Évaluation du projet pilote de la Bourse de la conservation

Juin 2024

Liste des tableaux

Liste des figures

Liste des acronymes et des abréviations

BC
Bourse de la conservation
ECCC
Environnement et Changement climatique Canada
ESG
Environnement, société et gouvernance
FAQ
Foire aux questions
GTE
Groupe de travail externe
PIB
Produit intérieur brut

1. Introduction

Le présent rapport fait état de l’évaluation du projet pilote triennal de la Bourse de la conservation (BC) d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), une composante de l’initiative horizontale du Patrimoine naturel bonifié financée de 2021-2022 à 2023-2024. Les projets pilotes sont souvent utilisés pour mettre à l’essai des idées sur le terrain à petite échelle, un moyen éprouvé de soutenir l’innovation et d’obtenir de la rétroaction en temps réel. 

1.1 Contexte

Partout dans le monde, les espèces et les écosystèmes sont en déclin à un rythme sans précédent. Selon la Plateforme intergouvernementale, scientifique et politique sur

Partout dans le monde, les espèces et les écosystèmes sont en déclin à un rythme sans précédent. Selon la Plateforme intergouvernementale, scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, la perte de la nature est principalement due aux changements d’utilisation des terres et des mers, à la surexploitation directe des espèces naturelles, aux répercussions des changements climatiques, à la pollution et aux espèces exotiques envahissantes. À l’échelle mondiale, environ 1 million d’espèces (sur un total de 8 millions d’espèces) sont menacées d’extinction. Au Canada, la nature est également en déclin : 20 % des espèces évaluées sont menacées d’extinction et la conversion des terres ainsi que l’intensification de l’utilisation des terres et des mers entraînent une perte continue d’habitats naturels.

Les gouvernements du monde entier reconnaissent de plus en plus la gravité de la perte de biodiversité. En décembre 2022, 192 pays, dont le Canada, ont adopté le Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, qui vise à prendre des mesures urgentes pour freiner et inverser la perte de la nature d’ici 2030. 

À l’échelle mondiale, 79 % du financement de la conservation de la nature (PDF) provient de gouvernements et d’organisations de bienfaisance, les autres 21 % provenant d’investissements privés. Pour répondre à ce besoin mondial de financement de la conservation annuel, il a été estimé que les capitaux d’investissement privé doivent être de 20 à 30 fois supérieurs aux niveaux actuels (PDF), même si le financement gouvernemental et philanthropique actuel devait doubler. Malgré une augmentation considérable des investissements du secteur public, les ressources actuellement allouées pour freiner ou inverser le déclin de la nature ne sont pas suffisantes pour faire face à la tâche colossale à accomplir. Selon l’Initiative pour la finance de la biodiversité des Nations Unies, le monde a besoin de 600 à 824 milliards de dollars américains supplémentaires par année jusqu’en 2030, soit près de 0,7 % du PIB mondial. 

Le Gouvernement du Canada s’est engagé à conserver 30 % des terres et des eaux du Canada d’ici 2030. Il est estimé qu’un montant supplémentaire de 20 à 28 milliards de dollars canadiens (PDF) est nécessaire chaque année pour combler le manque de financement pour la conservation de la nature. L’augmentation des investissements dans la nature (PDF) par des acteurs non gouvernementaux comme des entreprises du secteur privé constitue l’une des solutions prometteuses pour combler ce manque.

Au Gouvernement du Canada, ECCC dispose d’un ensemble complet de programmes visant à conserver la nature. Cela comprend des programmes pour les espèces en péril, les oiseaux migrateurs et autres espèces sauvages, la conservation et la protection des habitats, des politiques et des partenariats sur la biodiversité, l’évaluation environnementale, ainsi que la promotion de la conformité et l’application des règlements sur les espèces sauvages. Le Canada a fait des investissements historiques dans la conservation de la nature par l’entremise de l’initiative du Patrimoine naturel, en 2018, et de l’initiative du Patrimoine naturel bonifié, en 2021, qui ont fourni un financement supplémentaire pour les programmes d’ECCC. La Figure 1 ci-dessous décrit les programmes et les outils de conservation de la nature d’ECCC.

Figure 1. Programmes et outils de conservation de la nature d’ECCC

ECCC dispose d’un ensemble complet de programmes visant à conserver la nature, y compris les programmes pour les espèces en péril, les oiseaux migrateurs et autres espèces sauvages, la conservation et la protection des habitats, des politiques et des partenariats sur la biodiversité, l’évaluation environnementale, ainsi que la promotion de la conformité et l’application des règlements sur les espèces sauvages.

Figure 1 : Programmes et outils de conservation de la nature d’ECCC
Outils de conservation de la nature Collaboration et influence Actions législatives et réglementaires Conservation directe Financement et mesures incitatives
Description des outils de conservation de la nature Partenariats avec des ministères fédéraux, des gouvernements provinciaux et territoriaux, des organisations autochtones, des organisations non gouvernementales, les secteurs privé et philanthropique, et le milieu universitaire.>

Ensemble d’outils juridiques comprenant des obligations et des pouvoirs souples.

Comprend la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi sur les espèces sauvages du Canada du gouvernement fédéral.

Établissement et gestion d’un réseau d’aires protégées fédérales, y compris les réserves nationales de faune et les refuges d’oiseaux migrateurs d’ECCC.

Les programmes de financement permettent aux partenaires de prendre des mesures et d’assurer une bonne intendance, et tirent avantage des fonds de contrepartie.

Les avantages fiscaux, tels que ceux offerts par le Programme des dons écologiques, incitent à la conservation des habitats.

Investir dans la conservation de la biodiversité pourrait comporter plusieurs avantages pour les organisations du secteur privé. Tout d’abord, ces investissements peuvent favoriser ou renforcer l’acceptabilité sociale du point de vue des principales parties prenantes, comme les communautés locales, les employés, les actionnaires et les investisseurs. Cette acceptabilité sociale peut se traduire par l’acceptation d’un projet en particulier par la communauté, l’engagement et le maintien en poste des employés, ainsi que par des possibilités de lever des fonds. Ensuite, certains instruments d’investissement en vue de la conservation de la biodiversité peuvent offrir des avantages allant au-delà de la réputation, sous la forme de gains fiscaux ou financiers directs. Par ailleurs, investir dans des projets de conservation certifiés aide les entreprises du secteur privé à se préparer aux divulgations financières liées à la nature, qu’elles soient obligatoires ou non. Enfin, pour certaines entreprises présentant des profils de risque particuliers, les investissements dans la conservation peuvent atténuer les risques opérationnels liés au déclin de la biodiversité et des services écosystémiques.

1.2 Aperçu du projet pilote de la Bourse de la conservation

Le projet pilote de la Bourse de la conservation a été mené pour déterminer si l’approche permettrait de combler le manque de financement en matière de conservation de la nature au Canada et, le cas échéant, de quelle manière. ECCC a alloué 4,7 millions de dollars en ressources budgétaires temporaires au projet pilote de la Bourse de la conservation sur trois ans, à compter de 2021-2022. Pendant la période d’évaluation, la sous-ministre adjointe du Service canadien de la faune a prolongé le projet pilote de la Bourse de la conservation de deux ans. Le Tableau 1 ci-dessous présente une ventilation des dépenses réelles, de 2021-2022 à 2023-2024.

Tableau 1. Dépenses réelles du projet pilote de la Bourse de la conservation, de 2021-2022 à 2023-24
- Conception du projet pilote Projecs Autres Total
Salaires et régime d’avantages sociaux 2 193 077 $ 909 886 $ 127 000 $ 3 229 963 $
Fonctionnement et entretien 455 587 $ 0 $ 170 160 $ 625 747 $
Subventions et contributions 90 000 $ 160 000 $ 0 $ 250 000 $
Services organisationnels essentiels et frais centraux 594 001 $ 232 052 $ 64 452 $ 890 505 $
Total 3 332 665 $ 1 301 938 $ 361 612 $ 4 996 215 $

Source : Renseignements financiers fournis par le personnel de la Bourse de la conservation et les partenaires d’ECCC.
Remarque 1 : La Bourse de la conservation n’a pas reçu ni déboursé de fonds destinés aux dépenses en capital.
Remarque 2 : Au moment de la rédaction du présent rapport, aucun des quatre projets pilotes n’était achevé. Par conséquent, les dépenses consacrées aux projets pilotes mentionnées ci-dessus sont probablement sous-estimées.
Remarque 3 : Le coût des services organisationnels essentiels et les frais centraux sont répartis par exercice financier en fonction du ratio annuel de toutes les autres dépenses par rapport aux dépenses totales de 2021-2022 à 2023-2024.

Le projet pilote est un programme volontaire dans le cadre duquel les entreprises participantes peuvent recevoir une reconnaissance officielle du Gouvernement du Canada pour le financement de projets de conservation ayant des effets positifs mesurables sur la biodiversité. Le projet pilote de la Bourse de la conservation n’a aucun équivalent connu dans d’autres administrations publiques et est considéré comme une première mondiale. Il s’agit également d’un nouveau mode d’intervention visant à conserver la nature pour ECCC, puisque le ministère s’appuie principalement sur des mesures législatives et réglementaires, l’administration d’un programme d’aires protégées, la provision de financement et la collaboration avec des partenaires de conservation établis. 

La conception du programme prévoit que pour participer au projet pilote, les parties intéressées doivent d’abord soumettre un formulaire de demande. Les demandes de projets de conservation proposés sont examinées pour en vérifier l’admissibilité. Les composantes de l’admissibilité comprennent une évaluation de la mobilisation des partenaires autochtones, de la mobilisation des parties prenantes, de l’emplacement du projet et des avantages attendus pour la biodiversité. Tous les demandeurs reçoivent une réponse comprenant les résultats de l’évaluation. 

Pour les projets retenus, ECCC fournit une estimation approfondie et fondée sur la science des répercussions attendues sur la biodiversité. Lorsqu’un projet est entièrement réalisé, ECCC délivre un certificat au partenaire financier. Le certificat fournit une reconnaissance officielle que le partenaire financier a contribué aux avantages positifs attendus du projet de conservation de la biodiversité, reflétant leur part du coût total du projet. La Figure 2 ci-dessous illustre les principales activités des projets de la Bourse de la conservation.

Figure 2. Principales activités des projets de la Bourse de la conservation

Figure 2 : Principales activités des projets de la Bourse de la conservation
Ordre Activité Partie responsable
1 Présenter une proposition de projet Organisme de conservation et bailleur de fonds
2 Examiner la proposition de projet Personnel de la Bourse de la conservation
3 Approuver la proposition de projet Personnel de la Bourse de la conservation
4 Estimer les avantages pour la biodiversité Personnel de la Bourse de la conservation
5 Évaluer les avantages bio culturels (étape facultative) Partenaires autochtones
6 Déterminer la participation financière du bailleur de fonds Organisme de conservation
7 Cerner les conditions de délivrance du certificat Personnel de la Bourse de la conservation
8 S’assurer que les conditions de délivrance du certificat sont remplies Personnel de la Bourse de la conservation
9 Délivrer un certificat relatif à la bourse de la conservation Personnel de la Bourse de la conservation

1.3 Projets de la Bourse de la conservation

Quatre projets sont en cours dans le cadre du projet pilote de la Bourse de la conservation. Le processus de sélection des trois premiers projets a été mené grâce à une intervention directe des responsables de la gouvernance du projet pilote, tandis que le quatrième projet a été sélectionné après avoir reçu une déclaration d’intérêt spontanée, suscitée lors de la promotion de la page Web sur la Bourse de conservation par le biais d’un communiqué ministériel. Le Tableau 2 ci-dessous fournit une description des quatre projets.

Table 2. Projets pilotes de la Bourse de la conservation
- Projet 1
Restauration du marais salé de la pointe d’Amherst
Projet 2
Restauration du ruisseau Mackenzie
Projet 3
Agriculture de conservation de précision
Projet 4
Programme d’intendance collaborative du cours supérieur de la St. Mary
Emplacement Amherst,  Nouvelle-Écosse Ruisseau Mackenzie, Alberta Sud-ouest du Manitoba et sud-est de la Saskatchewan Cours supérieur du ruisseau Lee et bassins versants de la rivière St. Mary, Alberta
Surface (hectares) 17,2 ha 300 ha 990 ha À déterminer
Type de projet Restauration Restauration Restauration Restauration
Habitat Milieux humides Aquatique et riverain Terres agricoles peu productives Aquatique et riverain
Principales mesures Construction d’une nouvelle digue et ouverture d’une brèche dans l’ancienne digue pour restaurer l’habitat de marais salé. Bloquer les traversées de ruisseaux et modifier le tracé du sentier afin d’atténuer l’impact des véhicules hors route. Réduire les sédiments et restaurer l’écoulement naturel et les berges. Convertir les zones de terres agricoles peu productives en zone de couverture végétale permanente. Remise en état des traversées du cours d’eau. Restauration des berges du ruisseau et des zones riveraines. Réacheminement des sentiers pour véhicules hors route.
Estimation des avantages pour la biodiversité Terminée En cours En cours  Pas encore commencée (en attente du plan de projet final) 
Évaluation des avantages bioculturels Sans objet Sans objet Sans objet Attendue, mais à confirmer
Certificat Pas encore délivré Pas encore délivré Pas encore délivré Pas encore délivré
Bailleurs de fonds Irving Oil Ltée Teck Nutrien  TC Energy Corporation
Conservation Canards Illimités Canada Truite Illimitée Canada Canards Illimités Canada Truite Illimitée Canada
Coût total ($) 681 600 $ 404 392 $ 325 521 $ 525 000 $
Contribution du bailleur de fonds* ($; %) 150 000 $
22 %
300 000 $
74 %
12 428 $
4 %
150 000 $
29 %

Source : Renseignements fournis par le personnel du projet pilote de la Bourse de la conservation.
*Les bailleurs de fonds reçoivent une reconnaissance pour les avantages d’un projet en matière de biodiversité dans la même proportion qu’ils contribuent aux coûts du projet. Par exemple, si un bailleur de fonds fournit 60 % du financement, il reçoit un certificat pour 60 % des avantages du projet en matière de biodiversité.

