Chapitre 5 – L’organisation et le fonctionnement de la profession des armes au Canada

Section 5.1 – Introduction

En 2005, Bill Bentley, l’auteur principal de Servir avec honneur, a affirmé que la plus grande menace pour la profession des armes ne vient pas de nos ennemis potentiels, mais de l’intérieur de la profession elle-mêmeNote de bas de page 62. Il semble avoir raison compte tenu de la série constante de crises liées au caractère dans les FAC sur plusieurs décenniesNote de bas de page 63. La menace vient d’un manque de professionnalisme. En d’autres termes, la profession des armes est affaiblie lorsque les professionnels militaires ne poursuivent pas les normes d’expertise les plus élevées et ne sont pas à la hauteur des principes éthiques, des valeurs militaires et des attentes professionnelles exigées par l’éthos militaire. Ce manque de compréhension de la façon dont l’idéologie professionnelle soutient le concept de professionnalisme peut porter atteinte à la sécurité nationale du Canada, ce qui a des effets de deuxième et de troisième ordre dans la réduction de la confiance dans l’institution, les problèmes de recrutement, et la réduction de la disponibilité opérationnelle et de l’efficacité militaire.

La profession militaire a deux responsabilités fondamentales, connues sous le nom d’impératifs : l’impératif sociétal et l’impératif fonctionnelNote de bas de page 64. Comme nous l’avons déjà dit, l’impératif sociétal est l’idée qu’une profession doit servir la société, et pas seulement la profession elle-même. L’impératif fonctionnel est l’idée qu’une profession doit maintenir le plus haut niveau possible d’application des connaissances dans ce domaine : autrement dit, elle doit être bonne dans ce qu’elle fait avec les ressources dont elle dispose. Les professionnels militaires doivent équilibrer ces deux impératifs non seulement au sein de la force armée elle-même, mais avec la société dans son ensemble. En effet, les professionnels militaires ne peuvent pas à eux seuls contrôler l’équilibre. Bien que les professionnels militaires puissent contrôler et influencer de nombreux aspects de l’impératif sociétal par leur éthos et de l’impératif fonctionnel par leur expertise, le gouvernement du Canada a une influence considérable et, dans certains cas, un contrôle absolu sur les deux impératifs. Les représentants civils démocratiquement élus reflètent les intérêts de leurs électeurs dans tous les domaines de la vie au Canada et ces intérêts influencent également les forces arméesNote de bas de page 65. L’autorité civile décide également quand et où la force militaire est employée, et dans quelles conditionsNote de bas de page 66. Ces caractéristiques contribuent toutes à créer une saine tension entre les chefs militaires et les décideurs civils. L’étude de cette tension est connue sous le nom de relations civilo-militaires.

Le chapitre 5 décrira la nature des relations civilo-militaires au Canada et la façon dont la structure et la gouvernance du ministère de la Défense nationale rationalisent la tension saine entre les impératifs sociétal et fonctionnel. Il examinera ensuite l’incidence des deux impératifs sur le concept professionnel.

Section 5.2 – Relations civilo-militaires

Comme pour beaucoup de sujets abordés dans cet ouvrage, la littérature qui constitue l’étude des relations civilo-militaires est vaste et croissante. Des œuvres classiques comme The Soldier and the StateNote de bas de page 67 de Samuel Huntington ou The Professional SoldierNote de bas de page 68 de Morris Janowitz ont façonné la pensée moderne sur la relation entre la force armée et l’État pendant des décennies. Cette perspective moderne fait écho à ce que les communautés autochtones nord-américaines avant l’arrivée des Européens considéraient comme la division nécessaire entre la gouvernance et le combatNote de bas de page 69. Les conceptions modernes, cependant, mettent l’accent sur la primauté de la gouvernanceNote de bas de page 70. Depuis leur parution au milieu du XXe siècle, ces œuvres ont été suivies par des travaux qui ont cherché à faire progresser le domaine et à mieux comprendre l’interaction entre les militaires et les décideurs civils élusNote de bas de page 71.

Cependant, le point de départ est la mesure dans laquelle le gouvernement permet aux militaires d’exercer le meilleur jugement professionnel dans l’exécution de leur mandat. Pour le professionnel militaire au Canada, ce meilleur jugement professionnel est tempéré par le gouvernement qui prévoit des principes, des normes, des règles et des procédures décisionnelles civilo-militaires et une responsabilité partagée subséquenteNote de bas de page 72 entre le gouvernement du Canada et le chef d’état-major de la défense (CEMD). Cette responsabilité partagée crée des rôles distincts, mais interdépendants. En général, l’autorité civile a le contrôle des objectifs nationaux, de la politique de défense, de l’affectation des ressources de défense, du déploiement et de l’emploi de ses forces armées. La profession des armes a autorité sur la doctrine militaire, la planification opérationnelle, la direction tactique des unités dans les opérations, l’organisation interne, le perfectionnement professionnel et la gestion de carrière, et son code de discipline militaire, pour ne citer que quelques exemples. Deux concepts s’appliquent ici : premièrement, l’idée d’un contrôle civil actif et, deuxièmement, l’idée de responsabilité partagée.

