Politique sur la présence de Listeria monocytogenes dans les aliments prêts-à-manger (2023) : Contexte et fondement scientifique

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Contexte

L. monocytogenes est une bactérie très répandue dans la nature. Elle a été isolée dans des excréments, des eaux usées, des produits d'ensilage, de la terre, des engrais, des matières végétales et de nombreux aliments (Farber et Peterkin, 1991; Farber et Peterkin, 2000; McLauchlin et coll., 2004; Soni et coll., 2014). Selon les estimations d'une méta-analyse récente, la prévalence de L. monocytogenes dans la viande de charcuterie était de 2,9 %, celle du fromage à pâte molle de 2,4 % et celle de la salade emballée de 2 % (Churchill et coll., 2019), ce qui suggère que la prévalence de L. monocytogenes dans les aliments PAM pourrait être inférieure à 5 %.

Selon les estimations, environ 1 % de la population est porteuse de L. monocytogenes dans leurs intestins sans développer de symptômes (Müller, 1990; Iida et coll., 1998; Grif et coll., 2001). Selon la méthode de détection utilisée, la prévalence du microorganisme peut atteindre 10 % dans les excréments d'humains en bonne santé (Hafner et coll., 2021). Toutefois, L. monocytogenes est reconnue comme l'agent responsable d'une infection appelée listériose. La listériose peut être invasive et non invasive. La listériose invasive se développe habituellement chez des personnes vulnérables, tandis que la listériose non invasive peut se développer chez des personnes de tout groupe de population. Plusieurs modes de transmission sont connus, soit de la mère au fœtus in utero ou durant l'accouchement, d'un nourrisson à un autre, de l'animal à l'humain, et par la consommation d'aliments contenant L. monocytogenes (McLauchlin et coll., 2004).

Les infections graves causées par L. monocytogenes (c'est-à-dire, la listériose invasive) chez des adultes en bonne santé sont relativement rares. L'incidence la plus élevée de la listériose touche les personnes dont le système immunitaire est affaibli, les personnes enceintes et les adultes de 60 ans et plus (FAO et OMS, 2004; OMS, 2018; ASPC, 2022). Au Canada, la listériose invasive est une maladie à déclaration obligatoire à l'échelle nationale. La listériose invasive est caractérisée par la septicémie et la méningoencéphalite et peut entraîner la mort. Les symptômes peuvent commencer dès 3 jours et jusqu'à 3 mois après l'exposition à L. monocytogenes (gouvernement du Canada, 2016; OMS, 2018). Chez les personnes enceintes, les symptômes sont généralement bénins. Toutefois, le microorganisme peut, par migration transplacentaire, provoquer une fausse couche, la mortinaissance, une septicémie périnatale et une méningite chez le nouveau-né. L. monocytogenes est la principale cause de décès associée aux maladies d'origine alimentaire au Canada, dont la cause est connue (Thomas et coll., 2015a). L'infection invasive à L. monocytogenes est associée à un taux élevé de mortalité, c'est-à-dire, que de 20 à 30 % des infections de listériose d'origine alimentaire dans les populations vulnérables sont mortelles (OMS, 2018). De plus, la listériose peut entraîner des problèmes de santé sérieux et de longue durée chez les personnes infectées (Roberts et coll., 2009).

Selon toute probabilité, les Canadiens consomment régulièrement des aliments qui pourraient contenir de faibles concentrations de L. monocytogenes. Cependant, le taux d'incidence de listériose demeure relativement faible. En 2008, le taux de listériose signalé au Canada a atteint son point le plus élevé, soit 7 cas par million d'habitants, ce qui était largement attribuable à 2 éclosions dont l'une où on a confirmé 57 cas et l'autre 40 cas (Gaulin et Ramsay, 2010; Currie et coll., 2015; Thomas et coll., 2015b). De plus, de 2011 à 2020, le taux national déclaré de listériose est demeuré relativement stable, allant de 5,3 cas par million d'habitants en 2016 à 3,3 cas par million d'habitants en 2017 (ASPC, 2023). Ces taux canadiens sont comparables à ceux déclarés aux États-Unis (par exemple, 2,8 cas par million d'habitants de 2008 à 2016, à l'exclusion des cas associés à une grossesse) (Pohl et coll., 2019) et dans l'Union européenne (par exemple, 4,9 cas par million d'habitants en 2021) (EFSA et ECDC, 2022).

Fondement scientifique de la politique

Plusieurs éclosions de listériose d'origine alimentaire ont été documentées au Canada (voir l'annexe B) et partout dans le monde. Elles ont été attribuées à une grande variété d'aliments comme la viande à tartiner, les viandes de charcuterie, les saucisses, les produits laitiers faits à partir de lait cru et de lait pasteurisé, le poisson, les fruits et légumes et les aliments préemballés comme les sandwichs et les salades (Desai et coll., 2019).