Pour le premier projet pilote de la Bourse de la conservation, Irving Oil Ltée (l’entreprise) a versé du financement à Canards Illimités Canada (l’organisme de conservation) pour la restauration d’un marais salé à Amherst, en Nouvelle-Écosse. Dans le cadre de ce projet, des pâturages sont reconvertis en marais salé grâce à la création d’une brèche dans un mur de terre servant de barrière entre les champs et la mer. Cette intervention augmente ainsi la superficie des habitats de marais salés uniques sur le plan écologique. Les travaux sont en cours et devraient se terminer d’ici l’été 2024. Dès que la preuve de l’achèvement du projet sera reçue, ECCC délivrera un certificat relatif à la Bourse de conservation à Irving Oil Ltée. En date du 16 février 2024, aucun projet n’était terminé. Par conséquent, aucun certificat n’a encore été délivré.

1.4 À propos de la présente évaluation

La présente évaluation porte sur la conception et la mise en œuvre du projet pilote de la Bourse de la conservation de 2021-2022 à 2023-2024. Le présent rapport fait état de plusieurs leçons apprises qui ont été établies pour aider la direction du programme à déterminer l’avenir de cette initiative.

L’évaluation est axée sur la conception et la mise en œuvre initiale, ainsi que sur la mesure du rendement et la gestion de l’innovation. Les méthodes suivantes ont été utilisées :

  • Un examen documentaire, comprenant des plans de travail, des rapports, des documents de recherche, des communiqués, des documents d’information, des contributions écrites des partenaires externes et des revues de littérature (plus de 200).
  • Un examen des données administratives et financières (plus de 400 points de données).
  • Des entrevues avec des employés d’ECCC (10) et des partenaires externes (10) qui ont apporté des contributions essentielles à la conception et à la mise en œuvre du projet pilote.

L’évaluation s’est terminée peu avant la fin de la troisième année d’opération du projet pilote et rend compte des renseignements recueillis jusqu’au 16 février 2024. 

2. Réalisations 

La section suivante décrit les principales réalisations du projet pilote.

2.1 Les composantes du programme sont conçues mais ne sont pas entièrement mises en œuvre

Principales constatations : Le pilote a conçu les trois principales composantes du programme : l’estimation des avantages pour la biodiversité, l’évaluation des avantages bioculturels et la certification officielle des projets de conservation achevés. Bien que l’estimation des avantages pour la biodiversité ait été réalisée pour un projet pilote, aucun projet n’a encore reçu de certificat. En outre, un seul projet de conservation a été élaboré avec des partenaires autochtones, et il est attendu qu’il permette d’évaluer les avantages bioculturels. 

Trois composantes du programme ont été conçues au cours du projet pilote : l’estimation des avantages pour la biodiversité, l’évaluation des avantages bioculturels et la certification officielle des projets de conservation achevés. Chacune de ces composantes est décrite en détail ci-après. 

Estimation des avantages pour la biodiversité

La Bourse de la conservation a élaboré un système permettant d’estimer les résultats attendus des projets de conservation en matière de biodiversité. Ce système a été conçu par des spécialistes de la recherche sur les espèces sauvages et des partenaires universitaires d’ECCC, sur la base d’une analyse documentaire complète, la contribution de groupes de travail et l’apport d’experts ayant participé à l’atelier d’évaluation des avantages du premier projet pilote.

Le paramètre qui a été élaboré offre une estimation quantitative des avantages pour la biodiversité qui sont susceptibles de se concrétiser à la suite de mesures de conservation. Ces avantages sont définis comme une amélioration nette de la persistance des espèces en péril évaluées par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada et d’autres espèces susceptibles d’être présentes par rapport au scénario hypothétique où le projet n’aurait pas eu lieu. Le paramètre est conçu pour s’appliquer à l’échelle nationale, permettant ainsi d’accommoder des projets de différentes échelles spatiales et situé dans n’importe quel écotype. Ceci rend possible la comparaison entre projets de conservation. Pour parvenir à cette applicabilité générale, le paramètre ne mesure pas explicitement d’autres caractéristiques importantes des mesures de conservation, comme la qualité de l’habitat, la connectivité de l’habitat et les menaces à la biodiversité. Ces caractéristiques sont néanmoins indirectement mesurées par leurs répercussions sur les espèces. Les paramètres fondés sur les espèces sont couramment utilisés dans les sciences de la conservation comme indicateurs de l’état général de la biodiversité et sont considérés comme suffisants pour appuyer la prise de décision.

Le projet pilote s’appuie sur l’avis d’experts pour générer les valeurs sur le plan de la biodiversité. La consultation d’experts permet de recueillir et de synthétiser le point de vue d’experts qualifiés. La consultation est couramment utilisée dans le cadre du suivi et de l’évaluation des projets de conservation, et elle constitue souvent l’approche privilégiée lorsqu’il existe peu de renseignements documentés. Des protocoles structurés de consultation des experts peuvent être utilisés pour déterminer si les répercussions attendues des projets de conservation sont positives nettes ou négatives nettes, ainsi que pour estimer l’ampleur des répercussions.

Le protocole de la Bourse de la conservation produit des cotes nationales et locales qui expriment le changement net moyen dans la probabilité de persistance des espèces sur 20 ans, en tenant compte des tendances actuelles. Le changement net moyen est calculé à partir des changements attendus dans les probabilités de persistance pour chaque espèce considérée. Les cotes locales indiquent les répercussions attendues dans la zone du projet et peuvent intéresser les parties prenantes locales. Les cotes nationales sont utilisées pour rendre compte des avantages estimés pour la biodiversité et peuvent être utilisées pour comparer les projets, en établir l’ordre de priorité et les sélectionner. 

Les bons projets devraient obtenir des cotes positives, et les cotes nationales sont destinées à permettre une comparaison directe entre les projets. À ce stade, les cotes des avantages attendus pour la biodiversité sont générées pour trois paramètres :  

  1. Espèces en péril, soit celles désignées par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada;
  2. Groupes fonctionnels d’espèces; 
  3. Écotypes.  

 

Définitions

  • Probabilités moyennes : Somme des probabilités que les espèces individuelles persistent après l’intervention, par rapport aux tendances actuelles, divisée par le nombre d’espèces prises en compte. 
  • Écotype : Une zone plus ou moins uniforme en ce qui a trait aux communautés animales et végétales, aux propriétés du sol et du site, et aux facteurs et aux interactions écologiques qui déterminent la composition, la structure et la fonction des espèces.
  • Groupes fonctionnels : Groupes d’espèces ayant des caractéristiques similaires et une influence similaire sur le fonctionnement de l’écosystème.
  • Persistance des espèces : Changement dans la situation quant à la conservation des espèces, indiquant la probabilité de disparition d’une espèce dans un avenir proche.  

À l’avenir, il reste à déterminer quel paramètre – soit celui de la biodiversité fonctionnelle des espèces, soit celui des écotypes – continuera à être estimé de concert avec le paramètre des espèces en péril afin de tenir compte des répercussions estimées sur les espèces qui ne sont pas considérées être actuellement en péril. 

Dans l’ensemble, le système d’estimation des avantages pour la biodiversité mis au point dans le cadre du projet pilote est reproductible, transparent et fondé sur la science. Même lorsque des données empiriques sont rares, il permet une estimation rapide, évaluée par des pairs et réalisée par des experts, des répercussions nettes sur les espèces clés situées à l’intérieur des limites du projet de conservation. Le système vise à établir un équilibre entre une évaluation rigoureuse et la rentabilité, et à ce titre il s’inscrit en correspondance avec les principes de gouvernance et d’intégrité de haut niveau pour les marchés émergents de crédits volontaires pour la biodiversité (PDF) du Forum économique mondial.

Évaluer les avantages bioculturels

En plus de l’estimation des avantages pour la biodiversité, la Bourse de la conservation a été conçue pour reconnaître et maintenir la relation spéciale que les peuples autochtones entretiennent avec la terre. À cette fin, un protocole a été élaboré pour évaluer les contributions des projets de conservation à la diversité et aux valeurs bioculturelles. Il convient de noter que cet élément du projet pilote ne s’applique qu’aux projets de conservation élaborés en partenariat avec les communautés autochtones. Sur les quatre projets pilotes, un seul a été élaboré avec des partenaires autochtones : les responsables du projet de Truite Illimitée Canada ont exprimé un vif intérêt pour la réalisation d’une évaluation des avantages bioculturels, mais la décision d’aller de l’avant n’a pas encore été prise. 

L’évaluation des avantages bioculturels a été conçue pour fournir des mesures normalisées comparables d’un projet à l’autre. Les évaluations doivent être menées par des partenaires autochtones en collaboration avec les promoteurs du projet. Les mesures des avantages bioculturels évaluent la valeur des mesures de conservation pour les populations autochtones vivant à proximité de la zone du projet, y compris les populations autochtones qui détiennent des droits ancestraux et issus de traités applicables à cette zone. Les projets de conservation peuvent contribuer positivement aux valeurs bioculturelles comme la santé, le bien-être, la continuité culturelle, l’amélioration des moyens de subsistance et l’économie – nombre de ces avantages étant interreliés. 

Trois types d’indicateurs sont inclus dans l’évaluation des avantages bioculturels du projet de conservation pour les populations autochtones. Ces catégories sont fondées sur une recherche multidisciplinaire qui a étudié la meilleure façon de contribuer aux moyens de subsistance et au bien-être des peuples autochtones du Canada :

  1. Espèces : Avantages nets estimés pour la biodiversité pour les espèces comprises dans la zone du projet et ayant une valeur bioculturelle déterminée par les peuples autochtones.
  2. Partenariat : Mesure dans laquelle le projet mobilise les peuples autochtones en tant que partenaires respectés. 
  3. Bien-être : Avantages bioculturels des mesures de conservation pour les peuples autochtones, sous la forme de nourriture, d’eau, de médicaments, de cérémonies, de guérison, de bien-être social, de moyens de subsistance, d’éducation et de liens culturels ou spirituels.

La conception de l’évaluation des avantages bioculturels est conforme aux principales mesures recommandées aux gouvernements énumérées dans la Déclaration régionale nord-américaine sur la diversité bioculturelle, (PDF) à savoir :

  • Créer et maintenir les conditions nécessaires à la mobilisation des systèmes de connaissances autochtones par les détenteurs de ces connaissances pour guider la conservation, le développement durable et la prise de décision.
  • Élaborer des approches holistiques pour supprimer toute séparation conceptuelle et pratique des diversités sur le plan biologique et culturel dans les approches coloniales cloisonnées de la conservation, du développement durable et de la prise de décision.
  • Garantir la participation efficace des populations autochtones à toutes les questions qui les concernent.

Le personnel et les participants du projet pilote devront posséder de solides compétences interculturelles pour entretenir des relations avec des partenaires autochtones et participer à des projets de conservation avec ceux-ci.

Il est important de noter que si les promoteurs de projets sont encouragés à établir des relations avec les communautés autochtones locales et à entreprendre une évaluation des avantages bioculturels, ils ne sont pas tenus de le faire. À l’avenir, les responsables de la Bourse de la conservation devraient envisager de rendre obligatoire l’évaluation des avantages bioculturels pour les projets de conservation élaborés avec des partenaires autochtones, tout en précisant que les partenaires autochtones peuvent refuser de participer à l’évaluation sans compromettre la participation d’un projet de la Bourse de la conservation. Cette approche renforcerait l’harmonisation de la Bourse avec l’engagement du Gouvernement du Canada et d’ECCC à soutenir la réconciliation, tout en respectant la capacité et l’intérêt des partenaires autochtones à participer à ces évaluations.

Des incertitudes subsistent quant à savoir si l’évaluation des avantages bioculturels peut prendre en compte divers ensembles de valeurs bioculturelles dans les cas probables où au moins deux communautés autochtones vivent à proximité du projet et souhaitent participer à l’évaluation. 

Certifier les répercussions positives des projets de conservation

En collaboration avec des partenaires externes et le personnel des communications du Ministère, le personnel du projet pilote a mis au point un certificat visant à reconnaître officiellement les répercussions positives des projets de conservation qui participent à la Bourse de la conservation. Au moment de la rédaction du présent rapport, aucun projet n’avait été terminé sur le terrain et n’avait fait l’objet d’un contrôle de conformité réussi. Par conséquent, aucun certificat n’a encore été délivré dans le cadre de la Bourse de la conservation.