Contrôle civil actif et dialogue inégal

Le contrôle civil actif part du principe que les chefs militaires peuvent s’attendre à ce que la profession militaire soit respectée, mais qu’ils ne doivent jamais s’attendre à ce que les représentants civils élus qui gouvernent fassent preuve de déférence à leur égardNote de bas de page 73. Le contrôle actif consiste en un dialogue inégal entre les chefs militaires et l’autorité civile, qui est représentée par les membres du Cabinet. L’inégalité fait référence à l’idée que, bien que les deux parties – militaire et civile – aient voix au chapitre, les civils élus du gouvernement ont l’autorité finale sur les questions de défense, parce que ceux qui forment le gouvernement sont des civils élus par les Canadiens. Le CEMD fournit des conseils militaires apolitiques au ministre de la Défense nationale (min DN), et, par l’intermédiaire du min DN, au Cabinet, avec clarté et intégrité. Cela comprend une évaluation franche de ce que la force armée peut et ne peut pas accomplir, sur la base d’une compréhension approfondie des demandes du gouvernement. En outre, cette responsabilité partagée se manifeste au sein de l’Équipe de la Défense, où les fonctionnaires fédéraux travaillent aux côtés de professionnels militaires pour déterminer les détails de l’interaction entre la politique, la stratégie militaire et les ressources. Enfin, le contrôle actif du militaire est exercé par les parlementaires en interrogeant en profondeur les chefs militaires qui comparaissent devant les comités au nom du ministre.

On peut citer la phrase célèbre de Clausewitz : « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyensNote de bas de page 74 ». La guerre est un acte politique et, en tant que tel, l’objectif politique de la guerre doit rester central. Comme la politique est l’objectif ultime de la guerre, il s’ensuit que le dialogue entourant la guerre doit également être inégalNote de bas de page 75. Une deuxième caractéristique du dialogue inégal est que les décisions sont prises dans des conditions d’incertitude. La primauté de la voix de l’autorité civile aide à régler les désaccords qui ne manqueront pas de survenir entre les professionnels militaires sur la question de la défense nationale, parce que c’est l’autorité civile qui sera en fin de compte tenue responsable par les Canadiens. Enfin, le dialogue inégal garantit que les chefs militaires sont tenus responsables lorsqu’ils ne respectent pas l’éthique, les valeurs et les comportements attendus de la profession des armes. En bref, il permet aux décideurs de relever les chefs militaires du commandement en cas de besoin.

Une tension saine

Une relation saine entre l’autorité civile et les chefs militaires n’est pas toujours une relation harmonieuse. Les représentants élus qui forment le gouvernement ont l’obligation de mettre en œuvre le vaste programme du gouvernement de manière intégrée, tandis que les représentants de la Défense, y compris le CEMD, se concentrent sur l’exécution du volet de défense de ce programme. Une tension peut souvent naître si les deux parties – les militaires et les parlementaires au pouvoir – restent fidèles à leurs mandats. « Une amabilité fade dans les relations civilo-militaires », écrit Eliot Cohen, praticien et spécialiste américain des relations civilo-militaires, « peut également signifier que les civils se dérobent à leurs responsabilités ou que les soldats ont succombé à la mentalité de courtisanNote de bas de page 76 ». Au lieu de cela, si les chefs militaires sont en désaccord fondamental avec l’autorité civile sur des questions liées à la défense du Canada et des intérêts canadiens, ils conservent toujours le droit de démissionner de leur commission ou de leur mandat. Les conseils militaires, soutient Cohen, doivent éviter cet extrême et dans le contexte canadien, cette tension saine se retrouve dans un concept d’origine canadienne – celui de responsabilité partagéeNote de bas de page 77.

La défense du Canada est une entreprise complexe, qui ne représente qu’une partie de la sécurité canadienne au sens large. De plus, l’expertise croissante requise pour assurer la sécurité nationale du Canada ne respecte pas les frontières organisationnelles ou les théories classiques des relations civilo-militaires. Des perspectives sociales, organisationnelles, opérationnelles et stratégiques sont plutôt nécessaires pour assurer la sécurité du Canada. Tout cela signifie que les militaires et l’autorité civile, tout en respectant le contrôle actif évoqué ci-dessus, partagent également la responsabilité de la sécurité du Canada à partir d’un concept élargi de ce qui constitue la défense nationale. En bref, ce qui est nécessaire, c’est la collaboration par une tension saine et l’échange de différents points de vue entre les dirigeants civils élus et les chefs militairesNote de bas de page 78.

Cette combinaison de contrôle actif et de responsabilité partagée est appuyée par le concept de l’Équipe de la Défense qui comprend la philosophie organisationnelle du MDNNote de bas de page 79. Comme le nom d’Équipe de la Défense l’indique, le personnel militaire et le personnel civil travaillent côte à côte, dans les organisations des uns des autres, où les membres en uniforme relèvent parfois directement des civils et vice versa. En fait, selon une étude de 2015, environ les deux tiers de la main-d’œuvre civile du MDN sont employés au sein d’une chaîne de commandement militaire et environ un millier de militaires servent au sein d’une hiérarchie civileNote de bas de page 80. Cette intégration des fonctionnaires du MDN aux membres des FAC met en évidence la façon dont le contrôle actif et la responsabilité partagée sont appuyés au sein du MDN aujourd’hui.

