Chapitre trois — Justice militaire : développement, initiatives stratégiques et jurisprudence
Introduction
La période de référence a représenté une année particulièrement mouvementée pour le système de justice militaire. Le présent chapitre met en relief les développements, les initiatives stratégiques et la jurisprudence qui ont eu une incidence sur celui-ci au cours de cette période. Il y sera question des initiatives législatives et stratégiques que le Cabinet du juge-avocat général (Cabinet du JAG) a appuyées ou entreprises en vue de réaliser les objectifs et les priorités du gouvernement du Canada, du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Ce chapitre mettra aussi en relief plusieurs causes entendues par la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada et les cours martiales.
Développements et initiatives stratégiques
Développements en matière législative
Projet de loi C-15 : Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada
Au cours de la présente période de référence, la division de la justice militaire a poursuivi son travail en vue d’achever la rédaction des modifications réglementaires nécessaires à la mise en œuvre des derniers articles de la Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada Note de bas de page 29 (projet de loi C-15). Les dispositions législatives et les modifications réglementaires correspondantes sont entrées en vigueur le 1er septembre 2018.
Le projet de loi C-15 a modifié la Loi sur la défense nationale en mettant en œuvre la réponse du gouvernement du Canada à la plupart des recommandations portant sur la justice militaire, le processus de grief, la Police militaire et la Commission d’examen des plaintes concernant la Police militaire formulées par l’autorité chargée du premier examen indépendant, feu le très honorable Antonio Lamer, ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, dans lerapport qu’il a déposé au Parlement en novembre 2003.Note de bas de page 30 Le projet de loi C-15 répondait aussi à plusieurs recommandations formulées par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles dans son rapport de mai 2009.Note de bas de page 31
Cette dernière série de modifications à la Loi sur la défense nationale et aux Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes est le point culminant d’un processus complexe qui a nécessité des années d’effort et de coopération de la part de la division de la justice militaire et de nombreux intervenants au sein des Forces armées canadiennes, du ministère de la Défense nationale et du ministère de la Justice.Note de bas de page 32
Entre autres modifications de la Loi sur la défense nationale qui sont entrées en vigueur le 1er septembre 2018, mentionnons :
- l’ajout de fonctions, d’objectifs et de principes de détermination de la peine dans le système de justice militaire;
- l’ajout d’absolutions inconditionnelles, de peines discontinues, d’ordonnances de dédommagement et de conditions applicables lorsqu’un tribunal militaire suspend l’exécution d’une peine d’emprisonnement ou de détention;
- l’ajout d’un délai de prescription pour les accusations devant être jugées par procès sommaire, et d’une renonciation aux délais de prescription;
- l’élargissement de la compétence de juger sommairement jusqu’au grade de lieutenant-colonel, à l’exception des juges militaires;
- l’ajout de déclarations de la victime dont les cours martiales doivent tenir compte, et dans lesquelles les victimes peuvent décrire les préjudices physiques, psychologiques et financiers subis;
- la modification de la composition d’un comité de cour martiale générale;
- l’ajout d’une révision des ordonnances de remise en liberté par un juge militaire suivant la révision d’une ordonnance de remise en liberté par un commandant;
- l’ajout de circonstances dans lesquelles une personne reconnue coupable de certaines infractions n’aura pas de casier judiciaire si elle est condamnée à une peine inférieure à un certain seuil.
Au cours de la période visée par le présent rapport, les avocats militaires ont suivi une séance de formation sur les modifications apportées au système de justice militaire par suite des modifications de la Loi sur la défense nationale et des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes prévues dans le projet de loi C-15. De plus, le Cabinet du JAG et le Centre de droit militaire des Forces canadiennes ont collaboré à la création d’une trousse de formation intitulée « Formation et attestation des officiers présidents – Mise à jour », destinée à combler l’écart entre l’ancien programme, nommé Formation et attestation des officiers présidents, et les modifications du système de justice militaire pour les membres des Forces armées canadiennes déjà qualifiés par suite de cette formation. Tous les membres des Forces armées canadiennes qui suivent, après le 1er septembre 2018, le programme Formation et attestation des officiers présidents d’une durée de deux jours sont formés selon un programme de formation également mis à jour.
Projet de loi C-66 : Loi sur la radiation de condamnations constituant des injustices historiques
La Loi sur la radiation de condamnations constituant des injustices historiquesNote de bas de page 33 (projet de loi C-66), présentée par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, a reçu la sanction royale le 21 juin 2018.
Le projet de loi C-66 crée une procédure en vue de radier, dans certaines circonstances, des condamnations constituant des injustices historiques. Il prévoit aussi la destruction ou la suppression de tout dossier judiciaire relatif à de telles condamnations des répertoires ou des systèmes fédéraux. En outre, la personne condamnée pour une infraction à l’égard de laquelle une radiation est ordonnée est réputée n’avoir jamais été condamnée pour cette infraction.
L’annexe du projet de loi C-66 énumère différentes infractions à l’égard desquelles la radiation d’une condamnation peut être ordonnée. Les infractions admissibles incluent une série d’infractions à caractère sexuel mettant en cause une activité sexuelle consensuelle entre deux personnes du même sexe, que celles-ci aient été poursuivies en vertu du Code criminel ou de la Loi sur la défense nationale.
Le Cabinet du JAG a collaboré avec Sécurité publique Canada pour veiller à ce que les infractions d’ordre militaire relevant de la Loi sur la défense nationale soient incluses dans le projet de loi C-66 de manière à ce que les personnes reconnues coupables dans le système de justice militaire puissent s’adresser à la Commission des libérations conditionnelles du Canada afin d’obtenir une ordonnance de radiation.Footnote 34
Projet de loi C-77 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois
La Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois (projet de loi C-77) a été présentée à la Chambre des communes le 10 mai 2018. Elle représente l’effort le plus récent pour codifier les améliorations importantes apportées au système de justice militaire du Canada.Footnote 35
La division de la justice militaire a fourni un soutien juridique direct pour cette importante initiative législative tout au long du processus parlementaire. À la fin de la période de référence, le projet de loi C 77 avait entamé l’étape de la deuxième lecture devant le Sénat.
Le projet de loi C-77 s’inscrit dans l’engagement du gouvernement du Canada à harmoniser les droits des victimes dans le système de justice militaire avec ceux garantis par la Charte canadienne des droits des victimes dans le système civil de justice pénale. Plus précisément, l’ajout de la Déclaration des droits des victimes dans le code de discipline militaire conférerait des droits aux victimes d’infractions d’ordre militaire dans le système de justice militaire, comme le droit à l’information, à la protection, à la participation et au dédommagement. Les modifications comprendraient aussi la création d’un mécanisme de plainte si une victime estime que l’un ou l’autre des droits que lui confère la Déclaration des droits des victimes a été violé ou lui a été refusé. Le projet de loi prévoit aussi la nomination d’un agent de liaison de la victime qui aiderait concrètement la victime d’une infraction d’ordre militaire en lui expliquant le traitement des infractions de cette nature en vertu du code de discipline militaire ainsi qu’en obtenant et communiquant à la victime des renseignements concernant l’infraction d’ordre militaire.
Par ailleurs, le projet de loi C-77 propose d’améliorer l’efficacité du système de justice militaire en modifiant le système des procès sommaires par la création d’un système d’audition sommaire, non pénal et non criminel, pour régler les manquements d’ordre militaire à être subséquemment définis par règlement.
De plus, le projet de loi C-77 vise à ajouter deux importantes dispositions en matière de détermination de la peine, calquées sur le Code criminel, tout en tenant compte des besoins propres au système de justice militaire. Premièrement, le projet de loi C-77 prévoirait que la preuve d’une infraction ou d’un manquement d’ordre militaire motivé par des préjugés ou de la haine fondés sur l’identité ou l’expression de genre constitue une circonstance aggravante dont il faut tenir compte au moment d’infliger une peine ou une sanction. Deuxièmement, le projet de loi C-77 exigerait qu’une attention particulière soit accordée à la situation des contrevenants autochtones, une disposition calquée sur celle du Code criminel et connue sous le principe Gladue, au moment de déterminer la peine appropriée. La peine doit être raisonnable eu égard aux circonstances et proportionnelle au préjudice causé aux victimes ou à la collectivité.
