Chapitre trois : Instances judiciaires militaires : bilan de l’année

Les renseignements et les analyses fournis ci-après rendent compte des activités du SCPM au cours de la période de rapport relativement aux demandes de vérification préalable à l’accusation, aux renvois, aux révisions postérieures à l’accusation, aux procès en cour martiale, aux appels et aux audiences de révision du maintien sous garde.

Aperçu

Au cours de cette période de référence, le SCPM a été saisi d’un nombre total de 130 dossiers de cours martiales incluant 76 dossiers renvoyés au DPM et 54 dossiers reportés de la période de référence précédente.

De plus, le SCPM a traité 134 demandes de vérification préalable à l’accusation, 11 appels à la CACM et deux (2) appels à la CSC, pour un total combiné de 277 dossiers.

Les juges militaires sont tenus, dans certaines situations, de réviser les ordonnances de maintien sous garde militaire d’un membre des FAC détenu. Le DPM représente les FAC à ces audiences. Au cours de la période de référence, il n’y a eu aucune audience de révision du maintien sous garde.

Finalement, il y a eu un total de 55 procès en cour martiale. Trois (3) de ces cours martiales étaient des nouveaux procès suivant des appels et des ordonnances de nouveaux procès émises par la CACM : R c Cpl Cadieux, R c Capt Bannister et R c Cpl Thibault.

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La pandémie du coronavirus (COVID-19)

Le 12 mars 2020, en réponse à la pandémie du coronavirus (COVID-19) et conformément aux directives des FAC, le JAG a imposé une restriction sur tous les déplacements des membres de son cabinet pour une période d'au moins 30 jours. Par conséquent, les ateliers de FJP du JAG et du SCPM ont été annulés et reportés à la prochaine période de référence.

Pour ce qui a trait aux cours martiales, l’Administratrice de la cour martiale, agissant sous la direction du Juge en chef militaire intérimaire, a annulé tous les ordres de convocation des cours martiales qui devaient débuter durant le mois de mars 2020 ou après. Ainsi, deux cours martiales qui devaient débuter avant la fin de la période de référence visée par ce rapport ont été annulées en réponse à la pandémie du COVID-19 (R c M2 Breadner et R c Sdt Ferguson).

De plus, dans le cas de deux cours martiales, les verdicts avaient été prononcés par les juges militaires, mais les audiences sur la détermination de la peine ont été suspendues jusqu’à la prochaine période de référence (R c Maj Duquette et R c Cpl Thibault). Ces deux cours martiales sont néanmoins incluses dans le nombre total de cours martiales qui ont été complétées durant cette période de référence.

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Vérifications préalables à l’accusation

Les procureurs du SCPM sont chargés de procéder à des vérifications préalables à l’accusation tant pour le SNEFCNote de bas de page 18 que pour les conseillers juridiques des unitésNote de bas de page 19.

Au cours de la période de référence, 129 demandes de vérification préalable à l’accusation ont été soumises au SCPM et cinq (5) demandes avaient été reportées de la période de référence précédente, pour un total de 134 dossiers de vérifications préalable à l’accusation. 122 vérifications préalables à l’accusation ont été complétées et 12 dossiers étaient toujours en instance d’être traités à la fin de cette période de référence.

Le nombre de demandes de vérification qui ont été traitées durant la période de référence est comparable à la moyenne des demandes de vérification traitées pour les trois dernières périodes de référence (126).

La figure 3-1 illustre le nombre total de demandes de vérification préalable traitées pour les quatre dernières périodes de référence.

Figure 3-1 : Nombre total de vérifications préalables traitées par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Figure 3-1 : Répartition du graphique
  2016/17 2017/18 2018/19 2019/20
Nombre total de vérifications préalables traitées 93 126 131 122

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Dossiers renvoyés au DPM et révisions postérieures à l’accusation

Nombre de dossiers renvoyés au DPM

Au cours de la période visée par le présent rapport, 76 dossiers ont été renvoyés au DPM. Ce nombre représente une diminution de 26 dossiers en comparaison à la période de référence précédente (passant de 102 à 76). Le nombre moyen de dossiers renvoyés au DPM pour les cinq dernières périodes de référence est 104.