Dans le cadre de ce contrôle actif et de ce dialogue inégal avec le gouvernement, l’obéissance des professionnels militaires à l’autorité civile doit être absolue. Il n’est pas permis aux professionnels militaires de contester publiquement les décisions du gouvernement ou de présenter des points de vue qui pourraient porter atteinte aux politiques, aux programmes ou aux priorités du gouvernement. Cela ne les empêche pas de s’acquitter de leur devoir de dire la vérité, même des vérités gênantes, lorsqu’ils présentent des faits, que ce soit en public ou devant un comité parlementaire, et cela nécessite parfois une préparation délibérée pour garantir le maintien de l’intégrité et de la confiance.

En fin de compte, le contrôle de l’autorité civile sur les forces armées s’exerce par l’intermédiaire des officiers militaires et des MR qui, selon la coutume, la pratique et le droit, et par l’intermédiaire de la chaîne de commandement, contrôlent et dirigent les FAC. Afin de garantir l’apolitisme des FAC, les professionnels militaires sont soumis à des restrictions liées à leur participation à des activités politiques et leur conduite et leur rendement professionnels doivent à tout moment être non partisansNote de bas de page 81. C’est pour cette raison que la capacité de l’autorité civile à contrôler les militaires dépend en grande partie du degré d’engagement de ces officiers et MR et de tous les membres de la profession des armes à faire preuve de professionnalisme.

Bien qu’ils échappent au contrôle officiel de la profession des armes, les vétérans jouent également un rôle central dans la façon dont la profession est perçue tant par le gouvernement que par la société. Les vétérans, comme les anciens membres de n’importe quelle profession, sont perçus par la société comme demeurant représentatifs des FAC après leur retraite. Bien que les vétérans puissent jouer un rôle important en matière d’éducation et de plaidoyer, l’expérience d’un vétéran est extrêmement personnelle, variée et historique. Tous les membres des FAC doivent garder à l’esprit que lorsqu’ils deviennent des vétérans, leur compréhension de la profession est fondée sur leurs expériences historiques et n’est pas nécessairement représentative de la façon dont la profession actuelle s’adapte et évolue pour s’acquitter de ses responsabilités envers la société. Cette compréhension doit tempérer le rôle du vétéran dans les relations civilo-militaires après le service en uniforme.

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Section 5.3 – Les impératifs fondamentaux et le concept professionnel

La profession des armes est limitée par deux impératifs fondamentaux qui définissent sa relation avec le gouvernement et les citoyens canadiens, et qui aident à définir la profession elle-même. L’impératif sociétal exige que la force armée demeure subordonnée au gouvernement du Canada et qu’elle s’acquitte de ses responsabilités envers la société d’une manière non partisane et objective qui reflète les valeurs de la société. L’impératif fonctionnel exige que la profession garantisse des normes élevées d’efficacité militaire dans l’accomplissement de sa responsabilité envers la société. Ces deux impératifs sont tout aussi essentiels pour que le gouvernement et le militaire puissent continuer à servir la société, et ils ont tous deux une influence considérable sur le concept professionnel, comme le montre la figure 5.1.

Figure 5.1 Les impératifs fondamentaux et le concept professionnel

Infographie illustrant la relation entre les deux impératifs fondamentaux, les quatre attributs de la profession et leurs éléments constitutifs.

  • Longue description

    Le graphique représente des flèches issues des impératifs sociétaux et fonctionnels qui se déploient pour croiser chacun des attributs professionnels que sont la responsabilité, l'éthos, l'expertise et l'identité. Chacune des attributs professionnelles est subdivisée en éléments constitutifs. La responsabilité est subdivisée en éléments organisationnels et professionnels. L'éthos se subdivise en principes, valeurs et attentes. L'expertise est subdivisée en éléments de base, de soutien et spécialisés. L'identité se subdivise en éléments personnels et professionnels.

 

Bien qu’ils soient nécessaires pour le contrôle civil de la profession, ces impératifs peuvent créer des défis. Certains de ces défis tournent autour de questions liées aux ressources, au large éventail d’identités militaires, d’équipes et de sous-cultures au sein et à l’extérieur de la profession, au choix de s’acquitter de sa responsabilité illimitée et à un manque de sensibilisation militaire aux réalités du système politique du Canada et vice versa. Ces défis peuvent avoir une incidence importante sur les caractéristiques professionnelles que sont la responsabilité, l’expertise, l’identité et l’éthos militaire, ainsi que sur le fonctionnement de la profession des armes au Canada. Cependant, c’est le même concept professionnel qui s’efforce d’équilibrer les défis qui découlent de ces deux impératifs fondamentaux qui ont le potentiel d’être en désaccord l’un avec l’autre.

L’incidence des impératifs sur l’expertise militaire

L’expertise s’articule autour d’un noyau de compétences directement liées à l’application de la force militaire, car le rôle de la force armée est l’application disciplinée, éthique et légale de la force, y compris létale, dans la défense du Canada et des intérêts canadiens. Ces compétences de base sont complétées par une expertise dans des domaines de soutien et de spécialisation qui garantissent que l’expertise de base est appliquée avec un maximum d’efficacité. C’est une caractéristique inévitable des professions collectives.