Projet de loi C-45 : Loi sur le cannabis
La Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois (projet de loi C-45) a reçu la sanction royale le 21 juin 2018. Le projet de loi C-45 a légalisé l’accès au cannabis à des fins récréatives au Canada et réglementé la culture, la distribution et la vente du cannabis. Afin de faciliter une transition harmonieuse vers le nouveau cadre juridique pour les membres des Forces armées canadiennes et d’atténuer les problèmes dans le milieu de travail susceptibles de découler de la consommation ou de la possession de cannabis, le Cabinet du JAG a fourni un soutien juridique à la chaîne de commandement dans la rédaction de deux documents d’orientation importants sur le cannabis - Directive et ordonnance administrative de la Défense 9004-1, Note de bas de page 36 qui traite de la consommation de cannabis par des membres des Forces armées canadiennes; et Directive et ordonnance administrative de la Défense 2007-2, Note de bas de page 37 qui traite de la consommation de cannabis par les employés civils du ministère de la Défense nationale. Afin de favoriser un milieu de travail sain et sûr, ces directives et ordonnances administratives de la Défense établissent les paramètres selon lesquels il est permis aux membres des Forces armées canadiennes et aux employés civils du ministère de la Défense nationale de posséder et de consommer du cannabis. Ces directives et ordonnances administratives de la Défense sont entrées en vigueur le 17 octobre 2018.
Initiatives de soutien aux victimes
L’amélioration du soutien aux victimes et aux survivants d’infractions d’ordre militaire est de première priorité pour le gouvernement du Canada, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes, tel qu’il est clairement indiqué dans la politique de défense du Canada – Protection, Sécurité, Engagement et l’opération HONOUR. Comme il était précisé dans le rapport annuel présenté l’an dernier, l’élaboration de politiques qui offrent du soutien aux victimes et aux survivants à toutes les étapes du système de justice militaire était et est demeurée une priorité au cours de la présente période de référence.
Au cours de la période visée par le présent rapport, la division de la justice militaire a travaillé en étroite collaboration avec les principaux intervenants, dont l’Équipe d’intervention stratégique des Forces armées canadiennes sur l’inconduite sexuelle, le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle et le Grand Prévôt des Forces canadiennes en vue de cibler et d’élaborer des politiques qui permettraient de combler les lacunes dans les services préexistants de soutien aux victimes et aux survivants dans le système de justice militaire. De plus, des consultations internes et externes se sont poursuivies pour veiller à ce que ces services soient complets et sensibles aux besoins des victimes et des survivants tout en étant adaptés au contexte des Forces armées canadiennes. Les travaux sur ces importantes initiatives se poursuivront au cours de la prochaine période de référence.
La période visée par le présent rapport est digne de mention puisque l’entrée en vigueur de certaines dispositions du projet de loi C-15 a permis aux victimes d’infractions d’ordre militaire de présenter une déclaration de la victime devant une cour martiale. De plus, alors que le projet de loi C-77 traverse le processus parlementaire au cours de la prochaine période de référence, l’introduction de la Déclaration des droits des victimes contribuera à améliorer le système de justice militaire de façon significative puisque le projet de loi conférerait des droits précis aux victimes d’infractions d’ordre militaire.
Rapports indépendants et recommandations
Rapports et recommandations du Bureau du vérificateur général du Canada
Au cours de la période de référence, le Bureau du vérificateur général du Canada a publié un rapport portant sur l’administration de la justice militaire ainsi qu’un autre rapport portant sur les efforts déployés par les Forces armées canadiennes pour lutter contre les comportements sexuels inappropriés dans les Forces armées canadiennes. Ces rapports et les recommandations qui y sont faites mettent en lumière les secteurs où il y a place à amélioration, tant dans le système de justice militaire que dans l’opération HONOUR et d’autres politiques et programmes touchant l’ensemble des employés du ministère de la Défense nationale et des membres des Forces armées canadiennes.
1. Rapport sur l’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes
Le 29 mai 2018, le Bureau du vérificateur général a déposé son rapport intitulé « Rapport 3 – L’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes ». Il concluait que les Forces armées canadiennes « n’avaient pas administré le système de justice militaire de manière efficiente »Note de bas de page 38 , et que le Cabinet du JAG « n’avait pas exercé une surveillance efficace du système de justice militaire ».Note de bas de page 39 Le Bureau du vérificateur général a formulé neuf recommandations en vue d’améliorer l’administration de la justice militaire. Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont accepté les neuf recommandations puisqu’elles visent à améliorer l’efficacité et l’efficience du système de justice militaire et aider le juge-avocat général à s’acquitter de la responsabilité que lui confère la loi d’exercer son autorité sur l’administration de la justice militaire au sein des Forces armées canadiennes.
Dans l’année suivant la publication du rapport, le Cabinet du JAG a mis en œuvre quatre des neuf recommandations. Les cinq autres recommandations seront mises en œuvre principalement au moyen d’une série d’initiatives nouvelles et actualisées qui ont progressé au cours de la présente période de référence, notamment : le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice; le Projet de participation des intervenants en justice militaire; le Cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire; et la Table ronde sur la justice militaire, rebaptisée Forum des intervenants en justice militaire.
De plus, en réponse à une recommandation du Bureau du vérificateur général, le juge-avocat général s’est engagé à mener un examen des normes de temps pour chaque phase du système de justice militaire. Au cours de la présente période de référence, le Cabinet du JAG a entamé un examen interne des normes de temps ainsi que des consultations externes exhaustives avec les principaux acteurs de la justice militaire afin d’obtenir leurs points de vue sur les normes de temps existantes et les normes de temps souhaitables dans leurs domaines de responsabilité respectifs. Ce processus d’examen interne et de consultation externe permettra d’établir et de mettre en œuvre des normes de temps appropriées qui sont avantageuses au processus de la justice militaire et qui respectent les règles d’équité et les exigences juridiques. De plus, une fois que ces normes de temps auront été identifiées, elles seront ensuite incorporées au Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice, ce qui permettra de suivre en temps réel les dossiers de justice militaire et d’envoyer un rappel aux acteurs lorsqu’ils doivent prendre des mesures pour respecter une norme de temps.
Enfin, en réponse à deux recommandations du Bureau du vérificateur général, le juge-avocat général a ordonné que les avocats militaires soient affectés au Service canadien des poursuites militaires ou au Service d’avocats de la défense pendant au moins cinq ans, sous réserve uniquement des besoins opérationnels ou de la disponibilité dans l’organisation d’un poste vacant au grade approprié. Cette directive relative à l’affectation favorise l’acquisition et le maintien d’un savoir-faire en matière de litige.
Le Cabinet du JAG a accueilli favorablement les conclusions du vérificateur général et accepte toutes ses recommandations puisqu’elles offrent un éclairage essentiel qui permet d’améliorer le système de justice militaire. Tel que l’a mentionné le juge-avocat général suivant la réception du rapport, « [à] l’instar du système de justice criminel civil, le système de justice militaire est en constante évolution, et nous tirons parti des examens internes et externes […] ». À cette fin, des progrès considérables ont été accomplis dans la mise en œuvre des recommandations au cours de la période de référence et ces travaux importants se poursuivront au cours de la prochaine période de référence. De plus amples détails relatifs à ces initiatives sont disponibles plus loin dans le présent chapitre.
2. Rapport sur les comportements sexuels inappropriés dans les Forces armées canadiennes
Le 30 novembre 2018, le Bureau du vérificateur général a déposé un autre rapport lié au système de justice militaire intitulé « Rapport 5 – Les comportements sexuels inappropriés – Forces armées canadiennes ». Ce rapport évalue l’effet que l’opération HONOUR a eu relativement au changement de culture et à l’élimination les comportements sexuels inappropriés dans les Forces armées canadiennes. On y conclut que, bien que l’opération HONOUR ait permis de sensibiliser davantage les militaires au problème des comportements sexuels inappropriés au sein des Forces armées canadiennes, elle ne s’est pas suffisamment préoccupée des initiatives de soutien aux victimesNote de bas de page 40 et aurait eu des conséquences non prévues se traduisant par une sous-déclaration des incidents de harcèlement et d’agression sexuelle dans les Forces armées canadiennes. Note de bas de page 41 Le Bureau du vérificateur général a formulé sept recommandations que le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont toutes acceptées.
