Étude ethnographique sur les expériences des nouveaux arrivants vulnérables en matière d'impôts et de prestations

Agence du revenu du Canada

Août 2019

Icône PDFVersion PDF (0,99 Mo)

ISBN 978-0-660-32000-7
Rv4-135/2019F-PDF


Liste des acronymes et des abréviations

ACE : Allocation canadienne pour enfants
HCR : Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
IRCC : Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
LSEA : Laboratoire de solutions d’entreprise accélérées
PCBMI : Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt
RDBV : Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas
RDC : République démocratique du Congo
RPG : Réfugié pris en charge par le gouvernement
RPSP : Réfugié parrainé par le secteur privé

1. Résumé

Le présent rapport fait état des conclusions d’une étude ethnographique entreprise par les chercheurs du Laboratoire de solutions d’entreprise accélérées (LSEA) de l’Agence du revenu du Canada. Il s’agit du deuxième d’une série d’études ethnographiques sur les expériences des populations vulnérables. Le but de cette étude est d’améliorer la compréhension de l’Agence relative aux expériences des nouveaux arrivants lorsqu’ils sont confrontés pour la première fois au régime fiscal et de prestations du Canada. Ces constatations mettent en lumière des orientations possibles pour améliorer l’information sur les impôts et les prestations, ainsi que les services offerts aux nouveaux arrivants.

Les chercheurs de l’Agence (Amanda Joy et Amy Wilson) ont réalisé les travaux ethnographiques sur le terrain de mars à mai 2018. En plus d’observer des participants au sein d’organismes d’aide à l’établissement de la région d’Ottawa, un total de 57 personnes ont été interrogées par ceux-ci, dont 48 nouveaux arrivants, 5 travailleurs d’aide à l’établissement, 2 bénévoles du Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt (PCBMI) et 2 membres d’un groupe de parrainage de réfugiés par le secteur privé. La majorité des nouveaux arrivants interrogés étaient des réfugiés de zones de conflit, principalement de la Syrie et de la République démocratique du Congo (RDC).

Le présent rapport fait le constat que les nouveaux arrivants peuvent éprouver de la difficulté à s’intégrer au Canada en raison d’une multitude de facteurs, tels que les barrières linguistiques, le chômage, le stress de la réinstallation et le choc culturel. La gestion des impôts et des prestations est l’une des nombreuses nouvelles responsabilités administratives qui peuvent poser des difficultés aux nouveaux arrivants. Avant de migrer au Canada, aucun des nouveaux arrivants interrogés dans le cadre de cette étude n’avait d’expérience avec la déclaration de leurs revenus ou la réception de prestations. Quoique certains aient eu une expérience négative dans leurs rapports avec des administrations fiscales dans le passé, beaucoup ont exprimé leur soutien du principe de l’impôt et leur appréciation des prestations reçues par le fait même. Cependant, de nombreux participants n’étaient pas familiers avec les tâches administratives nécessaires pour la déclaration de revenus et la réception de prestations, et avaient parfois de la difficulté à s’y adapter.

L’ethnographie est une méthode de recherche qualitative qui consiste à recueillir des données détaillées et précises sur de vraies personnes et sur leur vie quotidienne. Cette méthode repose sur la réalisation d’enquêtes à petite échelle qui visent à découvrir la signification des actes des personnes et les habitudes qui les poussent à poser ces actes. Cette méthode mise fortement sur l’immersion sur le terrain, l’observation participante et la réalisation d’entrevues semi-structurées. Elle permet aux chercheurs d’acquérir un point de vue privilégié d’« initié ».

Les barrières linguistiques contribuent aux difficultés de nombreux nouveaux arrivants à interagir avec l’Agence, par téléphone et en ligne. Les participants ont aussi déclaré avoir de faibles connaissances en informatique, les services en ligne leur étant par conséquent inaccessibles. Au lieu de s’adresser à l’Agence, ils ont indiqué qu’ils posent leurs questions sur l’impôt et les prestations à des intermédiaires de confiance, comme des travailleurs d’aide à l’établissement et des groupes de parrainage.

2. Introduction et objectifs de l'étude

Une priorité clé de l’Agence est de s’assurer que les particuliers vulnérables sont capables de naviguer le régime fiscal et d’accéder aux prestations auxquelles ils ont droit. Les réfugiés et d’autres nouveaux arrivants à faible revenu sont parmi les personnes les plus vulnérables au Canada; ils doivent affronter des difficultés comme le chômage, les barrières linguistiques, les différences culturelles et d’autres difficultés en matière de santé mentale. L’Agence a un rôle important à jouer pour aider ces personnes à effectuer leur transition vers la vie au Canada, en administrant certains programmes de prestations sur lesquels comptent de nombreux nouveaux arrivants et en les informant au sujet de leurs obligations fiscales futures.

S’adapter à la vie au Canada peut être difficile et le soutien d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), des organismes d’aide à l’établissement, et des groupes de parrainage du secteur privé joue un rôle crucial pour aider les nouveaux arrivants à y arriver. Un aspect important de cet ajustement est le besoin de se familiariser avec les tâches administratives qui incombent aux Canadiens et de s’adapter, y compris les interactions avec les programmes et les services gouvernementaux. De nombreux nouveaux arrivants au Canada proviennent de pays où les citoyens n’ont pas à produire de déclarations de revenus et où aucun programme de prestations n’est administré dans le cadre du régime fiscal, alors la transition peut être difficile. L’étude menée vise à améliorer la compréhension par l’Agence des expériences des nouveaux arrivants vulnérables et à leur ajustement au régime fiscal et de prestations du Canada.

Cette étude a trois objectifs principaux :

Le projet a été entrepris par le LSEA de l’Agence en collaboration avec sa Direction générale de cotisation, de prestation et de service. La recherche reposait sur l’utilisation de méthodes ethnographiques, comme des entrevues et l’observation participante. La recherche sur le terrain a été réalisée de mars à mai 2018, pour coïncider avec la période de production des déclarations de revenus, dans les organismes d’aide à l’établissement et aux comptoirs du PCBMI à Ottawa. Le PCBMI est un partenariat entre l’Agence et les organismes communautaires pour offrir des services gratuits de préparation de déclarations aux particuliers et aux familles dont la situation fiscale est simple et les revenus sont modestes, ce qui signifie que le PCBMI entretient des rapports avec une multitude de groupes de populations vulnérables.

La section de ce rapport portant sur la méthodologie explique en détail la méthode de recherche ethnographique, y compris la manière dont les participants ont été recrutés, les entrevues menées, les barrières linguistiques surmontées et les préoccupations liées aux renseignements personnels et au consentement gérées. La section qui suit présente des renseignements généraux sur les programmes d’immigration du Canada en mettant l’accent sur l’augmentation récente des quotas d’immigration.

Les principales constatations de l’étude sont divisées en quatre thèmes. Le premier thème décrit les participants à la recherche et leurs antécédents, dont leur pays d’origine, leurs caractéristiques démographiques et leur expérience de migration au Canada. Le deuxième thème s’appuie sur des données de recherche et des ouvrages sur la migration pour décrire les expériences de vie des nouveaux arrivants vulnérables habitant au Canada en mettant l’accent sur le choc culturel, la santé mentale, les barrières linguistiques et les difficultés à trouver un emploi. Le troisième thème illustre certaines des raisons pour lesquelles les nouveaux arrivants peuvent avoir du mal à gérer leurs impôts et leurs prestations en examinant l’intersection des différences culturelles et des pratiques administratives. Le quatrième thème traite de la compréhension de l’impôt par les nouveaux arrivants, de leurs pratiques en matière de déclaration de revenus, de leurs expériences par rapport à l’allocation canadienne pour enfants (ACE) et de leurs communications avec l’Agence.

3. Méthodologie

3.1 La méthode ethnographique

L’ethnographie est une méthodologie de recherche qualitative utilisée en sciences sociales, particulièrement par les anthropologues, pour étudier les milieux sociaux et culturels de certaines communautés. Les chercheurs s’immergent longtemps dans la communauté à l’étude pour observer les sujets et interagir avec eux dans leur propre environnement, dans le but de se rapprocher le plus possible de leurs perspectives et de leurs expériences réelles. On appelle cette forme d’immersion l’observation participante, parce que les chercheurs s’immergent dans la communauté dans deux buts : participer aux activités et à la routine quotidienne de la communauté et consigner des observations et des notes détaillées. Les méthodes de recherche ethnographique peuvent aussi comprendre des entrevues semi-structurées, des enregistrements audio, de la photographie, de la vidéographie, des analyses documentaires et d’autres techniques. Les notes de recherche et les transcriptions des entrevues sont analysées qualitativement au moyen d’un processus appelé codage. Ce processus consiste à repérer les schémas dans les portions les plus pertinentes de l’ensemble de données et à en tirer des thèmes pouvant être utilisés pour répondre aux questions de l’étude.

Pendant leur immersion dans la communauté, les chercheurs accordent une attention particulière à la façon dont leur présence en tant que chercheurs et leurs points de vue en tant qu’étrangers influencent les événements qui se produisent et les relations qui se tissent. Pour ce faire, les ethnographes essaient de connaître leur propre position subjective et l’effet que leur présence peut avoir sur le lieu de recherche et sur sa dynamique sociale existante. Bien qu’il leur soit impossible de se mettre réellement dans la peau des participants, les ethnographes essaient tout de même de comprendre le mieux possible la vie des participants d’un point de vue personnel.

Ces méthodes aident les ethnographes à découvrir la signification et l’importance des modes de comportement, et à obtenir un aperçu réel des perceptions et des pratiques des sujets. D’autres méthodes qualitatives, comme les enquêtes et les groupes de discussion, ont des forces qui leur sont propres, mais elles permettent rarement de recueillir autant de détails naturalistes fins que la recherche ethnographique. La méthodologie ethnographique est maintenant utilisée dans d’autres disciplines universitaires et est de plus en plus utilisée au sein du gouvernement et du secteur privé pour découvrir des renseignements détaillés qui tiennent compte du contexte.

L’Agence a utilisé les méthodes ethnographiques pour la première fois en 2016 lorsqu’elle a mené, en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Toronto, un projet pilote visant à explorer les obstacles à l’observation fiscale auprès des propriétaires de petites entreprises de Kensington Market à Toronto. En 2017, le LSEA a mené une deuxième étude ethnographique dirigée par ses propres ethnographes, laquelle portait principalement sur les personnes sans abri et en situation de logement précaire et leurs expériences d’accès aux prestations administrées par le biais du régime fiscal. Ces projets ont fait la preuve de l’efficacité de la recherche ethnographique en ouvrant une porte sur les opinions et les comportements des contribuables, et ils ont aidé l’Agence dans ses efforts pour améliorer les services à ces populations.