Connaissances et compétences de base

Le bagage de connaissances théoriques uniques qui est au cœur de la profession des armes est le Système général des guerres et des conflits, qui comprend des sous-systèmes tactiques, opérationnels, stratégiques et de politique imbriqués les uns dans les autres par ordre ascendant. La figure 5.2 illustre les principaux systèmes des guerres et des conflits.

Figure 5.2 Système général des guerres et des conflitsNote de bas de page 82

Infographie illustrant la relation entre chacun des quatre sous-systèmes de guerre et de conflit.

  • Longue description

    Le graphique représente quatre cercles de taille croissante entièrement imbriqués dans le cercle plus grand qui l'entoure. Le centre inférieur de chaque cercle est aligné avec les autres cercles, créant un effet d’imbrication tel que chaque cercle plus grand contient tous les cercles plus petits. Le plus petit cercle est le système tactique, le deuxième plus grand, le système opérationnel, le troisième plus grand, le système stratégique et le plus grand cercle représente le système politique contrôlé par le gouvernement.

 

Les connaissances comprennent la doctrine tactique, la discipline complexe de l’art opérationnel qui éclaire les campagnes, ainsi qu’une compréhension approfondie de ce qui constitue la stratégie, une compréhension des relations civilo-militaires et la théorie et la pratique du commandement et du leadership. Ces connaissances sont ensuite renforcées par une pratique quotidienne du professionnalisme militaire.

La transmission de cet ensemble de connaissances de base et des compétences associées commence dès le début du processus de socialisation qui consiste à vivre l’éthos des FAC et devient de plus en plus substantielle et exigeante au fur et à mesure que le membre progresse grâce à un ensemble de possibilités d’éducation, d'instruction, d’expérience professionnelle et de développement personnel, pour comprendre une auto-réflexion critique sur ce que signifie le fait d’être un professionnel militaire.

Au niveau tactique, le contenu de l’ensemble des connaissances de base peut être aussi diversifié que les compétences de combat d’un commandant de section d’infanterie en tant que sergent, d’un capitaine de frégate en tant que commandant, d’un médecin de l’air supervisant un poste de secours en tant que major ou d’un mécanicien d’aéronef en tant que caporal s’assurant que les aéronefs sont prêts à voler. Orchestrer la bataille à des niveaux tactiques plus élevés et diriger ces forces interarmées au niveau opérationnel nécessite cependant des compétences différentes qui s’appuient sur celles déjà acquises. Aux niveaux de la stratégie et de la grande stratégie, une compréhension approfondie des complexités des conflits modernes et de la meilleure stratégie pour faire face à la multiplicité des menaces est essentielle.

De plus en plus, l’expertise liée aux opérations interarmées, interinstitutions et interalliées est également nécessaire. Alors que dans le passé, l’expertise était en général liée aux caractéristiques uniques des environnements maritimes, terrestres et aériens, le caractère changeant des conflits, la prolifération et la diversité des menaces hybrides et l’opacité des menaces de la zone grise ont forcé la nature de la plupart des opérations à être au minimum interarmées, mais elles sont plus susceptibles d’être des opérations pan-domaines, interarmées, interinstitutions, multinationales, et souvent interalliéesNote de bas de page 83.

La complexité croissante des opérations impose déjà aux décideurs militaires des exigences mentales plus élevées pour faire face à la menace, mais aussi pour intégrer la capacité militaire à d’autres composantes de l’appareil de sécurité nationale, ainsi que pour maintenir l’interopérabilité avec un groupe diversifié d’alliés et d’organisations extérieures. De plus, il faut une collaboration efficace entre des équipes internes variées et des organisations externes présentant un ensemble extrêmement diversifié d’identités et de cultures. Chacun des commandants opérationnels a la responsabilité de communiquer les leçons retenues de ces expériences afin d’accroître l’expertise collective de la profession et d’intégrer ces informations dans la doctrine afin qu’elles puissent être apprises et appliquées pour faire évoluer et améliorer l’expertise militaire. Ce processus d’apprentissage par l’expérience est l’un des nombreux processus qui ont le potentiel d’accélérer l’apprentissage vers la maîtrise dans un domaine d’expertise particulier.

Connaissances et compétences de soutien et spécialisées

Les compétences de soutien comprennent tout ce qui est nécessaire pour aider une très grande organisation à atteindre ses objectifs. Dans le cas des forces armées, il s’agit de tout le soutien institutionnel et du maintien en puissance nécessaires pour qu’elles s’acquittent de leurs fonctions militaires avec succès. Ces compétences de soutien comprennent une expertise supplémentaire qui se recoupe avec la profession des armes. Cette expertise s’appuie sur un large éventail de disciplines universitaires et professionnelles telles que l’histoire, les sciences politiques, la psychologie, la sociologie, l’anthropologie et le génie, entre autres.

Les compétences spécialisées sont prises en compte par la présence de doubles professionnels dans la profession des armes au Canada. Comme nous l’avons déjà mentionné, ces compétences couvrent des domaines qui sont nécessaires à une profession des armes moderne et qu’il est inefficace de produire et de maintenir exclusivement au sein des forces armées. En effet, certaines compétences spécialisées maintiennent leur propre expertise en travaillant à l’extérieur de la profession des armes au service du Canada de façon plus générale.

