évolue de manière saine. L’humilité et l’engagement continu à poursuivre l’amélioration doivent dominer la profession militaire. Tous les membres doivent faire la distinction entre le moment où le rendement est exigé et le moment où l’apprentissage doit avoir lieu.
Dans la pratique, il y a une tension inhérente entre l’apprentissage et le rendement. Bien qu’ils s’éclairent mutuellement, se concentrer uniquement sur le rendement aura pour conséquence involontaire de le saper. Le meilleur environnement pour l’apprentissage est un espace psychologique sûrNote de bas de page 58 , où l’échec est une partie attendue et acceptée du processus d’apprentissage. L’innovation ne peut être libérée que dans un tel environnement. La clé de cette approche de perfectionnement est l’exigence d’humilité, de curiosité et d’esprit de croissanceNote de bas de page 59 qui doit imprégner tous les membres de la profession des armes. La meilleure façon d’y parvenir est d’instaurer la confiance mutuelle. Pour cela, nous revenons à notre modèle de fiabilité.
Le caractère dans la profession des armes
Le caractère des professionnels militaires repose sur les trois principes éthiques de l’éthos, qui jouent un rôle clé pour s’assurer que les militaires demeurent subordonnés au gouvernement démocratiquement élu du Canada et collaborent bien avec les fonctionnaires fédéraux du ministère de la Défense nationale pour s’acquitter de leur responsabilité commune. Les trois principes éthiques et les six valeurs militaires garantissent également que la force armée reflète les valeurs et les normes de la société dans une mesure appropriée. Pris ensemble, ces principes et valeurs, s’ils sont intériorisés et vécus, façonnent notre identité en tant que professionnels militaires.
Le caractère se manifeste également dans la manière dont la profession des armes aborde le leadershipnote de bas de page 60. Notre identité détermine notre façon de diriger; le tempérament joue un rôle crucial dans la façon de diriger. Une efficacité militaire soutenue exige des chefs authentiques et inclusifs qui dirigent avec une force de caractère personnelle et professionnelle. Pour établir un lien plus fort et diriger efficacement un plus large éventail de professionnels et d’équipes militaires diversifiés, il est essentiel de développer un ensemble plus complet de comportements de leadership positifs, fondés à la fois sur les valeurs canadiennes et les vertus universelles, allant au-delà de ce qui est uniquement véhiculé dans l’éthos. L’importance de la manière dont ces valeurs et ces vertus interdépendantes favorisent un meilleur jugement et une meilleure prise de décision militaire est au cœur de ce concept du caractère du leaderNote de bas de page 61.
La compétence dans la profession des armes
À la base, la compétence incarne la recherche de la maîtrise de l’efficacité militaire : le développement, le maintien et l’innovation de l’expertise. Cela exige un engagement à perfectionner et à élargir continuellement les connaissances, les compétences, les habiletés et les processus associés au système général de guerre et de conflit, si nous voulons atteindre le plus haut niveau de compétence et de préparation possible pour servir les intérêts du Canada en matière de sécurité. La compétence au sein de l’éthos des FAC est largement exprimée par les huit attentes professionnelles – ce que font les professionnels militaires. La compétence exige des niveaux élevés de leadership et d’intendance dans la constitution d’équipes disciplinées, qui atteignent des normes de préparation élevées en matière de rendement collectif, afin qu’elles soient prêtes à fonctionner et à réussir dans des environnements compétitifs, hostiles et dangereux. Bien que l’intellect soit la clé de la compétence, il faut également un esprit combatif pour s’assurer que la compétence soit atteinte et que le devoir militaire soit réussi.
L’engagement dans la profession des armes
L’engagement au sein de l’éthos témoigne d’une intention à la fois personnelle et institutionnelle de poursuivre vigoureusement le développement du caractère et de la compétence. Cette poursuite doit être une pratique professionnelle continue et elle n’est pas moins importante que la conduite des opérations. Le niveau d’engagement et d’effort pour poursuivre une telle pratique professionnelle doit être soutenu par un fort esprit combatif pour s’assurer de son maintien.
La vitalité de la profession exige un esprit combatif tant au niveau personnel qu’institutionnel. Un tel attachement au caractère et à la compétence garantit que les meilleures décisions sont prises pour mener à bien une tâche militaire difficile et réussir la mission. En même temps, ces résultats doivent être atteints d’une manière conforme aux politiques et aux programmes militaires qui sont conçus pour mieux répondre aux exigences uniques imposées au professionnel militaire associées à un tel service désintéressé. Sans engagement, le concept d’une force armée qualifiée et professionnelle, bien soutenue, commence à s’éroder. C’est pourquoi l’engagement, ou l’esprit combatif, est un élément crucial tant au niveau personnel qu’institutionnel pour assurer et renforcer l’efficacité militaire.
Le jugement professionnel qui découle d’un engagement constant envers le caractère et la compétence et d’une pratique vigoureuse de ceux-ci est essentiel à la profession. Cette recherche tenace de l’excellence ne concerne pas seulement la réussite de la mission; elle vise également à répondre aux attentes de la société à l’égard de sa force militaire. Parvenir à un équilibre entre l’engagement, le caractère et la compétence, qui permette à la profession des armes de poursuivre constamment sa quête d’excellence, tout en préservant le bien-être de ses membres et de leur famille, est une formule qui garantit la croissance et le succès à long terme de la profession; en un mot, l’intendance.
Section 4.5 – Conclusion
Ce chapitre a examiné les racines des valeurs militaires en les situant dans le contexte des valeurs canadiennes et des vertus universelles. Ensuite, il a introduit l’idée d’un éthos et décrit la façon dont l’éthos agit comme un concept unificateur pour les autres caractéristiques professionnelles en harmonisant les effets des impératifs fonctionnels et sociétaux de la profession des armes. Enfin, il a développé l’idée de fiabilité, expliquant la façon dont chaque variable de caractère, de compétence et d’engagement se combine pour créer une organisation digne de confiance et militairement efficace.
L’une des huit attentes professionnelles, l’esprit combatif, mérite d’être soulignée et c’est pourquoi elle figure dans le titre de cette publication. L’esprit combatif est au cœur de toute force armée, car seule la force armée porte le fardeau associé à une responsabilité illimitée lorsqu’elle se livre à l’usage légitime de la force au nom de son pays. Il est certain qu’on demande aux FAC de faire beaucoup de choses qui ne relèvent pas des conflits armés, notamment assurer de temps à autre des rôles en matière de sécurité et même de sécurité publique. Toutefois, elles doivent toujours être prêtes à appliquer la force militaire de manière disciplinée et déterminée afin d’assurer la sécurité des Canadiens et de leurs intérêts.
Détails de la page
- Date de modification :