Chapitre 3 – La profession des armes au Canada

Section 3.1 – La profession militaire

La profession des armes est directement subordonnée au représentant du souverain au Canada, le gouverneur général. Le gouverneur général est le commandant en chef des FAC en termes officiels et cérémoniels, mais pas dans la pratique. Dans la pratique, la profession canadienne des armes relève du gouvernement démocratiquement élu du Canada, et en particulier du ministre de la Défense nationale, qui est chargé de la gestion et de la direction des FAC et de toutes les questions relatives à la défense nationale. La profession des armes comprend tous les membres des FAC et ces professionnels militaires s’engagent à défendre le Canada et les intérêts canadiens, conformément aux directives du gouvernement du Canada. Les professionnels militaires se spécialisent dans l’étude et l’application de la force militaire. La force militaire est une force coercitive, destructrice et mortelle organisée et appliquée de manière disciplinée, dans le respect de l’éthique et du droit, en vue d’atteindre les objectifs politiques définis par le gouvernement du Canada. Les forces armées n’ont pas le droit légitime d’agir par elles-mêmes. Enfin, les professionnels militaires sont animés d’un éthos commun qui instaure la confiance au sein des FAC, du gouvernement du Canada et de la société canadienne, tout en étant conscients que le jugement qui sous-tend l’utilisation de la force militaire doit être judicieux.

La profession des armes au Canada s’est développée – comme beaucoup d’autres professions des armes dans le monde – selon un impératif sociétal qui veut que la force armée reste subordonnée à l’autorité civile dûment élue et qu’elle reflète, dans une mesure appropriée, les valeurs canadiennes et les vertus universelles. La profession militaire au Canada a toujours été façonnée par un impératif fonctionnel qui exige de la profession des armes un haut degré d’efficacité militaire dans l’accomplissement des missions qui lui sont assignées. Étant donné que les forces armées sont une profession collective qui fait appel à l’ensemble de ses fonctions, capacités et métiers pour mettre sur pied la force et assurer le succès des opérations, l’efficacité militaire est considérée de manière plus large que le simple succès des opérations. L’efficacité militaire est exigée dans toutes les fonctions militaires, à savoir la mise sur pied, le développement, la gestion, le maintien et l’emploi des forces, qui, ensemble, permettent d’atteindre le succès opérationnel. C’est pour cette raison que la profession des armes a accordé la primauté à l’efficacité militaire (plutôt qu’aux opérations), conformément à l’impératif fonctionnel.

Section 3.2 – Professionnels militaires

Au Canada, le service militaire n’est pas un droit inhérent; il dépend plutôt du respect de critères bien définis, qui englobent des exigences médicales, éducatives, cognitives, physiques et de conduite, ainsi que de la citoyenneté ou du statut de résident permanent. Ces critères sont établis pour s’assurer que les FAC soient en mesure de maintenir leur capacité à remplir les responsabilités qui leur ont été confiées par le gouvernement démocratiquement élu du Canada.

Une personne devient membre de la profession des armes au Canada dès son enrôlement et doit prêter le serment ou faire la déclaration solennelleNote de bas de page 43 et adopter l’uniforme militaire. Les membres des forces armées suivent une formation militaire approfondie pour acquérir les qualifications nécessaires à l’exercice de leur métier, après quoi ils possèdent les qualifications minimales pour être employés dans le cadre d’opérations militaires. À partir de là, les militaires visent des normes plus élevées d’excellence militaire dans leur métier et s’efforcent de maîtriser leur profession. Les membres des FAC sont censés incarner le professionnalisme dès leur adhésion, et cet engagement doit être maintenu tout au long de leur carrière.

Les professionnels militaires au Canada acceptent la responsabilité illimitée au moment de l’enrôlement comme principale caractéristique qui distingue les militaires des autres professions au CanadaNote de bas de page 44. La responsabilité illimitée est un terme qui désigne l’obligation légale pour les membres des FAC d’accepter que, dans l’exercice de leurs fonctions, ils puissent être amenés à risquer leur vie ou celle de ceux qu’ils dirigent pour réussir les missions militaires qui leur sont confiées par le gouvernement du CanadaNote de bas de page 45. Alors que d’autres professions telles que les premiers intervenants, comme les pompiers ou les policiers, partagent certains aspects de la responsabilité et du risque pour leur vie, les forces armées sont unique en ce sens que cette responsabilité illimitée comprend également l’usage légitime de la force pour blesser ou tuer des combattants au nom de la défense nationale. Les soldats, les marins, les aviateurs et les membres des forces d’opérations spéciales peuvent non seulement recevoir l’ordre légitime de risquer leur vie, mais ils peuvent également ordonner à d’autres personnes de faire de même. En outre, les membres des FAC peuvent recevoir l’ordre de tuer des combattants ou de donner cet ordre à d’autres membres des FAC, conformément aux lois canadiennes et internationales applicables.