Par ailleurs, le nombre de dossiers de renvoi reçus par le DPM représente le nombre le plus bas des cinq dernières périodes de référence. Cette diminution marquée est expliquée par l’effet de la décision de la CMAC dans l’affaire Beaudry et la décision subséquente de la CSC, le 14 janvier 2019, de rejeter la demande du DPM de surseoir à l’exécution de la décision de la CACM dans Beaudry.

Par le fait même, cela voulait dire que la déclaration d’inconstitutionnalité visant l’alinéa 130(1)(a) de la LDN demeurait en vigueur et que toute personne accusée aux termes de cet alinéa ne pourrait pas être jugée par l’entremise du système de justice militaire pour les infractions commises au Canada dont la peine maximale était de cinq ans d’emprisonnement ou plus. Immédiatement après le rejet par la CSC de la demande de surseoir à l’exécution, le DPM a communiqué avec les plus hauts échelons de la chaîne de commandement des FAC et a indiqué comment il entendrait procéder avec les dossiers qui étaient affectés par la décision de la CACM dans Beaudry. Conséquemment, pour la période entre le 19 septembre 2018 (décision de la CACM dans Beaudry) et le 26 juillet 2019 (arrêt R c Stillman), plusieurs dossiers qui concernaient des « infractions commises au Canada dont la peine maximale était de cinq ans d’emprisonnement ou plus » n’ont pu être renvoyés au DPM par manque de juridiction. Pour une discussion détaillée de la décision de la CACM dans Beaudry et de l’arrêt Stillman de la CSC, prière de vous référer au Chapitre 4.

Nombre de dossiers traités

Lorsqu’on tient compte des 54 dossiers reportés de la période de référence précédente et des 76 dossiers de renvoi reçus par le DPM, un total de 130 dossiers ont été traités au cours de la présente périodeNote de bas de page 20.

La figure 3-2 illustre le nombre de dossiers traités pour les cinq dernières périodes de référence.

Figure 3-2 : Nombre de dossiers traités par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Figure 3-2 : Répartition du graphique
  2015/16 2016/17 2017/18 2018/19 2019/20
Dossiers reportés 60 64 81 70 54
Dossiers de renvoi reçus 98 126 118 102 76
Total 158 190 199 172 130

Mises en accusation et décisions de ne pas donner suite à une accusation

Au cours de la période de référence, 87 dossiers ont été traités en ce sens que le PMR a pris une décision au sujet de la mise en accusation, de sorte que sept (7) dossiers ont été reportés à la prochaine période de référence.

Pour ces 87 dossiers, 56 ont fait l’objet d’une mise en accusation tandis qu’aucune mise en accusation n’a été prononcée dans 31 dossiers. Le taux de mise en accusation pour cette période est d’approximativement 64%. Ce taux est comparable au taux moyen de mise en accusation pour les cinq dernières années de référence qui est de 64%.

La figure 3-3 illustre le nombre total de mises en accusation prononcées et de décisions de ne pas donner suite à une accusation pour les cinq dernières périodes de référence.

Figure 3-3 : Nombre de mise en accusation et de décision de ne pas prononcer une mise en accusation par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Figure 3-3 : Répartition du graphique
  2015/16 2016/17 2017/18 2018/19 2019/20
Aucune suite 36 44 41 47 31
Mise en accusation 62 82 55 107 56
Total 98 126 96 154 87

Délai entre le renvoi et la révision postérieure à l’accusation

Le temps moyen écoulé entre le moment où le DPM a été saisi d’un dossier de renvoi et celui où une décision au sujet de la mise en accusation a été prise suite à la révision postérieure à l’accusation était de 70 joursNote de bas de page 21. Ce dernier représente une diminution de 18 jours comparativement à la période de référence précédente (passant de 88 à 70). Il représente aussi une diminution de 12 jours en comparaison au nombre moyen de jours pour les cinq dernières périodes de référence (82 jours).