Le certificat indiquera le projet de conservation, le promoteur du projet, l’organisme de conservation responsable de la mise en œuvre du projet et, le cas échéant, d’autres partenaires, comme les partenaires autochtones et les gouvernements provinciaux ou territoriaux. Chaque certificat porte un numéro d’identification unique et indique les avantages nationaux estimés en matière de biodiversité financés par le partenaire, ainsi que les avantages bioculturels évalués, le cas échéant. Le certificat utilise les symboles officiels du Gouvernement du Canada et est entièrement conforme à la Politique sur les communications et l’image de marque du Gouvernement du Canada. Outre le certificat, les promoteurs recevront un bref document d’accompagnement et un dossier de projet, qui devraient contenir des renseignements contextuels supplémentaires sur les répercussions bioculturelles et sur la biodiversité.

2.2 La Bourse de la conservation a créé des partenariats avec des acteurs clés de la conservation

Principales constatations : Le projet pilote de la Bourse de la conservation a permis de créer des partenariats avec des acteurs clés de la conservation et de maintenir la collaboration. Des partenariats externes avec des organisations sans but lucratif et des entreprises ont permis d’obtenir des commentaires et un soutien continus tout au long du projet pilote.

Le projet pilote de la Bourse de la conservation disposait d’un court délai pour mettre au point une conception de programme fonctionnelle et la mettre à l’essai. Dès le début, des partenariats ont été établis avec des experts en la matière, des acteurs clés de la conservation et des représentants de l’industrie. Des groupes de réflexion, des universitaires, des analystes des politiques, des économistes et du personnel scientifique ont été chargés de mener des recherches, d’examiner la littérature et de formuler des recommandations sur la manière de concevoir et de mettre en œuvre une Bourse de la conservation adaptée à l’objectif visé.

Trois groupes de travail – intraministériel, interministériel et externe – ont été constitués afin de recueillir des points de vue variés et d’obtenir rapidement un retour d’information et des commentaires. Le groupe de travail externe (GTE) continue de se réunir tous les trois mois environ. Il est composé de membres issus des secteurs de l’industrie et des ressources, ainsi que d’organisations de conservation, de gouvernements provinciaux et d’organisations autochtones. Le GTE a apporté une contribution importante au projet pilote en fournissant un large éventail de points de vue externes sur les options de conception et de mise en œuvre, et en sondant le terrain quant à l’intérêt et à la motivation des investisseurs.

Les possibilités pour les bailleurs de fonds de participer au projet pilote ont été volontairement limitées. Le projet pilote visait à sélectionner jusqu’à cinq projets de conservation pour mettre à l’essai sa conception. Le haut fonctionnaire et le gestionnaire responsable du projet pilote ont tiré parti de leurs réseaux professionnels pour trouver des représentants de l’industrie intéressés. Trois des quatre projets sélectionnés pour faire partie du projet pilote ont été rendus possibles grâce à leurs efforts.

Bien qu’il en soit encore aux premiers stades, le projet pilote a attiré l’attention et l’intérêt d’entrepreneurs de renommée mondiale dans le domaine de la finance durable. Des collaborations ont été établies avec des représentants du Forum économique mondial et du Groupe de travail mondial sur des informations financières liées à la nature. À l’avenir, une collaboration continue avec ces organisations permettrait à ECCC de contribuer à façonner l’avenir du financement de la conservation au Canada et à l’étranger, ce qui pourrait aussi renforcer la proposition de valeur de la Bourse de la conservation pour les bailleurs de fonds du secteur privé.

2.3 Le projet pilote a largement respecté son plan de mise en œuvre

Principales constatations : Le projet pilote de la Bourse de la conservation a largement respecté son plan de mise en œuvre. Toutefois, les projets n’ont pas été complétés comme prévu. Bien que les quatre projets de conservation progressent, aucun n’a été finalisé dans le délai initial de trois ans.

Le plan de mise en œuvre triennal élaboré par les responsables de la Bourse de la conservation a été suivi tout au long du projet pilote. Les travaux ont progressé et tous les principaux jalons ont été franchis, à l’exception de l’élaboration des politiques de compensation de la biodiversité et de l’achèvement des projets de conservation participants. Les travaux sur les politiques de compensation de la biodiversité ont été exclus du projet pilote et élaborés par une autre équipe d’ECCC. Le personnel participant au projet pilote a analysé les options concernant les liens possibles entre la Bourse de la conservation et les politiques de compensation sur le plan de la biodiversité et a formulé des recommandations.

Les projets de conservation faisant partie du projet pilote sont entièrement mis en œuvre par des partenaires externes, par conséquent le personnel d’ECCC n’a aucun contrôle sur leur calendrier de réalisation. Le personnel du projet pilote n’est en mesure de réaliser une estimation des avantages pour la biodiversité que lorsque les propositions de projet de conservation sont achevées. De même, le personnel ne peut délivrer un certificat seulement lorsque le projet de conservation participant est entièrement exécuté sur le terrain.

Bien que les calendriers initiaux des projets de conservation participants aient été révisés, ce changement ne s’explique pas leur participation à la Bourse de la conservation selon le personnel du projet pilote et les organisations de conservation participantes. Selon eux, la présentation d’une demande à la Bourse de la conservation requiert un niveau d’effort raisonnable et le processus est efficace. Les organisations de conservation intéressées à participer à la Bourse ont été invitées à remplir un bref formulaire de demande conçu pour soutenir l’évaluation de la valeur potentielle de la biodiversité des projets de conservation. Les organisations de conservation nous ont indiqué qu’ils investissaient entre 20 et 40 heures, et les bailleurs de fonds nous ont indiqué qu’ils n’avaient besoin que de quelques heures de réunion pour achever leurs propositions. L’estimation des avantages pour la biodiversité est réalisée par le personnel d’ECCC et les experts externes, elle ne nécessite pas de contribution de la part des organisations de conservation ou des bailleurs de fonds. En ce qui concerne l’évaluation des avantages bioculturels, il reste à voir quelle sera l’ampleur des efforts nécessaires et si la réalisation d’une évaluation aura une incidence sur le calendrier global du projet.

2.4 Les premiers utilisateurs sont disposés à poursuivre leur participation à la Bourse de la conservation  

Principales constatations : Les organisations de conservation et les bailleurs de fonds du secteur privé qui ont participé au projet pilote souhaitent poursuivre leur participation à la Bourse de la conservation.

Pendant la période d’évaluation, la sous-ministre adjointe du Service canadien de la faune a prolongé le projet pilote de la Bourse de la conservation de deux ans. En date du 16 février 2024, toutes les organisations de conservation et bailleurs de fonds participants avec lesquels nous nous sommes entretenus ont déclaré avoir eu une expérience positive et être intéressés à poursuivre leur participation à la Bourse de la conservation. Les représentants des organisations participantes ont indiqué qu’ils apprécient les renseignements scientifiques qui indiquent les répercussions relatives d’un projet. Au-delà de cet intérêt commun pour les renseignements propres aux projets, les organisations de conservation et les bailleurs de fonds ont des raisons différentes de participer à la Bourse de la conservation et de se montrer intéressés à poursuivre leur participation. 

La Bourse de la conservation offre aux entreprises la possibilité d’améliorer leur réputation lorsqu’elles s’engagent volontairement, sur la base de principes, à produire des effets positifs au-delà des emplois créés, de la fourniture de produits et de services, et de la création de valeur pour les actionnaires. En effet, la participation à la Bourse de la conservation offre une quantification normalisée et fondée sur la science des répercussions positives sur la biodiversité, émise par le Gouvernement du Canada. Cette information est non seulement complémentaire aux rapports sur les dépenses liées à la conservation, mais peut également renforcer la crédibilité des rapports d’entreprise sur la durabilité. 

Une meilleure réputation peut se traduire par une plus grande acceptabilité sociale des nouveaux projets de développement, par de meilleurs résultats en matière de recrutement et de maintien en poste de la main-d’œuvre, ou par de meilleurs résultats sur les marchés des capitaux. Certaines entreprises du secteur privé s’attendent également à ce que les divulgations financières liées à la nature deviennent obligatoires à moyen terme, et elles considèrent la participation à la Bourse de la conservation comme un moyen de remplir certaines de leurs obligations en matière de biodiversité, d’établir des partenariats fructueux et de rester informées sur l’évolution du domaine de la finance durable.

Les organisations de conservation ont leurs propres raisons de participer à la Bourse de la conservation. Tout d’abord, elles participent lorsque les bailleurs de fonds en expriment le souhait. En acceptant de participer à la Bourse de la conservation, les organisations de conservation fournissent un service qui répond aux besoins de leurs partenaires du secteur privé. En outre, les représentants avec lesquels nous nous sommes entretenus s’attendent à ce que la demande du secteur privé pour la certification de leurs projets soit à la hausse, à mesure que les engagements en matière de divulgations financières liées à la nature se concrétisent. La participation à la Bourse de la conservation pourrait se traduire par une augmentation des volumes d’affaires et de financement pour les organisations de conservation. Enfin, participer à la Bourse de la conservation offre également la possibilité de comparer les méthodes et les paramètres d’évaluation des répercussions positives sur la biodiversité, de comparer l’efficacité des projets quant à la réalisation de répercussions positives, ainsi que de cerner les améliorations potentielles à apporter à leur proposition de valeur. 

Il est important de noter que les entreprises n’ont pas encore profité des avantages sur le plan de la réputation découlant de leur participation à la Bourse de la conservation et de l’évaluation des répercussions positives sur la biodiversité et les valeurs bioculturelles. Parce qu’ils reposent sur une évaluation subjective, il est attendu que les avantages sur le plan de la réputation ne se concrétisent seulement lorsqu’un nombre suffisant d’entreprises du secteur privé, d’acteurs du financement de la conservation et d’autres parties prenantes accorderont de la valeur à la certification fournie dans le cadre de la Bourse de la conservation. Il s’ensuit que la capacité de la Bourse de la conservation à fournir les avantages attendus à ses participants du secteur privé dépend de la création d’un effet de réseau. La valeur de la participation à la Bourse de la conservation est dont déterminée à la fois par le nombre de participants et par la reconnaissance consentie à la Bourse de la conservation par les communautés de conservation de la nature et de la finance durable.

2.5 ECCC innove dans le domaine de la conservation de la nature

Principales constatations : ECCC s’efforce de façonner le changement dans le domaine des politiques de conservation de la nature. Le projet pilote de la Bourse de la conservation illustre la capacité du Ministère à innover et à gérer l’innovation de manière efficace.

Le Gouvernement du Canada accorde de l’importance à l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes. Une culture de l’innovation peut contribuer à renforcer le lien entre la résolution des problèmes, la production de données probantes et la prise de décision. La mise à l’essai des innovations en situation réelle est une approche éprouvée pour évaluer l’efficacité de la conception des programmes, tout en améliorant les résultats sociaux, environnementaux et économiques pour les Canadiens. Comme l’a noté le greffier du Conseil privé en octobre 2023, il ne suffit pas que les fonctionnaires soient au courant des changements en cours, ils doivent faire partie du changement et s’efforcer de le façonner activement. Le projet pilote de la Bourse de la conservation est un exemple de la volonté d’ECCC de façonner le changement par l’innovation dans le domaine des politiques de conservation de la nature. 

Comme le montre le Tableau 3 à la page suivante, le projet pilote de la Bourse de la conservation a démontré de bonnes pratiques ministérielles de gestion de l’innovation. En particulier, ECCC a affecté des ressources temporaires au projet pilote, les responsables ont adopté une approche souple pour définir et finaliser la conception de la Bourse de la conservation, et des collaborations avec des partenaires clés internes et externes ont été mises en place très tôt afin d’établir une boucle de rétroaction rapide. Les parties prenantes, comme les organisations de conservation et les entreprises du secteur privé, ont fait part de leurs commentaires sur les principaux aspects du projet pilote, notamment la conception du certificat, le processus d’estimation des avantages pour la biodiversité, ainsi que les stratégies et les produits de sensibilisation. Par la suite, des modifications ont été apportées à la conception du projet pilote ainsi qu’à sa mise en œuvre. À titre d’exemple, les critères d’acceptabilité des projets de conservation ont été élargis pour inclure d’autres mesures de conservation efficaces et les paramètres de déclaration des estimations des avantages pour la biodiversité ont été revus à la suite du premier processus de consultation des experts.