Bien que le caractère distinctif de la responsabilité illimitée soit une source de fierté et du sentiment d’identité professionnelle, il doit être considéré avec attention. Ce caractère distinctif peut mener à une culture de l’exceptionnalisme, qui peut nuire aux relations que les forces armées entretient avec le gouvernement et la société, ainsi qu’à ceux qui exercent la profession des armes. Les effets négatifs de l’exceptionnalisme militaire peuvent mettre à rude épreuve les relations civilo-militaires, car il tend à considérer ceux qui ne portent pas l’uniforme comme inférieurs. Par ailleurs, au sein de la profession elle-même, si rien n’est fait, ce caractère distinctif peut amener certains groupes professionnels militaires à en considérer d’autres comme inférieurs. Une telle culture exceptionnaliste négative peut entraîner des mentalités où l’on croit qu’il n’y a rien d’autre à apprendre ou que l’on est au-dessus de la loi. Une telle culture négative sape l’éthos militaire qui assure le professionnalisme. Les professionnels militaires doivent rester conscients du fait que la force armée est avant tout une profession collective où aucun groupe professionnel ni aucune personne ne peut assumer à lui seul la responsabilité de la profession envers le gouvernement. La profession est un concept pluraliste; tous les membres et les groupes professionnels sont tenus de collaborer de manière disciplinée pour accomplir les missions que le gouvernement leur confie. Ainsi, pour que l’efficacité militaire soit maintenue et renforcée par le professionnalisme, tous les professionnels militaires doivent adhérer à l’éthos et faire preuve d’humilité que nécessite un état d’esprit axé sur la croissance.

Les aspirants à la profession doivent adopter un comportement professionnel. Au Canada, outre le serment ou la déclaration solennelle et l’adoption de l’uniforme, les membres font preuve de professionnalisme en intériorisant et en incarnant l’éthique militaire, en accédant à leurs qualifications professionnelles et en les conservant, en appliquant les normes les plus élevées en matière d’expertise militaire et en comprenant, en acceptant et en assumant tous les engagements et responsabilités inhérents à la profession des armes. Plus particulièrement, l’uniforme militaire est un symbole de service; il est profondément ancré dans la tradition et doit être porté avec fierté et respect. En outre, les professionnels militaires comprennent que le professionnalisme est une pratique constante de développement personnel et professionnel. Cet apprentissage et cette croissance peuvent être accélérés par l’encadrement, le mentorat et l’apprentissage par l’expérience.

Un composant essentiel et unique de cette profession collective est la relation entre le militaire du rang et l’officier. Cette relation en est une de double expertise et de complémentarité. Par exemple, en ce qui concerne la relation entre les officiers subalternes et les MR supérieurs, le MR supérieur expérimenté agit non seulement comme un conseiller, mais aussi de mentor pour l’officier subalterne. Puisque les FAC sont axées sur le développement et l’emploi d’équipes cohésives, cela exige un respect et une confiance mutuels. Il faut reconnaître que chaque rôle est essentiel à la réalisation du mandat de la profession des armes au Canada. À mesure que l’environnement de sécurité continue d’évoluer, la relation entre les officiers et les MR évolue également. Au fil du temps, il y a eu une convergence d’attentes professionnelles tant pour le MR que pour l’officier. Malgré cela, chacun apporte à l’équipe des rôles et des spécialités différents. Les officiers doivent être plus compétents sur le plan technique que par le passé, tandis que les MR sont désormais censés élaborer et exécuter des plans, car les exigences des opérations de plus en plus complexes obligent leur développement professionnel à converger.

Section 3.3 – Doubles professionnels militaires

La profession des armes au Canada est également caractérisée par la présence de groupes dont l’expertise n’est pas spécifique aux militaires, mais qui sont organisés par des professions civiles. Les médecins, les avocats, les aumôniers, les ingénieurs et les psychiatres militaires, pour n’en citer que quelques-uns, appartiennent à des associations professionnelles externes et sont tenus de respecter une deuxième éthique professionnelle, en plus de l’éthos militaire.