3.2 Processus de recherche

Des chercheurs de l’Agence (Amanda Joy et Amy Wilson) ont mené cette étude à travers l’observation participante et les entrevues. Les entrevues ont pris diverses formes, allant de brefs échanges à de longues conversations approfondies, et ont duré de cinq minutes à plus d’une heure. Le style d’entrevue était souple et conversationnel, structuré par une liste de questions axées sur les objectifs de l’étude, mais adapté aux circonstances particulières des entrevues et ouvert aux écarts afin de suivre des pistes intéressantes et spontanées. Certaines des entrevues ont été enregistrées, avec l’accord des participants, et des notes manuscrites ont été prises pour d’autres. L’observation participante a également été réalisée aux comptoirs du PCBMI et au sein des organismes de services sociaux qui desservent les nouveaux arrivants, ce qui a permis aux chercheurs de prendre du temps nécessaire pour interagir informellement avec les participants tout en observant la dynamique sociale et les pratiques dans ces endroits.

Près des deux tiers des entrevues ont nécessité l’aide d’interprètes pour traduire de l’anglais aux langues parlées par les participants. Les employés des organismes d’aide à l’établissement ont fourni des renseignements sur leur clientèle aux étapes de planification du projet en indiquant les langues les plus fréquemment parlées parmi les participants à la recherche.

Quatre employés de l’Agence se sont portés volontaires pour servir d’interprètes dans le cadre de ce projet, même si aucun d’entre eux n’avait une formation professionnelle en interprétation. Ils ont appuyé la réalisation des entrevues en français, en arabe, en espagnol et en swahili. En outre, le personnel des organismes d’aide à l’établissement a soutenu l’interprétation dans plusieurs cas en français, en arabe, en kiroundi et en kinyarwanda (parlé en Afrique équatoriale et orientale). Bien que ces volontaires aient généreusement donné de leur temps et apporté une aide précieuse au projet, il est important de noter qu’ils ne sont pas des substituts parfaits aux interprètes professionnels, qui possèdent des compétences, qui incluent non seulement la maîtrise de deux langues, mais ont également une familiarité avec les deux cultures. Ils sont également aptes à écouter de façon active et engagée, à cerner et à relayer les nuances et les idiomes de langage, et à comprendre et relayer des messages sans omissions, ajouts ou omissions. Au cours des travaux sur le terrain, les chercheurs ont constaté que parfois, les interprètes volontaires ne traduisaient pas complètement les réponses ou semblaient ajouter leur propre interprétation, ce qui risquait d’avoir des effets sur la qualité des données collectées. Afin d’éviter la perte ou la modification de données précieuses, les chercheurs ont parfois demandé aux interprètes de préciser des éléments de réponse des participants et d’éviter d’y ajouter leurs opinions personnelles.

Certaines des entrevues au projet touchaient des cordes sensibles, particulièrement dans le cas des réfugiés qui avaient fui la guerre ou d’autres situations violentes et qui pouvaient avoir perdu leur foyer ou des membres de leur famille. Les travailleurs d’aide à l’établissement qui ont aidé au recrutement des participants ont aussi informé les chercheurs que leurs clients pouvaient se mettre à pleurer ou s’affoler. En effet, malgré le fait que les questions des chercheurs étaient axées sur la fiscalité, certains des participants interrogés ont raconté leurs histoires de pertes et de difficultés. Les chercheurs ont pris soin d’aborder ces sujets avec tact et ont rappelé aux participants qu’ils n’étaient pas obligés de répondre aux questions ou de divulguer quoi que ce soit qui les mettait mal à l’aise. Des travailleurs d’aide à l’établissement étaient à proximité dans tous les contextes d’entrevue, et il était possible de faire appel à eux si un participant avait besoin de soutien supplémentaire.

Le recrutement pour cette étude a commencé en janvier 2018, lorsque l’équipe de projet a commencé ses recherches sur les organismes d’aide à l’établissement partout dans la ville d’Ottawa. L’étude a finalement été réalisée auprès de quatre organismes qui ont accepté de participer, parmi lesquels trois organisaient des comptoirs du PCBMI et le quatrième, non :

1 – Un centre communautaire multiservice dans un quartier à faible revenu d’Ottawa qui offre des services aux membres de la collectivité, notamment de l’aide à l’emploi, des consultations, une banque alimentaire et un soutien parental, ainsi qu’un programme d’aide à l’établissement des nouveaux arrivants. Cet organisme gère un comptoir du PCBMI, qui fonctionne comme un service de dépôt et de cueillette. Les chercheurs ont été invités à assister à des entrevues avec des particuliers qui venaient au centre pour reprendre leurs documents à une date précise, et ils ont été invités à réaliser leurs propres entrevues. Les participants à ce comptoir étaient principalement des locuteurs arabes, swahilis et kinyarwandas. Un locuteur arabe de l’Agence est venu au comptoir pour servir d’interprète et un travailleur d’aide à l’établissement a fourni son aide pour le kiroundi et le kinyarwanda.

2 – Un organisme d’aide à l’établissement dans la partie sud d’Ottawa qui offre une variété de services d’aide à l’établissement, d’orientation, de loisirs et d’emploi aux nouveaux arrivants dans le besoin. Il offre deux comptoirs du PCBMI ouverts toute la journée pendant la période de production des déclarations de revenus, chacun tenu par cinq ou six volontaires, et les chercheurs ont assisté aux deux. L’ambiance des comptoirs était grouillante et bondée, et la salle d’attente était pleine presque toute la journée. Un employé de l’Agence a accompagné les chercheurs pour l’interprétation de l’arabe et du français, et un travailleur social de l’organisme d’aide à l’établissement a également prêté main-forte lors d’une entrevue en arabe.

3 – Un organisme d’aide à l’établissement dans la partie ouest d’Ottawa qui offre des services d’aide à l’établissement, notamment des cours de langue, de l’aide au logement et à l’emploi, un soutien à l’intégration sociale et des programmes pour les jeunes. Il organise des comptoirs du PCBMI un soir par semaine pendant la saison des déclarations de revenus. Ces comptoirs sont tenus par environ douze volontaires, qui parlent différentes langues et remplissent des déclarations de revenus en même temps dans différents bureaux et salles du centre. Les chercheurs ont assisté au comptoir à trois dates différentes et ont interviewé les clients avec l’aide d’employés de l’Agence parlant l’arabe et l’espagnol, parfois avant le rendez-vous de préparation de la déclaration du client, parfois après.

4 – Un organisme de services aux nouveaux arrivants situé au centre-ville d’Ottawa qui offre une gamme de services d’aide à l’établissement. Cet organisme n’a pas organisé de comptoirs du PCBMI pendant la période de recherche de 2018, mais l’a fait par le passé. Les membres du personnel ont expliqué qu’ils avaient cessé d’organiser des comptoirs en raison d’un manque de temps et de ressources. Cependant, l’organisme a organisé des ateliers d’orientation pour les nouveaux arrivants, sur des questions fiscales et d’autres sujets de préoccupation pour ses clients. Les chercheurs ont assisté à trois de ces ateliers : une séance d’orientation générale, un atelier sur la fiscalité et une séance de questions-réponses avec un agent de police. Les participants ont été recrutés lors de ces ateliers avec l’aide des animateurs, et les entrevues ont eu lieu pendant l’atelier dans une salle voisine ou tout de suite après. Un locuteur arabe de l’Agence a participé aux entrevues lors d’un atelier, et un locuteur swahili a participé aux deux autres.

Au total, 57 personnes ont été interrogées dans le cadre de cette étude, parmi lesquelles 48 étaient de nouveaux arrivants vulnérables et à faible revenu. Outre les nouveaux arrivants, 5 membres du personnel des organismes d’aide à l’établissement ont été interrogés, ainsi que 2 bénévoles à des comptoirs du PCBMI desservant des populations de nouveaux arrivants. Enfin, les chercheurs ont communiqué avec un organisme d’Ottawa qui coordonne les groupes de parrainage du secteur privé, et ils ont été en mesure d’interviewer 2 membres d’un groupe de parrainage de réfugiés à Ottawa.

3.3 Protection des renseignements personnels et consentement

Au début de chaque entrevue, les participants à la recherche ont été informés du but de la recherche et de la façon dont leurs renseignements personnels seraient protégés. Ils ont ensuite été invités à donner leur consentement afin de pouvoir inclure dans le présent rapport les renseignements fournis lors des entrevues. Les participants se sont vu demander de lire et de signer un formulaire de consentement, disponible en anglais, français, arabe, espagnol et swahili, pour signifier qu’ils avaient compris le but de l’entrevue et qu’ils consentaient à faire partie de l’étude. Les participants ont été avisés que leur identité demeurerait confidentielle et que l’équipe de projet ne recueillerait aucun renseignement permettant de les identifier, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ils ont également été avisés qu’ils avaient la possibilité, jusqu’à la fin de la période de collecte de renseignements, de se retirer de l’étude s’ils le souhaitaient. Dans le présent rapport, des pseudonymes ont été utilisés pour tous les participants afin de protéger leur vie privée, et quelques détails personnels ont été retenus.

4. Renseignements généraux sur les nouveaux arrivants vulnérables

Le gouvernement du Canada a augmenté ses quotas d’immigration pour remédier au vieillissement de la population canadienne, soutenir la croissance économique et respecter ses engagements humanitaires en réponse à la crise mondiale des réfugiés.Note de bas de page 2 Les nouveaux arrivants passent par de nombreux programmes d’immigration, qui peuvent leur donner le statut de migrants au titre de la catégorie du regroupement familial, de migrants économiques et de réfugiés. Les réfugiés passent par l’un de trois programmes : le Programme des réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG), dans le cadre duquel le gouvernement du Canada soutient la première année de résidence du Canada; le Programme des réfugiés parrainés par le secteur privé (RPSP), selon lequel un groupe de citoyens ou un groupe communautaire offre son soutien pour la première année; le Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas (RDBV), pour lequel la première année de soutien est divisée entre le gouvernement fédéral et un groupe de parrainage privé. Les nouveaux arrivants interrogés dans le cadre de cette étude provenaient principalement de programmes pour réfugiés : le présent rapport porte donc principalement sur les expériences de ces types de nouveaux arrivants.Note de bas de page 3

L’augmentation du nombre de migrants arrivant au Canada provient de l’immigration au titre des catégories de l’immigration économique et du regroupement familial, mais il y a également eu une augmentation significative du nombre de réfugiés au cours des dernières années. En 2016, 47 600 réfugiés ont été admis au Canada, soit le plus grand nombre depuis 1978. L’objectif d’immigration de 2018 est fixé à 310 000 et à 340 000 en 2020 : les réfugiés constituent environ 14 % de ces deux objectifs. Voir le tableau 1 pour de plus amples détails sur les principales catégories d’immigration de 2018 à 2020.