Comme l’opération HONOUR est une priorité institutionnelle principale pour les Forces armées canadiennes, le Cabinet du JAG demeure tout à fait déterminé à épauler la chaîne de commandement en vue de changer la culture et d’éliminer les comportements sexuels inappropriés dans les Forces armées canadiennes. Au cours de la présente période de référence, le Cabinet du JAG a fourni un soutien juridique continu aux initiatives destinées à donner suite aux recommandations formulées dans le rapport du Bureau du vérificateur général, et envers la création et la mise en œuvre d’un cadre de soutien plus robuste et efficace pour les victimes et les survivants.
Comité permanent des comptes publics
Au cours de l’exercice, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a étudié le rapport du Bureau du vérificateur général sur l’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes. Le 22 octobre 2018, le sous-ministre de la Défense nationale et le juge-avocat général ont comparu devant le Comité pour répondre aux questions du Comité liées au rapport.
Le 6 décembre 2018, une fois son étude achevée, le Comité permanent des comptes publics a déposé le « Rapport 3, L’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes, du printemps 2018 – Rapports du vérificateur général du Canada ». Dans ce rapport, le Comité reprend les constatations du Bureau du vérificateur général à propos des inefficacités et des délais dans le système de justice militaire et formule neuf recommandations que le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont acceptées. Ces recommandations visaient principalement à ce que le gouvernement produise une mise à jour sur l’avancement des mesures prises pour donner suite aux recommandations formulées dans le rapport du Bureau du vérificateur général sur la justice militaire. Afin de répondre de manière proactive à ces recommandations, le Cabinet du JAG continue de s’employer à mettre en œuvre les principales initiatives liées aux recommandations du Bureau du vérificateur général, notamment le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice, le Projet de participation des intervenants en justice militaire, le Cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire, le Forum des intervenants en justice militaire et l’examen des normes de temps dans le système de justice militaire. La réponse officielle et la mise à jour du gouvernement du Canada seront présentées au Comité au cours de la prochaine période de référence.
Rapport du Comité d’examen de la rémunération des juges militaires
Le Comité d’examen de la rémunération des juges militaires, mis sur pied en vertu de l’article 165.33 de la Loi sur la défense nationale, est un comité indépendant de trois membres. Il est responsable de la protection de l’indépendance judiciaire dans le système de justice militaire en dépolitisant le processus de détermination de la rémunération des juges militaires. Le 22 février 2019, le Comité a soumis au ministre de la Défense nationale son cinquième rapport quadriennal sur le caractère adéquat de la rémunération des juges militaires, en vertu de l’article 165.34 de la Loi sur la défense nationale. Le ministre de la Défense nationale a par la suite communiqué le rapport au public conformément au paragraphe 165.37(1) de la Loi sur la défense nationale. Le Comité a pris en compte différents facteurs et documents avant de conclure que les juges militaires ont droit à la parité salariale avec les autres juges nommés par le gouvernement fédéral. Le Comité a recommandé au ministre de la Défense nationale que les salaires des juges militaires soient rajustés à compter du 1er septembre 2015 au niveau de ceux des autres juges nommés par le gouvernement fédéral. Le Comité a recommandé qu’une fois ce rajustement de base effectué, les salaires soient indexés en à compter du 1er avril 2016 et annuellement par la suite selon l’indice de l’ensemble des activités économiques du Canada et selon une formule analogue à celle prévue au paragraphe 25(2) de la Loi sur les juges. Le ministre de la Défense nationale doit répondre au rapport du Comité conformément au paragraphe 165.37(2) de la Loi sur la défense nationale et la réponse est attendue au cours de la prochaine période de référence.
Développements et initiatives stratégiques se rapportant aux recommandations du Bureau du vérificateur général et du Comité permanent des comptes publics
Comme nous l’avons vu dans le présent chapitre, un certain nombre d’initiatives ont été entreprises au cours de la présente période de référence pour donner suite à plusieurs des recommandations formulées dans les rapports du Bureau du vérificateur général et du Comité permanent des comptes publics. Ces initiatives (le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice, le Projet de participation des intervenants en justice militaire, le Cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire, la mise en œuvre de normes de temps dans le système de justice militaire, la création du Forum des intervenants en justice militaire et le renforcement de l’expertise en litige) visent toutes à ce que le système de justice militaire continue d’évoluer pour répondre aux attentes des Canadiens et aux besoins des Forces armées canadiennes.
Projet d’évaluation et d’amélioration de la surveillance
Dans le rapport annuel présenté par le juge-avocat général 2015-2016, le juge-avocat général a annoncé la formation d’une équipe d’audit dont les membres « prépareront et dirigeront des visites dans des unités pour recueillir des données objectives et mesurables de diverses sources et par divers mécanismes dans le but d’évaluer l’administration du code de discipline militaire au niveau des unités ».
Suivant ce mandat, le Projet d’évaluation et d’amélioration de la surveillance a été créé et l’Équipe d’évaluation et d’amélioration de la surveillance a été chargée de son exécution. Afin de mettre en œuvre la directive donnée par le juge-avocat général, l’Équipe d’évaluation et d’amélioration de la surveillance a commencé à travailler sur deux sous-projets s’inscrivant dans le Projet d’évaluation et d’amélioration de la surveillance : le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice et le Projet de participation des intervenants en justice militaire. Ces deux initiatives clés se conjugueront pour fournir une surveillance stratégique institutionnelle et renforceront la capacité du juge-avocat général à remplir le mandat que lui confère la loi d’exercer son autorité sur l’administration du système de justice militaire.
Le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice
Le premier sous projet s’inscrivant dans le Projet d’évaluation et d’amélioration de la surveillance est le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice. Le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice est un outil innovateur de gestion de cas électronique et une base de données conçue par le sousministre adjoint (Gestion de l’information) avec les conseils d’experts du Cabinet du JAG. Il a été conçu afin de suivre électroniquement et de façon harmonieuse les dossiers de justice militaire, de la dénonciation d’une infraction alléguée, en passant par les étapes de l’enquête, du dépôt des accusations et de la conclusion du procès, jusqu’à l’examen de la décision rendue, et cela autant dans le cas des procès sommaires que des cours martiales. Les utilisateurs de première ligne du système (y compris les enquêteurs, les personnes autorisées à porter des accusations, les officiers présidant les procès sommaires, les autorités de révision, les autorités de renvoi et les conseillers juridiques) saisiront les données à chaque étape du processus, ce qui permettra de suivre la progression d’un dossier en temps réel.
Le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice sera le moyen de fournir aux commandants à tous les niveaux un outil convivial, responsable, efficace et efficient permettant de suivre le flux des travaux en temps réel, ce qui facilitera l’administration de la justice militaire à l’échelle des unités. Il garantira aussi qu’un dossier chemine dans le système en temps opportun en confirmant qu’il se déroule dans la séquence voulue et en rappelant aux intervenants clés, au moment opportun, de prendre des mesures précises. Le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice compilera aussi toutes les statistiques pertinentes sur l’administration de la justice militaire et fournira des données essentielles afin de faciliter la surveillance stratégique du système.
La création du Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice a commencé au cours de la présente période de référence et le processus de mise à l’essai et de perfectionnement du système se poursuit. Le système a amorcé sa phase pilote en novembre 2018 et devrait être lancé à l’échelle des Forces armées canadiennes au cours de la prochaine période de référence.