En tant que doubles professionnels, ces personnes fournissent des conseils et des services spécialisés à la chaîne de commandement sur des questions liées au bien-être des personnes et sur des questions collectives à l’appui de l’organisation. Par ailleurs, les dirigeants militaires ont à leur tour besoin d’une aide spécialisée pour composer efficacement avec les exigences et les charges uniques qu’impose le service militaire. Les services médicaux, juridiques et spirituels, ainsi qu’un large éventail d’autres services au personnel, sont essentiels au bien-être des personnes qui composent collectivement l’organisation et, par conséquent, à la santé de la profession des armes elle-même.

Les doubles professionnels sont soumis à deux ensembles d’obligations potentiellement contradictoires, surtout en ce qui concerne les besoins du groupe par rapport à ceux de la personne. Certains doubles professionnels, qui travaillent dans les limites de leur expertise professionnelle civile, peuvent avoir le devoir éthique de trouver un équilibre entre les besoins individuels et ceux des FAC. Ils doivent également comprendre et accepter les obligations du commandant militaire en vue de mener à bien la mission. Les commandants doivent à leur tour respecter les obligations du double professionnel et comprendre que le service que ces professionnels fournissent fait partie intégrante du bien-être de la force ainsi que de l’accomplissement de la mission. En bref, il faut que les deux parties – le commandant et le conseiller double professionnel – comprennent les responsabilités et les contraintes de chacun et gèrent cette saine tension dans l’intérêt de la profession des armes.

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Section 3.4 – Attributs de la profession des armes au Canada

La Loi sur la défense nationale (LDN) aborde intentionnellement le mandat des FAC de manière large en indiquant simplement que le ministre de la Défense nationale est responsable des questions relatives à la défense nationale ainsi que de la gestion et de la direction des FAC. À ce titre, le rôle, les missions et les tâches assignés aux FAC sont vastes : en bref, on en demande beaucoup aux FAC. Bien que la réussite des opérations soit un résultat important et tangible, pour y parvenir, le professionnel militaire doit se consacrer également à l’étude et à la pratique de l’ensemble des activités relevant du mandat de la défense nationale. Il s’agit d’éduquer, d'instruire et de préparer, selon l’apprentissage par l’expérience, aux conflits armés. En étant prêts pour les conflits armés, les professionnels des armes sont les mieux placés pour s’adapter aux exigences des missions moins meurtrières sur l’éventail de la concurrence et des conflits.

Les attributs professionnels que sont la responsabilité, l’expertise, l’éthos et l’identité, pris dans leur ensemble, représentent le mieux les exigences qui sont imposées aux militaires en matière de professionnalisme. Bien que ces attributs constituent des éléments uniques en soi, ils se rejoignent en tant que concepts interdépendants qui sont unifiés par un engagement à incarner l’éthos militaire canadien.

Responsabilité militaire

La responsabilité essentielle de défendre le Canada et les intérêts canadiens repose sur la profession des armes. Elle se manifeste par un rôle, un ensemble de missions et de tâches potentielles qui couvrent un éventail de concurrence et de conflits qui vont de la guerre à l’insurrection, au rétablissement de la paix, au maintien de la paix, aux opérations nationales et à la nécessité d’une dissuasion générale ou de la prévention des conflits. Ce rôle, ainsi que ses missions et tâches connexes, définit la portée appropriée et le cadre juridique international et national applicable dans lequel la profession militaire opère.

Au cœur de cette responsabilité se trouve l’autodiscipline du professionnel militaire et son engagement à maintenir les plus hauts niveaux de professionnalisme individuel et à contribuer à l’élaboration des normes les plus élevées de professionnalisme collectif. Chaque professionnel militaire doit se tenir et être tenu responsable de sa conduite et de son rendement, compte tenu des systèmes d’armes de plus en plus puissants qui permettent d’assumer cette responsabilité essentielle et aussi du fait que les dirigeants militaires exercent une influence et une autorité considérables sur les professionnels militaires qu’ils dirigent. En effet, les militaires sont tenus de respecter des normes plus élevées que le reste de la société, étant donné qu’ils sont l’instrument de mise en œuvre du monopole de l’État en matière d’utilisation de la violence disciplinée.