Tableau 1 : Objectifs d’immigration canadienne – 2018-2020Note de bas de page 4
Catégorie d’immigration
Objectif de 2018 Objectif de 2019 Objectif de 2020
Économique 177 500
191 600 195 800
Famille
86 000
88 500 91 000
Réfugiés et personnes protégées
43 000
45 650 48 700
Humanitaire et autresNote de bas de page 5
3 500
4 250 4 500
Total
310 000
330 000 340 000

Source : IRCC

En règle générale, les réfugiés sont identifiés et recommandés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ou un autre organisme humanitaire international, puis jumelés au gouvernement canadien pour organiser leur demande d’immigration et la logistique de transport. D’autres personnes arrivent directement au Canada si elles font face à la persécution dans leur pays d’origine et demandent l’asile au Canada à un point d’entrée canadien ou à un bureau de l’Agence des services frontaliers du Canada ou d’IRCC. Si la demande est jugée éligible, elle sera envoyée à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada pour une audience qui déterminera si la personne est acceptée ou non pour l’asile.

Lorsqu’un nouvel arrivant entre au pays dans le cadre d’un programme d’immigration, il obtient le statut de résident permanent, un statut accordé aux non-citoyens, lui permettant de vivre, de travailler et d’étudier au Canada sans contrainte de temps. Cela lui confère la plupart des droits et responsabilités des citoyens canadiens, y compris l’admissibilité aux prestations offertes par le régime fiscal. Après cinq ans de résidence permanente, les personnes peuvent demander la citoyenneté canadienne, ce qui leur permet de détenir un passeport canadien et de voter aux élections canadiennes. Pour pouvoir présenter une demande de citoyenneté, la personne doit être présente au Canada depuis au moins trois des cinq dernières années, démontrer un certain niveau d’anglais ou de français et avoir produit une déclaration de revenus si nécessaire, et les personnes âgées de 18 à 54 ans doivent réussir un test de citoyenneté.

Les principaux pays d’origine des réfugiés au Canada au cours des dernières années sont la Syrie, l’Érythrée, l’Iraq, la RDC et l’Afghanistan. Les participants à cette étude viennent de 13 pays différents. Le plus grand nombre vient de Syrie et de la RDC (voir la section 5.1 du présent rapport pour plus de détails sur les caractéristiques démographiques des participants). Ces deux pays ont connu des conflits intenses ces dernières années. En 2018, 4,5 millions de Congolais avaient été déplacés à l’intérieur du pays et plus de 600 000 avaient fui le pays.Note de bas de page 6 En Syrie, la guerre civile en cours a entraîné environ 6,3 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays et plus de 5,6 millions de réfugiés en juillet 2018.Note de bas de page 7

Les personnes interrogées dans le cadre de cette étude ont souvent fui leur foyer pour se heurter à de nouvelles difficultés lorsqu’elles se sont réfugiées dans des pays voisins. Selon un rapport d’IRCCNote de bas de page 8 sur le programme de réinstallation des réfugiés syriens :

Les conditions dans les pays d’accueil varient, mais dans l’ensemble elles sont très mauvaises. L’Iraq, la Jordanie et la Turquie sont les trois seuls pays qui comptent des camps de réfugiés officiels; cependant, la majorité des réfugiés syriens (85 %) vivent ailleurs que dans des camps, par exemple dans des centres urbains ou des abris de fortune. Les réfugiés syriens réinstallés au Canada viendront principalement de pays d’accueil comme la Jordanie et le Liban, où l’intégration locale n’est pas possible en raison du nombre considérable de réfugiés qui résident dans ces pays.

Selon le HCR, la crise de réfugiés actuelle est la pire crise jamais enregistrée, ayant un nombre sans précédent de 68,5 millions de personnes déplacées partout dans le monde.Note de bas de page 9 Les pays développés, tels que le Canada, soutiennent les efforts humanitaires internationaux, par de l’aide financière et au perfectionnement et l’augmentation du nombre de réfugiés accueillis chaque année de 2016 à 2020. Cependant, accueillir des réfugiés au Canada n’est qu’un début en ce qui concerne l’aide visant à améliorer la vie des réfugiés. Ils ont également besoin de services de soutien et d’établissement pour s’intégrer et prospérer. Au Canada, l’administration de l’impôt joue un rôle important dans cet effort en administrant les prestations dont dépendent de nombreux réfugiés pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles.

5. Constatations

5.1 Les participants à la recherche

Sur les 57 personnes interrogées dans le cadre de cette étude, 48 sont de nouveaux arrivants à faible revenu et vulnérables. Sur les neuf autres, cinq sont des travailleurs d’aide à l’établissement, deux des volontaires du PCBMI et deux des membres d’un groupe de parrainage par le secteur privé. Tous les réfugiés récemment arrivés sont considérés comme des personnes vulnérables aux fins de la présente étude, parce que le Canada donne la priorité aux plus vulnérables en matière d’établissement des réfugiésNote de bas de page 10 et que les réfugiés font face à des difficultés particulières d’intégrationNote de bas de page 11. Quarante et un des 48 (85 %) nouveaux arrivants qui ont participé à l’étude sont entrés au pays comme réfugiés : 31 RPG, 8 dans le cadre du RPSP et 2 RDBV. Sur les sept autres nouveaux arrivants, deux ne sont pas arrivés par le biais d’un programme de réfugiés, mais attendaient que leurs demandes d’asile soient traitées au moment de la recherche; un est venu comme immigrant de la catégorie famille; trois étaient des immigrants de la catégorie économique, ayant tous un revenu suffisamment bas pour être admissibles aux comptoirs du PCBMI; et un avait la citoyenneté canadienne, mais avait vécu toute sa vie au Venezuela avant de revenir au Canada l’année précédente et de demander le statut de famille pour sa femme et ses enfants.Note de bas de page 12

Les participants à cette étude venaient au Canada de 13 pays différents. Le plus grand nombre de nouveaux arrivants est arrivé de Syrie (33 %), de la RDC (23 %) et d’Iraq (15 %). Voir le tableau 2.

Tableau 2 : Participants de recherche par pays d’origine
Pays d’origine Participants
Syrie 16
RDC 11
Iraq 7
Afghanistan
2
Burundi 2
Haïti 2
Venezuela 2
Algérie 1
Colombie 1
Iran 1
Jordanie 1
Népal 1
Somalie 1
TOTAL 48

Vingt-six des 48 nouveaux arrivants interrogés étaient des femmes et la plupart d’entre eux étaient de jeunes adultes dans la vingtaine et la trentaine (34). Une seule personne avait moins de 20 ans, une autre avait plus de 60 ans et aucun participant n’avait plus de 65 ans. Trente et une personnes avaient des enfants de moins de 18 ans, avec une moyenne de 2,4 enfants chacun. Certaines des personnes interrogées avaient également des enfants et des petits-enfants d’âge adulte, dont certains ont émigré avec eux, mais la majorité était de jeunes familles.

L’objectif du projet était axé sur les nouveaux arrivants (définis ici comme des personnes qui ont émigré au cours des cinq dernières années). Cependant, trois personnes interrogées étaient au Canada depuis 5 à 10 ans. Le processus de recrutement ne comprenait pas de contrôle rigoureux de l’admissibilité en raison de l’atmosphère occupée dans laquelle il s’est déroulé; principalement dans les salles d’attente et les ateliers des comptoirs d’information fiscale. Étant donné que les organismes choisis servent les communautés de migrants et que les comptoirs d’information fiscale respectent les lignes directrices du PCBMI sur le revenu, nous avons présumé que les personnes qui utilisaient les services d’orientation et de préparation des déclarations des organismes d’aide à l’établissement répondaient aux critères du projet, c’est-à-dire, qu’elles étaient de nouveaux arrivants vulnérables.Note de bas de page 13 Les entrevues avec les trois personnes qui étaient au Canada depuis 5 à 10 ans ont été incluses dans les données parce que leurs expériences étaient semblables à celles des personnes qui étaient au Canada depuis moins de temps.

Outre les entretiens avec les nouveaux arrivants, les chercheurs ont mené des entrevues auprès de cinq travailleurs d’aide à l’établissement : trois bénévoles dans les comptoirs du PCBMI organisés par des organismes d’aide à l’établissement et deux membres d’un groupe de parrainage privé. Tous les travailleurs d’aide à l’établissement interrogés connaissaient très bien les besoins des nouveaux arrivants vulnérables et les difficultés qu’ils rencontrent après leur arrivée au Canada, puisqu’ils travaillaient tous dans les services aux nouveaux arrivants depuis au moins cinq ans. De plus, quatre d’entre eux étaient eux-mêmes des Canadiens de première génération. Les bénévoles du PCBMI ont été interrogés sur leurs expériences liées à la déclaration de revenus pour les nouveaux arrivants afin d’en apprendre davantage sur les difficultés rencontrées par leurs clients relativement aux impôts et aux prestations. Enfin, deux membres d’un groupe de parrainage privé ont offert leurs expériences en matière d’assistance à la famille de réfugiés qu’ils avaient parrainée avec leurs finances.

5.2 L’expérience des nouveaux arrivants

5.2.1 Le choc culturel et la santé mentale

Les nouveaux arrivants au Canada doivent s’adapter à un nouvel environnement auquel ils ne sont pas habitués, ce qui peut les mettre très mal à l’aise et causer un grand stress, beaucoup d’angoisse, ainsi que d’autres émotions difficiles. Cette expérience est-ce qu’on appelle un « choc culturel ».