La division de l’expertise entre les compétences de base, les compétences de soutien et les compétences spécialisées est le résultat de la nature collective de la profession des armes. Ce n’est que par l’application collective et professionnelle de l’expertise que l’on pourra atteindre l’efficacité militaire. Quel que soit son grade, son poste ou sa spécialité technique, chaque membre apporte une contribution indispensable à l’ensemble collectif. Chacun est d’abord et avant tout membre de la profession des armes.

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L’incidence des impératifs sur l’identité militaire

L’éthos militaire jette les bases de notre identité militaire professionnelle dans l’ensemble des FAC. C’est à partir de cette base que d’autres identités militaires se développent. L’identité militaire est tout aussi diversifiée, voire plus, que son expertise. Les identités professionnelles dans l’ensemble des FAC sont d’abord associées au commandement (Marine royale canadienne, Armée canadienne, Aviation royale canadienne et Force d’opérations spéciales) et au grade (officier et MR). D’autres divisions et catégories de grades produisent des identités subalternes, intermédiaires et supérieures fondées sur l’expérience acquise au sein de la structure des grades des officiers et des MR. L’identité peut être subdivisée en rôles opérationnels et de soutien, en plus d’une centaine de professions précises, ainsi que leurs qualifications de sous-spécialité. L’identité est également influencée par les opérations auxquelles les professionnels militaires ont participé. L’identité militaire recoupe également les identités non militaires dans le cas des doubles professionnels, en plus des éléments ne faisant pas partie de la Force régulière : Réserve, Rangers canadiens et SAIOC. L’identité militaire n’est pas un concept unique et homogène, mais plutôt un concept collectif ayant un objectif commun : la défense du Canada.

Les professionnels militaires s’épanouissent dans leur identité professionnelle en recherchant l’excellence professionnelle et la maîtrise au sein de leur profession et de leur équipe. Qu’il s’agisse d’atteindre l’excellence en respectant les normes professionnelles ou de rechercher la maîtrise avec le potentiel de créer de nouvelles normes professionnelles, l’engagement de chaque membre en faveur du professionnalisme et de l’efficacité militaire est apprécié, quel que soit le stade auquel il se trouve dans son parcours professionnel. L’excellence et la maîtrise sont des concepts indépendants de l’avancement du grade. Chacune de ces nombreuses distinctions explique en partie l’identité du professionnel militaire en ce qui a trait à l’impératif fonctionnel.

Bien que très diversifiée, l’identité du professionnel militaire est unifiée par un objectif supérieur commun et la loyauté de servir le pays, ce qui se reflète dans les caractéristiques professionnelles de la responsabilité et de l’éthos. Lors de son admission au sein de la profession, chaque membre jure ou affirme solennellement qu’il sera fidèle et portera allégeance au Souverain, à ses héritiers et à ses successeurs conformément à la loi. Ce serment ou cette affirmation solennelle se trouve renforcé par les trois principes éthiques de l’éthos militaire : respecter la dignité de toute personne, servir le Canada avant soi-même et obéir à l’autorité légale et l’appuyer. Ces principes consolident davantage les identités multiples en vue d’un alignement plus étroit sur l’impératif sociétal de servir le Canada.

En plus des identités professionnelles, les FAC encouragent l’expression respectueuse de l’identité personnelle d’une personne au travail tout en soutenant un environnement inclusif où tout le monde doit être non seulement accueilli, mais valorisé. Cette inclusion et cette expression personnelle doivent être respectueusement tempérées par des règles relatives à la tenue vestimentaire et au comportement pendant le service. Ces normes de comportement militaire sont clairement énoncées par la profession des armes, et il est du devoir des professionnels militaires de toujours les respecter. En équilibrant et en respectant les identités individuelles et collectives, les professionnels militaires permettent la création d’organisations inclusives qui favorisent les liens et la cohésion, ce qui améliore le bien-être des membres et garantit l’excellence militaire durable.

La fonction militaire est une affaire intrinsèquement humaine. Elle requiert les efforts concertés de dirigeants et d’équipes inclusifs et dotés d’un esprit combatif pour s’imposer face à la complexité des menaces qui pèsent sur la nation. Un ensemble d’identités professionnelles et personnelles en cascade qui sont alignées sur l’éthos militaire, qui favorisent le développement de la force de caractère au sein du personnel et la confiance entre ses membres et les partenaires en matière de sécurité, renforcent l’efficacité militaire nécessaire pour s’acquitter de sa responsabilité à l’égard de la société.

L’incidence des impératifs sur l’éthos militaire

L’éthos militaire est au cœur de la profession des armes parce qu’elle équilibre toute tension potentielle qui peut se manifester entre les impératifs sociétaux et fonctionnels au sein de la profession. Les principes éthiques priment au sein de l’éthos parce qu’ils garantissent la subordination de la profession au Canada et à son autorité légale d’une manière respectueuse, ce qui renforce l’objectif supérieur de la profession et la loyauté à servir la nation.

Les valeurs militaires renforcent ce service à la nation de plusieurs façons. Premièrement, les valeurs reflètent celles de la société canadienne, qui sont également essentielles à l’efficacité militaire. Deuxièmement, ces valeurs garantissent que l’on cherche à atteindre la maîtrise professionnelle de manière loyale, cohérente et responsable. Enfin, les valeurs garantissent que la confiance et la cohésion sont développées pour améliorer l’efficacité militaire. Combinés, les principes éthiques et les valeurs militaires représentent le caractère professionnel des militaires dans la manière dont ils doivent réaliser l’impératif fonctionnel – l’efficacité militaire. L’impératif sociétal aide à définir comment nous allons appliquer notre expertise militaire au service du Canada.