Tableau 3. Données probantes d’une saine gestion de l’innovation dans le cadre du Projet pilote de la Bourse de la conservation
Indicateurs d’une saine gestion de l’innovation Données probantes du projet pilote de la Bourse de la conservation Force de la preuve
SLes hauts dirigeants allouent des ressources pour soutenir l’innovation Des ressources ont été allouées au projet pilote sur trois ans, à compter de 2021-2022 : 4,7 millions de dollars de financement temporaire, provenant de l’enveloppe de financement de l’initiative Patrimoine naturel bonifié. Les ressources ont permis de financer la recherche et l’analyse visant à déterminer la conception de la Bourse de la conservation, y compris la prise en compte des connaissances et des perspectives autochtones, des mesures de la biodiversité et des avantages bioculturels, ainsi que des liens avec la finance durable. Forte
SLes hauts dirigeants sont mobilisés et assurent une supervision suffisante La directrice générale de la Direction des aires protégées a participé tout au long du projet pilote et a joué un rôle clé dans l’établissement de collaborations avec les partenaires du secteur privé. Compte tenu de la nature et de la taille du projet pilote, la supervision et le soutien de la part de la haute direction ont été établi au bon niveau organisationnel. Forte
L’initiative est mise à l’essai à petite échelle La Bourse de la conservation met à l’essai, à petite échelle, un concept qui pourrait éventuellement être étendu à un programme national à grande échelle. Le nombre de participants potentiels a été volontairement limité afin que l’initiative puisse être mise à l’essai dans le cadre de quelques projets initiaux. Forte
Des stratégies pour concevoir, mettre à l’essai et comparer sont utilisées Une analyse de la littérature a été réalisée pour soutenir la conception des mesures et des protocoles d’estimation des avantages bioculturels et pour la biodiversité. Les programmes de compensation de la biodiversité existants ont été examinés afin de soutenir la conception de la Bourse de la conservation, qui est établie en tant que programme de crédit volontaire pour la biodiversité. Les mesures de conservation feront l’objet d’un suivi afin d’évaluer leur efficacité à produire des résultats positifs en matière de biodiversité et de bioculture. Au fil du temps, les renseignements recueillis dans le cadre de plusieurs projets pourraient permettre de comparer l’efficacité des différents projets et des différentes mesures de conservation. Modérée
L’initiative est susceptible d’avoir des répercussions importantes pour les Canadiens ou les fonctionnaires Bien qu’il soit difficile d’estimer l’ampleur de la contribution attendue à l’augmentation des investissements du secteur privé dans la conservation de la nature, le projet pilote de la Bourse de la conservation a démontré sa capacité à permettre ces investissements et le potentiel d’amélioration des résultats en matière de conservation au Canada. De plus, la mesure et le protocole d’estimation des avantages pour la biodiversité mis au point dans le cadre du projet pilote pourraient être utilisés pour éclairer la prise de décision et accroître la rentabilité des programmes de conservation. Les fonctionnaires responsables du financement des programmes, les organisations de conservation, les partenaires du secteur privé et les investisseurs pourraient tous profiter de la transparence et de l’imputabilité accrues offertes par les outils élaborés dans le cadre du projet pilote de la Bourse de la conservation. Modérée
Les résultats sont utilisés pour éclairer la prise de décision des dirigeants Les résultats du projet pilote et les conclusions de l’évaluation préliminaire ont été utilisés pour informer la sous-ministre adjointe responsable de la décision sur l’avenir de la Bourse de la conservation. En conséquence, une prolongation de deux ans a été accordée afin d’achever l’évaluation des avantages pour la biodiversité de tous les projets pilotes en cours, de lancer de nouveaux projets, d’améliorer le processus d’évaluation et de poursuivre d’autres applications de l’estimation des avantages dans les programmes axés sur la biodiversité dans l’ensemble d’ECCC. Forte

De plus, la Bourse de la conservation a reçu une reconnaissance externe pour ses contributions innovatrices au suivi, à l’évaluation et au financement de la conservation de la nature. En octobre 2023, le personnel du projet pilote a participé à la Conférence mondiale sur la biodiversité et le suivi GEO BON (en anglais seulement) qui s’est tenue à Montréal. Les participants à la Conférence ont discuté des principaux défis liés au suivi de l’état de la biodiversité en soutien aux mesures de conservation et à la prise de décision, y compris l’absence générale d’indicateurs prédictifs. La présentation de la Bourse de la conservation a été bien accueillie par les participants, qui ont reconnu que : 1) l’aspect prédictif de l’indicateur de la Bourse de la conservation est unique et comble une lacune importante, et 2) l’effort visant à encourager les investissements du secteur privé dans la conservation de la nature est opportun.

3. Défis

La Bourse de la conservation a été conçue pour contribuer à combler le déficit de financement en matière de conservation au Canada en suscitant ou en créant des circonstances favorables à l’augmentation substantielle des investissements du secteur privé. Pour montrer qu’elle peut apporter une contribution importante, la Bourse de la conservation doit prendre de l’ampleur. La Bourse de la conservation doit également définir ce qu’est la réussite par rapport au déficit de financement de la conservation au Canada, afin de concentrer les efforts et les ressources là où ils sont les plus susceptibles d’avoir un impact significatif. 

Par exemple, en multipliant le nombre de projets par 10, on obtient 50 projets de conservation volontaire financés par année par des entreprises. Si le projet moyen obtient 500 000 $ de financement du secteur privé, ces projets combleraient collectivement le manque de financement de la conservation d’environ 20 à 25 millions de dollars par an (ce qui correspond à environ un dixième de 1 % du manque de financement). 

Les défis cernés dans cette section devront être atténués ou résolus pour que la Bourse de la conservation puisse atteindre son objectif principal, à savoir contribuer à combler le déficit de financement de la conservation au Canada. Des ressources supplémentaires seront probablement nécessaires à court et à moyen terme pour relever ces défis.

3.1 Les conditions d’une forte demande ne sont pas réunies

Principales constatations : La Bourse de la conservation vise à accroître les investissements volontaires du secteur privé dans la conservation. Pour atteindre cet objectif, une forte demande pour une reconnaissance officielle d’ECCC offerte aux entreprises est un facteur clé de réussite. Près de trois ans après le lancement du projet pilote, le niveau de demande requis pour entraîner des répercussions importantes n’a pas encore été atteint. À l’avenir, des efforts et des ressources devraient être consacrés à la création de conditions propices à une forte demande.

Au cours de son projet pilote de trois ans, la Bourse de la conservation a créé une proposition de valeur pour les entreprises et les organisations de conservation, et a jeté les bases d’un programme afin de d’évaluer dans quelle mesure celui-ci pourrait être mis en œuvre à plus grande échelle. D’après les résultats obtenus à ce jour, les facteurs de réussite à long terme suivants ne sont pas encore réunis :

  • Une connaissance répandue de l’existence de la Bourse de la conservation parmi les entreprises canadiennes cotées en bourse.
  • Une compréhension suffisante de la Bourse de la conservation pour que les participants potentiels puissent saisir sa proposition de valeur.
  • Une démonstration des avantages sur le plan de la réputation obtenus par le biais de la participation à la Bourse de la conservation.
  • L’obtention d’avantages financiers compatibles avec la participation à la Bourse de la conservation.

Connaissance de la Bourse de la conservation

Pendant le projet pilote, la sensibilisation des entreprises et des organisations de conservation s’est d’abord limitée aux membres du groupe de travail externe et aux réseaux professionnels des dirigeants de la Bourse de la conservation. Grâce à cette stratégie d’approche ciblée, certains partenaires de la conservation ont été invités à participer au projet pilote. Au cours de cette phase, trois entreprises ont répondu à l’invitation et ont accepté que leurs projets participent à la Bourse de la conservation. 

Pendant la troisième et dernière année du projet pilote, une page Web dédiée à la Bourse de la conservation a été créée puis publiée, et d’autres activités de communication ont été menées, notamment une brochure, un communiqué et une publication sur les médias sociaux. Depuis la publication en ligne de mars 2023 à septembre 2023, les 1 036 visiteurs ayant consulté les versions française et anglaise de la page Web du projet pilote de la Bourse de la conservation sont restés en moyenne 3 minutes 34 secondes sur la page (médiane : 1 minute 49 secondes). Sur les 10 jours (inclusivement) qui ont suivi le communiqué ministériel du 17 mai 2023, 216 visiteurs (21 %) ont consulté la page Web pour une durée moyenne et médiane de près de 5 minutes. Le Tableau 4 ci-dessous résume ces mesures d’analyse du Web. Ces résultats montrent que le communiqué a été efficace pour attirer des visiteurs vers la page Web de la Bourse de la conservation.

Tableau 4. Visiteurs et durée des visites sur la page Web de la Bourse de la conservation
Période De mars à septembre 2023 Du 17 au 26 mai 2023 (sousensemble)
Visiteurs uniques 1 036 216
Durée moyenne de la visite 3 min 34s 4 min 56s
Durée médiane de la visite 1 min 49s 5 min 3s

Source : L’analyse Web est fournie par les Communications d’ECCC.

Seulement trois déclarations d’intérêt ont été reçues à la suite des activités de communication. De ce nombre, une seule s’est traduite par un projet pilote supplémentaire. Le recrutement par l’entremise de la page Web et d’autres activités de communication n’a pas eu le succès escompté et soulève des préoccupations quant à la capacité de ces activités à attirer de futurs participants.

Si la supposition selon laquelle le succès de la Bourse de la conservation repose sur l’exploitation des effets de réseau est fondée, il est nécessaire à court et à moyen terme d’accroître le niveau de connaissance de la Bourse de la conservation parmi les partenaires de conservation afin de faire créer un effet d’entraînement. Comme l’ont souligné les membres du groupe de travail externe, des mesures efficaces de marketing et de communications sont essentielles pour libérer le potentiel de la Bourse de la conservation. Les mesures suivantes permettraient de mieux faire connaître la Bourse de la conservation :cient momentum. As emphasized by External Working Group members, effective marketing and communications is key to unlocking the CX’s potential. The following measures may increase awareness of the Conservation Exchange :

  • Une présence numérique renforcée : La page Web actuelle du Ministère consacrée à la Bourse de la conservation n’offre pas une expérience utilisateur susceptible de fournir un niveau de connaissance et de compréhension de la Bourse de la conservation suffisant pour se traduire par un intérêt à y participer. En comparaison, le Programme des dons écologiques conçu pour encourager les contributions privées à la conservation de la nature a une présence numérique beaucoup plus appuyée, avec plusieurs pages Web ministérielles consacrées à la provision de renseignements détaillés sur le programme, y compris la façon de participer et ce à quoi les participant peuvent s’attendre. Le Programme des dons écologiques a également élaboré un manuel complet qui sert de référence complète et téléchargeable pour les parties intéressées.

  • Sensibilisation et marketing en personne : Le succès de la Bourse de la conservation dépend de sa capacité à créer un effet de réseau. Même si elle est renforcée, la présence numérique n’est pas susceptible de générer cet effet à elle seule. Des activités de sensibilisation et de marketing en personne auprès d’organisations du secteur privé sont nécessaires pour faire prendre conscience de l’existence de la Bourse, pour favoriser la compréhension de son fonctionnement et pour susciter l’intérêt à y participer. La représentation de la Bourse de la conservation et la participation à des événements nationaux, régionaux et sectoriels sur les questions d’environnement, de société et de gouvernance (ESG) permettraient de créer un réseau avec des représentants d’entreprises susceptibles de s’intéresser de près à la proposition de valeur de la Bourse de la conservation. Bien qu’on ne s’attende pas à ce que les organisations de conservation soient à l’origine de la participation à la Bourse de la conservation, les activités de sensibilisation et de marketing en personne pourraient également être étendues à eux, le cas échéant.

  • Parler le langage approprié : Bien que la Bourse de la conservation soit ancrée dans la science de la conservation de la nature et dans des objectifs politiques stratégiques, elle vise également à avoir une incidence sur la façon dont les entreprises canadiennes allouent des ressources à des projets de conservation volontaires. À cette fin, le personnel chargé de représenter la Bourse de la conservation et de communiquer sa proposition de valeur aux participants potentiels du secteur privé et aux spécialistes des facteurs ESG gagnerait à détenir une compétence démontrée en matière de finance durable, de marketing et de gestion stratégique d’entreprise. 

  • Couverture médiatique : La couverture médiatique nationale de la proposition de valeur innovatrice de la Bourse de la conservation, des projets à ce jour et des partenaires de conservation d’ECCC est susceptible de faire connaître la Bourse à de nouvelles entreprises, voire de susciter de l’intérêt à participer au réseau.

Compréhension de la Bourse de la conservation

En plus d’être au courant de l’existence de la Bourse de la conservation, les partenaires de la conservation doivent comprendre comment elle fonctionne et les avantages qu’il est possible d’en tirer. Trois ans après le début du projet pilote, les éléments suivants de la conception de la Bourse de la conservation ont été mal compris au cours des premières années ou restent une source d’incertitude pour certains partenaires de la conservation :

  • Sélection des projets : Comment les projets sont-ils sélectionnés pour participer à la Bourse de la conservation? Quel est le processus et quels sont les critères? Quels types de projets ont été sélectionnés dans le passé? Quels types de projets n’ont pas été sélectionnés et pourquoi? 
  • Liens avec la compensation : Les répercussions positives estimées sur la biodiversité qui sont certifiées par la Bourse de la conservation peuvent-elles être utilisées pour compenser les répercussions négatives sur la biodiversité dans d’autres projets? 
  • Organisations admissibles : Qui peut participer en tant que promoteur d’un projet de conservation? Qui peut participer en tant que bailleur de fonds d’un projet de conservation?
  • Proposition de valeur : Que peut faire la Bourse de la conservation pour moi? Comment la participation à la Bourse de la conservation apportera-t-elle une valeur ajoutée au travail de mon organisation? Quelle est l’envergure de cette valeur? Quelle aide la Bourse de la conservation d’ECCC apportera-t-elle à mon organisation pour mettre de l’avant ses contributions certifiées et volontaires à la conservation de la nature?
  • Justification d’un nouveau paramètre : Il existe un grand nombre de paramètres et de normes permettant d’estimer, de quantifier, de comparer et de rendre compte des niveaux de référence et des changements en matière de biodiversité - pourquoi en avons-nous besoin d’un nouveau? Pourquoi ECCC chapeaute-t-il ce travail?
  • Résultats de l’estimation : En langage clair, que signifient les cotes obtenues au terme de l’estimation des avantages pour la biodiversité des projets? Comment devons-nous, nos partenaires et nos parties prenantes, interpréter les avantages estimés pour la biodiversité et les avantages bioculturels évalués? Mon projet de conservation peut-il obtenir une faible cote et, dans l’affirmative, est-ce que cela signifie que c’est un mauvais projet? Comment mon projet de conservation peut-il obtenir une meilleure cote? Selon les projets antérieurs de la Bourse de la conservation, à quelle cote pouvons-nous attendre pour notre projet de conservation?
  • Responsabilité pour les résultats : Qui est responsable de la réalisation des avantages estimés pour la biodiversité? Que se passera-t-il si, dans 20 ans, les avantages réels pour la biodiversité diffèrent des résultats estimés? Les résultats à long terme auront-ils une incidence quelconque sur la certification?
  • Risques pour la réputation : La participation à la Bourse de la conservation ouvre-t-elle la porte à des critiques d’écoblanchiment? Dans l’affirmative, quels sont ces motifs et pourquoi? Sinon, pour quelle raison? Comment mon organisation peut-elle utiliser les cotes obtenues pour communiquer les répercussions positives attendues de nos investissements volontaires dans la conservation de la nature?