Projet de participation des intervenants en justice militaire
Le Projet de participation des intervenants en justice militaire est le deuxième sous projet qui s’inscrit dans le Projet d’évaluation et d’amélioration de la surveillance. Il consiste en un sondage en ligne qui a été élaboré en collaboration avec le Directeur général Recherche et analyse (Personnel militaire), et conçu pour collecter des données subjectives et qualitatives auprès d’une variété d’intervenants ayant participé au processus des procès sommaires au cours de la période de rapport 2018-2019. Il vise à communiquer avec les intervenants du système de justice militaire pour mieux évaluer l’efficience et l’efficacité de l’administration du système et corriger toute faiblesse relevée dans celui-ci. Une communication accrue avec les intervenants servira de complément aux autres données quantitatives, lesquelles deviendront disponibles lorsque le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice sera lancé au cours du prochain exercice. L’Équipe d’évaluation et d’amélioration de la surveillance a commencé à planifier et à mettre en œuvre le Projet de participation des intervenants en justice militaire au cours de la période de référence et les travaux se poursuivront au cours de la prochaine période de référence.
Cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire
Le Cabinet du JAG fournit les conseils spécialisés au développement et à la mise en œuvre du nouveau système de surveillance du rendement de la justice militaire. Le Cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire devrait être lancé en même temps que le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice au cours de la prochaine période de référence. L’instauration du Cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire rendra accessible au Cabinet du JAG une multitude de nouvelles données. Conjugué au Projet de participation des intervenants en justice militaire et au Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice, le Cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire appuiera plus solidement l’exercice efficace, efficient et continu de l’autorité sur l’administration de la justice militaire. Ces nouvelles sources d’information permettront aussi au Cabinet du JAG de réaliser des analyses et de prendre des décisions fondées sur des données probantes afin d’assurer le développement efficace du système de justice militaire. Tout comme le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice et le Projet de participation des intervenants en justice militaire, le Cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire servira à donner suite à plusieurs des recommandations formulées dans les rapports du Bureau du vérificateur général et du Comité permanent des comptes publics.
Mise en œuvre de normes de temps dans le système de justice militaire
Le rapport sur l’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes du Bureau du vérificateur général et le rapport du Comité permanent des comptes publics a révélé que des normes de temps n’avaient pas été explicitement définies, mises en œuvre et communiquées. Le rapport du Bureau du vérificateur général a spécifiquement recommandé que « [l]es Forces armées canadiennes devraient définir et communiquer des normes de temps pour chaque étape du processus de justice militaire et s’assurer qu’un processus permet d’en faire le suivi et de les faire appliquer ».Note de bas de page 42 Pour donner suite à cette recommandation, le Cabinet du JAG a entrepris un examen interne des normes de temps pour chaque phase du système de justice militaire et lancé des consultations exhaustives auprès des principaux intervenants au cours de la présente période de référence. Ces consultations permettront de recueillir des commentaires sur les normes de temps existantes ou souhaitables dans les domaines de responsabilité respectifs des principaux intervenants en justice militaire. Entre autres intervenants consultés, mentionnons : le Vice-Chef d’état-major de la Défense, le Grand Prévôt des Forces canadiennes, le directeur des poursuites militaires, le directeur du service d’avocats de la défense et le Conseil consultatif sur la discipline dans les Forces armées canadiennes. Les normes de temps retenues seront ensuite mises en œuvre dans le système de justice militaire. En outre, les normes approuvées seront incorporées dans le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice, ce qui permettra de suivre en temps réel les dossiers au fil de leur cheminement dans le système de justice militaire tout en envoyant un rappel aux acteurs lorsqu’ils doivent prendre des mesures pour respecter une norme de temps. Ce faisant, la capacité du juge-avocat général d’identifier et de remédier aux causes de tout retard dans le système de justice militaire sera considérablement accrue.
Forum des intervenants en justice militaire
Dans la présente période de référence, le juge-avocat général a réussi à rétablir la Table ronde sur la justice militaire, rebaptisée le Forum des intervenants en justice militaire, dans le but de donner suite aux recommandations du Bureau du vérificateur général. Le Forum des intervenants en justice militaire respecte l’indépendance et les obligations professionnelles de chaque intervenant en justice militaire et tire profit de leur expérience et de leurs vastes connaissances respectives. Les membres comprennent les membres de la magistrature militaire, dont le juge en chef de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada et des représentants du Cabinet du juge militaire en chef, le juge-avocat général, le Grand Prévôt des Forces canadiennes, le juge-avocat général adjoint pour la justice militaire, le directeur des poursuites militaires, le directeur du service d’avocats de la défense et l’administrateur de la cour martiale.
Comme il tient des réunions biennales, le Forum des intervenants en justice militaire a tenu deux réunions d’information au cours de la période de référence. Le Forum des intervenants en justice militaire offre une tribune précieuse pour faciliter des échanges stratégiques entre les principaux intervenants du système de justice militaire, ce qui permet d’améliorer la communication entre les acteurs clés indépendants du système de justice militaire.
Amélioration de l’expertise en matière de litige
Le rapport du Bureau du vérificateur général sur l’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes et le rapport du Comité permanent des comptes publics ont fait état du risque que les politiques et les pratiques de nomination actuelles du Cabinet du JAG ne permettent pas le développement de l’expertise nécessaire en matière de litige. Le rapport du Bureau du vérificateur général a spécifiquement recommandé que « [l]e Juge-avocat général (sic) devrait s’assurer que ses pratiques de gestion des ressources humaines favorisent le développement de l’expertise en matière de litige nécessaire aux procureurs et aux avocats de la défense ».Note de bas de page 43 Le juge-avocat général a répondu à cette recommandation au moyen d’une directive visant à ce que les avocats militaires soient affectés au Service canadien des poursuites militaires ou au Service d’avocats de la défense pour un mandat d’au moins cinq ans, sous réserve uniquement des besoins opérationnels ou de la disponibilité dans l’organisation d’un poste vacant au grade approprié. De plus, le Cabinet du JAG entreprendra une analyse des groupes professionnels au cours de la prochaine période de référence en vue de déterminer quelles méthodes de gestion du personnel permettraient de mieux atténuer le risque décrit dans le rapport du Bureau du vérificateur général tout en équilibrant les besoins du service et les besoins opérationnels des Forces armées canadiennes.
Nominations et désignations
Colonel honoraire du Cabinet du juge-avocat général
Le 1er mars 2018, le ministre de la Défense nationale a nommé capitaine de vaisseau honoraire l’ancienne juge en chef de la Cour suprême du Canada, la très honorable Beverley McLachlin, C.P. Après sa nomination, le Cabinet du JAG a tenu, le 20 juin 2018, une cérémonie de changement de nomination en présence de nombreux invités de marque, dont trois anciens juges-avocats généraux. La cérémonie a été l’occasion pour le juge-avocat général et le Cabinet du JAG de souhaiter la bienvenue à la capitaine de vaisseau honoraire McLachlin et de rendre hommage et dire adieu au colonel honoraire John Hoyles qui occupait ce poste depuis 2014.
Le colonel honoraire du Cabinet du JAG sert de lien important avec la communauté juridique et avec la population canadienne. La capitaine de vaisseau honoraire McLachlin s’est pleinement investie dans son rôle et favorise un esprit de corps solide au sein du Cabinet du JAG par le biais de ses échanges et de ses conseils. Parmi les autres activités auxquelles elle a participé, mentionnons la visite de membres du Cabinet du JAG, la participation au dîner annuel du Cabinet du JAG, de même que le partage des points de vue et de la sagesse qui lui sont propres avec les avocats militaires et la communauté des Forces armées canadiennes dans son ensemble par l’entremise d’une vidéo de l’Équipe de la défense. Le juge-avocat général et l’ensemble du Cabinet du JAG sont très reconnaissants du soutien et des services continus que la capitaine de vaisseau honoraire McLachlin rend au Canada.
Nomination du nouvel adjudant-chef du Cabinet du juge-avocat général
Le 25 juillet 2018, le premier maître de 1ère classe Sylvain Bolduc, MMM, CD, a été nommé adjudant-chef du juge-avocat général. Le premier maître de 1ère classe Bolduc remplace l’adjudant-chef sortant du juge-avocat général, le premier maître de 1ère classe Serge Lavigne, qui a pris sa retraite des Forces armées canadiennes après 36 ans de service. Le premier maître de 1ère classe Bolduc est un élément précieux qui vient s’ajouter à l’équipe de commandement du juge-avocat général grâce à son expérience et à sa connaissance des Forces armées canadiennes et, en particulier, du système de justice militaire. Le premier maître de 1ère classe Bolduc a été décoré de l’Ordre de la Maréchaussée en bronze pour son travail considérable qui a permis d’établir un partenariat officiel avec le Service des enquêtes criminelles de l’Armée des États-Unis. Il a été adjudant-chef du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, de la Branche de la Police militaire des Forces canadiennes et de l’École de leadership et de recrues des Forces canadiennes avant d’occuper son poste actuel d’adjudant-chef du juge-avocat général.