La figure 3-4 montre le nombre moyen de jours écoulés entre la réception du renvoi et la décision au sujet de la mise en accusation pour les cinq dernières périodes de référence.

Figure 3-4 : Nombre moyen de jours écoulés entre le renvoi et la révision postérieure à l’accusation par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Figure 3-4 : Répartition du graphique
  2015/16 2016/17 2017/18 2018/19 2019/20
Nombre moyen de jours 69 89 95 88 70

Taux de mise en accusation par organisme d’enquête

Bien que tous les dossiers renvoyés au DPM soient reçus par l’entremise d’une autorité de renvoi, les enquêtes peuvent avoir été complétées par le SNEFC, un enquêteur de la police militaire qui ne fait pas partie du SNEFC ou un enquêteur de l’unité, selon le cas. Le taux de mise en accusation peut varier sensiblement d’un organisme d’enquête à l’autre en raison des différents niveaux d’expérience et d’entraînement des enquêteurs de chacune de ces organisations.

Ainsi, au cours de la présente période de référence, le taux de mise en accusation pour les dossiers ayant fait l’objet d’une enquête du SNEFC était de 79%Note de bas de page 22. Ce taux de mise en accusation est légèrement supérieur au taux pour les dossiers ayant fait l’objet d’une enquête de la police militaire (77%), mais il est considérablement supérieur à ceux ayant fait l’objet d’une enquête par un enquêteur d'unité (46%).

Cet écart entre les taux de mise en accusation est une constante depuis plusieurs années : les enquêtes menées par le SNEFC se soldant par une mise en accusation beaucoup plus souvent que celles menées par la police militaire régulière ou les enquêteurs d’unité.

Pour un survol complet des taux de mise en accusation par organisme d’enquête au cours des cinq dernières périodes de référence, veuillez consulter la figure 3-5.

Figure 3-5 : Taux de mise en accusation par organisme d’enquête et par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Figure 3-5 : Répartition du graphique
  2015/16 2016/17 2017/18 2018/19 2019/20
SNEFC 94 90 100 94 79
Police militaire 64 66 53 75 77
Unité 54 54 37 53 46

Le DPM estime que les écarts des taux de mise en accusation, particulièrement celui pour les dossiers d’enquêteurs d’unité, est un problème et il a mis en place certaines mesures pour améliorer les taux de mise en accusation de tous les organismes d’enquête. Entre autres, au cours de la période de référence précédente, dans le but d’améliorer la qualité des enquêtes à venir, il a modifié un certain nombre de ses directives stratégiques afin d’exiger de ses PMR qu’ils fournissent une rétroaction à l’enquêteur à chaque fois qu’une décision de ne pas donner suite à une accusation est prise et lorsqu’une cour martiale est complétée. De plus, durant cette période de référence, le DPM a envoyé un de ses PMR pour participer et assister à l’instruction d'enquêteurs de la police militaire dans le cadre d’un nouveau cours sur les enquêtes offert par l’École de la police militaire des Forces canadiennes. Ce cours a eu lieu pour la première fois à Borden, ON d’octobre à novembre 2019.

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Cours martiales

La présente section donne un aperçu et une analyse des affaires entendues en cour martiale au cours de la période visée par ce rapport. Pour une ventilation complète de toutes les cours martiales qui ont été complétées au cours de cette période de référence, veuillez consulter l’annexe A.

Nombre de cours martiales complétées

Il y a eu un total de 55 procès par cour martiale. De ce nombre, 45 procès ont eu lieu devant une cour martiale permanente et 10 devant une cour martiale générale.

Ce chiffre est comparable à la moyenne du nombre de cours martiales complétées pour les cinq dernières périodes de référence (54). Par contre, il y a eu une légère augmentation du nombre de cours martiales générales comparativement à la moyenne du nombre de cours martiales générales pour les cinq dernières périodes de référence (6).

La figure 3-6 illustre de façon le nombre de procès en cour martiale par type de cour martiale pour les cinq dernières périodes de référence.