Bien que les réponses aux questions ci-dessus se trouvent pour la plupart dans les documents internes de la Foire aux questions (FAQ), ces incertitudes semblent persister même parmi les partenaires de la conservation qui connaissent bien le projet pilote. Au moment de la rédaction du présent document, ces documents de FAQ n’étaient pas disponibles pour consultation sur la page Web de la Bourse de la conservation. Il est peu probable que les partenaires potentiels qui prennent connaissance de l’existence de la Bourse de la conservation par l’entremise de la page Web comprennent son fonctionnement et les avantages qu’ils pourraient tirer d’une participation, étant donné que très peu de renseignements sont fournis.

Obtention d’avantages sur le plan de la réputation

Le processus de certification est conçu de telle sorte que les contributions volontaires des entreprises à la conservation de la nature soient avantageuses pour leur réputation et présentent les caractéristiques suivantes :

  • Quantification : Les investissements dans la conservation ont des résultats attendus quantifiés, ce qui fournit des renseignements au-delà des dépenses de projets. 
  • Transparence : Les résultats quantifiés en matière de conservation sont rendus publics et le protocole d’estimation des avantages pour la biodiversité est ouvert et soumis à un examen par les pairs.
  • Comparaison : Les résultats en matière de conservation sont présentés sous forme de cotes permettant la comparaison entre projets.
  • Crédibilité : Les résultats attendus en matière de conservation reposent sur des bases scientifiques et sont certifiés par le Gouvernement du Canada.

Au moment de la rédaction du rapport, il appartient aux entreprises de réaliser des avantages sur le plan de la réputation grâce à leur participation à la Bourse de la conservation. La Bourse peut améliorer sa proposition de valeur en soutenant la réalisation d’avantages sur le plan de la réputation. 

L’élaboration d’un registre public est une option à envisager afin de soutenir l’obtention d’avantages sur le plan de la réputation pour les entreprises participantes. Un registre bien conçu et tenu à jour contribuerait non seulement à la transparence, à l’imputabilité et à la crédibilité de la Bourse de la conservation, mais augmenterait également la visibilité des contributions des entreprises à la conservation de la nature. Le registre pourrait afficher des points de données clés comme les classements et les tendances généraux, les répercussions globales agrégées propres au bailleur de fonds et les répercussions propres à chaque projet. 

En raison notamment de sa nature publique, le registre pourrait stimuler une concurrence positive entre les entreprises qui investissent dans la conservation : les bailleurs de fonds pourraient profiter d’avantages sur le plan de la réputation année après année, en réalisant le plus grand impact de l’année sur un projet particulier, ou en ayant contribué au plus grand impact global depuis la création de la Bourse de la conservation. Des annonces ministérielles et des communiqués pourraient attirer l’attention sur les répercussions positives des entreprises en matière de conservation de la nature et faire connaître le registre. Ces mesures permettraient également d’atténuer le risque d’écoblanchiment, une préoccupation majeure des investisseurs.

En plus de la mise en place et de la gestion d’un registre public, la Bourse de la conservation pourrait aider les entreprises à obtenir des avantages sur le plan de la réputation en leur fournissant des lignes directrices pour l’interprétation et la communication des cotes affichées sur leur certificat. Tout d’abord, il convient de préciser que toute valeur positive dénote une contribution positive. Au fil du temps, les valeurs agrégées montrent la contribution volontaire totale d’une entreprise et son engagement en faveur de la conservation de la nature. Les partenaires du secteur privé peuvent financer plusieurs projets avec des notes plus modestes ou un seul projet avec une note plus élevée, avec le même effet positif agrégé. Afin d’améliorer la communication des notes affichées sur les certificats, les deux mesures suivantes pourraient être ajoutées aux certificats des participants qui participent à nouveau à la Bourse de la conservation : 1) le nombre de projets participants à la Bourse de la conservation achevés à ce jour; et 2) la note cumulée des projets participants à la Bourse de la conservation à ce jour.

Il est prévu que la participation à la Bourse de la conservation soit mentionnée dans les rapports annuels sur les facteurs ESG élaborés à l’intention des investisseurs et des parties prenantes. La Bourse de la conservation devrait s’assurer que le court document d’accompagnement du certificat, qui est en cours d’élaboration, soit conçu de manière appropriée pour favoriser l’inclusion de renseignements complets et exacts dans les rapports, sur les sites Web accessibles au public et dans les communiqués, ainsi que pour faciliter les audits des facteurs ESG.

Obtention d’avantages financiers

Les bailleurs de fonds s’intéressent également au rendement financier qu’ils pourraient tirer de leurs investissements volontaires dans la conservation de la biodiversité. Selon un rapport de 2021 (PDF) de la Coalition for Private Investment in Conservation, le manque de projets offrant un retour sur investissement est l’obstacle le plus important à la hausse des niveaux de financement volontaire dans la conservation de la nature. Un rapport interne de l’Institut pour l’IntelliProspérité a conclu que la Bourse de la conservation « n’est pas susceptible d’augmenter considérablement l’investissement global dans la nature sans mesures incitatives supplémentaires, [car] les premiers utilisateurs du programme investissent probablement déjà dans une forme ou une autre de mesure en faveur de la biodiversité » (les italiques sont les nôtres, traduction libre).

Bien que la Bourse de la conservation ne soit pas conçue pour offrir des avantages financiers aux entreprises en échange de leurs investissements dans des projets de conservation de la nature, il existe des programmes et des mesures incitatives qui offrent de telles récompenses. Dans la mesure où ces programmes et ces mesures incitatives concordent avec la Bourse de la conservation et ses objectifs, il n’y a aucune raison pour que les bailleurs de fonds ne puissent pas récolter à la fois des avantages financiers et des avantages sur le plan de la réputation pour le même projet de conservation, en participant à la fois à la Bourse de la conservation et à un autre programme.

La Bourse de la conservation pourrait accroître l’intérêt des entreprises pour le financement de projets de conservation de la nature en attirant l’attention sur les programmes et les mesures incitatives compatibles avec ses objectifs et en offrant des renseignements à leur sujet. Des efforts supplémentaires pourraient être nécessaires pour établir des liens explicites avec ces programmes et ces mesures incitatives. Les modèles de financement durable suivants pourraient inciter les entreprises à investir davantage dans la conservation de la nature et/ou à participer à la Bourse :  

  • Avantages fiscaux pour le don de terrains : Lorsque les projets de conservation sont rendus possibles par des dons de terres écosensibles, les entreprises propriétaires de biens fonciers peuvent participer au Programme des dons écologiques pour obtenir des avantages fiscaux.
  • Obligations à impacts en matière de conservation : Dans le cadre de ce modèle de financement, lorsque les projets de conservation sont censés générer des avantages démontrables pour la biodiversité, les bailleurs de fonds ayant financé les projets ont la possibilité d’obtenir un retour sur investissement, payé par les bailleurs de fonds qui cherchent à obtenir des résultats. Ce modèle est actuellement à l’œuvre au Canada dans le lieu prioritaire de la Forêt Walsingham de Long Point dans le sud de l’Ontario (en anglais seulement).
  • Obligations de résilience : Lorsque de nouvelles infrastructures naturelles peuvent à la fois atténuer les risques physiques et améliorer les résultats en matière de conservation de la nature, les bailleurs de fonds ont la possibilité d’obtenir un retour sur leur investissement, soit sous la forme d’une réduction de la responsabilité en matière d’assurance, soit sous la forme d’un paiement pour avoir contribué à cette réduction. Ce modèle de financement (en anglais seulement) est actuellement à l’œuvre au Canada en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec.
  • Programme d’obligations vertes du Gouvernement du Canada : Le Gouvernement du Canada émet des obligations vertes pour générer des produits, qui sont ensuite affectées à un large éventail de dépenses liées au climat et à l’environnement dans l’ensemble des ministères et organisations fédérales. L’obligation verte inaugurale a été émise en mars 2022 et a fait l’objet d’une forte demande, avec un carnet de commandes de plus de 11 milliards de dollars. Les investisseurs écologiquement et socialement responsables représentaient plus de 70 % des acheteurs.

3.2 Capacité du processus d’estimation des avantages pour la biodiversité à traiter un nombre important de projets

Principales constatations : Le processus actuel d’estimation des avantages pour la biodiversité n’est pas adapté à un grand nombre de projets, notamment en raison de la disponibilité limitée d’experts externes. Des options visant à adapter le processus à une plus grande échelle opérationnelle sont à l’étude. Le statu quo limiterait la capacité de la Bourse de la conservation à contribuer de manière considérable à combler le déficit de financement de la conservation au Canada.

Selon le personnel du projet pilote, le processus actuel d’estimation des avantages pour la biodiversité est approprié pour cinq à dix projets par an. Actuellement, le principal facteur limitant est la disponibilité et la volonté des experts externes de participer au processus de consultation. La capacité des experts à contribuer à la Bourse de la conservation pourrait être encore plus limitée si d’autres programmes de conservation de la nature devaient également solliciter leur temps et leur contribution.

Le personnel de la Bourse de la conservation est conscient que le processus actuel d’estimation des avantages pour la biodiversité n’est pas adapté à des volumes importants de projets et travaille à l’élaboration d’un processus d’évaluation plus efficace qui fonctionnerait à plus grande échelle opérationnelle. Quelques options ont été cernées et sont actuellement à l’étude : 

  • Rationaliser la contribution des experts externes : La Bourse de la conservation peut prendre des mesures à court terme pour réduire la charge de travail des experts externes bénévoles en s’appuyant sur l’expertise interne. Les scientifiques d’ECCC spécialistes des espèces sauvages et de la conservation pourraient entreprendre des projets d’évaluation et demander à des experts externes de les examiner et de les valider, au lieu de demander à des experts externes de commencer le travail dès la première étape.
  • Mettre en place un groupe d’experts indépendants : À moyen terme, un groupe d’experts indépendants pourrait être mis en place. S’il est conçu et mis en œuvre correctement, il pourrait contribuer à garantir la participation d’experts en offrant des avantages professionnels et sur le plan de la réputation similaires à ceux accordés par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. La composition du groupe doit être définie de manière à garantir l’expertise pertinente et à résoudre les conflits d’intérêts potentiels.
  • Augmenter l’utilisation de la modélisation prédictive : À plus long terme, l’établissement d’une infrastructure de données pour soutenir les évaluations fondées sur la modélisation pourrait également réduire la charge de travail des spécialistes des espèces sauvages et de la conservation. Cette option nécessiterait un investissement initial important pour établir une base de données géoréférencée d’estimations des avantages au niveau des espèces, sur la base d’un examen approfondi de la littérature. Une maintenance continue des ensembles de données et la révision périodique des modèles prédictifs seraient également nécessaires.

Les trois options ci-dessus peuvent être utiles pour adapter le processus d’estimation à des volumes opérationnels plus importants et réduire la charge de travail par projet pour les experts externes et internes. Il convient de noter que la délégation de l’évaluation des avantages pour la biodiversité à une organisation tierce financée ne serait pas une option acceptable pour deux principales raisons. Tout d’abord, il s’agit d’un modèle dans lequel les estimations des avantages pour la biodiversité sont élaborées en échange d’un paiement, ce qui crée un risque de conflit d’intérêts susceptible de nuire à la crédibilité des évaluations. Ensuite, si ECCC devait déléguer la responsabilité de l’estimation des avantages pour la biodiversité, cela pourrait compromettre la proposition de valeur fondamentale de la Bourse de la conservation. Comme l’ont clairement exprimé les participants du secteur privé au projet pilote de la Bourse de la conservation, la valeur sur le plan de la réputation associée au certificat dépend de la crédibilité scientifique et institutionnelle d’ECCC.

3.3 Les répercussions au-delà des résultats sont difficiles à évaluer

Principales constatations : Bien que la Bourse de la conservation soit conçue pour augmenter les niveaux de financement du secteur privé en faveur de projets volontaires de conservation de la nature, il n’existe actuellement aucun moyen d’évaluer de manière fiable cette répercussion attendue. Les données nécessaires au calcul des mesures des répercussions indirectes ne sont pas disponibles actuellement. Par conséquent, les comptes rendus du rendement du projet pilote se limitent actuellement aux extrants.