Renouvellement des nominations du directeur des poursuites militaires et du directeur du service d’avocats de la défense
En vertu des articles 165.1 et 249.18 de la Loi sur la défense nationale, il appartient au ministre de la Défense nationale de nommer des personnes aux postes de directeur des poursuites militaires et de directeur du service d’avocats de la défense pour un mandat de quatre ans, lequel peut être renouvelé. Au cours de la présente période de référence, le mandat de ces deux titulaires est venu à échéance et le ministre de la Défense nationale a reconduit les deux directeurs pour un nouveau mandat. Le directeur des poursuites militaires, le colonel Bruce MacGregor, a été nommé pour un mandat qui expirera le 20 octobre 2022, et le directeur du service d’avocats de la défense, le colonel Delano Fullerton, pour un mandat qui expirera le 6 mars 2020.
Désignation du Juge militaire en chef adjoint
Sur recommandation du ministre de la Défense nationale, le lieutenant-colonel Louis-Vincent d’Auteuil a été désigné Juge militaire en chef adjoint par décret en conseil, le 14 juin 2018, conformément à l’article 165.28 de la Loi sur la défense nationale. Le Juge militaire en chef adjoint exerce les pouvoirs et les fonctions du Juge militaire en chef en cas d’absence ou d’empêchement de ce dernier, ou en cas de vacance du poste.
Nomination du nouveau Grand Prévôt des Forces canadiennes et commandant du Groupe de la Police militaire des Forces canadiennes
Le 28 mai 2018, le brigadier-général Simon Trudeau a assumé les fonctions de Grand Prévôt des Forces canadiennes et commandant du Groupe de la Police militaire des Forces canadiennes. Le Grand Prévôt des Forces canadiennes est l’autorité fonctionnelle de la Police militaire au sein des Forces armées canadiennes, le conseiller désigné auprès du Chef d’état-major de la Défense sur les questions policières et le commandant du Groupe de la Police militaire des Forces canadiennes. Le brigadier-général Trudeau a remplacé le brigadier-général Robert Delaney. La cérémonie de passation de pouvoirs a eu lieu le 28 mai 2018 à Ottawa, sous la présidence du lieutenant-général Alain Parent.
Autres nouveautés
Comité de sélection des juges militaires — Concours public
Au cours de la présente période de référence, le Cabinet du JAG a soutenu la formation du comité de sélection des juges militaires et le processus de sélection connexe, comme le prévoient les lignes directrices relatives au processus de sélection des juges militaires. Le comité est mis sur pied en vertu d’un accord sur le processus de sélection des juges militaires conclu entre le ministre de la Défense nationale et le ministre de la Justice. Il est composé d’un panel de cinq personnes nommées par décret du ministre de la Défense nationale pour un mandat de cinq ans. Le Cabinet du JAG a collaboré avec le Commissariat à la magistrature fédérale pour administrer le processus des candidatures à la magistrature. Les candidats ont été invités à présenter leur candidature en vue d’une nomination comme juge militaire de la Force régulière ou de la Réserve conformément aux paragraphes 165.21(1) et 165.22(1) de la Loi sur la défense nationale. La liste des candidats est valide pour trois ans et expirera en novembre 2021.
Juge militaire en chef accusé d’infractions au code de discipline militaire
Au cours de la période de référence précédente, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a porté trois accusations contre le Juge militaire en chef en janvier 2018 : un chef d’acte de caractère frauduleux en vertu de l’alinéa 117f) de la Loi sur la défense nationale; un chef de fausse inscription volontaire dans un document officiel établi ou signé de sa main, en vertu de l’article 125 de la Loi sur la défense nationale; et un chef de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale. En février 2018, le lieutenant-colonel Mark Poland a été nommé procureur spécial mais a subséquemment été nommé juge de la Cour de justice de l’Ontario. En décembre 2018, le sous-lieutenant Cimon Senécal, initialement nommé pour assister le procureur spécial, a assumé le rôle de procureur spécial. En juin 2018, par suite d’un examen postérieur à l’inculpation par le procureur spécial, huit accusations ont été déposées devant la cour martiale et l’audition de la cause devrait commencer au cours de la prochaine période de référence.
Cours de droit militaire à l’Université d’Ottawa
En janvier 2019, la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa (Section de la common law) a offert un cours intensif de trois semaines sur la justice militaire en collaboration avec le Cabinet du JAG. Ce cours était dirigé par le capitaine de frégate Mark Létourneau, avocat d’appel au sein du Service d’avocats de la défense. Des procureurs militaires, des avocats militaires de la Défense et d’autres avocats militaires ont enseigné lors de ce cours. De plus, le juge en chef Richard Bell de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada, le juge-avocat général et le colonel Richard Garon, commandant du 35e Groupe-brigade du Canada, ont rencontré les participants et partagé leurs connaissances sur le système de justice militaire.
Jurisprudence
Cour suprême du Canada — Décisions
Défense de croyance sincère, mais erronée au consentement
R c Gagnon, 2018 CSC 41
Cette affaire portait sur une contestation de la décision du juge militaire de soumettre la défense de croyance honnête, mais erronée au comité de la cour martiale générale, ce qui a mené à l’acquittement de l’accusé sur un chef d’accusation d’agression sexuelle.
La Cour d’appel de la cour martiale du Canada a conclu que le juge militaire avait commis une erreur en présentant au comité de la cour martiale une défense de croyance sincère mais erronée au consentement sans vérifier si les conditions préalables prévues à l’article 273.2 du Code criminel avaient été remplies. La majorité a conclu qu’un juge qui appliquerait le cadre approprié estimerait probablement qu’aucune mesure raisonnable n’avait été prise par l’accusé afin de s’assurer du consentement et donc rejetterait le moyen de défense fondé sur une croyance sincère mais erronée au consentement. Pour ces motifs, la majorité a infirmé l’acquittement et ordonné la tenue d’un nouveau procès. Le juge en chef de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada, dissident, a conclu que la preuve démontrait que des mesures raisonnables avaient été prises et que la défense de la croyance erronée mais sincère au consentement était suffisamment vraisemblable, selon les faits de l’espèce, pour soumettre ce moyen de défense au comité.
Le 16 octobre 2018, lors de l’audition de l’appel de plein droit de l’accusé, la Cour suprême du Canada a rejeté l’affaire dans une décision unanime rendue sur le banc. La Cour suprême du Canada était d’avis qu’aucune preuve ne permettait à un juge des faits de conclure que l’appelant avait pris des mesures raisonnables pour s’assurer du consentement de la plaignante. Il s’ensuit que la défense de la croyance sincère, mais erronée n’aurait pas dû être soumise au comité.
Fait à noter, l’adjudant Gagnon est l’une des parties à l’appel interjeté devant la Cour suprême du Canada dans l’affaire Stillman c RNote de bas de page 44 portant sur l’alinéa 11f) de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).
Cour suprême du Canada — Appels en cours
Droit à un procès devant jury conformément à l’alinéa 11f) de la Charte
R c Beaudry , CSC 38308 / Stillman c R, CSC 37701
Ces appels ont été joints à huit autres appels portant tous sur une question commune à propos de la constitutionnalité de l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale. Les appelants ont fait valoir que ce paragraphe portait atteinte à leur droit à un procès devant jury garanti par l’alinéa 11f) de la Charte. L’alinéa 11f) de la Charte prévoit qu’un inculpé a le droit, sauf s’il s’agit d’une infraction relevant de la justice militaire dont est saisi un tribunal militaire, de bénéficier d’un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l’infraction dont il est accusé est un emprisonnement d’au moins cinq ans.