L’anthropologue Cora Du Bois définit le choc culturel comme « un syndrome précipité par l’angoisse causée par la perte de tous ses repères familiers ».Note de bas de page 14 Le fait d’être coupé de sa culture peut être une expérience profondément déroutante : on rencontre des différences à des endroits inattendus, les attentes sociales peuvent manquer de clarté et porter à confusion et les tâches quotidiennes, comme le cheminement dans le réseau de transport en commun ou le paiement d’une facture peuvent être difficiles et stressantes. Pour certaines personnes, le choc culturel mène à la dépression, à l’isolement ou à la fatigue.Note de bas de page 15

Nizar et Imad, deux frères syriens au début de la vingtaine qui sont arrivés au Canada en tant que RPG après avoir passé quatre années dans un camp de réfugiés jordanien, ont expliqué les difficultés qu’ils ont rencontrées en ce qui a trait à la transition vers la vie au Canada. Quand on leur a demandé s’il y avait des choses qu’ils avaient l’impression de ne pas comprendre au sujet du régime fiscal et de prestations du Canada, l’un des frères a donné la réponse suivante après avoir vécu au Canada pendant sept mois :

Nous n’avons pas encore réellement absorbé la vie en général. Il y a beaucoup de choses que nous devons absorber. Car ici, la vie est totalement différente de là d’où nous venons. La culture et la société sont différentes.Note de bas de page 16 

Ils ont dit que leurs difficultés découlaient de l’adaptation à un nouveau style de vie et à un mode de vie inconnu, ainsi que des difficultés linguistiques; en fait, aucun des frères ne savait lire et écrire, même dans leur langue maternelle, qui est l’arabe. Bien qu’ils ont trouvé les Canadiens accueillants, ils ont dit qu’ils avaient de la difficulté à s’intégrer à la société canadienne et qu’ils étaient plus à l’aise d’interagir avec d’autres gens qui parlent arabe dans leur école de langue anglaise.

Le choc culturel conditionne la façon dont les nouveaux arrivants voient la vie au Canada, y compris leurs interactions avec des processus bureaucratiques comme la production de déclarations de revenus. Nizar et Imad ont exprimé une certaine inquiétude et confusion à propos du système fiscal. Par exemple, ils voulaient savoir pourquoi leur employeur déduisait de l’impôt de leur chèque de paye si le système vise à aider les personnes à faible revenu comme eux. Ils semblaient incertains et méfiants quand le chercheur et l’interprète ont expliqué un peu le fonctionnement du régime fiscal progressif du Canada et leur ont dit qu’ils pourraient probablement récupérer de l’argent après la production de leurs déclarations de revenus. Le sentiment d’être perdu s’étend à leur tentative de comprendre le système fiscal : les choses ne fonctionnent pas de façon cohérente à leurs yeux et ils sont réticents à faire confiance aux représentants du gouvernement.

Outre les difficultés associées au choc culturel, les nouveaux arrivants et les réfugiés en particulier, ont peut-être subi des traumatismes dans leur pays d’origine et pendant le processus de réinstallation. La détresse psychologique liée aux circonstances entourant leur départ et au processus de migration peut avoir des effets durables sur le bien-être des nouveaux arrivants. Un rapport de 2016 publié par la Commission de la santé mentale du Canada identifie les réfugiés comme un groupe à risque élevé en ce qui concerne les problèmes de santé mentale complexes, y compris un risque accru de trouble de stress post-traumatique et de dépression.Note de bas de page 17 Une étude longitudinale menée par IRCC en 2012 a révélé que les réfugiés présentent un degré plus élevé de problèmes émotionnels par rapport aux autres groupes de nouveaux arrivants et qu’ils avaient un ensemble distinct de besoins en santé mentale.Note de bas de page 18 

Les nouveaux arrivants interrogés dans le cadre de ce projet sont venus au Canada après avoir vécu dans des conditions difficiles et parfois dévastatrices. Certains individus interrogés sont arrivés de camps de réfugiés où ils vivaient depuis des années sans moyens de subvenir à leurs besoins essentiels. D’autres ont vécu des guerres qui ont coûté la vie à des membres de leur famille. Les chercheurs ont parlé à des personnes qui ont perdu leurs parents, leurs conjoints et leurs enfants. Beaucoup ont vu leurs maisons et leurs communautés détruites. Certains ont souffert de faim chronique, de persécution en raison de leur religion ou de leur appartenance ethnique, d’attaques terroristes, de violences et d’agressions sexuelles. Tous ont laissé derrière eux des personnes, des lieux et des biens qui leur étaient familiers et qui les aidaient à donner un sens à leur vie : leurs amis et les membres de leur famille; des maisons dans lesquelles ils vivaient depuis des années; des terres qui étaient dans leurs familles depuis des générations; tout, sauf quelques-uns de leurs biens.

Bita est une femme iranienne à la voix douce, âgée d’une soixantaine d’années qui vit au Canada depuis environ cinq ans. Elle est veuve et est venue au Canada en tant que réfugiée après avoir été persécutée en Iran en raison de sa foi baha’ie. Elle a décrit les épreuves qu’elle a endurées. Elle a fui l’Iran pour la Turquie où elle a vécu pendant deux ans avec un statut incertain, a fait sa demande au Canada par l’intermédiaire du HCR, puis est arrivée à Mississauga, en Ontario, où elle a eu du mal à trouver un logement abordable. Lorsqu’on lui a demandé comment elle a entendu parler pour la première fois de ses obligations fiscales canadiennes, elle a répondu :

Je ne m’en souviens pas, car j’étais très stressée à cette époque. Mais ça fait longtemps, deux ans… ma situation n’est pas bonne. [Pas] bonne à ce moment-là, parce que j’ai changé de vie, j’ai tout changé, je suis venue seule. Je n’ai jamais pensé à [l’impôt]. Je sais seulement que je ressentais différentes émotions à cette époque. Je ne me souviens que de certaines choses. Peut-être qu’on m’a parlé [des impôts], mais je ne m’en souviens pas.

Ici, elle évoque sa situation précaire et vulnérable au cours de cette période de transition et des trous de mémoire qu’elle a connus, fréquents chez les personnes souffrant du trouble de stress post-traumatique. Ces difficultés l’ont empêchée de retenir les renseignements qui lui avaient été donnés lors de son orientation initiale au Canada. Quand elle est arrivée plus tard à Ottawa, Bita a rencontré de nouvelles difficultés. Par exemple, elle a dû rester dans un refuge pendant une longue période avant de recevoir un logement subventionné par la ville d’Ottawa. À la fin de l’entrevue, Bita a indiqué qu’elle souhaite trouver un emploi dans l’éducation de la petite enfance, comme elle avait en Iran.

5.2.2 Barrières linguistiques

L’une des plus grandes difficultés pour les nouveaux arrivants vulnérables est liée au fait que beaucoup ne peuvent pas communiquer dans une langue officielle à leur arrivée. Cela est particulièrement vrai pour les réfugiés. Parmi les réfugiés réinstallés entre 2010 et 2014, seulement 26 % des RPG ont déclaré connaître au moins une langue officielle, par rapport à 38 % des RPSPNote de bas de page 19. Un rapport d’IRCC de 2016 sur le programme de réinstallation des réfugiés syriens a révélé que la langue constituait un obstacle important à leur intégration. En effet, 83 % des RPG adultes déclaraient ne parler aucune des deux langues officielles.Note de bas de page 20 Les RPG représentent la majorité des nouveaux réfugiés et sont aussi le groupe le moins susceptible de parler anglais ou français.

Sur les 48 nouveaux arrivants interrogés dans le cadre de ce projet, 15 (31 %) parlaient suffisamment bien une langue officielle pour passer une entrevue et 33 (69 %) avaient besoin d’un interprète. Il est important de noter que l’acquisition de la langue peut être un processus long et que de nombreux participants ne peuvent être décrits de manière adéquate comme « locuteur » ou « non-locuteur ». Par exemple, certains des participants qui ont choisi d’utiliser les services d’un interprète avaient un certain niveau d’anglais, mais se sentaient plus à l’aise avec un interprète lors d’une conversation plus complexe. De même, certains individus interrogés sans interprète ne parlaient pas couramment une langue officielle et les questions posées lors des entrevues étaient répétées en utilisant des mots plus simples afin de s’adapter à leurs compétences linguistiques. Les Niveaux de compétence linguistique canadiens fournissent une évaluation plus nuancée des compétences linguistiques en utilisant un système de 12 niveaux divisé en trois étapes pour définir les compétences linguistiques d’une personne. Bien que les données sur le niveau de langue parmi les nouveaux réfugiés ne soient pas collectées à des fins statistiques, un rapport d’IRCC de 2016 axé sur le programme des réfugiés syriens a révélé un niveau de compétence linguistique moyen de 2,6 parmi les participants, qui est considéré comme faible. Le même rapport souligne que, bien que les réfugiés bénéficient d’une formation linguistique gratuite, les listes d’attente pour les cours sont parfois de plusieurs mois, en particulier aux niveaux inférieurs, ce qui peut constituer un obstacle à l’intégration.Note de bas de page 21

La langue est un problème important pour accéder à un emploi, pour effectuer des tâches ordinaires et se sentir chez soi dans son environnement. De nombreux participants ont évoqué des difficultés quotidiennes liées aux barrières linguistiques, allant de lire un menu ou déchiffrer un emballage à l’épicerie, à aider leurs enfants à faire leurs devoirs et comprendre des documents médicaux, juridiques, bancaires et d’assurance. Les barrières linguistiques sont également un facteur d’accès à l’information sur les impôts et les prestations, et pour d’autres tâches administratives.

5.2.3 Emploi

Les barrières linguistiques posent un problème d’accès à tout type d’emploi, mais particulièrement dans les domaines qui nécessitent une communication écrite ou verbale importante, ou qui exigent un niveau de langue plus avancé. Dans une enquête sur les RPG arrivés entre 2002 et 2012, 79 % n’avaient pas trouvé d’emploi avant la fin de leur soutien gouvernemental d’un an. La principale raison invoquée (41 %) était le besoin de perfectionner les compétences linguistiques.Note de bas de page 22 Cependant, la langue n’est qu’un aspect de la difficulté des nouveaux arrivants à trouver un emploi.