Les officiers et les MR supérieurs ont la responsabilité de diriger et un droit de commandement leur est délégué dans le cadre de leur affectation. Dans le cadre de cette responsabilité, ils ont l’autorité et la responsabilité de commander, de planifier, de prendre des décisions, d’opérer, de développer leurs équipes et de former leurs propres successeurs. La commission d’officier confère le droit et le privilège de commander à tous les niveaux, y compris d’ordonner à des subordonnés de se mettre en danger. L’officier est responsable d’établir les conditions de réussite de la mission et livre ensuite l’intention du commandant, dans les limites duquel les subordonnés ont l’obligation d’atteindre l’objectif militaire. Les MR commandent au niveau tactique. Ce n’est qu’en tirant parti de l’expertise du corps des MR que les officiers peuvent diriger efficacement leurs diverses équipes. Bien que cette répartition hiérarchique des pouvoirs, des responsabilités et de la responsabilisation soit souvent présentée comme simple, la complexité des situations réelles brouille souvent les limites entre les rôles et les responsabilités des officiers et des MR.

Fonctionnant conformément aux valeurs canadiennes et aux vertus universelles, la profession des armes doit s’acquitter de ses responsabilités avec un dévouement qui va au-delà de l’efficacité militaire, en adoptant un engagement envers le soin et le bien-être de ses membres et de leur famille. Ce devoir est partagé par les officiers et les MR, qui portent tous deux la responsabilité du leadership, et dont le dévouement à cet égard contribue à créer des équipes efficaces et cohésives dotées d’un moral élevé.

Les normes les plus élevées d’une profession collective sont le résultat direct du professionnalisme individuel atteint par ses membres grâce à l’autodiscipline et à l’engagement. Tous les membres de la profession ont l’obligation de vivre l’éthos militaire et de préserver ainsi la réputation de la force armée.

L’expertise militaire

L’expertise est un attribut vital de la profession des armes. L’expertise militaire est déterminée par le commandement et le contrôle d’équipes militaires dont la fonction principale est l’application disciplinée, éthique et légale de la force militaire. Les professionnels militaires doivent avoir une compréhension intime du droit des conflits armés et une compréhension détaillée des règles d’engagement connexes pour s’acquitter efficacement de leur fonction militaire. Les CCHA théoriques et pratiques associées à la conduite des conflits armés représentent un niveau sophistiqué d’expertise qui diffère de toute autre profession.

L’expertise militaire englobe l’acquisition, le maintien et le progrès constant de la théorie et de la pratique des conflits armés. Au fur et à mesure de leur montée en grade, les professionnels militaires élargissent leur compréhension de cette expertise du niveau tactique au niveau interarmées et combiné, avec une perspective de l’ensemble des domaines tout au long du processus. Cette approche de l’ensemble des domaines permet de comprendre où les autres instruments de la puissance nationale et internationale sont intégrés dans les cinq domaines de conflit (maritime, terrestre, aérien, cyberespace et spatial) afin d’assurer la réussite de la missionNote de bas de page 47.

L’expertise n’est plus étroitement liée au grade ou au poste, car les exigences des conflits modernes l’obligent à transcender souvent ces frontières traditionnelles. L’évolution du caractère des conflits a entraîné des exigences accrues aux niveaux les plus subalternes, où il est de plus en plus nécessaire d’avoir une capacité de jugement très développée dans l’utilisation de la force militaire. Les exigences d’un équilibre entre le succès de la mission et le bien-être de ses subordonnés, et l’application éthique et légale de la force jusqu’à la force létale dans une variété de circonstances complexes, confèrent une grande importance au jugement professionnel. Le développement de ce jugement nécessite non seulement l’acquisition de connaissances, de compétences et d’habiletés, mais aussi le développement d’une force de caractère et une grande expérience pratique.

Bien que la compétence tactique en matière de combat individuel et collectif demeure au cœur de la profession des armes, cette expertise à elle seule n’est plus suffisante pour assurer la défense du Canada. Aujourd’hui, les professionnels militaires ont besoin d’un ensemble plus large de connaissances, de compétences et d’habiletés, ainsi que d’une volonté de collaborer et d’apprendre. Les compétences et les connaissances normalement associées aux universitaires, aux chercheurs, aux analystes des politiques, aux éducateurs et aux diplomates sont maintenant également exigées de nos marins, soldats, aviateurs et membres des forces d’opérations spéciales.