Les aliments en cause dans les éclosions de L. monocytogenes sont habituellement ceux dans lesquels la bactérie est présente (ou peut proliférer) à des concentrations qui pourraient présenter un risque pour la santé des consommateurs et qui ne nécessitent normalement aucune préparation complémentaire avant d'être consommés. La capacité de L. monocytogenes de proliférer à des températures de -0,4 à 45°C, à un pH de 4,4 ou plus et lorsque l'aw est de 0,92 ou plus sont des caractéristiques importantes de cet organisme qui jouent un rôle dans la salubrité des aliments (ICMSF, 1996). Néanmoins, la possibilité de contracter la listériose d'origine alimentaire augmente généralement en fonction de plusieurs facteurs (FAO et OMS, 2004; CCA, 2009a; Buchanan et coll., 2017), comme les suivants :

En ce qui concerne les 3 derniers points, la modélisation quantitative effectuée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (sigle anglais : EFSA) (groupe BIOHAZ de l'EFSA et coll., 2018) a prédit que le nombre attendu de cas de listériose invasive chez les humains par année pourrait être réduit de 37 % si la prolifération de L. monocytogenes est empêchée après l'achat par les consommateurs, ce qui souligne l'importance de l'éducation des consommateurs.

La politique sur la Listeria tient compte des consommateurs pour lesquels la fabrication d'aliments PAM est visée (par exemple, les populations vulnérables), du potentiel de prolifération de L. monocytogenes dans les aliments ainsi que de la présence ou des concentrations de L. monocytogenes dans les aliments. Ces facteurs sont utilisés pour déterminer les préoccupations pour la santé que posent les aliments PAM pour les consommateurs. Le potentiel de prolifération de L. monocytogenes varie en fonction de facteurs comme le pH, l'aw, la formulation des aliments, les microorganismes présents, l'utilisation d'additifs alimentaires (voir l'annexe C), les conditions d'entreposage et la durée de conservation.

Un modèle définitif de dose-effet pour L. monocytogenes chez les êtres humains n'a toujours pas été établi. Cependant, selon les données actuelles de cas recueillies à l'échelle mondiale, la probabilité qu'un aliment donné contenant un faible nombre de bactéries L. monocytogenes cause une maladie est considérée comme très faible (FAO et OMS, 2004). Les aliments contenant une faible concentration de L. monocytogenes (par exemple, moins de 100 unités formatrices de colonies (UFC)/g) présentent très peu de risques (Chen et coll., 2003; FAO et OMS, 2004). De plus, une modélisation quantitative récente donne à penser que la consommation d'aliments PAM contenant plus de 2 000 UFC/g de L. monocytogenes était responsable de plus de 90 % des cas de listériose invasive (groupe BIOHAZ de l'EFSA et coll., 2018). Une évaluation des risques aux États-Unis, qui comprenait une catégorisation des risques des aliments, soutient en outre le fait que les aliments PAM diffèrent dans leur capacité de favoriser la prolifération de L. monocytogenes et diffèrent donc dans leur capacité de causer la listériose d'origine alimentaire (FDA et USDA, 2003).

Par conséquent, la politique sur la Listeria sépare les aliments PAM qui favorisent la prolifération de L. monocytogenes de ceux dont la prolifération est limitée à des concentrations ne dépassant pas 100 UFC/g ou ne proliférera pas pendant toute la durée de conservation indiquée (voir la section Aliments prêts-à-manger de catégorie 2). À l'échelle internationale, la Commission du Codex Alimentarius, la Commission des Communautés européennes et celle des Normes alimentaires d'Australie - Nouvelle-Zélande (sigle anglais : FSANZ) ont proposé des approches semblables à l'égard de L. monocytogenes dans les aliments PAM, afin de protéger la santé des consommateurs tout en ayant recours à des pratiques équitables dans le commerce des aliments (CCA, 2009a; FSANZ, 2014; Commission européenne, 2020).

Néanmoins, en 2015, une éclosion liée à certains produits de crème glacée consommés par des patients hospitalisés a mis l'accent sur l'importance de la vulnérabilité de l'hôte et de l'état de santé/immunitaire sous-jacent dans les cas de listériose (Pouillot et coll., 2016). Toutes les expositions connues liées à cette éclosion étaient probablement attribuables à la consommation de laits frappés plutôt qu'au produit de crème glacée original (Chen et coll., 2016b; Farber et coll., 2021). Malgré une exposition généralisée, aucune maladie liée à la consommation de crème glacée associée n'a été signalée dans la population générale. L. monocytogenes a été détectée à de faibles concentrations dans 99 % (2307 sur 2320) des échantillons de crème glacée analysés (Chen et coll., 2016b; Pouillot et coll., 2016).

Cette éclosion a démontré que la listériose peut se développer chez les personnes très vulnérables s'ils consomment des produits qui ne favorisent pas la prolifération de L. monocytogenes, mais que ceux-ci en contiennent de faibles concentrations (Pouillot et coll., 2016). De plus, une étude récente sur les éclosions d'origine alimentaire associées aux soins de santé de 2001 à 2018 dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a révélé que L. monocytogenes était responsable de la majorité des éclosions d'origine alimentaire associées aux soins de santé en milieu hospitalier (Boone et coll., 2021). Ces éclosions de listériose ont été associées à des taux élevés de décès et ont touché principalement des personnes vulnérables.

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