Les participants à cette étude ont souvent mentionné que les employeurs préfèrent peut-être embaucher des personnes qui ont une expérience de travail canadienne sur leur curriculum vitæ. Samir est arrivé au Canada d’Algérie, avec sa femme et ses deux enfants, dans le cadre du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral). Il était au Canada depuis presque un an au moment de l’entrevue et n’avait toujours pas de travail, en dépit de ses qualifications professionnelles. Âgé de 35 ans, il est titulaire d’un diplôme universitaire et possède dix ans d’expérience dans le secteur bancaire avec une spécialisation en gestion des risques. Il parle couramment l’anglais et le français et semble amical, ouvert et positif. Il a expliqué qu’il avait de la difficulté à trouver un emploi à Ottawa après avoir terminé un programme de formation de quatre mois pour les nouveaux arrivants :

J’ai posé ma candidature à plusieurs emplois. Les employeurs n’ont pas indiqué dans leur description qu’ils avaient besoin de quelqu’un avec une expérience de travail canadienne. Personne ne vous le dit. J’ai donc reçu quelques appels téléphoniques, mais la plupart d’entre eux vous demandent : « Depuis combien de temps vous êtes au Canada ? Quel est votre statut ? » Ils ne m’ont pas accordé d’entrevue. Alors, je me suis habillé de mon plus beau costume et je suis allé voir un directeur de succursale sur la rue Rideau. Je lui ai dit : « Bonjour, je cherche un travail. » (Rires) Alors, il m’a reçu, m’a posé quelques questions et m’a dit que mon CV ne correspondait pas à ce qu’ils voulaient. Je devais commencer quelque part, donc j’ai communiqué avec un organisme communautaire local qui m’a trouvé un mentor, la directrice de succursale [dans une banque canadienne], et un stage en finance. Mais aussi, si elle n’avait pas utilisé son réseau pour me trouver le poste, je n’aurais jamais reçu l’appel. Je suis sûr parce que dans l’entrevue, mon directeur m’a dit : « Je ne vous aurais jamais appelé si je n’avais pas eu mon réseau. » Je constate donc que la plupart des emplois ne sont pas sur Internet, ils se trouvent grâce au réseautage... [Le stage] se termine à la fin du mois d’avril. Après, je vais faire du bénévolat pour acquérir cette expérience de travail canadienne.

De même, Yasser est un Syrien de 54 ans qui a travaillé pendant 25 ans dans le contrôle des maladies infectieuses et a été professeur de santé publique dans une université syrienne a eu du mal à trouver un emploi au Canada. Après avoir cherché du travail dans son domaine et avoir été refusé à plusieurs reprises en raison du manque d’expérience canadienne, il s’est retrouvé encore une fois chez lui frustré. D’autres participants de recherche qui possèdent des qualifications professionnelles étrangères se sont retrouvés à travailler comme plongeurs ou chauffeurs Uber. Selon un travailleur d’aide à l’établissement :

[Il y a] des médecins qui sont chauffeurs Uber et pendant ce temps, il y a une pénurie de médecins… Vous entendez « pénurie de médecins, pénurie de médecins », et nous avons des médecins qui travaillent comme chauffeurs Uber ou chauffeurs de taxi. Dans la communauté des immigrants, nous disons en plaisantant : « Au Canada, nous avons les chauffeurs de taxi, les chauffeurs de bus et les livreurs de pizza les plus instruits... » C’est un gaspillage. C’est un gaspillage ici et c’est un gaspillage, peu importe d’où vient cette personne.

Sur les 48 nouveaux arrivants interrogés dans le cadre du présent rapport, seulement 12 occupaient un emploi rémunéré au moment de l’entrevue. Dix-neuf étaient dans leur première année au pays et recevaient un soutien financier gouvernemental ou privé, 11 recevaient de l’aide sociale du gouvernement provincial et 9 avaient d’autres sources de revenus (p. ex. épargne, prêts étudiants, soutien aux personnes handicapées).Note de bas de page 23 Pour les réfugiés qui ne trouvent pas un emploi adéquat à la fin de leur première année, lorsque leur soutien comme RPG et le parrainage privé sont épuisés, il est très courant de passer à l’aide sociale. Cela correspond aux conclusions d’une évaluation des programmes de réinstallation menée en 2016 par IRCC, selon laquelle environ 69 % des RPG et 31 % des RPSP dépendaient toujours de l’assistance sociale deux ans après leur admission au Canada, diminuant à 39 % et 28 % respectivement après 10 ans.Note de bas de page 24 

5.3 Adaptation aux exigences administratives

Les impôts et les prestations ne constituent qu’un élément d’un domaine beaucoup plus large de responsabilités administratives inconnues auquel un nouvel arrivant doit faire face. À leur arrivée au Canada, les nouveaux arrivants doivent gérer leurs documents d’immigration, obtenir des numéros d’assurance sociale pour les membres de leur famille, inscrire leurs enfants à l’école, ouvrir un compte bancaire, obtenir un téléphone et s’inscrire à des cours de langue. Ils doivent présenter une demande d’inscription au régime provincial de soins de santé qui couvre leurs services de base pour les trois premiers mois au Canada et au Programme fédéral de santé intérimaire qui élargit la période de couverture d’une ou deux années. Ils peuvent avoir besoin de dossiers médicaux comme des certificats médicaux et des carnets de vaccination. Certains seront à la recherche d’un logement et d’un emploi. Les RPG et d’autres nouveaux arrivants doivent organiser le remboursement du prêt accordé par le gouvernement du Canada pour leurs frais de déplacement. Ils peuvent avoir besoin d’un permis de conduire, d’une voiture et d’une assurance automobile. On peut leur demander de fournir leur cote de crédit ou des références d’employeurs ou de propriétaires précédents, ce qu’ils pourraient ne pas être en mesure d’acquérir. Un travailleur d’aide à l’établissement ou un groupe de parrainage privé aide les réfugiés à accomplir ces tâches et des organismes destinés aux nouveaux arrivants offrent aussi de l’aide aux autres nouveaux arrivants dans le besoin. Toutefois, le fardeau administratif peut être considérable, surtout pour les personnes qui naviguent dans ces systèmes tout en devant surmonter des obstacles linguistiques et culturels. Beaucoup de réfugiés en particulier connaissent peu le genre de demandes, de paperasse, de délais de traitement et de conservation des documents requis pour accomplir ces tâches. Certaines des personnes interrogées dans le cadre de cette étude n’avaient même pas enregistré la naissance de leurs enfants auprès du gouvernement de leur pays d’origine. Comme un travailleur d’aide à l’établissement l’a expliqué :

Beaucoup de nouveaux arrivants n’avaient jamais traité avec les bureaux du gouvernement par le passé. Si c’était le cas, c’était une expérience désagréable. Il s’agit donc en soi d’un défi. Beaucoup de gens ont peur quand ils reçoivent une lettre du gouvernement du Canada, du gouvernement de l’Ontario ou de l’administration municipale. Par exemple, ce matin, ils sont ici (chuchotant) « Quelle est cette lettre? » Savez-vous?...Le concept de consentement est peut-être la chose la plus difficile à expliquer à une personne qui ne vient pas de cette partie du monde... Ils ont également besoin de temps pour comprendre pourquoi l’agent de l’Agence du revenu du Canada ou de Citoyenneté et Immigration Canada n’acceptera pas que je parle en leur nom s’il ne voit pas un consentement signé. Ils diraient par exemple… « Mais je vous ai dit de les appeler et que je suis là ». C’est vrai, mais on ne peut pas communiquer avec eux et on ne peut pas s’identifier. C’est tellement difficile de les amener à comprendre cela.

Il s’agit là d’un exemple de la façon dont les différences culturelles se heurtent aux responsabilités administratives : pour certains nouveaux arrivants, l’idée qu’un travailleur social n’ait pas le droit de communiquer par téléphone en leur nom est difficile à comprendre, surtout si cette personne est assise à côté d’eux. La plupart des Canadiens sont habitués à l’idée que leurs renseignements personnels soient sensibles et privés, et que la vérification de l’identité est un élément nécessaire d’une interaction avec le gouvernement et de nombreuses autres institutions. Les Canadiens ont tendance à valoriser la sécurité et ils font attention afin de réduire les risques potentiels de vol et de fraude d’identité, même si ces risques sont lointains. Les gens d’autres cultures qui privilégient la souplesse et la capacité d’adaptation à différentes circonstances seraient peu familiers avec cette façon de voir les choses. Alors que l’approche canadienne consiste à créer des protocoles qui sont appliqués universellement aux fins d’uniformité, pour certains nouveaux arrivants, il peut sembler illogique d’accorder la priorité à une approche systématique par rapport à la capacité de s’adapter aux circonstances particulières de chacun.

Dans le même ordre d’idée, la culture canadienne a tendance à être ce que l’anthropologue Edward Hall qualifie de culture « mono-chronique », en ce sens que les Canadiens ont tendance à mettre l’accent sur l’établissement des horaires, la planification et la rapidité; c’est-à-dire qu’ils s’attendent à ce que les tâches soient suivies jusqu’au résultat souhaité et qu’ils se soucient de la protection de leur vie privée et de la propriété privée. Hall met en contraste cette culture avec les cultures « poly-chroniques », dans lesquelles on interprète les calendriers et la planification avec souplesse, on a tendance à accorder plus de valeur aux relations humaines qu’aux choses matérielles et on s’attend à ce que les tâches soient accomplies à leur propre rythme plutôt qu’en fonction d’un délai rigide.Note de bas de page 25 Bien que cette distinction puisse simplifier à outrance les nuances de la différence culturelle et que les nouveaux arrivants au Canada viennent de nombreuses régions différentes qui ont leurs propres particularités culturelles, il s’agit d’un ensemble de concepts utiles à la compréhension des raisons pour lesquelles les normes et les attentes du Canada relatives aux tâches administratives peuvent constituer une transition difficile pour certains nouveaux arrivants.

À titre d’exemple, un membre d’un groupe de parrainage de réfugiés privé a dit craindre que la famille de réfugiés qu’elle a aidé à parrainer ait tendance à ignorer le courrier important qu’elle reçoit. Étant donné que les membres de la famille ne parlaient ni l’anglais ni le français, la famille avait mis en place un système avec le groupe de parrainage dans lequel elle contacterait un membre particulier du groupe afin d’obtenir de l’aide relativement au courrier arrivé, puis tous les documents qui devraient être conservés seraient triés dans une petite boîte-classeur. Toutefois, comme le membre du groupe le décrit ci-dessous, le système ne fonctionnait pas toujours de cette manière :

Matthew [un autre membre du groupe] se sentait frustré quand il leur rendait visite parce qu’il trouvait des lettres non ouvertes des banques et d’autres institutions qui étaient tout simplement mises dans le dossier et il [le père] n’avait pas dit : « Matthew, j’ai reçu une lettre, je pense que vous devriez venir la lire et me dire si elle est importante ou non ». C’est comme s’il ne comprenait pas vraiment comment faire les choses de cette façon, ce qui était officiel et ce qui ne l’était pas ou ce qui pourrait être urgent, mais je pense qu’il a fini par comprendre après un certain temps.

Les exemples de cette section démontrent qu’il arrive souvent que les nouveaux arrivants n’assument pas leurs responsabilités administratives conformément aux attentes en raison de l’approche culturelle différente en ce qui a trait aux tâches et aux échéanciers.