L’identité militaire

L’identité est un attribut intrinsèque et essentiel de la profession militaire. L’identité militaire d’une personne évolue, façonnée par la société ainsi que par l’acceptation d’une responsabilité illimitée dans le cadre d’un service militaire volontaire et dévoué. Les FAC sont une institution nationale qui accepte les citoyens canadiens ou les résidents permanents qui souhaitent répondre à l’appel pour défendre le Canada et les intérêts canadiens. Les professionnels militaires revêtent l’uniforme et comprennent qu’ils font partie d’une institution nationale qui respecte et reflète le meilleur des valeurs canadiennes et des vertus universelles. L’identité militaire d’une personne englobe non seulement ce qui est défini par le rôle et l’éthos des forces armées, mais aussi un ensemble de sous-identités qui se forment naturellement au sein des commandements, des formations, des unités, des régiments, des corps, des branches et des métiers qui constituent la profession collective des armes. Une identité militaire est également une identité composite comprenant la propre identité d’un membre coïncidant avec son identité professionnelle qui se superpose à un idéal commun de service dans la défense du Canada. De plus, l’identité peut évoluer en fonction des valeurs et des vertus que nous choisissons de poursuivre, et de l’autodiscipline dont nous faisons preuve dans la formation d’habitudes positives, tant d’un point de vue personnel que professionnel.

La coutume et la tradition jouent un rôle important dans l’identité d’un professionnel militaire. La coutume et la tradition peuvent servir à initier et à commémorer et être une source d’inclusion, d’inspiration et de fierté. Cependant, les coutumes et les traditions peuvent également exclure, étouffer et nuire, soit d’une façon intentionnelle ou non. De tels effets négatifs sur la personne et l’équipe pourraient diminuer la confiance, l’esprit combatif et, en fin de compte, l’efficacité militaire. Les professionnels militaires doivent examiner attentivement quand les coutumes et les traditions ont tombé en désuétude quant aux objectifs de l’éthos des FAC et ne pas avoir peur d’abandonner celles qui ne servent plus à inspirer la culture moderne ni à commémorer respectueusement le passé. Les coutumes et les traditions sont des créations de la profession et peuvent donc être modifiées. Une identité militaire saine permet les discussions qui déterminent quelles coutumes et traditions continuent de servir la profession et quelles coutumes et traditions doivent être modifiées ou abandonnées.

L’identité est également influencée par les divers changements apportés aux responsabilités et à l’expertise au cours d’une longue carrière. Les types de missions militaires auxquelles une personne participe influencent considérablement ses perspectives professionnelles et l’étendue de son expertise militaire. Alors que l’enseignement collectif est à juste titre essentiellement axé sur le combat, une personne peut passer toute sa carrière dans des missions de maintien de la paix ou de secours aux sinistrés, ce qui façonnera considérablement son identité professionnelle. De même, une personne peut passer la majeure partie de sa carrière dans des exercices de dissuasion et ne jamais participer à un déploiement dans une mission de combat. La diversité de l’expérience acquise par une personne au cours de sa carrière aura une incidence profonde et durable sur son identité personnelle et professionnelle. La nature même de l’exposition à une telle variété d’expériences a le potentiel de développer le caractère et les compétences d’une personne au profit de son équipe et de la profession elle-même.

L’affiliation d’une personne en tant qu’officier ou MR déterminera le perfectionnement professionnel, l’expertise, les pouvoirs, les responsabilités et les obligations redditionnelles qu’elle recevra tout au long de sa carrière. Les responsabilités des officiers les désignent comme des commandants potentiels qui dirigent des équipes militaires de plus en plus grandes et des officiers d’état-major qui soutiennent les besoins opérationnels et institutionnels du système militaire. Les MR sont indispensables à l’accomplissement efficace des tâches attribuées, et au bien-être collectif et à la discipline de l’équipe. L’expérience, les défis et les réussites que les professionnels militaires rassemblent en travaillant dans ces différents rôles influencent considérablement leur identité professionnelle.

En résumé, l’identité militaire peut profondément façonner le sentiment d’identité d’une personne, en lui procurant un fort sentiment d’utilité, d’appartenance et de devoir. Cependant, lorsque l’appartenance aux forces armées devient l’identité dominante d’un militaire, cela peut poser des risques importants. L’identification excessive dans une perspective exceptionnaliste peut entraîner des difficultés dans la relation à la vie civile et la transition vers celle-ci, car les personnes peuvent avoir du mal à trouver un nouveau sentiment d’utilité et d’appartenance en dehors d’un environnement militaire structuré. Il est essentiel pour les militaires de cultiver un sentiment d’appartenance qui s’étend au-delà de la profession et de se préparer à la vie après le service militaire en recherchant un but et un lien significatifs dans la société civile en tant que citoyen canadien actif et engagé, et ce,  tout au long de leur carrière de service militaire.