Figure 3-6 : Nombre de cours martiales par type et par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Figure 3-6 : Répartition du graphique
  2015/16 2016/17 2017/18 2018/19 2019/20
Cour martiale générale 7 4 5 6 10
Cour martiale permanente 40 52 57 45 45

Résultats des cours martiales

À l’issue des 55 procès par cour martiale, les accusés ont été déclarés coupables d’un ou de plusieurs chefs d’accusation dans 44 cas, ont été acquittés de toutes les chefs d’accusation dans sept (7) cas, ont vu toutes les accusations retirées dans trois (3) cas et ont fait l’objet d’un arrêt des procédures dans un (1) cas. De plus, trois (3) des 55 procès constituaient des nouveaux procès suite à des appels interjetés à la CACM et pour lesquels une ordonnance de subir un nouveau procès avait été émise : R c Cpl Cadieux, R c Capt Bannister et R c Cpl Thibault. Dans ces trois (3) cas, un verdict de culpabilité pour au moins un des chefs d’accusation a été rendu. La figure 3-7 présente une ventilation des résultats des procès par cour martiale pour les cinq dernières périodes de référence.

Figure 3-7 : Résultats des cours martiales par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Figure 3-7 : Répartition du graphique
  2015/16 2016/17 2017/18 2018/19 2019/20
Accusations retirées / arrêt des procédures / suspension de l'instance 0 2 0 2 4
Non coupable de toutes les accusations 6 9 11 6 7
Coupable d'une ou plusieurs accusations 41 45 51 43 44

Peines infligées par une cour martiale

Au cours de cette période de référence, un total de 42 sentences ont été prononcées par des cours martiales pour un total de 57 peinesNote de bas de page 23. Bien qu’une cour martiale impose une seule sentence à l’issue d’un verdict de culpabilité, la LDN prévoit qu’elle peut être assortie de plusieurs peines.

Encore une fois cette année, la peine la plus fréquente fut l’amende avec un total de 32 amendes et représentant 51% de toutes les peines prononcées. La deuxième peine la plus courante fut le blâme et représentant approximativement 24% de toutes les peines. Au total, trois (3) peines d’emprisonnement ont été infligées, dont deux ont été suspendues par les juges militaires.

Le tableau 3-1 présente une ventilation complète des peines infligées en cour martiale pour les cinq dernières périodes de référence.

Tableau 3-1: Peines infligées par une cour martiale

Peine 2015/16 2016/17 2017/18 2018/19 2019/20
Destitution 2 1 3 2 1
Emprisonnement 3 4 7 3 2****
Détention 4 4* 4** 1*** 1*****
Rétrogradation 3 9 9 2 3
Perte de l’ancienneté 0 0 0 0 1
Blâme 10 6 11 9 15
Réprimande 13 17 20 4 6
Amende 32 39 38 35 32
Peines mineures 0 0 3 0 0
Absolution inconditionnelle****** N/A N/A N/A 0 2
Total 67 80 95 56 63

* Une de ces peines a été suspendue par un juge militaire.
** Trois de ces peines ont été suspendues par un juge militaire.
*** Cette peine a été suspendue par un juge militaire.
**** Une de ces peines a été suspendue par un juge militaire.
***** Cette peine a été suspendue par un juge militaire.
******Les absolutions inconditionnelles sont devenues disponibles le 1 septembre 2018 en vertu de l’article 203.8 de la LDN.

Délai entre la mise en accusation et le commencement de la cour martiale

Au cours de la période de référence, le délai moyen entre la mise en accusation et l’ouverture du procès en cour martiale était de 278 joursNote de bas de page 24. Ceci représente une hausse de 34 jours par rapport à la période de référence précédente et de 46 jours par rapport à la moyenne des cinq dernières périodes de référence (202 jours). Encore une fois, cette hausse est expliquée en grande partie par l’effet de la décision de la CMAC dans l’affaire Beaudry et la décision subséquente de la CSC de rejeter la demande du DPM de surseoir à l’exécution de la décision de la CACM. Ainsi, plusieurs affaires qui procédaient déjà dans le système de justice militaire n’ont pues être entendues jusqu’à ce que la CSC se prononce dans l’arrêt Stillman. Par contre, d’autres affaires ont été renvoyées à des procureurs civils. Veuillez vous référer au Chapitre 4 pour une discussion complète des affaires Beaudry et Stillman.