5.4 Engagement à l’égard du régime fiscal et de prestations du Canada

5.4.1 Comprendre les impôts et les prestations

Avant d’arriver au Canada, aucun des nouveaux arrivants interrogés dans le cadre de cette étude n’avait produit une déclaration de revenus. Dans certains de leurs pays d’origine, l’impôt sur le revenu n’est versé que par les riches ou les propriétaires fonciers ou d’entreprises, tandis que dans d’autres cas, les employeurs déduisent les impôts dans le cadre d’un système de retenue à la source et les particuliers ne sont pas tenus de produire une déclaration. Dans les pays qui souffrent de corruption au sein du gouvernement, la perception de l’impôt n’est pas toujours un processus transparent mis en place au moyen de procédures de routine et elle peut se dérouler d’une manière moins disciplinée avec peu de confiance du public. Un travailleur d’aide à l’établissement a expliqué que pour certains de ses clients, avant d’arriver au Canada, la seule expérience qu’ils ont eue en ce qui concerne la perception de l’impôt était lorsqu’un fonctionnaire du gouvernement frappait à la porte de temps en temps pour demander une somme d’argent et ils doutaient de la somme qui parviendrait réellement à l’administration fiscale. D’autres personnes ont vécu pendant de nombreuses années dans des camps de réfugiés, où ils n’auraient pas interagi avec une administration fiscale. La notion de la production d’une déclaration de revenus est donc un nouveau concept pour certains nouveaux arrivants ce qui pourrait susciter un certain niveau de scepticisme aux yeux des personnes qui ont déjà eu de mauvaises expériences ou qui ont des idées préconçues.

Lors des entrevues, on a demandé aux participants s’ils s’étaient renseignés au sujet du régime fiscal et de prestations du Canada avant leur arrivée et seulement quelques personnes l’avait fait. Ces personnes en avaient entendu parler lors d’une séance d’information organisée par l’organisme qui avait organisé leur demande d’asile ou en menant leurs propres recherches en ligne. La plupart ont entendu parler des impôts pour la première fois après leur arrivée au Canada, soit par l’entremise de leur groupe de parrainage privé, par des documents fournis par IRCC ou d’un organisme d’aide à l’établissement. Compte tenu des diverses façons dont les nouveaux arrivants entendent parler pour la première fois des impôts, il n’est pas surprenant qu’il semble y avoir de l’incohérence dans leur compréhension des renseignements sur l’impôt et les prestations.

En dépit des difficultés qu’ils rencontrent parfois, de nombreuses personnes interrogées ont fait savoir qu’elles comprenaient les principes qui sous-tendent la perception de l’impôt et qu’elles apprécient sincèrement le régime fiscal et de prestations du Canada. En ce qui concerne les RPG, bon nombre d’entre eux comprennent que les recettes fiscales canadiennes soutiennent leur famille pendant la première année de leur résidence et potentiellement au-delà, et pour ceux qui ont des enfants, l’ACE représente souvent une partie importante de leur revenu. Lors des entrevues, les participants ont exprimé leur gratitude envers les systèmes de soutien financés par les impôts qui leur ont permis de commencer un nouveau chapitre de leur vie en toute sécurité, d’avoir accès à des soins médicaux et d’envoyer leurs enfants à l’école. À titre d’exemple, Amena, une Syrienne de 21 ans qui était au Canada depuis un peu plus d’un an et qui cumulait deux emplois tout en suivant des cours d’anglais à temps partiel, a expliqué qu’elle comprenait et appréciait le régime fiscal, bien que la perception de l’impôt soit une chose nouvelle pour elle :

J’aime être ici parce que si une personne est pauvre et une autre personne est riche, l’argent du riche est remis au pauvre. C’est une bonne chose. Cela aide tout le monde. J’aime ça. Les gens s’entraident ici. C’est bien… j’aime le Canada.

Amena a décrit les impôts comme quelque chose qui l’aide à donner un sens à sa nouvelle identité canadienne et a également exprimé son appréciation de ce qu’elle interprète comme les valeurs canadiennes de partage et de soutien mutuel. Une mère iraquienne de deux enfants a expliqué qu’avant de déménager au Canada, sa seule expérience en matière fiscale était lorsque ses parents avaient acheté une maison. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait déjà payé de l’impôt sur son revenu par le passé, elle a répondu :

Pas du tout, c’est une chose très nouvelle à laquelle nous ne sommes pas habitués. Il faut même payer de l’impôt lorsque nous achetons quelque chose : cela nous a mis en colère au début. Nous disons : « Oh! Ils prennent tout notre argent ». Mais quand on regarde de plus près, cet agent nous revient en finançant les écoles. On constate des améliorations partout. Donc, l’argent nous revient. À tout le moins, on voit des résultats concrets.

Bien que l’impôt sur le revenu et la taxe de vente soient nouveaux pour elle et que cela la frustrait au départ, elle a fini par comprendre que la perception de l’impôt que les citoyens paient pour des choses comme les écoles et les infrastructures, ce qui permet aux Canadiens d’avoir une bonne qualité de vie. De nombreux participants ont également expliqué qu’ils étaient d’accord avec les impôts par principe, car c’est un système de nivellement des inégalités sociales et un moyen d’améliorer la vie de tous. Un Syrien de 42 ans, père de cinq enfants, a expliqué que bien qu’il n’existe pas de régime d’impôt sur le revenu comparable en Syrie, il connaissait bien l’idée de donner un pourcentage de son revenu pour le bien commun en raison de la pratique musulmane intitulée « zakat ». Il a décrit la zakat comme une pratique religieuse dans laquelle une personne verse un pourcentage de son revenu aux membres de la collectivité qui sont dans le besoin. Il a poursuivi en décrivant à la fois le régime fiscal et de prestations du Canada et la zakat comme une forme de solidarité qu’on peut traduire en gros (de l’arabe) par « s’épauler »—c’est-à-dire un sens de l’égalitarisme et un engagement à s’entraider.

5.4.2 Expériences à l’égard de la production de déclarations de revenus

La plupart des nouveaux arrivants interrogés dans le cadre de cette recherche ont été recrutés dans des comptoirs du PCBMI gérés par des organismes d’aide à l’établissement, soit pendant qu’ils attendaient de produire des déclarations de revenus ou immédiatement après la production. Les seuls nouveaux arrivants qui n’ont pas été interrogés le jour où ils ont produit leur déclaration de revenus étaient 16 personnes qui avaient été recrutées lors de séances d’orientation organisées par des organismes d’aide à l’établissement. Il s’agissait pour la plupart de réfugiés arrivés tout récemment, qui étaient au Canada depuis moins d’un an et qui n’avaient pas encore produit de déclarations de revenus avant l’entrevue.

Selon les commentaires sur le processus de production des déclarations de revenus, certains nouveaux arrivants éprouvent de la confusion quant aux documents requis, au pourquoi des feuillets d’impôt et à l’endroit où ils sont obtenus. Un organisateur de comptoirs du PCBMI d’un organisme d’aide à l’établissement a expliqué que ses clients apportent souvent les mauvais documents aux rendez-vous liés à la déclaration de revenus ou qu’il manque parfois des documents essentiels, bien que l’organisme leur ait fourni une liste de contrôle de ce qu’ils doivent apporter. En fait, il a dit que les clients appellent parfois son bureau pour demander leurs feuillets T4 ou T5007Note de bas de page 26 et que le personnel doit expliquer que ceux-ci sont fournis par un employeur ou par le gouvernement. D’autres clients sont venus au bureau avec les mauvais documents et ont montré aux bénévoles des listes de contrôle qui contenaient des renseignements erronés ou périmés qu’ils avaient reçues d’autres organismes.

Pour certains de ces clients, il est difficile d’obtenir les documents dont ils ont besoin, plus précisément les reçus de loyer et les feuillets T4 des employeurs. Les nouveaux arrivants à faible revenu ne connaissent peut-être pas toutes les règles sur l’emploi et la location au Canada, et il est possible qu’ils ne sachent même pas qu’ils travaillent « au noir » ou vivent dans un appartement illégal jusqu’à ce qu’ils ne puissent pas à obtenir les documents fiscaux dont ils ont besoin. Ils sont particulièrement à risque d’être exploités s’ils ne savent pas s’exprimer ou écrire une langue officielle pour naviguer dans les systèmes mis en place pour protéger les locataires et les employés.

Une fois qu’un nouvel arrivant a reçu les documents dont il a besoin pour produire sa déclaration de revenus, il y a toujours le défi de les comprendre. Par exemple, lors d’un atelier sur l’impôt organisé par un organisme d’aide à l’établissement, un réfugié a levé la main et a dit à l’animateur, en arabe, que son revenu ne figurait pas sur un feuillet d’impôt qu’il avait reçu. L’animateur a jeté un coup d’œil pour vérifier et a fait remarquer que son revenu était bien indiqué. L’homme n’avait pas interprété ce chiffre comme le montant de son revenu, car il n’y avait pas de signe de dollar au début.

Les personnes interrogées dans les comptoirs d’information fiscale étaient, pour la plupart, satisfaites de leur expérience en matière de production de la déclaration de revenus. Compte tenu du fait qu’ils ont produit leur déclaration de revenus dans des comptoirs gérés par des organismes d’aide à l’établissement, qui ont tendance à essayer de recruter des bénévoles qui parlent diverses langues, la plupart ont pu produire leurs déclarations en dialoguant dans la langue de leur choix. Dans l’ensemble, ils ont apprécié les services offerts par les comptoirs du PCBMI et le processus de production de leurs déclarations s’est déroulé sans heurts, à condition qu’ils aient apporté les bons documents. Cependant, certains nouveaux arrivants ont rencontré des problèmes que l’Agence devait résoudre. L’un de ces problèmes concernait les incohérences dans les documents d’identification, souvent dans l’orthographe des noms ou les dates de naissance, qui sont devenues des obstacles à la production de déclarations de revenus et à l’accomplissement d’autres tâches administratives. Les problèmes liés à l’orthographe des noms sont fréquents chez certains nouveaux arrivants, car il n’existe aucune translittération officielle entre les alphabets arabe et romain, ce qui donne lieu à des documents d’identification qui contiennent une orthographe des noms qui n’est pas identique. Ces erreurs peuvent potentiellement entraîner des retards importants dans le traitement des documents et des demandes, y compris une déclaration de revenus.