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L’éthos militaire

La profession militaire possède également un éthos unificateur qui sous-tend tous les aspects de la profession. L’éthos militaire relie les trois autres caractéristiques. Si l’éthos sert de guide à la conduite des professionnels militaires, en donnant un sens et un but plus précis à leurs actions, il se combine également à l’expertise pour créer l’idéologie professionnelle des FAC. La figure 3.1 offre une compréhension plus approfondie de la relation entre les caractéristiques. Dans ce cas, l’attribut de responsabilité, qui est formulé par le gouvernement, est le moteur de l’idéologie professionnelle (ce que font les FAC et comment elles le font) qui, à son tour, crée l’identité unique de la profession. Qui plus est, cette relation se nourrit d’elle-même, l’identité militaire vécue renforçant encore l’idéologie professionnelle et influençant potentiellement le degré de responsabilité qui lui est conféré par le gouvernement.

Figure 3.1 : L’idéologie professionnelle et le concept professionnel

Infographie illustrant les attributs professionnels qui forment l'idéologie professionnelle.

  • Description longue

    Le graphique représente les quatre attributs professionnels de manière carrée avec la responsabilité en haut, l'identité en bas, l'expertise à gauche et l'éthique à droite. Des flèches multidirectionnelles circulent autour du forme carré, indiquant un retour d'information entre l'expertise, et la responsabilité et l'identité, et entre l'éthos, et la responsabilité et l'identité. L’idéologie professionnelle forme une boîte turquoise autour de l’expertise et de l’éthos horizontalement à travers le diagramme.

 

L’éthos sert de concept unificateur central de la profession militaire, car il harmonise les deux impératifs fondamentaux, représente le caractère, la compétence et l’engagement requis pour développer la fiabilité et constitue une part égale de l’idéologie professionnelle. Les éléments de l’idéologie se combinent pour répondre aux impératifs de la profession des armes.

L’éthos militaire transcende également les rôles et les fonctions individuels, unifiant les professionnels militaires sous un ensemble commun de principes éthiques, de valeurs militaires et d’attentes professionnelles. Il reflète la façon dont les professionnels militaires se perçoivent, la façon dont ils remplissent leur fonction et la façon dont ils se situent par rapport à leur gouvernement et à la société. Ce sujet est développé dans les sections suivantes ainsi que dans L’éthos des FAC : digne de servir.

Section 3.5 – Conclusion

En explorant les concepts professionnels, nous voyons clairement que la force militaire canadienne est en effet une profession. Les membres de la profession ont des responsabilités et obligations spécifiques qu’implique une telle appartenance professionnelle. Le service militaire n’est pas un droit inhérent, mais il dépend du respect de critères précis, y compris les exigences médicales, éducatives, cognitives, physiques, de conduite et de citoyenneté ou de résidence permanente. Ces critères sont établis pour s’assurer que les FAC peuvent remplir leur mandat tel que prescrit par le gouvernement du Canada. Il y a des aspects uniques au service militaire, tels que la responsabilité illimitée et les défis liés à l’application de la force létale dans le cadre éthique et juridique applicable.

Les doubles professionnels au sein des forces armées sont ceux qui sont simultanément membres du miliaire et d’autres professions réglementées comme la médecine ou le droit. Certains doubles professionnels, qui travaillent dans les limites de leur expertise professionnelle civile, peuvent avoir le devoir éthique de trouver un équilibre entre les besoins individuels et ceux des FAC.

Les caractéristiques de la profession des armes, soit la responsabilité, l’expertise, l’identité et l’éthos, sont interdépendantes et unifiées par l’éthos militaire, qui reflète également le caractère, la compétence et l’engagement du professionnel militaire. Il convient de noter que l’éthos et l’expertise se combinent pour former une idéologie professionnelle, qui découle de la responsabilité conférée à la profession par le gouvernement et façonne l’identité du professionnel militaire.

En raison de son rôle central dans la profession, l’éthos militaire, qui a été pleinement expliqué dans L’éthos des FAC : Digne de servir, sera exploré dans le chapitre suivant en examinant son lien avec la profession. Le chapitre souligne l’importance de l’humilité, de l’apprentissage continu et de l’adhésion aux valeurs canadiennes et aux vertus universelles dans le maintien du professionnalisme militaire.

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