Dès le départ, la Bourse de la conservation a été conçue comme un programme ambitieux et novateur susceptible de combler une lacune dans le domaine de la politique de la conservation de la nature au Canada. Son objectif principal est d’augmenter le niveau d’investissement volontaire des entreprises dans la conservation, afin de contribuer à combler le déficit de financement dédié à la conservation de la nature au Canada. Grâce à ces investissements supplémentaires, on s’attend à ce que la superficie totale des habitats naturels conservés ou améliorés augmente, ce qui, en retour, produirait des résultats positifs pour la biodiversité. Voir la Figure 3 à la page suivante pour une illustration de cette logique des résultats.

Figure 3. Logique des résultats pour la Bourse de la conservation

Financement ($)

1. Augmentation des niveaux d'investissement volontaire dans la conservation par les entreprises

Habitat (surface)

2. Augmentation de la superficie des habitats conservés ou restaurés

Espèces (au fil du temps)

3. Augmentation des résultats positifs pour la biodiversité

Le projet pilote de la Bourse de la conservation a été conçu pour atteindre ces objectifs de haut niveau. La mise en œuvre préliminaire fournit des données probantes de plusieurs résultats positifs au niveau des projets ainsi que des résultats futurs attendus en matière de biodiversité (lesquels feront l’objet d’un suivi), mais ces résultats ne peuvent pas être attribués en toute certitude à la Bourse de la conservation, car le projet pilote ne fournit pas de financement pour les projets de conservation et ne les met pas en œuvre sur le terrain. Le lecteur peut consulter le tableau 2 à la section 1.3 pour un résumé des résultats au niveau du projet générés pendant le projet pilote.

Pour mettre à l’essai la Bourse de la conservation sur le terrain à petite échelle, le projet pilote a sollicité la participation de partenaires connus dans le domaine de la conservation. Les projets qui ont été soumis et approuvés pour participer au projet pilote étaient déjà en cours de préparation et la Bourse de la conservation n’a joué aucun rôle dans la décision des entreprises de financer ces projets. Cette situation était en grande partie inévitable, car les projets de conservation de qualité prennent du temps à se développer, et l’invitation à soumettre des demandes au cours de la première phase du projet pilote impliquait de travailler avec des projets déjà en cours. Afin d’augmenter le niveau d’investissement volontaire des entreprises dans la conservation, la Bourse de la conservation devra attirer des projets de conservation nouveaux et additionnels. Toutefois, il serait difficile, voire impossible, d’évaluer les répercussions de la Bourse de la conservation au-delà des extrants en raison de la surdétermination et des difficultés que rencontre la comparaison contrefactuelle.

Bien que la contribution de la Bourse de la conservation au niveau d’investissement volontaire des entreprises dans la conservation ne puisse être connue de manière fiable, les indicateurs suivants ont le potentiel d’être mesurés :  

  • Combien d’argent est alloué à la conservation volontaire de la nature par les entreprises au Canada?
  • Comment ces investissements évoluent-ils dans le temps? 
  • Comment le déficit de financement dédié à la conservation évolue-t-il en raison de l’augmentation des investissements volontaires? 

À la page suivante, la Figure 4 présente une stratégie de mesure du rendement de haut niveau qui pourrait être utilisée ou améliorée pour rendre compte des produits et des résultats de la Bourse de la conservation, tout en gardant à l’esprit qu’il n’y a pas de fondement solide pour l’attribution des répercussions.

Figure 4. Stratégie potentielle de mesure du rendement de haut niveau pour la Bourse de la conservation

Figure 4 : Stratégie potentielle de mesure du rendement de haut niveau pour la Bourse de la conservation
Intrants Extrants Résultats
(immédiats)
Résultats
(intermédiaires)
Résultats
(ultimes)
  • Personnel
  • Opérations
  • Nombre de bailleurs de fonds (#)
  • Nombre de projets (#)
  • Valeur totale des projets ($)
  • Total des avatages estimés pour la biodiversité (#)
  • L'investissement du secteur privé est accru ($)
  • Le déficit de financement est réduit ($)
  • L'habitat est conservé (superficie)
  • L'habitat est restauré (superficie)
  • Les avantages pour la biodiversité au niveau des espèces sont réalisés
  • La nature est conservée / rétablie
Description longue pour la Figure 4

À l’heure actuelle, la Bourse de la conservation ne suit pas les investissements du secteur privé dans la conservation de la nature. Statistique Canada dispose de renseignements sur les coûts encourus par les industries canadiennes pour protéger l’environnement, mais ces renseignements sont d’une utilité limitée pour établir un niveau de référence et suivre les progrès pour deux raisons principales. Tout d’abord, la mesure ne permet pas de faire le suivi des motifs des dépenses. Il n’est donc pas possible de déterminer si les dépenses sont consenties en réponse à des exigences réglementaires actuelles ou prévues, ou pour donner suite à des accords volontaires ou à des engagements liés aux facteurs ESG. Ensuite, l’enquête ne s’adresse qu’aux entreprises canadiennes des secteurs des ressources et de l’industrie manufacturière, laissant de côté d’autres secteurs économiques tels que le secteur financier et le secteur des services. 

Les responsables de la Bourse de la conservation pourraient collaborer avec Statistique Canada pour concevoir des produits d’information qui répondent au besoin de renseignements fiables sur le financement de la conservation au Canada. À moyen terme, l’élaboration, l’établissement et l’adoption de divulgations financières liées à la nature et de mesures correspondantes (en anglais seulement) pourraient contribuer à accroître la disponibilité des renseignements nécessaires pour évaluer, bien qu’indirectement, les répercussions de la Bourse de la conservation. 

3.4 Les coûts par projet sont élevés

Principales constatations : Le coût du projet pilote est élevé, en raison de la nécessité de faire participer le personnel à tous les stades des projets. Bien que les coûts par projet devraient être réduits si la Bourse de la conservation se poursuit, les coûts variables et les coûts de renonciation augmenteraient à mesure que les niveaux de participation augmentent.

Sur les 4,7 millions de dollars alloués au projet pilote sur trois ans à partir de 2021-2022, 3,3 millions de dollars ont été consacrés à la conception du projet pilote, à l’obtention de conseils d’experts, à la réalisation d’une analyse documentaire et à l’élaboration du processus d’estimation des avantages pour la biodiversité. Un montant inférieur, soit 1,3 million de dollars, a été dépensé pour des projets pilotes, ce qui représente 26 % des dépenses totales et place le coût moyen actuel des projets à 325 000 $ pour ECCC (à noter qu’aucun projet pilote ne soit achevé, il s’agit donc vraisemblablement d’une sous-estimation du coût moyen des projets pilotes). 

Comme indiqué ci-dessus, les dépenses initiales de conception et de mise en œuvre du projet pilote de la Bourse de la conservation ne sont pas récurrentes. Lorsque l’on envisage la poursuite éventuelle des activités de la Bourse de la conservation, l’analyse se concentre sur le coût par projet pour ECCC. D’après les projections communiquées par le personnel de la Bourse de la conservation, le coût moyen des projets après le projet pilote devrait se situer entre 45 000 et 61 000 $, soit de 81 à 86 % de moins que les 325 000 $ dépensés par projet pendant le projet pilote. Selon le personnel, les coûts des projets ne devraient pas varier beaucoup, voire pas du tout, en fonction de la taille ou de la valeur des projets de conservation – toutefois les coûts pourraient être plus élevés pour les projets dont les zones englobent plusieurs habitats, car cela augmenterait le niveau d’effort requis pour estimer les avantages pour la biodiversité. Le Tableau 5 présente la ventilation des coûts prévus du projet, selon deux scénarios.

Tableau 5. Coût annuel des projets de la Bourse de la conservation en cours selon deux scénarios
- Scénario 1:
Cinq projets par année
Scénario 2:
Dix projets par année
Coûts de l’administration 88 000 $ 88 000 $
Coûts par projet 60 950 $ 45 400 $
Total 392 750 $ 542 000 $

Source : Les coûts ont été fournis par le personnel du projet pilote de la Bourse de la conservation.
Remarque : Les coûts annuels prévus pour les projets sont probablement sous-estimés étant donné que les dépenses de fonctionnement et d’entretien destinées à soutenir les capacités des Autochtones pour les projets qui comprennent une évaluation des avantages bioculturels ne sont pas prises en compte (estimées à 20 000 $ par projet.

Les coûts annuels d’administration du programme, estimés à 88 000 $, sont probablement inférieurs aux coûts finaux, car ils n’incluent pas les dépenses suivantes, lesquelles sont néanmoins prises en compte par le personnel du projet pilote : un contrat unique pour évaluer l’adéquation de la Bourse de la conservation avec d’autres mécanismes et outils financiers, et pour fournir un soutien stratégique (estimé à 40 000 $); un poste d’une durée déterminée pour un chercheur postdoctoral chargé d’affiner et de rationaliser le processus d’estimation des avantages pour la biodiversité (estimé à 91 150 $ par an); et un financement sous forme de contribution pour soutenir le développement continu d’un centre canadien multisectoriel de parties prenantes, appelé Pôle d'investissement dans la nature, afin de stimuler de nouveaux investissements publics et privés dans la conservation de la nature (estimé à 50 000 $ par an). De plus, des dépenses supplémentaires pourraient être nécessaires pour relever les principaux défis mis en évidence dans le présent rapport.

Comme il a été mentionné dans les sections précédentes, nous ne savons pas avec certitude si – et si oui, dans quelle mesure – la Bourse de la conservation peut inciter le secteur privé à financer davantage de projets volontaires de conservation de la nature. Par conséquent, nous ne pouvons pas conclure avec certitude que les ressources gouvernementales allouées à la Bourse de la conservation produisent directement des résultats en matière de conservation. En outre, la promesse associée à la Bourse de la conservation repose sur sa capacité à créer un effet de réseau, qui devrait non seulement mener à une augmentation du nombre de partenaires et de projets participants (et à des résultats positifs nets en matière de conservation, indépendamment de l’attribution causale), mais aussi à une augmentation des coûts variables de fonctionnement pour ECCC. Si nous reprenons le scénario d’intensification présenté ci-dessus, la certification de 50 projets par an, à raison de 45 000 $ par projet, coûterait potentiellement 2,25 millions de dollars chaque année à ECCC. 

Le lien de causalité entre les dépenses de la Bourse de la conservation et l’augmentation des investissements volontaires des entreprises dans des projets de conservation n’étant pas vérifié, ECCC devrait faire preuve d’une diligence accrue pour contribuer à la gestion prudente des ressources publiques. Les options suivantes pourraient être envisagées pour limiter les dépenses de fonctionnement et assurer l’optimisation des ressources :

  • Rationaliser la conception et la mise en œuvre : La plus grande partie des dépenses propres aux projets est allouée au personnel de la Bourse de la conservation participant à l’évaluation des avantages pour la biodiversité. Les efforts actuellement déployés pour rationaliser le processus d’estimation des avantages pour la biodiversité sont susceptibles de réduire les coûts par projet. Des investissements seront probablement nécessaires à court terme pour améliorer le processus actuel et accroître l’efficacité-coût.
  • Augmenter le ratio dépenses - investissements : Les entreprises ont contribué à hauteur de 12 000 à 300 000 $ à la valeur totale des projets de conservation qui ont participé au projet pilote. Exprimé sous forme de ratio, ECCC a dépensé en moyenne 1 $ par projet pour chaque tranche de 0,47 $ investie par les entreprises. Afin d’assurer l’optimisation des ressources, la Bourse de la conservation pourrait envisager d’adopter un seuil de ratio d’investissement pour que les projets de conservation puissent participer à la Bourse de la conservation. Ce critère de sélection supplémentaire ferait en sorte que les ressources de la Bourse de la conservation soient allouées aux projets qui contribuent de manière considérable à la réduction du manque de financement en matière de conservation. 
  • Recouvrer les coûts des services fournis : Les services de certification fournis aux entreprises par l’intermédiaire de la Bourse de la conservation pourraient faire l’objet d’un recouvrement total ou partiel des coûts si le volume d’affaires augmentait de manière considérable et que l’affectation des ressources ministérielles n’était pas suffisante pour soutenir la croissance. La viabilité de cette option dépend de l’existence d’une forte demande de participation à la Bourse de la conservation, qui ne soit pas découragée par des coûts supplémentaires. Plus les dépenses d’ECCC sont faibles par rapport à l’investissement des bailleurs de fonds, moins les partenaires du secteur privé dans le domaine de la conservation seront dissuadés par ces coûts. Le recouvrement complet des coûts pourrait être envisagé pour les projets de conservation qui n’atteignent pas le ratio minimum susmentionné.

En fin de compte, la direction d’ECCC devrait avoir une idée claire du coût de renonciation associé à l’administration de la Bourse de la conservation. Les ressources affectées à la Bourse de la conservation ne sont pas disponibles pour financer d’autres programmes de conservation ayant des résultats directs sur la biodiversité, comme le programme des aires protégées d’ECCC ou le Programme de conservation du patrimoine naturel. À mesure que la Bourse de la conservation prend de l’ampleur, le coût de renonciation devient plus important. Par la même occasion, le manque de financement de la conservation reste un problème réel et il existe un large consensus sur le fait que la réalisation des objectifs du Cadre mondial pour la biodiversité nécessitera un effort important, permanent, intersectoriel et pancanadien.