La figure 3-8 illustre le délai moyen entre la mise en accusation et l’ouverture du procès en cour martiale pour les cinq dernières périodes de référence.

Figure 3-8 : Nombre moyen de jours entre la mise en accusation et l’ouverture du procès par période de référence

Une description détaillée se trouve après le graphique

 
Figure 3-8 : Répartition du graphique
  2015/16 2016/17 2017/18 2018/19 2019/20
Nombre de jours 179 250 211 244 278

Catégories d’infractions

Tous les dossiers pour lesquels le DPM engage des poursuites se classent en quatre catégories d’infractions : les infractions relatives aux inconduites à caractère sexuel, les infractions liées aux stupéfiants ou à l’alcool, les infractions d’ordre militaire liées au comportement et les infractions relatives à la fraude ou contre les biens. Le tableau 3-2 présente une ventilation du nombre de procès par cour martiale, le tout catégorisé par type d’infraction et pour les quatre dernières périodes de référence.

Tableau 3-2: Cours martiales par catégorie d’infraction et par période de référence

  Cours martiales
Catégorie d’infraction 2016-17 2017-18 2018-19 2019-20
Inconduite à caractère sexuel 21 20 20 25
Drogue et alcool 7 2 5 1
Conduite 21 34 21 20
Fraude et biens 8 6 5 9
Total 57Note de bas de page 25 62 51 55Note de bas de page 26

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Cours martiales notables

Cette section offre des résumés de cours martiales notables qui se sont déroulées au cours de la période de référence visée par ce rapport.

R c Colonel Dutil, 2019 CM 3003

Le Colonel (Col) Dutil, qui était à l’époque le Juge en chef militaire, a été accusé par un procureur spécial nominé en vertu de la Directive du DPM no 016/17 – Nomination de procureurs spéciaux. Au commencement de sa cour martiale, il faisait face à quatre chefs d’accusation d’ordre militaire incluant une accusation d’avoir fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel, contrairement à l’article 125 de la LDN, une accusation de fraude, contrairement à l’article 380 du Code criminel, une accusation d’acte de caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la LDN, contrairement à l’article 117(f), et une accusation de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, contrairement à l’article 129 de la LDN.

Le 10 juin 2019, à l’ouverture de son procès, le Col Dutil a formellement demandé la récusation du juge militaire qui présidait la cour martiale. Le juge militaire qui présidait la cour martiale du Col Dutil occupait aussi le poste de Juge en chef militaire adjoint. Le 17 juin 2019, le Juge militaire en chef adjoint s’est récusé. Immédiatement après la lecture de la décision de récusation, le Juge militaire en chef adjoint a procédé à la lecture d’une lettre – la décision de non-désignation. Cette dernière a été marquée comme pièce et déposée au dossier de la cour martiale. Dans cette lettre, le Juge en chef adjoint indiquait sa décision de ne pas nommer un remplaçant parmi les autres juges militaires puisqu’il existait des motifs de récusation ou d’incapacité linguistique visant chacun de ceux-ci. Le procès a été ajourné à une date indéterminéeNote de bas de page 27.