Les attentes professionnellesNote de bas de page 84 sont une articulation des impératifs fonctionnels et sociétaux. Ces attentes précisent les compétences dont la profession a besoin pour mener à bien sa mission. Les attentes exigent un sens inébranlable du devoir, un esprit combatif, une maîtrise collective de la compétence professionnelle, un leadership positif, un travail d’équipe discipliné et le développement et la santé à long terme de la profession.

C’est l’éthos qui doit être le plus étroitement respecté si les FAC souhaitent maintenir le niveau de professionnalisme des forces armées maintenant et à l’avenir. Ce n’est que par une pratique disciplinée et continue de la maîtrise de l’éthique militaire et de l’expertise professionnelle que l’on peut atteindre les normes de professionnalisme les plus élevées. C’est pourquoi il ne fait aucun doute que l’engagement personnel à incarner l’éthos militaire doit être vu comme une pratique militaire essentielle tout aussi importante que la conduite des opérations.

L’incidence des impératifs sur la responsabilité militaire

Les impératifs s’imposent de deux manières en ce qui concerne l’attribut professionnel de la responsabilité. Tout d’abord, à travers les responsabilités organisationnelles qui sont « ce que » la profession doit faire pour s’acquitter de sa responsabilité envers la société. Deuxièmement, les responsabilités professionnelles ont trait à la « façon » dont la profession s’acquitte de son mandat de maintenir des normes élevées d’efficacité militaire afin qu’elle puisse réussir à s’acquitter de sa responsabilité envers le gouvernement.

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Responsabilité organisationnelle

Au Canada, les conditions du service militaire donnent lieu à un ensemble d’attentes réciproques entre la profession et la société. Cela s’explique par le fait que les membres des FAC servent volontairement et que les membres de la Force régulière acceptent qu’ils sont en tout temps tenus d’accomplir toutes les fonctions légitimes. Il s’agit notamment d’accepter les risques pour la santé et la vie liés à l’accomplissement du service militaire dans des environnements hostiles. Les professionnels militaires sont également soumis à des normes de conduite et de discipline beaucoup plus élevées.

La société canadienne et le gouvernement du Canada conviennent de certaines obligations officielles et coutumières à l’égard des militaires. Ces obligations officielles se manifestent dans les politiques et les programmes qui soutiennent les professionnels militaires dans divers aspects du service, telle la compensation, le logement, les services de soutien pour assurer le bien-être, la reconnaissance appropriée, et aussi d’indemniser les vétérans et les personnes blessées au service du Canada. On suppose également que chaque professionnel militaire bénéficie d’un perfectionnement professionnel, d’une possibilité de progresser raisonnablement dans sa carrière, d’une équité dans la justice militaire et les procédures administratives, et qu’il dispose des ressources nécessaires pour accomplir les tâches militaires qui lui sont confiées. Un tel degré d’attention et d’intendance institutionnelle est nécessaire si l’on veut que les dirigeants militaires soient soutenus personnellement dans la prise en charge de leur personnel et de leurs famillesNote de bas de page 85.

La profession des armes a également la responsabilité organisationnelle de communiquer avec le public canadien. Les FAC s’acquittent de leur responsabilité de maintenir une relation de confiance avec la société en communiquant de manière transparente avec la population canadienne sur ce qui se fait au sein de la profession et sur la manière dont cela se passe. Dans cette optique de sensibilisation, les professionnels militaires établissent un contact direct avec les Canadiens, individuellement et collectivement, par l’intermédiaire de cérémonies publiques (comme les commémorations du jour du Souvenir), d’engagements professionnels (comme les conférences et les activités de recherche), d’actions communautaires (comme les activités de bienfaisance et le bénévolat) ainsi que d’engagements médiatiques (comme les spectacles aériens ou les démonstrations). Les médiasNote de bas de page 86 sont un puissant moyen de communiquer sur ce que fait la profession et pourquoi. Par ailleurs, les réservistes, les Rangers canadiens et les dirigeants du SAIOC au sein des communautés et des professions à travers le pays entretiennent une relation importante et puissante qui améliore la compréhension du public et des professionnels à l’égard des FAC au Canada.

Le gouvernement du Canada démocratiquement élu exerce un contrôle civil sur les forces armées, par l’intermédiaire du ministre de la Défense nationale, au nom de la population canadienne. Cette responsabilité établit des normes de responsabilisation et de transparence envers le public ainsi que des relations importantes avec plusieurs institutions gouvernementales, dont le Parlement, les comités parlementaires et les ministères et organismes qui ont des responsabilités en matière de défense et de sécurité. Des responsabilités organisationnelles supplémentaires sont imposées par des lois fondamentales, telles que la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur les langues officielles, la Loi sur l’équité en matière d’emploi, la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur le ministère de la Justice, et la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), entre autres.