La Cour d’appel de la cour martiale du Canada avait déjà traité dans trois affaires distinctes de la question centrale soulevée dans cet appel. Dans R c Royes,Note de bas de page 45 un comité unanime de la cour avait conclu que les infractions visées à l’alinéa 130(1)a) sont des infractions relevant du droit militaire dûment jugées par un tribunal militaire, ne nécessitant pas un lien de connexité avec le service militaire. Cela étant, il a été déterminé que l’exception au droit à un procès devant jury prévue à l’alinéa 11f) de la Charte s’applique à l’alinéa 130(1)a).
La même question constitutionnelle a été examinée une deuxième fois par un nouveau comité de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada dans l’affaire R c Déry,Note de bas de page 46 entendue en même temps que l’affaire R c Stillman.Note de bas de page 47 Dans l’arrêt R c Déry, la cour a conclu qu’elle était liée par l’arrêt R c Royes en raison des principes de courtoisie judiciaire et de l’application horizontale de la doctrine stare decisis. Bien que le juge en chef Bell ait souscrit à la décision unanime énoncée dans l’arrêt R c Royes, la majorité de la cour a fourni des motifs détaillés pour expliquer pourquoi elle aurait jugé inconstitutionnel l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale. La majorité de la cour a estimé qu’en l’absence d’un lien de connexité avec le service militaire, l’alinéa 130(1)a) viole l’alinéa 11f) de la Charte.
La même question a été examinée une troisième fois par un autre comité de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada dans l’affaire R c Beaudry.Note de bas de page 48 La majorité de la cour s’est écartée des principes de courtoisie judiciaire et de l’application horizontale de la doctrine stare decisis et a décidé de ne pas suivre les décisions rendues dans R c Royes et R c Déry. Elle a estimé que l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale, qui a pour effet de convertir certaines infractions civiles en des infractions d’ordre militaire devant être jugées dans le cadre du système de justice militaire en l’absence d’un jury, constituait un exercice inadmissible de l’autorité parlementaire parce qu’il restreint un droit garanti par la Charte. La Cour a déclaré l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale inconstitutionnel et sans effet dans son application à toute infraction civile dont la peine maximale est un emprisonnement de cinq ans ou plus. En conséquence, le système de justice militaire ne pouvait plus juger les infractions graves commises au Canada, incluant les agressions sexuelles et les autres infractions commises au Canada punissables d’un emprisonnement de cinq ans ou plus.
Le 21 septembre 2018, au nom du ministre de la Défense nationale, le directeur des poursuites militaires a fait appel de la décision R c Beaudry rendue par la Cour d’appel de la cour martiale du Canada et a déposé une requête afin que l’appel dans R c Beaudry soit joint à celui dans R c Stillman compte tenu qu’ils traitaient de la même question de droit.
La Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’interjeter appel et a conjointement entendu ces appels le 26 mars 2019. À la fin de la période de rapport, la Cour suprême du Canada n’avait pas encore rendu de décision à l’égard de ces deux dossiers.
Cour fédérale — Décisions
Constitutionnalité de la procédure de procès par voie sommaire
Thurrott c Canada (Procureur général), 2018 CF 577
Aux termes d’un procès sommaire, le maître de 2e classe Thurrott a été reconnu coupable d’absence sans permission, en violation de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale. Il a été condamné à une amende de 1 000 $. Lors de la révision du verdict, l’autorité compétente a déterminé que le verdict de culpabilité était approprié et que la sentence était juste et justifiée. Par la suite, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, en faisant valoir que la procédure de procès par voie sommaire est inconstitutionnelle puisqu’elle viole les droits constitutionnels protégés par la Charte. L’affaire a été entendue le 14 mai 2018 et la Cour a rendu sa décision le 4 juin 2018.
La Cour fédérale a évalué la décision de l’autorité compétente pour réviser le verdict et conclu qu’elle satisfaisait à la norme du caractère raisonnable et qu’il n’était pas justifié de l’infirmer. La Cour a aussi constaté que le maître de 2e classe Thurrott n’avait pas dûment signifié un avis de question constitutionnelle au procureur général de chaque province et au Procureur général du Canada et qu’il n’avait pas présenté le fondement factuel approprié nécessaire pour un litige constitutionnel. En conséquence, la Cour a refusé de se pencher sur la question constitutionnelle soulevée.
De plus, la Cour a souligné que le demandeur n’avait pas établi que ses droits garantis par la Charte étaient en cause, encore moins qu’ils avaient été violés, durant la procédure du procès par voie sommaire. Comme il lui avait été ordonné de payer une amende de 1 000 $ et qu’il n’était pas exposé à de véritables conséquences pénales, la Cour a affirmé que les arguments fondés sur les articles 7 et 12 de la Charte pouvaient être facilement rejetés. En ce qui concerne l’argument soulevé par le demandeur sur le fondement de l’alinéa 11d) de la Charte, la Cour a estimé que cette protection n’était disponible que dans certaines circonstances lorsqu’une véritable conséquence pénale découle de la sanction imposée, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Par conséquent, le maître de 2e classe Thurrott ne pouvait pas faire valoir l’argument fondé sur l’alinéa 11d) de la Charte.
Cour d’appel de la cour martiale du Canada — Décisions
Obligation faite à la personne autorisée à porter des accusations d’avoir une croyance réelle que l’accusé a commis l’infraction alléguée
R c Edmunds, 2018 CACM 2
Le caporal-chef Edmunds a usé d’un stratagème frauduleux en concluant un contrat au nom des Forces armées canadiennes avec une entreprise dont il était le seul propriétaire. Après avoir plaidé coupable à une accusation de fraude pour deux transactions frauduleuses de plus de 5 000 $ en violation de l’article 380 du Code criminel, une infraction punissable en vertu de l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale, il a été condamné à trente jours d’emprisonnement. Par la suite, il a été accusé de plusieurs fraudes additionnelles qui ont donné lieu à un deuxième procès en cour martiale. Lors du deuxième procès, le caporal-chef Edmunds a soutenu que la conduite des enquêteurs et de la poursuite était abusive, surtout parce que la poursuite avait indûment scindé l’affaire. Les questions en litige dans l’appel résultent du deuxième procès.
La personne autorisée à porter des accusations a témoigné dans le cadre d’une requête en abus de procédure entendue à l’étape de la divulgation préalable. Elle a expliqué qu’aucune dénonciation n’avait été déposée au sujet des infractions alléguées. On lui avait présenté une ébauche d’un procès-verbal de procédure disciplinaire comportant un certain nombre d’accusations et il avait simplement signé le document. Le juge militaire a conclu que la personne autorisée à porter des accusations n’avait pas une croyance raisonnable qu’une infraction avait été commise, et il a intégré cette conclusion dans sa décision sur l’abus de procédure.
Dans cette décision, le juge militaire a conclu que la poursuite n’avait pas agi de mauvaise foi ou par malveillance, mais que le fait d’astreindre le caporal-chef Edmunds à subir deux procès était un abus de procédure. Le juge militaire a estimé que le préjudice causé par cet abus était la possibilité que deux peines d’emprisonnement distinctes soient imposées au caporal-chef Edmunds. Cependant, le juge a conclu qu’une atténuation de la peine serait une réparation convenable de ce préjudice.
Le caporal-chef Edmunds a interjeté appel du refus par le juge militaire d’accorder un sursis d’instance. Après avoir passé en revue le dossier d’appel, le directeur des poursuites militaires a convenu que l’erreur commise à l’étape du dépôt des accusations portait un coup fatal à celles-ci et que la cour martiale n’avait pas compétence pour instruire l’affaire. Par conséquent, l’instance a été invalidée et la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a dû annuler la condamnation. La Cour d’appel de la cour martiale du Canada a entendu l’affaire le 19 mars 2018 et dans la décision qu’elle a rendue le 9 mai 2018, elle a convenu et jugé que l’obligation faite à la personne autorisée à porter des accusations d’avoir des motifs raisonnables de croire que l’accusé a commis l’infraction reprochée constitue une protection contre le dépôt irresponsable d’accusations. Elle a ajouté que le défaut de respecter cette norme est fatal à un procès-verbal de procédure disciplinaire et entraîne une perte de compétence. Par conséquent, les condamnations prononcées lors du deuxième procès du caporal-chef Edmunds ont été annulées.