4. Opportunités

Au-delà de ses objectifs actuels, la Bourse de la conservation a quelques opportunités d’obtenir des résultats supplémentaires pour la conservation de la nature. Des ressources supplémentaires seront probablement nécessaires à court et à moyen terme pour saisir les occasions suivantes.

4.1 Évaluer les possibilités d’application de l’estimation des avantages pour la biodiversité à d’autres programmes de conservation

Principales constatations : Le processus d’estimation des avantages pour la biodiversité élaboré pour la Bourse de la conservation pourrait être utilisé dans plusieurs applications au sein d’ECCC et dans d’autres organisations. L’examen de ces applications permettrait de tirer parti des investissements ministériels réalisés à ce jour dans le cadre du projet pilote et de promouvoir des évaluations normalisées et transparentes des avantages pour la biodiversité dans l’ensemble des programmes et des secteurs.

Compte tenu de l’ampleur du déficit actuel de financement en matière de conservation, la décision de financer une mesure de conservation donnée signifie implicitement de renoncer au financement d’autres mesures. Néanmoins, pour freiner et inverser la perte de la nature, les dépenses et les investissements doivent être orientés vers les mesures et les projets de conservation susceptibles d’entraîner les répercussions positives les plus importantes. Le processus d’estimation des avantages pour la biodiversité élaboré pour la Bourse de la conservation a été conçu pour soutenir exactement ce type de prise de décision en situation d’incertitude, afin d’améliorer l’efficacité et l’efficience, ainsi que la transparence et l’imputabilité des dépenses consacrées à la conservation.

Le processus et l’indicateur établis par la Bourse de la conservation pourraient soutenir la prise de décision en ce qui a trait à la planification du rétablissement des espèces en péril ainsi qu’à la conservation par zone. Dans le cadre de la planification du rétablissement des espèces, il est souhaitable de disposer d’un système cohérent permettant d’établir l’ordre de priorité des mesures de rétablissement et de déterminer la manière d’allouer les fonds. Les méthodes d’estimation des avantages utilisées dans le cadre de la Bourse de la conservation peuvent être utilisées pour déterminer l’efficacité des mesures de conservation proposées. Dans le cadre de la conservation par zone, il est essentiel de comprendre comment la conservation et la protection des habitats naturels sont censées profiter aux espèces. En l’absence de renseignements sur les répercussions attendues sur la biodiversité par rapport aux tendances de référence, les décisions de conservation par zone se concentrent généralement sur la taille de la zone et les coûts de protection, ce qui peut mener à une allocation des ressources et à des résultats sous-optimaux. Alors qu’il existe d’autres approches pour estimer les avantages des mesures de conservation, la mesure des avantages pour la biodiversité de la Bourse de la conservation diffère des autres approches établies et mises en œuvre dans le monde, comme la gestion prioritaire des menaces, dans la mesure où l’approche de la mise à l’échelle des avantages permet des comparaisons directes entre les projets.

Au sein d’ECCC, la Direction de l’évaluation et de l’information sur la faune, la Direction de l’évaluation environnementale et la Division des lieux et des secteurs prioritaires ont toutes exprimé leur intérêt pour l’estimation des avantages pour la biodiversité de la Bourse de la conservation afin d’appuyer leur travail. Il est également possible d’utiliser l’estimation des avantages pour la biodiversité afin d’orienter l’évaluation et la sélection des projets qui présentent une demande aux programmes de financement par contribution, ainsi que pour soutenir la compensation de la biodiversité qui peut être exigée par les règlements.

Examiner ces applications permettrait de tirer parti des investissements ministériels réalisés à ce jour dans le cadre du projet pilote de la Bourse de la conservation et de promouvoir des évaluations normalisées et transparentes des avantages pour la biodiversité dans l’ensemble des programmes et des secteurs. Si la charge de travail associée au processus d’estimation des avantages pour la biodiversité n’est pas répartie entre les équipes, son application généralisée augmentera la charge de travail du personnel de la Bourse de la conservation et nécessitera probablement des ressources supplémentaires. Des efforts potentiels pour améliorer le processus afin qu’il puisse traiter des volumes plus importants de demandes pour la Bourse de la conservation profiteraient également à d’autres applications. Il faut également s’assurer de la disponibilité des experts, lesquels apportent une contribution essentielle au processus d’estimation des avantages pour la biodiversité.

4.2 Tirer parti du suivi de l’efficacité

Principales constatations : La Bourse de la conservation ne fait pas le suivi de l’efficacité des projets de conservation participants, mais les organisations de conservation responsables de la mise en œuvre des projets le font. Les renseignements issus du suivi des projets pourraient être utilisés pour améliorer l’estimation des avantages pour la biodiversité, ce qui pourrait en retour renforcer la crédibilité de la Bourse de la conservation et accroître les avantages sur le plan de la réputation pour les entreprises partenaires.

Les résultats attendus de la conservation sont réalisés – ou non – au fil du temps. Afin de prendre des décisions en situation d’incertitude et d’augmenter les investissements du secteur privé dans la conservation de la nature, il n’est pas indiqué d’attendre la réalisation des avantages avant de délivrer un certificat. À toutes fins utiles, la vérification de l’achèvement du projet conformément au plan convenu donne au personnel de la Bourse de la conservation l’assurance suffisante que les conditions qui conduiront à la réalisation des avantages estimés pour la biodiversité sont réunies. 

Les organisations de conservation responsables de la mise en œuvre des projets de conservation sur le terrain tiennent également à assurer le suivi de l’efficacité des projets, ce qui constitue une procédure normale de leur modèle d’entreprise. Concrètement, le personnel de la conservation surveille les sites du projet au fil du temps, documentant ainsi plusieurs résultats de conservation dus à l’intervention initiale et éventuellement à d’autres facteurs environnementaux et humains. Au fil du temps et des projets, les points de données obtenus par l’observation directe sur le terrain fournissent des données probantes granulaires de grande validité et permettent une analyse statistique. Selon la conception actuelle du projet pilote de la Bourse de la conservation, cette précieuse ressource informationnelle est la propriété exclusive des organisations de conservation participantes.

Afin de mieux comprendre l’efficacité des mesures de conservation et d’améliorer l’estimation des avantages pour la biodiversité dans le cadre de futurs projets, les responsables de la Bourse de la conservation devraient conclure des accords d’échange de renseignements avec les organisations de conservation afin d’obtenir des données sur les résultats réels à long terme. En outre, des protocoles de suivi et des mesures normalisés pourraient être élaborés en collaboration avec les organisations de conservation participantes afin de garantir la comparabilité des données recueillies dans le cadre de plusieurs projets. Il serait également possible d’envisager de rendre cette base de données ouverte par défaut, conformément à la Directive sur le gouvernement ouvert, ainsi que de faire en sorte qu’ECCC contribue occasionnellement aux efforts de suivi et d’évaluation afin d’élaborer et de partager l’expertise entre les secteurs.

Tirer parti des données de suivi de l’efficacité pour améliorer l’estimation des avantages pour la biodiversité permettrait non seulement de mieux soutenir la prise de décision en situation d’incertitude, mais aussi d’accroître la crédibilité de la Bourse de la conservation et, potentiellement, les avantages sur le plan de la réputation recherchés par les entreprises partenaires. En outre, si elles sont créées, les bases de données ouvertes riches en données sur les habitats et les espèces propres à une région pourraient réduire considérablement le coût de l’évaluation de la faisabilité des sites et de l’élaboration des plans de mise en œuvre pour les partenaires de la conservation. Cela pourrait se traduire par un plus grand nombre de projets de conservation en cours d’élaboration, prêts à être mis en œuvre dès que le financement sera assuré. Enfin, une base de données suffisamment importante pourrait considérablement rationaliser le processus d’estimation des avantages pour la biodiversité de la Bourse de la conservation, en constituant une source de renseignements que les experts pourraient vérifier plutôt que d’avoir à créer de nouvelles estimations.

4.3 Diversifier la participation des entreprises au-delà des secteurs des ressources

Principales constatations : Les responsables de la Bourse de la conservation gagneraient probablement à communiquer avec des entreprises des secteurs de la finance et des services afin de mobiliser des investissements privés supplémentaires dans la conservation de la nature et de renforcer sa proposition de valeur pour les participants potentiels.

La relation d’ECCC avec les entreprises canadiennes est façonnée par le vaste mandat réglementaire du Ministère, qui se concentre sur l’atténuation des changements climatiques, la prévention et la gestion de la pollution, et la conservation de la nature. Le projet pilote s’est à juste titre concentré sur des partenaires du secteur privé avec lesquels des relations plus ou moins étroites avaient déjà été établies : des entreprises des secteurs minier, pétrolier et gazier, et forestier. De plus, il peut être plus facile de proposer des investissements dans la conservation aux entreprises qui ont une empreinte environnementale concrète et qui ont effectué des travaux de conservation et de restauration dans le passé, par exemple pour se conformer à des obligations réglementaires. 

Au-delà du projet pilote et en vue de la mise en place du programme, il existe un potentiel inexploité de mobilisation des entreprises dans les secteurs de la finance et des services. Les entreprises du secteur financier, telles que les investisseurs responsables, les investisseurs d’impact et les administrateurs de fonds de pension, sont susceptibles d’avoir des engagements bien établis liés aux facteurs ESG, y compris des engagements signés en matière de biodiversité. Bien que les entreprises du secteur des services n’aient généralement pas une grande empreinte sur la biodiversité en raison de leurs activités directes, elles peuvent néanmoins avoir des objectifs ESG et être intéressées par des investissements dans la conservation de la nature.

Les entreprises des secteurs de la finance et des services contrôlent de grandes quantités de capitaux. Une modeste partie de cette richesse pourrait contribuer de manière considérable à combler le déficit de financement en matière de conservation de la nature. De plus, la participation des acteurs clés de ces secteurs à la Bourse de la conservation pourrait avoir un effet majeur sur leurs pairs, en contribuant à créer l’effet de réseau qui est essentiel pour que la Bourse de la conservation entraîne des répercussions importantes sur les résultats nationaux en matière de conservation.

En outre, le fait de mobiliser des banques et d’autres sociétés d’investissement pourrait accroître la valeur de la proposition de la Bourse de la conservation pour d’autres bailleurs de fonds potentiels. Si les grands investisseurs institutionnels en viennent à reconnaître la Bourse de la conservation comme un instrument crédible de facilitation et de certification des résultats positifs en matière de conservation, ils pourraient orienter leurs capitaux vers des entreprises qui peuvent montrer qu’elles respectent leurs engagements en matière de biodiversité en participant à la Bourse de la conservation. Il s’ensuit qu’en plus de bénéficier d’une bonne réputation, les entreprises participant à la Bourse de la conservation peuvent s’assurer un accès à du financement par investissement.

Étant donné qu’à l’heure actuelle, il n’existe que peu ou pas de relations avec les entreprises du secteur financier ou des services à exploiter, ECCC devra probablement mobiliser ses hauts fonctionnaires pour lancer de nouveaux partenariats en faveur de la conservation. Les partenariats établis avec des entreprises de ces secteurs pour l’atténuation des changements climatiques pourraient éventuellement être mis à profit pour les inviter à participer dans la Bourse de la conservation.

4.4 Contribuer à l’élaboration de normes et de règles en matière de finance durable

Principales constatations : La transition mondiale en cours vers un secteur financier durable conforme aux objectifs environnementaux pourrait permettre à la Bourse de la conservation d’entraîner des répercussions positives substantielles. Pour saisir cette occasion, les responsables de la Bourse devraient envisager de développer une expertise interne en matière de finance durable et participer activement à l’élaboration de normes de divulgation de l’information financière liée à la nature pour les sociétés cotées en bourse.

La finance durable est un domaine qui évolue rapidement, comme en témoigne l’exemple récent des divulgations financières liées aux changements climatiques. Faire rapport aux investisseurs et aux parties prenantes sur les dépendances, les répercussions, les risques et les possibilités liés au climat était initialement une pratique volontaire recommandée pour les entreprises soucieuses des facteurs ESG. De plus en plus, les divulgations deviennent obligatoires pour les sociétés cotées en bourse, y compris au Canada, comme le souligne le Gouvernement dans le budget de 2022

Le Groupe de travail mondial sur les informations financières liées à la nature (en anglais seulement) a été lancé en 2021 en vue de soutenir la réorientation des flux financiers mondiaux vers des résultats positifs pour la nature, diminuant par le fait même les investissements entraînant des répercussions négatives pour la nature. Le groupe de travail élabore actuellement des recommandations et des directives à l’intention des organisations afin qu’elles signalent l’évolution des dépendances, des impacts, des risques et des possibilités liés à la nature et qu’elles agissent en conséquence. En date de janvier 2024, 320 organisations de plus de 46 pays se sont engagées (en anglais seulement) à commencer à divulguer volontairement des informations liées à la nature sur la base des Recommandations du Groupe de travail sur les informations financières liées à la nature (en anglais seulement). Cette première cohorte d’organisations ayant adopté les recommandations comprend des sociétés cotées en bourse dans différents pays et secteurs d’activité, représentant une capitalisation boursière de 4 000 milliards de dollars, plus de 100 institutions financières représentant 14 000 milliards de dollars de fonds sous mandat de gestion, ainsi que des banques, des assureurs et d’autres intermédiaires de marché de premier plan, tels que les marchés boursiers et les cabinets d’audit et d’expertise comptable.