De son côté, les FAC ont la responsabilité organisationnelle de fournir des conseils militaires rigoureux et d’assurer l’exécution des décisions politiques avec loyauté. Le CEMD est le seul professionnel militaire responsable de fournir ces conseils militaires au ministre de la Défense nationale et au Cabinet sur un large éventail de questions qui ont des implications militaires et joue un rôle de soutien clé dans le processus d’élaboration des politiques dirigé par le sous-ministre. Concrètement, le CEMD fournit des conseils sur les besoins, les capacités et les options militaires, notamment sur le moment où il convient d’engager des forces militaires, sur la manière dont ces forces doivent être utilisées et, surtout, sur les risques éventuels liés à un tel usage de la force. Ces conseils doivent également mentionner les conséquences sur le plan de l’efficacité professionnelle, dans l’éventualité où le gouvernement ne fournirait pas aux forces armées des ressources suffisantes. Le CEMD détient la responsabilité ultime à cet égard. Fait important, en vertu de la Loi fédérale sur la responsabilité de 2006, le sous-ministre est l’« administrateur des comptes » qui rend compte directement au Parlement de l’administration financière du ministère, ce qui comprend les FAC. Cela implique nécessairement que le sous-ministre ait une compréhension de la prise de décision financière pour toutes les fonctions.

À cette croisée politico-stratégique, l’incertitude et l’ambiguïté sont des facteurs constants dans le processus de prise de décision. Les professionnels militaires sont conscients qu’il n’est jamais facile pour les autorités civiles de définir des objectifs politiques clairs sous pression. Le mélange complexe de considérations étrangères et nationales joue toujours un rôle important dans le processus. Les conseils militaires professionnels doivent tenir compte de ces facteurs et s’appuyer sur une capacité de communication très développée en matière d’évaluation des risques.

Cette approche des conseils est reprise tout au long de la chaîne de commandement militaire où les subordonnés militaires fournissent des conseils intrépides en matière de planification, puis une fois qu’un commandant militaire prend une décision, l’équipe obéi et exécute le plan dans les limites de l’intention de leur commandant. Compte tenu de la nature évolutive de la disponibilité et des interactions interarmées, combinées et interorganismes quant aux opérations, il y a une collaboration constante à des niveaux de plus en plus bas au sein des forces armées, avec d’autres ministères gouvernementaux aux fins de la planification tactique, dans les limites de la stratégie militaire établie par le CEMD.

Responsabilité professionnelle

Les professionnels militaires ont également de nombreuses responsabilités professionnelles. La plus importante d’entre elles est la nécessité de maintenir l’efficacité militaire; en bref, la disponibilité opérationnelle. Cela se fait dans le cadre de la mise sur pied, de la gestion, du maintien en puissance, de l’emploi et du développement de la force. Le caractère et la compétence dans la mise sur pied et l’emploi de la force dans divers contextes – maritime, terrestre, aérien, cybernétique et spatial – sont impératifs pour les professionnels militaires.

Le CEMD est l’intendant principal et le chef de la profession des armes et, en tant qu’intendant, il est responsable devant le gouvernement et la population canadienne de l’efficacité militaire. À ce titre, il est également le principal défenseur de la santé et du bien-être de ses militaires. Le CEMD reçoit l’aide de l’adjudant-chef des FAC pour s’acquitter de ces responsabilités. La principale source de conseils du CEMD sur les questions professionnelles est le Conseil des Forces armées (CFA). Le CFA peut faire appel à des experts en la matière pour éclairer les décisions clés. Chacun de ces membres du CFA a des responsabilités fonctionnelles et de commandement spécifiques à l’égard de la profession des armes. Ils ont également pour mission plus large de veiller à ce que chaque commandement soit cohérent avec la doctrine et le professionnalisme de la profession des armes et qu’il en soit le reflet.

Les commandants des commandements majeurs (Marine royale canadienne, Armée canadienne, Aviation royale canadienne, Commandement des Forces d’opérations spéciales du CanadaNote de bas de page 87) ainsi que des commandements opérationnels, de fonction et de soutien (Commandement des opérations interarmées du Canada, Commandement du personnel militaire et Commandement du renseignement des Forces canadiennes) sont chargés de mettre sur pied et de maintenir les forces à un niveau de préparation élevé en vue de leur emploi au sein des commandements et de la conduite d’opérations de routine. Cette responsabilité comprend l’élaboration d’une doctrine et d’une formation interarmées et couvrant tous les domaines, afin de valider les forces à haut niveau de préparation en vue d’un déploiement opérationnel. Des conseils stratégiques sont fournis sur tous les aspects de leurs commandements, notamment les questions liées à l’environnement, à la capacité, aux opérations et au personnel. Le chef du personnel militaire (en tant que commandant du Commandement du personnel militaire) est le principal conseiller professionnel pour l’orientation stratégique sur les questions de gestion du personnel militaire dans les domaines fonctionnels connexes.

L’adjudant-chef des FAC, ainsi que l’adjudant-chef du commandement et le premier maître de première classe (adjuc/pm 1) pour chacun des commandements, et tous les MR supérieurs, commencent par la mise en œuvre loyale des ordres des dirigeants et partagent la responsabilité du bon fonctionnement de la profession, en particulier en ce qui a trait au leadership, au bon ordre et à la discipline, aux questions de tenue et de comportement, aux exercices et aux cérémonies, aux coutumes et les traditions du service et au bien-être des militaires.