5.4.3 Obtenir et conserver l’allocation canadienne pour enfants

Les nouveaux arrivants qui entrent au pays avec le statut de résident permanent ont le droit de travailler à leur arrivée au Canada et ont les mêmes obligations en matière de production de déclarations de revenus que les autres Canadiens. Ils ont également droit aux mêmes avantages et crédits, y compris à l’ACE, au crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée et à la prestation fiscale pour le revenu de travail. L’une des premières choses qu’une famille fait habituellement à son arrivée au Canada, avec le soutien d’un travailleur d’aide à l’établissement ou de son groupe de parrainage privé, est de présenter une demande d’ACE pour les enfants de moins de 18 ans.

Pour les familles avec enfants, l’ACE peut constituer une partie importante de leur revenu. Pour les familles à faible revenu, l’ACE pour 2018 peut atteindre 6 496 $ pour les enfants de moins de 6 ans et 5 481 $ pour les enfants de 6 à 17 ans, en plus de toute prestation fiscale pour enfants provinciale ou territoriale. Une famille de nouveaux arrivants avec quatre enfants, deux de moins de six ans et deux de six ans ou plus, pourrait recevoir jusqu’à 23 954 $ par an grâce à l’ACE. Pour les familles à faible revenu, on peut compter sur l’ACE pour couvrir les dépenses de base telles que la nourriture, les vêtements et le transport.

Un problème que rencontrent parfois les nouveaux arrivants lors de la gestion de leur ACE est que, dans les familles avec une mère et un père, l’ACE est attribuée à la mère par défaut. Si la famille souhaite poser des questions sur son ACE, souhaite mettre à jour ses renseignements ou répondre à une lettre de révision, la mère doit gérer la prestation pour la famille, sauf si elle autorise le père à le faire. Ce point peut être difficile à accepter pour certaines familles si cela contredit la manière dont les responsabilités sont réparties entre les parents. Pour les nouveaux arrivants de certains contextes culturels, leur perception est que la gestion des finances de la famille est le rôle du père. Une conversation avec une travailleuse d’aide à l’établissement, qui est elle-même une réfugiée somalienne, montre comment cela peut créer des frictions entre le nouvel arrivant et l’Agence :

Travailleuse d’aide à l’établissement : C’est un gros problème, surtout si la famille vient de [certains pays], si les choses arrivent au nom de la femme et que personne n’informe l’homme.
Intervieweur : D’accord… Comment ça se passe?
Travailleuse d’aide à l’établissement : « Mais je suis le mari, je suis le mari. Ce sont mes enfants et c’est ma femme. » Oui, c’est vrai, mais c’est ce pays et c’est ainsi que les choses se passent. Et il faut aussi du temps et des efforts pour expliquer aux nouveaux arrivants.
Intervieweur : Est-ce difficile à accepter pour les gens?
Travailleuse d’aide à l’établissement : Très, très difficile. Quand M. Untel vient vous voir et pose une question. Et vous dites : « Personne ne vous renseignera à ce sujet, amenez votre femme. » Beaucoup d’hommes prennent cela comme une gifle. C’est un grand défi.

D’autre part, pour certains nouveaux arrivants, le problème peut consister à prouver qu’il n’y a qu’un seul parent dans la famille. Les réfugiés qui ont fui des milieux dangereux en particulier peuvent avoir été séparés de leur conjoint ou avoir un conjoint décédé ou disparu. Cependant, en raison des barrières linguistiques ou de confusion liée à culture, certains nouveaux arrivants indiquent sur leurs documents officiels qu’ils sont mariés. Si cela se produit ou si le demandeur indique qu’il est séparé, l’Agence demandera les renseignements sur le revenu de l’autre parent afin de déterminer le montant de l’ACE de la famille. Par exemple, une mère colombienne interrogée a un mari dont elle est séparée depuis de nombreuses années et elle ignore où il se trouve. Elle ne reçoit aucune aide financière de sa part, mais comme elle a indiqué sur son formulaire de demande qu’elle est mariée, l’Agence a demandé le revenu de son mari afin de déterminer le montant de son ACE. Elle craignait que le processus de résolution de ce problème ne soit long et ne retarde la réception de l’ACE de la famille.

Certains bénéficiaires de l’ACE reçoivent des lettres de révision du Programme de validation et d’observation des prestations de l’Agence demandant des documents permettant de vérifier leur admissibilité à la prestation. Les destinataires peuvent être invités à fournir des copies de chacun des éléments suivants : des relevés d’impôt foncier ou une lettre d’un propriétaire confirmant la résidence pour une période donnée (les reçus de location ou un contrat de location ne sont pas acceptés); des renseignements sur l’état civil des parents; une déclaration signée; et des lettres d’admissibilité spécifiques, qui peuvent inclure une lettre de l’école ou de la garderie de chaque enfant, ou une lettre de leur médecin de famille pour les enfants n’ayant pas l’âge scolaire et ne fréquentant pas une garderie. Ces documents doivent être soumis dans un délai de 45 jours, sinon les paiements de l’ACE de la famille seront interrompus. Les bénéficiaires sont encouragés à communiquer avec l’Agence s’ils ont besoin d’aide. Depuis février 2018, l’Agence a également communiqué par téléphone avec les bénéficiaires qui n’avaient pas répondu à la lettre de contact initiale avant la cessation des prestations.

Une travailleuse d’aide à l’établissement expérimentée d’une organisation a eu l’impression (erronée) que les nouveaux arrivants sont spécifiquement ciblés pour les examens de l’ACE. Elle décrit les incidences de ces critiques sur ses clients :

D’après ce que je comprends, ils [l’Agence] ont un travail à faire, ils ont des règles à respecter. Mais, ici, il y a aussi un besoin sur le plan humain. Il y a des gens très vulnérables dans cette situation, n’est-ce pas? Lorsque j’appelle et que je dis : « Pouvez-vous leur accorder une prolongation de délai pour soumettre ces documents? Certains agents diront : « Oui, je vais leur donner quatre semaines supplémentaires. » D’autres diront : « Non. C’est la deuxième fois que nous les demandons. » Ou « Nous les avons demandés il y a trois semaines. » Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que, quand ils disent aux parents d’apporter des lettres de l’école de leurs enfants, ce directeur ou les personnes qui y travaillent ne comprennent peut-être pas. Il leur faudra peut-être un peu de temps pour trouver quelqu’un qui explique à l’administration de cette école ce que ces parents veulent. Même lorsqu’ils comprennent la situation, ils ne vont pas préparer cette lettre tout de suite. Ils disent « la semaine prochaine » ou « nous la donnerons à l’enfant dans deux semaines ». Mais le propriétaire n’attendra pas deux semaines de plus pour percevoir le loyer. Quelqu’un pourrait recevoir une lettre d’expulsion demain ou la semaine prochaine, ce qui crée beaucoup d’anxiété. Cela crée beaucoup d’anxiété. Cela leur donne également un mauvais dossier comme locataire.

Le processus d’examen peut imposer un lourd fardeau aux parents qui sont de nouveaux arrivants, qui ne sont peut-être pas en mesure de communiquer dans une langue officielle, qui peuvent avoir besoin d’obtenir des documents pour plusieurs enfants et avoir de jeunes enfants qui n’ont pas fréquenté l’école ou consulté un médecin au cours de la période précisée. Étant donné que l’ACE est vitale pour les finances de nombreux nouveaux arrivants à faible revenu, le risque de la perdre ou de la reporter pendant que les parents tentent de rassembler les documents nécessaires peut créer beaucoup de stress. Si leurs avantages sont supprimés parce qu’ils ne respectent pas le délai fixé, cela peut constituer un obstacle encore plus grand à leur stabilité et à leur bien-être. Bien que cette préoccupation ne soit pas propre aux nouveaux arrivants, ils peuvent rencontrer des difficultés supplémentaires pour répondre aux exigences en raison des barrières linguistiques et culturelles.

5.4.4 Communications de l’Agence

Parmi les nouveaux arrivants interrogés dans le cadre de cette étude, un seul avait déjà appelé personnellement l’Agence pour poser une question ou régler un problème. La plupart ont déclaré qu’ils seraient plus à l’aise de s’adresser à quelqu’un qu’ils connaissent déjà et qui parle leur langue maternelle, comme un travailleur d’aide à l’établissement, un ami ou un membre de la famille qui vit au Canada depuis plus longtemps qu’eux. Ceux qui étaient des RPSP préféreraient se tourner vers les membres de leur groupe de parrainage privé. Une des raisons pour lesquelles ils hésitent à appeler directement l’Agence est la barrière linguistique. Même ceux qui étudiaient une langue officielle et qui étaient capables de mener une entrevue en anglais ont déclaré qu’ils trouvaient la communication téléphonique plus difficile et préféraient la communication en personne, car elle permet de détecter des signaux non verbaux. Communiquer directement avec une personne qui parle sa propre langue les aide également à mieux comprendre des problèmes complexes. Un autre facteur à prendre en considération est qu’il existe une relation de confiance avec un travailleur d’aide à l’établissement, un ami ou un membre de la famille. Les nouveaux arrivants peuvent se sentir plus à l’aise avec une personne ayant des antécédents semblables, ce qui est utile lors de la gestion d’une situation potentiellement stressante.

Les participants ont signalé que s’ils avaient besoin de communiquer avec l’Agence (poser une question, fournir des renseignements ou résoudre un problème) ils faisaient souvent appel à un membre de la famille, à un travailleur d’aide à l’établissement ou à un parrain privé pour appeler en leur nom. Pour que cette personne puisse accéder à ses renseignements, le nouvel arrivant doit d’abord l’autoriser en tant que représentant. Cela peut être fait par téléphone, à condition que le nouvel arrivant puisse parler et comprendre suffisamment la langue officielle pour passer les étapes de la vérification de l’identité et donner son consentement. S’il ne peut pas faire cela, il doit remplir un formulaire autorisant le représentant et l’envoyer à l’Agence, ce qui prend des semaines à traiter et peut ne pas être idéal si la question est urgente. Ce processus peut retarder la résolution d’un problème et entraîner des difficultés financières importantes pour le nouvel arrivant et sa famille.

Les communications écrites que les nouveaux arrivants reçoivent de l’Agence, sous forme de lettre et des documents de sensibilisation, sont généralement trop complexes pour les nouveaux arrivants interrogés dans le cadre de cette étude. Les participants ont été interrogés sur les documents de l’Agence auxquels ils ont eu accès et beaucoup ont répondu qu’ils avaient reçu des lettres concernant leurs déclarations de revenus ou leurs prestations, mais aucun n’a indiqué avoir vu d’autres documents imprimés de sensibilisation de l’Agence destinés aux nouveaux arrivants. Seuls trois ont répondu qu’ils avaient déjà utilisé le site Web de l’Agence, à cause d’une barrière linguistique ou d’un faible niveau de connaissances en informatique, et aucun n’avait visionné les vidéos pour les nouveaux arrivants sur le site Web de l’Agence.