Interprétation de l’accusation d’ivresse et de la défense de la croyance sincère mais erronée au consentement
R c Cadieux, 2018 CACM 3
Le caporal Cadieux était accusé d’agression sexuelle en vertu de l’article 271 du Code criminel, une infraction punissable en vertu de l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale, ainsi que d’ivresse en vertu de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale.
Une cour martiale permanente a acquitté le caporal Cadieux de ces accusations. Le directeur des poursuites militaires a interjeté appel des acquittements au motif que le juge militaire avait commis une erreur dans de son évaluation du moyen de défense de la croyance sincère mais erronée au consentement, dans de son évaluation de la crédibilité des témoins et dans de son interprétation de l’infraction d’ivresse.
La Cour d’appel de la cour martiale du Canada a autorisé l’appel et entendu l’affaire le 12 mars 2018. Dans la décision qu’elle a rendue le 10 septembre 2018, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a ordonné la tenue d’un nouveau procès. Elle a conclu que lorsqu’un accusé soulève la défense de la croyance sincère mais erronée, les tribunaux doivent procéder à une analyse complète des conditions préalables prévues à l’article 273.2 du Code criminel afin de déterminer si l’accusé peut invoquer ce moyen de défense. La Cour d’appel de la cour martiale du Canada a conclu que le juge militaire n’avait pas procédé à une analyse complète des conditions préalables prévues par la loi, ce qui constituait une erreur justifiant d’infirmer la décision.
Quant à l’accusation d’ivresse, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a conclu que le tribunal de première instance avait commis une erreur en concluant que la gueule de bois ne peut être considérée comme une conduite imputable à l’influence de l’alcool. La cour a aussi estimé que le juge militaire avait commis une erreur en concluant que lorsqu’un accusé est gérable, en ce sens qu’il ou elle se conforme à des ordres légitimes, il ou elle ne peut être coupable d’une conduite « répréhensible », l’un des éléments d’une accusation d’ivresse. La Cour d’appel de la cour martiale du Canada a conclu que la gueule de bois est le résultat direct d’une ivresse excessive. Par conséquent, une conduite qui correspond par ailleurs à la définition de l’ivresse ne peut être écartée parce qu’elle découle de la gueule de bois. La Cour a conclu que l’infraction d’ivresse vise à déterminer si la personne est en état d’accomplir ses tâches ou si sa conduite est répréhensible ou jette le discrédit sur le service de Sa Majesté. Le fait d’être gérable n’est pas un facteur réparateur d’une conduite répréhensible.
Droit à un procès devant jury en vertu de l’alinéa 11f) de la Charte
R c Beaudry, 2018 CACM 4
Le caporal Beaudry a été inculpé de deux chefs d’accusation en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, le premier pour avoir commis une agression sexuelle causant des lésions corporelles et le deuxième, pour avoir vaincu la résistance à la perpétration d’une infraction, en violation des alinéas 272(1)c) et 246a) du Code criminel. L’administrateur de la cour martiale a délivré une ordonnance de convocation exigeant que l’accusé comparaisse devant une cour martiale permanente.
L’accusé a présenté une requête contestant la constitutionnalité de l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale, aux motifs que la disposition portait atteinte à son droit à un procès devant jury garanti par l’alinéa 11f) de la Charte. Le juge militaire a rejeté la requête et procédé au procès. L’accusé a par la suite été reconnu coupable d’avoir commis une agression sexuelle causant des lésions corporelles.
Le caporal Beaudry a interjeté appel auprès de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada en affirmant que l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale était inconstitutionnel, car il le privait de son droit constitutionnel à un procès devant juge et jury. La Cour d’appel de la cour martiale du Canada a entendu l’affaire le 23 février 2017, le 31 octobre 2017 et le 30 janvier 2018. Dans une décision majoritaire rendue le 19 septembre 2018, elle a accueilli l’appel et déclaré l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale inconstitutionnel et sans effet dans son application à toute infraction civile dont la peine maximale est de cinq ans ou plus. En conséquence, le système de justice militaire ne pouvait plus juger des membres des Forces armées canadiennes pour une gamme d’infractions civiles en vertu de l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale, si commises au Canada, y compris les voies de fait, les voies de fait causant des lésions corporelles, les voies de fait contre un policier, les agressions sexuelles ainsi que les infractions de possession et de trafic de substances contrôlées.
Le directeur des poursuites militaires a déposé un avis d’appel auprès de la Cour suprême du Canada le 21 septembre 2018.Note de bas de page 49 La Cour suprême du Canada a entendu l’appel le 26 mars 2019 et a pris le jugement en délibéré. À la fin de la période de référence, la Cour suprême du Canada n’avait pas encore rendu jugement dans cette affaire.
Le directeur des poursuites militaires a aussi déposé une première requête en vue de suspendre la déclaration d’invalidité faite dans le jugement de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada. La Cour suprême du Canada a entendu cette requête le 14 janvier 2019 et l’a rejetée parce que les critères applicables pour accorder une suspension n’étaient pas remplis. La Cour suprême du Canada a conclu que le directeur des poursuites militaires n’avait pas établi que la prépondérance des inconvénients favorisait la suspension de la déclaration d’invalidité.
Mise en liberté en attendant l’appel
R c Stillman, 2019 CACM 1
En 2013, une cour martiale permanente a déclaré le caporal Stillman coupable de différentes infractions prévues à l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale. Le caporal Stillman a interjeté appel de sa condamnation, en soutenant que l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale est inconstitutionnel. La Cour d’appel de la cour martiale du Canada a rejeté l’appel, mais l’appel subséquent auprès de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R c Beaudry a été autorisé. Le 14 février 2019, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a entendu la requête pour mise en liberté provisoire par voie judiciaire du caporal Stillman. Avec le consentement des parties, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a ordonné dans sa décision du 18 février 2019 un sursis partiel de la peine imposée par la cour martiale permanente et la libération conditionnelle du caporal Stillman.
Cour d’appel de la cour martiale du Canada — Appels en cours
Interprétation appropriée d’un juge des faits fondée sur l’expérience et la connaissance générale du service quant à ce qui constitue une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline
R c Bannister, 2018 CM 3003
Le capitaine Bannister a été accusé de trois infractions pour conduite déshonorante en violation de l’article 93 de la Loi sur la défense nationale. Subsidiairement, il a été accusé de trois infractions pour conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline en violation de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale pour des commentaires à connotation sexuelle inappropriés faits dans le milieu de travail. À la cour martiale, le juge militaire a acquitté le capitaine Bannister de tous les chefs d’accusation. Le directeur des poursuites militaires a interjeté appel de l’acquittement au motif que le juge militaire avait commis une erreur dans son interprétation de l’infraction de conduite déshonorante et dans son interprétation du préjudice au bon ordre et à la discipline. Plus particulièrement, les motifs de l’appel étaient axés sur la mesure dans laquelle le juge militaire avait le droit ou l’obligation d’utiliser son expérience militaire et sa connaissance générale du service pour délibérer sur ces accusations.
La Cour d’appel de la cour martiale du Canada a entendu l’appel le 21 novembre 2018. À la fin de la période de référence, la Cour n’avait pas encore rendu sa décision dans cette affaire.Note de bas de page 50
Disponibilité de la défense de la croyance sincère mais erronée au consentement
R c MacIntyre, 2018 CM 4014
Le sergent MacIntyre a été inculpé d’un chef d’agression sexuelle en vertu de l’article 271 du Code criminel, une infraction punissable en vertu de l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale. Une fois l’étape de la présentation de la preuve terminée, en cour martiale, l’accusé a demandé que soit soumise au Comité de la cour martiale générale la défense fondée sur la croyance sincère mais erronée au consentement. Le juge militaire a refusé de soumettre ce moyen de défense à l’examen du Comité après avoir déterminé que, d’après les faits, il n’avait aucune apparence de vraisemblance. Le juge militaire a estimé que cette défense ne devrait pas être soumise à l’examen du Comité lorsque la seule question à trancher est celle de la crédibilité, comme c’était le cas en l’espèce. Même si le moyen de défense fondé sur la croyance sincère mais erronée au consentement n’a pas été soumis au Comité, le sergent MacIntyre a été déclaré non coupable de l’accusation.