Le CEMD compte également sur le cadre d’officiers généraux et d’adjudants-chefs ou de premiers maîtres de première classe pour exercer une responsabilité partagée de ces cadres supérieurs en matière d’intendance de la profession, en plus des responsabilités organisationnelles qui leur sont assignées individuellement. L’intendance de la profession des armes exige de la prévoyance pour déterminer les besoins en ressources, de sorte que la profession conserve sa pertinence pour la société et le gouvernement et reste efficace dans la lutte contre les menaces actuelles et émergentes. Pour ce faire, il convient de réévaluer l’expertise nécessaire pour accomplir des missions en constante évolution de nouvelles tâches, et d'affronter de nouvelles menaces. Face à l’évolution des conditions sociales et culturelles, il faut réévaluer l’éthique militaire tout en préservant les valeurs militaires fondamentales, les valeurs canadiennes et les vertus universelles afin de garantir que la profession conserve un lien avec la société et demeure efficace sur le plan militaire.

Les nouveaux membres des FAC ont également des responsabilités professionnelles. Ils doivent se concentrer sur le perfectionnement personnel et l’adhésion à l’éthos des FAC, en mettant en pratique leur professionnalisme au quotidien, avec le soutien de leurs dirigeants, qui s’engagent activement à perfectionner tous leurs subordonnés par la socialisation et l’apprentissage par l’expérience. À mesure que les membres gagnent en expérience et en grade, leur responsabilité en matière de leadership, de bien-être et de perfectionnement professionnel des autres membres de la profession s’accroît. Cela commence par des dirigeants qui s’engagent à incarner l’éthos militaire et à en parler, de sorte que la culture opérationnelle des FAC soit plus étroitement alignée sur son éthos. En outre, les dirigeants s’efforcent d’encadrer, de mentorer et de développer équitablement le potentiel de tous leurs subordonnés.

Enfin, les militaires peuvent avoir une responsabilité professionnelle envers les organisations et les alliés internationaux lorsque l’on prend la décision politique de conclure de tels accords. Ces responsabilités découlent de l’adhésion à plusieurs organisations internationales et à des traités et accords internationaux spécifiques. C’est le gouvernement du Canada qui conclut de tels traités et accords avec d’autres pays. Les responsabilités qui découlent de ces accords sont ensuite attribuées aux FAC selon les directives du gouvernement.

Ces responsabilités à l’égard des alliés sont considérables et demandent la réactivité aux engagements, l’interopérabilité et l’évolution des opérations interalliées. Le respect accordé aux professionnels militaires canadiens par leurs collègues des forces militaires alliées, qui repose sur un vaste système d’échanges et de missions de liaison, est un élément important de l’identité et doit être constamment gagné. Dans de tels cas, les FAC conserveront toujours la responsabilité des commandements, des formations, des unités et des militaires qui participent aux opérations de l’alliées, afin de veiller au respect des priorités du gouvernement du Canada. Les membres des FAC qui servent dans le cadre de missions alliées représentent le Canada. À ce titre, il convient de tenir compte des différences culturelles et juridiques entre les partenaires afin de préserver la crédibilité des FACNote de bas de page 88. Au bout du compte, dans ces situations, la loyauté d’un membre des FAC est toujours d’abord envers le Canada, puis envers les FAC, et le membre ne doit pas succomber aux dangers du relativisme moral. Ces échanges et missions de liaison impliquent à la fois des officiers et des MR supérieurs rattachés à d’autres forcess nationales, ainsi que plusieurs organisations internationales importantes telles que l’OTAN et les Nations Unies. La participation à un large éventail d’exercices internationaux, pratiquement de façon continue, améliore directement la compétence professionnelle et l’interopérabilité avec les alliés.

Considérées dans leur ensemble, ces responsabilités professionnelles imposent à chaque membre de la profession des armes une obligation particulière et essentielle de maintenir et de faire évoluer le professionnalisme de manière à renforcer à la fois les impératifs sociétaux et fonctionnels de la profession. Les militaires sont toujours des représentants du gouvernement du Canada au sens le plus large. Même en l’absence de tout autre agent ou de toute autre source d’autorité canadienne, les professionnels militaires doivent agir pour promouvoir l’intérêt et le bien-être du pays en toutes circonstances, tout en reflétant le professionnalisme militaire canadien.

Section 5.4 – Conclusion

Les forces armées et l’autorité civile partagent la responsabilité de la défense du Canada en tant que membres de la communauté de la sécurité nationale élargie. Cette responsabilité partagée est tempérée par un contrôle actif des forces armées par le gouvernement démocratiquement élu du Canada et se manifeste dans la pratique comme une équipe de défense intégrée composée de militaires et de civils. Les quatre attributs que sont la responsabilité, l’expertise, l’identité et l’éthique permettent de répondre aux impératifs fonctionnels et sociétaux qui accompagnent de la profession des armes. Bien que les impératifs doivent être respectés, les attributs de la profession déterminent ce que chaque membre de la profession des armes doit faire et comment il doit s’y prendre pour y parvenir. L’éthos, en particulier, agit comme le concept unificateur de la profession des armes, en ce sens qu’il englobe à la fois les impératifs sociétaux et les impératifs fonctionnels pour générer le professionnalisme. Le dernier chapitre de ce livre examinera comment ces aspirations sont gérées.

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