Selon les commentaires des participants sur les documents écrits de l’Agence, le contenu semble être source de confusion, même pour ceux qui parlent une langue officielle, et ils ont besoin d’aide pour l’interpréter. La plupart font appel à une personne de confiance pour obtenir de l’aide lorsqu’ils reçoivent une lettre de l’Agence, car les communications officielles peuvent contenir un vocabulaire inconnu, être trop longues ou inclure des renseignements sur le compte difficiles à interpréter. Ils demandent également de l’aide parce qu’ils ne sont pas habitués à recevoir la correspondance officielle du gouvernement, et le fait de la recevoir dans leur boîte aux lettres peut être source de stress ou d’inquiétude, ils cherchent donc à être rassurés.

Pour les quelques personnes qui maîtrisent Internet ou acquièrent des compétences en informatique, les ressources en ligne utiles destinées aux nouveaux arrivants ne sont pas offertes au niveau d’introduction élémentaire par l’Agence. Par exemple, lorsqu’on cherche « nouveaux arrivants » dans la section « Impôts » du site Web Canada.ca, le résultat principal est la brochure T4055, un document de 32 pages intitulé Nouveaux arrivants au CanadaNote de bas de page 27, qui couvre un éventail de sujets sur la déclaration de revenus; les services en ligne; et les impôts, les avantages et les crédits fédéraux et provinciaux, y compris des sous-sujets comme la « rétrocession d’une disposition réputée pour les résidents qui reviennent au Canada »Note de bas de page 28. Si un nouvel arrivant se rend à la section « Nouveaux arrivants au Canada » du site Web de l’Agence consacrée aux nouveaux arrivants, il trouvera ces mêmes renseignements abrégés et divisés en catégories plus accessibles avec des liens vers les pages Web pertinentes. Toutefois, les renseignements fournis supposent toujours que le lecteur aura une compréhension élémentaire de ce que sont les impôts, pourquoi les Canadiens les paient, comment ils sont perçus, quelles sont les prestations, et ainsi de suite (voir figure 1). Les renseignements sur le site Web contiennent également de nombreux termes techniques et font référence à de nombreux programmes et institutions qui seront inconnus des nouveaux arrivants. Bien que des liens intégrés renvoient l’utilisateur vers les définitions des termes et des liens vers des programmes et des institutions, il en résulte que l’utilisateur doit parcourir plusieurs pages Web, chacune avec son propre ensemble de termes qui risque de semer la confusion.

Figure 1 : Section Nouveaux arrivants au Canada de la page « Impôts » du site Web Canada.caNote de bas de page 29

Êtes-vous résident du Canada?

Vous devenez résident du Canada aux fins de l'impôt sur le revenu lorsque vous avez établi des liens de résidence importants au Canada, habituellement à compter de la date de votre arrivée au Canada.

Les nouveaux arrivants qui ont établi des liens de résidence au Canada peuvent être, selon le cas :

Si vous étiez résident du Canada dans une année passée et que vous êtes maintenant un non-résident, vous serez considéré comme résident du Canada aux fins de l'impôt sur le revenu lorsque vous reviendrez au Canada et y rétablirez vos liens de résidence.

En tant que nouvel arrivant au Canada, il vous faudra un numéro d'assurance sociale (NAS). Pour en savoir plus, visitez Service Canada.

La page de l’Agence pour les nouveaux arrivants peut être comparée aux documents d’orientation que les organismes d’aide à l’établissement préparent et fournissent à leurs clients, comme l’illustrent les deux diapositives d’un atelier fiscal pour les nouveaux arrivants à la figure 2.

Figure 2 : Exemples de diapositives d’un atelier organisé par un organisme d’aide à l’établissement

L'image est décrite ci-dessous
Description de l’image

L’image est une diapositive d’une présentation avec un titre qui dit « Vos chèques PAR, ACE, PTO, TPS/TVH ». Sous le titre est un exemple de chèque du gouvernement du Canada qui porte la signature du Programme de coordination de l’image de marque du gouvernement du Canada et le mot-symbole « Canada », ainsi que la date et le numéro du chèque. Les informations confidentielles telles que le montant du chèque et le nom du bénéficiaire sont masquées.

L'image est décrite ci-dessous
Description de l’image

L’image est une diapositive d’une présentation qui indique « Une fois par an, nous déclarons l’impôt sur le revenu de l’année précédent. 1er janvier au 31 décembre. Le dernier jour pour déclarer est le 31 avril. » Sur le côté droit de la diapositive, un timbre indique « IMPÔTS ».

Les documents sur l’impôt créés par les organismes d’aide à l’établissement contiennent des renseignements comme qui est le premier ministre du Canada; à quoi servent les recettes fiscales; à quoi ressemble un chèque de paye et quelles sont les déductions qu’ils peuvent lire sur leur propre talon de paye; et à quoi ressemble un feuillet T4. Les documents comprennent aussi une liste des comptoirs gratuits d’information fiscale et un avertissement contre certaines entreprises peu recommandables pour produire sa déclaration, une description des divers documents que les contribuables doivent apporter pour produire leur déclaration, un avertissement contre les arnaqueurs qui se font passer pour l’Agence et des renseignements sur la manière de s’assurer que les prestations de l’ACE ne sont pas interrompues. Les documents des organismes utilisent beaucoup d’images et peu de texte, et le vocabulaire est simple, mais ils peuvent comporter certaines imprécisions mineures, telles que la date limite de production (le 30 avril, pas le 31 avril). Leur contenu recoupe dans une certaine mesure celui de l’Agence, mais aucun des documents en ligne de l’Agence destinés aux nouveaux arrivants n’aborde le sujet à un niveau aussi élémentaire.

Les efforts de sensibilisation récents de l’Agence ont inclus des stratégies pour soutenir les nouveaux arrivants et d’autres Canadiens vulnérables et pour atténuer certaines des préoccupations mentionnées ici. Une Stratégie pour joindre et aider les Canadiens vulnérables visant une période de trois ans a été élaborée pour orienter les activités du programme de sensibilisation de l’Agence et le PCBMI en mettant particulièrement l’accent sur les populations vulnérables. Les efforts précédents pour rendre les communications plus accessibles ont aussi été accrus, notamment par l’élaboration de produits de communication sur mesure et la traduction d’une fiche d’information pour les nouveaux arrivants en arabe, en tagalog, en punjabi et en chinois simplifié. L’Agence a également commencé à communiquer de manière proactive avec les nouveaux arrivants au moyen de campagnes de publipostage comme en juin 2017, lorsque l’Agence avait envoyé des lettres à 3 500 nouveaux arrivants qui avaient dépassé l’échéance de production des déclarations, les pressant de le faire le plus rapidement possible pour s’assurer que leurs prestations de l’ACE ne soient pas interrompues. Par la suite, près de 60 % de ces particuliers avaient produit leur déclaration. Une étude de 2016 du PCBMI et des programmes de sensibilisation de L’Agence a aussi relevé que 19 % des nouveaux arrivants admissibles produisaient leurs déclarations à un comptoir du PCBMI, ce qui correspond au pourcentage le plus élevé de toutes les populations vulnérables desservies par le PCBMI. Cette constatation indique que, même si les nouveaux arrivants interrogés dans le cadre de la présente étude ont déclaré avoir de la difficulté avec les documents et les communications de l’Agence, il y a des efforts en cours pour améliorer la sensibilisation et les services pour cette population.

6. Conclusion

L’objectif de la présente étude était de mieux comprendre les besoins et les expériences des nouveaux arrivants au Canada dans le cadre des efforts de l’Agence visant à ce que toutes les personnes résidant au Canada puissent naviguer dans le régime fiscal et accéder aux prestations auxquelles elles ont droit. En collaborant avec les organismes d’aide à l’établissement qui desservent cette population, les chercheurs ont été en mesure de réaliser une étude ethnographique qui, même si elle n’est pas nécessairement représentative de toute la population, a produit des renseignements qui pourront être utiles pour améliorer les services et la visibilité auprès des nouveaux arrivants.

L’une des principales constatations de cette étude est que les nouveaux arrivants ont de la difficulté à s’intégrer en raison d’une multitude de facteurs, comme les barrières linguistiques, le chômage et le choc culturel. Les questions d’impôt et de prestations sont l’une des nombreuses préoccupations que les nouveaux arrivants doivent gérer pendant leur transition vers la vie canadienne. Il a été relevé que le choc culturel recoupe chacune de ces questions, car le processus d’adaptation à une nouvelle culture a un effet sur de nombreux aspects de la vie des nouveaux arrivants. Les différences culturelles jouent un rôle important dans la façon dont les participants de recherche abordent leurs responsabilités administratives au Canada. Les nouveaux arrivants peuvent ne pas interagir avec les règles administratives de la manière prévue, car la culture façonne la manière dont chaque personne interprète les questions d’échéances, de planification, de communication et de responsabilité civique.

Avant d’arriver au Canada, aucun des nouveaux arrivants interrogés dans le cadre de cette étude n’avait produit une déclaration de revenus ou reçu des avantages fiscaux de leur vie. Même si les questions fiscales ne leur étaient pas familières, la plupart des participants saisissaient le concept et exprimaient leur appui et leur appréciation envers le régime fiscal. Beaucoup dépendent des prestations pour leur sécurité financière et plus particulièrement de l’ACE, mais ils ont parfois des problèmes à y accéder et à les conserver. Les participants ont aussi signalé que les méthodes permettant d’interagir avec l’Agence, comme le centre d’appels et le site Web, leur sont difficiles d’utilisation. Non seulement ils sont confrontés à une barrière linguistique, mais nombre d’entre eux n’ont pas de connaissances en informatique et les renseignements qui leur sont présentés sont souvent trop complexes pour eux, car ils n’ont pas une compréhension de base suffisante de l’impôt.

Les constatations de l’étude reflètent l’utilisation des méthodes de recherche ethnographique, qui s’appuient sur les témoignages directs des participants pour fournir un regard neuf sur des défis administratifs de longue date. À leur tour, ces observations peuvent fournir des pistes possibles qui permettraient à l’Agence d’améliorer ses services et la sensibilisation auprès des nouveaux arrivants.

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