Les experts dans le domaine de la finance durable s’attendent à ce qu’une transition similaire de la divulgation volontaire à la divulgation obligatoire se produise dans les années à venir dans le monde entier pour les répercussions environnementales au-delà des changements climatiques. En janvier 2023, l’Union européenne a adopté des exigences en matière de rapports sur la biodiversité (en anglais seulement) pour les entreprises, ce qui en fait la première administration au monde à le faire. L’Union européenne ouvre ainsi la voie pour que d’autres états harmonisent leurs marchés financiers avec les objectifs de conservation et de restauration de l’environnement.

Les entreprises sont de plus en plus attentives à ce contexte changeant en matière d’investissement et de production de rapports. Un nombre croissant d’entreprises sont conscientes qu’elles devront probablement se conformer avec des obligations de divulgation de l’information financière liée au climat et à la nature à l’avenir, et qu’elles devront faire rapport à l’aide de paramètres robustes, validés et reconnus. À l’heure actuelle, les engagements en matière de biodiversité de la part d’entreprises sont rares (en anglais seulement) et ne sont souvent pas assez précis pour soutenir le contrôle de l’imputabilité. La proposition de valeur de la Bourse de la conservation s’aligne sur les recommandations du Groupe de travail sur les informations financières liées à la nature et peut aider les entreprises à s’y conformer sur une base volontaire.

La Bourse de la conservation se concentre actuellement sur sa justification en matière de politique stratégique : encourager de nouveaux investissements du secteur privé dans des projets de conservation afin d’améliorer les résultats de la conservation par zone au Canada. Il se peut que le potentiel de croissance de la Bourse de la conservation et sa capacité à générer des résultats significatifs en matière de conservation de nature dépende de l’élaboration de normes, de règles et de standards en matière de finance durable. En d’autres termes, des changements structurels dans la réglementation des marchés financiers sont plus susceptibles d’aider la Bourse de la conservation à atteindre des niveaux élevés de participation que l’affectation de ressources supplémentaires à des activités de sensibilisation. Toutefois, ces dernières sont importantes à court et à moyen terme pour générer un effet de réseau et être prêt à une croissance plus rapide lorsque la transition vers la finance durable s’accélérera.

Il s’ensuit que pour bénéficier au maximum des transformations en cours dans le secteur financier, ECCC ferait bien de renforcer sa capacité à travailler efficacement dans ce domaine. Pour renforcer cette capacité, les fonctionnaires peuvent envisager les options suivantes :

  • Renforcer les capacités internes : Actuellement, la Bourse de la conservation est dépendante de l’expertise externe pour obtenir des conseils en matière de finance durable. Bien que le soutien extérieur puisse être utile, l’équipe du projet pilote n’a pas la capacité d’évaluer les conseils reçus de manière indépendante. Le développement d’une expertise interne permanente en matière de finance durable offrirait une perspective complémentaire à l’orientation principale axée sur la politique stratégique et permettrait de mieux comprendre les facteurs déterminants, les attentes et les contraintes des entreprises.
  • Avoir des conversations d’égal à égal avec l’industrie : Si la Bourse de la conservation doit être étendue de manière considérable, la sensibilisation des participants potentiels ne peut pas toujours être dirigée par les cadres supérieurs, en raison de contraintes de temps et de ressources. La collaboration en matière de conservation avec les partenaires commerciaux nécessite une approche à l’égard des compétences de l’équipe où chaque membre du personnel de la Bourse de la conservation peut travailler efficacement avec le personnel responsable des facteurs ESG d’entreprises de différentes tailles et de tous les secteurs économiques.
  • Assurer la liaison avec d’autres organisations fédérales : Plusieurs organisations fédérales ont à la fois le mandat et l’expertise pour réglementer, surveiller ou influencer autrement le secteur financier, notamment le ministère des Finances du Canada, la Banque du Canada, et le Bureau du surintendant des institutions financières. Les experts de la finance durable de la Bourse de la conservation feraient bien de participer aux communautés de pratique de l’administration publique fédérale afin de rester informés des développements et de s’assurer que les organisations fédérales alignent leurs rôles respectifs et collectifs pour façonner la transition vers un secteur financier durable, y compris par la définition de normes, de règles et de standards pour les divulgations financières liées à la nature.

5. Leçons apprises et réponse de la direction

Les recommandations suivantes s’adressent à la sous-ministre adjointe du Service canadien de la faune, en tant que haut fonctionnaire ministériel responsable du projet pilote de la Bourse de la conservation. Comme la Bourse de la conservation n’est pas un programme permanent, le rapport ne contient aucune recommandation et la direction n’est pas tenue de fournir un plan d’action. Les leçons apprises visent à soutenir la réflexion et la discussion sur l’avenir de la Bourse de la conservation.

5.1 Leçons apprises

 

Leçon apprise no 1

La Bourse de la conservation est une intervention pertinente et opportune pour ECCC.

Observations du rapport qui étayent la leçon apprise

Les investissements des entreprises dans des projets volontaires de conservation de la biodiversité augmentent au Canada, suivant en cela la tendance mondiale. Au cours des 18 derniers mois, les 10 premières entreprises canadiennes en termes de capitalisation boursière ont globalement augmenté leurs contributions financières à la conservation de la nature et leurs divulgations relatives à la biodiversité.

Les gouvernements sont particulièrement bien placés pour permettre au secteur privé d’investir dans la conservation de la biodiversité. Bien que seule une petite partie des investissements du secteur privé dans la conservation de la nature soit actuellement dépensée par le biais de contributions volontaires, cette proportion devrait augmenter en réponse aux signaux politiques et à l’évolution des normes et règles financières.

Le projet pilote de la Bourse de la conservation est une approche innovatrice de soutien à la conservation au Canada qui fournit des conditions favorables aux investissements volontaires du secteur privé dans la conservation de la nature. La Bourse de la conservation apporte une valeur ajoutée aux bailleurs de fonds du secteur privé qui financent des projets de conservation volontaires en veillant à ce que leurs contributions se traduisent par des avantages sur le plan de la réputation. En outre, le coût de participation à la Bourse de la conservation est faible pour les entreprises et les organisations de conservation.

Leçon apprise no 2

La mise en œuvre et la conception devraient être renforcées pour maximiser les répercussions.

Observations du rapport qui étayent la leçon apprise

Bien que le projet pilote de la Bourse de la conservation respecte largement son plan de mise en œuvre initial, il est peu probable qu’il produise des résultats positifs significatifs en matière de conservation à l’échelle nationale dans le cadre du modèle actuel de conception et de mise en œuvre. Pour démontrer qu’elle peut faire une contribution importante, la Bourse de la conservation doit prendre de l’ampleur à court et à moyen terme. La Bourse de la conservation doit également définir ce qu’est la réussite en termes de réduction du déficit de financement en matière de conservation de la nature au Canada, afin de concentrer au mieux les efforts et les ressources.

Les options pour renforcer la mise en œuvre et la conception et créer les conditions d’une forte demande comprennent : accroître la connaissance et la compréhension des entreprises au sujet de la Bourse de la conservation; soutenir la réalisation d’avantages sur le plan de la réputation pour les entreprises participantes; et sensibiliser les entreprises aux avantages financiers dont elles peuvent bénéficier et qui sont compatibles avec la certification de la Bourse de la conservation. ECCC devrait également consacrer du temps et des efforts pour diversifier la mobilisation et de la participation des entreprises au-delà du secteur des ressources. La Bourse de la conservation devrait également poursuivre son travail d’adaptation du processus d’estimation des avantages pour la biodiversité pour qu’il puisse traiter un plus grand nombre de projets.

À l’avenir, la Bourse de la conservation devrait également envisager de rendre obligatoire l’évaluation des avantages bioculturels pour les projets de conservation élaborés avec des partenaires autochtones, à condition que ces derniers puissent refuser de participer à l’évaluation sans compromettre la participation d’un projet de la Bourse de la conservation. Ceci renforcerait l’alignement avec l’engagement du Gouvernement du Canada et d’ECCC à soutenir la réconciliation, tout en respectant la capacité et l’intérêt des partenaires autochtones à participer à ces évaluations.

Leçon apprise no 3

Davantage d’efforts, de données et de temps sont nécessaires pour évaluer les résultats.

Observations du rapport qui étayent la leçon apprise

Des efforts supplémentaires considérables sont nécessaires pour créer les conditions générales permettant de réduire le déficit de financement en matière de conservation de la nature au Canada. ECCC devrait contribuer activement à l’élaboration de normes et de règles dans le domaine de la finance durable et aider le secteur à se développer de façon à s’aligner sur l’engagement du Gouvernement du Canada à freiner et à inverser la perte de la nature, et à parvenir à un rétablissement complet de la nature. En plus de l’expertise développée et des partenariats établis dans le cadre du projet pilote, la composition actuelle de l’équipe chargée de la Bourse de la conservation devrait être complétée par du personnel ayant des connaissances et une expertise démontrées en matière de financement durable.

En outre, la Bourse de la conservation devrait élaborer une stratégie solide de mesure du rendement afin de tenir compte des répercussions de ses activités, au-delà des extrants. Les extrants obtenus au niveau des projets constituent une source importante de renseignements sur le rendement, mais ils ne sont pas suffisants pour évaluer la contribution attendue du programme à la réduction du déficit de financement en matière de conservation de la nature au Canada. Tirer parti du suivi à long terme de l’efficacité des mesures de conservation contribuerait également à renforcer l’estimation des avantages pour la biodiversité et à conférer une crédibilité scientifique accrue à la proposition de valeur de la Bourse de la conservation. Enfin, un suivi attentif des coûts de mise en œuvre permettrait de procéder à de futures évaluations de l’efficacité-coût, y compris par la comparaison avec des programmes de conservation conçus pour atteindre des objectifs similaires.

Il est encore trop tôt pour savoir si la Bourse de la conservation peut apporter une contribution significative aux objectifs ambitieux du Canada en matière de protection de la nature. Le succès est incertain et dépend de plusieurs facteurs contextuels sur lesquels ECCC n’a pas de contrôle, mais qu’il peut seulement influencer dans une certaine mesure. Des efforts supplémentaires, des données additionnelles et plus de temps seraient nécessaires pour atteindre le potentiel de la Bourse de la conservation et évaluer ses résultats.

5.2 Réponse de la direction

La sous-ministre adjointe du Service canadien de la faune (SCF) est reconnaissante de l’analyse faite par l’équipe d’évaluation, prend note des leçons apprises et s’engage à en tenir compte dans la planification du travail pour l’extension du projet pilote de la Bourse de la conservation et, si l’extension de la Bourse achève ses objectifs, dans toute requête pour sa continuation au travers du renouvellement de l’initiative Patrimoine naturel bonifié.

Le SCF va évaluer des options afin de renforcer la conception et la mise en œuvre du Projet pilote de la Bourse de la conservation qui permettront l’augmentation du nombre de projets et des leurs effets attendus sur la biodiversité. Le SCF travaille actuellement avec la Direction générale des sciences et de la technologie (DGST) afin d’alléger le processus d’évaluation. Le perfectionnement et l’adaptation des méthodes, ainsi que le développement potentiel des infrastructures de données qui peuvent les soutenir, pourraient rendre le processus d’évaluation plus efficace. Le SCF collabore également avec la DGST pour explorer les stratégies d’alignement avec d’autres initiatives ministérielles et ce travail pourrait soutenir l’évaluation de ces retombées. Les impacts sur la conservation s’étalent dans le temps, et le personnel de la Bourse va rechercher des informations de la part des organisations de conservation impliquées dans les projets pilotes afin de mieux comprendre et communiquer l’efficacité de ces projets à long terme. 

Le SCF va réviser et mettre à jour les plans d’engagement et de communication afin de mieux rejoindre les parties prenantes clés dans le secteur des entreprises. Pour l’extension du projet pilote, nous cherchons déjà la participation d’autres entreprises hors du secteur des ressources naturelles. 

Le SCF reconnaît que plus d’effort, de données et de temps sont nécessaires pour évaluer les répercussions potentielles du projet pilote de la Bourse de la conservation. Le SCF a prolongé le pilote jusqu’à la fin mars 2026 et est en train d’explorer les options qui combleront au mieux les besoins de d’accès et de conseil du personnel d’ECCC qui ont les connaissances et l’expertise démontrées dans le domaine du financement de la conservation. Le SCF va explorer les moyens de contribuer aux normes et à l’élaboration de règles dans la finance durable, afin d’aider le secteur financier à mieux s’aligner avec l’engagement du Gouvernement du Canada de freiner et inverser la perte de biodiversité d’ici 2030, en vue d’un rétablissement complet de la nature d’ici 2050. Le projet pilote de la Bourse de la conservation offre une vraie opportunité pour la restauration des écosystèmes et des résultats positifs pour la biodiversité et la mobilisation des ressources, tout en créant les liens avec plusieurs thèmes du Cadre mondial de la biodiversité et ses cibles. 

Annexe A – Références choisies

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