Le directeur des poursuites militaires a interjeté appel auprès de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada qui a entendu l’appel le 27 mars 2019.Note de bas de page 51 À la fin de la période de référence, la Cour n’avait pas encore rendu sa décision dans cette affaire.
Fiabilité d’une confession volontaire
R c Edwards, 2018 CM 4018
Le matelot de 1re classe Edwards a été inculpé d’un chef de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline pour consommation de cocaïne, en violation de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale. La cour martiale permanente l’a déclaré non coupable le 16 novembre 2018. La preuve était fondée sur l’aveu volontaire de l’accusé qui a reconnu avoir acheté et consommé de la cocaïne. Le juge militaire a exprimé des réserves à propos de cette confession volontaire et il a accordé à l’accusé le bénéfice du doute, affirmant que la poursuite n’avait pas réussi à prouver sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. La Cour a aussi conclu que la poursuite n’avait pas établi que la consommation d’une drogue prohibée s’était produite à Halifax ou près d’Halifax, comme il était précisé dans l’acte d’accusation. Le juge militaire a acquitté l’accusé.
Le directeur des poursuites militaires a interjeté appel de cette décision auprès de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada qui devrait entendre l’appel au cours de la prochaine période de référence.Footnote 52
Cour martiale — Décisions marquantes
Cours martiales consécutives à l’arrêt R c Beaudry, 2018 CACM 4
R c Ryan, 2018 CM 2033
Le matelot de 1re classe Ryan a été inculpé de deux chefs d’agression sexuelle en vertu de l’article 271 du Code criminel, une infraction punissable en vertu de l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale. Après que la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a rendu sa décision dans l’affaire R c Beaudry, l’accusé a déposé une requête demandant qu’il soit mis fin à la procédure contre lui pour absence de compétence.
L’affaire a été entendue le 15 novembre 2018 et la Cour a rendu sa décision le 22 novembre 2018. En appliquant la doctrine du stare decisis, le juge militaire a analysé les arrêts R c Royes, R c Déry et R c Beaudry et conclu que l’arrêt R c Royes était des plus convaincants. Le juge militaire a fait remarquer que dans l’affaire Beaudry, « la Cour d’appel de la cour martiale du Canada impose des restrictions inutiles à l’administration de la justice militaire en créant plus de problèmes qu’elle n’en règle en subordonnant d’autres droits à l’égalité et principes d’équité ». La Cour a conclu que les comités militaires exercent une surveillance active suffisante et rendent suffisamment de comptes pour qu’on les maintienne et qu’on s’appuie sur eux. Elle a rejeté la demande visant à mettre fin à la procédure tout en concluant que, dans l’intérêt de la justice, la date du procès ne devait pas être fixée avant que la Cour suprême du Canada rende une décision définitive, vu la requête que le directeur des poursuites militaires a présentée pour suspendre la décision de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada dans l’affaire R c Beaudry. À la fin de la présente période de référence, l’affaire n’avait toujours pas été instruite.
R c Spriggs, 2019 CM 4002
Le caporal Spriggs a été inculpé d’un chef d’agression sexuelle en vertu de l’article 271 du Code criminel, une infraction punissable en vertu de l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale. Par suite de l’arrêt R c Beaudry, l’accusation initiale a été retirée et remplacée par une accusation de conduite déshonorante en violation de l’article 93 de la Loi sur la défense nationale. Le procès a commencé le 28 janvier 2019.
L’accusé a présenté une requête en arrêt des procédures en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte comme recours à ce qu’il prétendait constituer un abus de procédure. L’accusé a allégué qu’une telle substitution des accusations visait à contourner la perte de compétence découlant de l’arrêt R c Beaudry.
Le juge militaire a conclu que le retrait de l’accusation même qui rendait l’accusé admissible à un procès devant juge et jury dans un tribunal civil de compétence criminelle et son remplacement par une accusation purement militaire de conduite déshonorante ne pouvant être jugée que par une cour martiale avait pour effet de priver l’accusé d’un droit garanti par la Charte. En conséquence, le 31 janvier 2019, le juge militaire a mis fin aux procédures.
Inconduite de nature sexuelle
R c Duvall, 2018 CM 2027
Le capitaine Duvall a été inculpé d’un chef de conduite déshonorante en vertu de l’article 93 de la Loi sur la défense nationale, pour attouchements sexuels sur une militaire, une collègue sans son consentement. L’accusé a plaidé coupable à l’accusation et a été reconnu coupable de conduite déshonorante. Le 28 septembre 2018, le juge militaire l’a condamné à une réprimande sévère et à une amende de 2 000 $.
R c Jonasson, 2019 CM 2003
Le lieutenant-colonel Jonasson a été accusé d’avoir contrevenu à l’article 95 de la Loi sur la défense nationale pour avoir prétendument maltraité une personne qui lui était subordonnée. Il a aussi été accusé d’ivresse en vertu de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale. Après une première enquête, qui n’a pas permis de recueillir suffisamment d’éléments de preuve, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a mené une autre enquête. En raison du peu d’éléments de preuve liés à l’accusation d’ivresse, la requête de l’accusé fondée sur l’absence de cause probable d’action a été accueillie. Quant à l’autre accusation, de nombreux témoins ont été appelés, mais aucun n’a été en mesure de prouver que les actes allégués s’étaient produits. En outre, le juge militaire a conclu que la plaignante n’était ni crédible ni fiable et l’a prévenue que commet une infraction quiconque fait de fausses allégations. Le lieutenant-colonel Jonasson a été déclaré non coupable et acquitté de toutes les accusations le 8 février 2019.
Autres affaires importantes
R c Abbott, 2018 CM 2032
Le major Abbott a été inculpé d’un chef de conduite déshonorante en vertu de l’article 93 de la Loi sur la défense nationale. La victime a rédigé et lu une déclaration de la victime dans laquelle elle décrivait comment l’incident l’avait affectée et les doutes qu’il avait créés chez elle, tant sur le plan personnel que professionnel. Grâce à cette déclaration, la victime a pu faire part à la Cour des conséquences directes que la conduite de l’accusé avait eues sur elle. Le juge militaire a considéré la déclaration de la victime comme une circonstance aggravante avant de prononcer la sentence. L’accusé a plaidé coupable et a été condamné le 5 novembre 2018 à une réprimande sévère ainsi qu’à une amende de 2 500 $.
R c Stow, 2018 CM 3014
Le matelot de 1re classe Stow a été accusé et reconnu coupable de trafic de cocaïne en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cinq autres accusations avaient été portées au départ contre l’accusé, avant d’être retirées. Vu la gravité de l’implication de l’accusé dans le commerce de la drogue dans un environnement militaire et conformément à une proposition commune du procureur et de l’avocat de la défense, l’accusé a été condamné le 28 août 2018 à une peine de 10 mois de prison.
Conclusion
La période de référence 2018/19 a été marquée par de nombreux développements notables dans le système de justice militaire. Les importantes nouveautés en matière législative décrites dans le présent chapitre ont reçu un appui solide de la chaîne de commandement et amélioreront considérablement le soutien aux victimes en plus d’augmenter la rapidité, l’équité et l’efficacité du système de justice militaire. Les examens du système de justice militaire réalisés par le Bureau du vérificateur général et le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes représentent une évaluation constante du système de justice militaire. La prochaine période de référence couvrira la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R c Beaudry qui sera sans aucun doute une décision marquante pour le système de justice militaire.
Vu la multitude d’initiatives législatives, de décisions judiciaires et de progrès des politiques au cours de la période de référence, le système de justice militaire continue d’évoluer dans le respect des lois et des valeurs canadiennes tout en appuyant la chaîne de commandement pour assurer la discipline, l’efficacité et le moral des membres des Forces armées canadiennes.
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