Le DPM a présenté à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire demandant l’émission d’un bref de mandamus parce que le Juge militaire en chef adjoint avait l’obligation légale en vertu de l’article 165.25 de la LDN de nommer un remplaçant parmi les autres juges militaires, et ce, peu importe qu’il puisse exister des motifs de récusation ou d’incapacité linguistique visant chacun de ceux-ci. Subsidiairement, le DPM alléguait que la décision de Juge militaire adjoint de ne pas nommer un juge militaire remplaçant était déraisonnable et devait être casséeNote de bas de page 28. Le 3 mars 2020, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire statuant que la décision contestée était raisonnable, ou que celle-ci n’était pas autrement entachée d’une erreur de droit ou de fait révisable affectant le résultat final et pouvant justifier l’intervention de la CourNote de bas de page 29. La Cour a également refusé d’accorder un bref de mandamus parce qu’elle n’était pas satisfaite que toutes les conditions d’admissibilité avaient été démontréesNote de bas de page 30. Par ailleurs, la Cour fédérale a noté que la désignation d’un juge ad hoc d’une cour supérieure constituerait la meilleure alternative dans les circonstances pour adresser les cas de conflit d’intérêts, réel ou apparent, au niveau du Cabinet du juge militaire en chefNote de bas de page 31.

R c Cadieux, 2019 CM 2011

Le Caporal (Cpl) Cadieux avait été accusé d’avoir commis une infraction contraire à l’article 130 de la LDN, soit une agression sexuelle, contrairement à l’article 271 du Code criminel, et d’une accusation d’ivresse contrairement à l’article 97 de la LDN. Cette cour martiale était un nouveau procès après que le DPM ait interjeté appel à la CACM suite aux verdicts d’acquittement obtenus à l’issu de la première cour martiale le 12 mai 2017. Dans une décision unanime, la CACM a annulé les deux verdicts d’acquittement et ordonné la tenue d’un nouveau procèsNote de bas de page 32.

À la conclusion du nouveau procès, la juge militaire a déterminé que la victime était incapable de pouvoir consentir aux attouchements sexuels. Pour ce qui est de la mens rea, la juge militaire a conclu que le Cpl Cadieux ne pouvait invoquer la défense de la croyance sincère mais erronée quant au consentement parce qu’il avait été vicié par son insouciance, son aveuglement volontaire et son omission de prendre les mesures raisonnables dans les circonstances pour s'assurer du consentement de la victime aux attouchements, tel que prévu à l’article 273.2 du Code criminelNote de bas de page 33. Quant à l’infraction d’ivresse, la Cour a déterminé que l’acte de s’asseoir dans un véhicule avec les clés dans le contact, tout en étant en état d’ivresse, pouvait constituer une infraction au Code criminel et par le fait même, cet acte constituait aussi une conduite répréhensible ou susceptible de jeter le discrédit sur le service de Sa MajestéNote de bas de page 34.

Le 22 mai 2019, le Cpl Cadieux a été déclaré coupable des deux chefs d’accusation. Sur sentence, la cour lui a infligé une combinaison d’un blâme et d’une détention pour une période de 60 jours. La peine de détention a été suspendue.

R c D’Amico (citation non disponible)

Le Cpl D’Amico a été accusé de négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline contrairement à l’article 129 de la LDN. Le 2 octobre 2019, sous la forme d’une lettre, le Chef d'état-major de la défense (CÉMD) a émis un ordre désignant le Vice-chef d’état-major de la défense adjoint pour agir à titre de commandant pour toute mesure disciplinaire prise à l’égard d’un juge militaire. Le Cpl D’Amico a présenté une requête en fin de non-recevoir au motif que l’ordre du CÉMD compromettait l’indépendance judiciaire des juges militaires et violait ainsi ses droits constitutionnels protégés par l’article 11(d) de la Charte. Une requête semblable a été présenté dans l’affaire R c PettNote de bas de page 35.

La juge militaire a d’abord conclu que l’ordre du CÉMD sapait les garanties institutionnelles requises pour assurer l’indépendance et l’impartialité des juges militaires. La juge militaire a aussi déterminé que les juges militaires ne peuvent pas être jugés pour des infractions d’ordre militaire durant leur mandat. Par contre, pour remédier à la violation, la juge militaire a déclaré l’ordre du CÉMD inopérant plutôt que d’ordonner un arrêt des procédures. Le 9 mars 2020, ce dernier a été déclaré coupable à l’issu d’une cour martiale générale et il a reçu une peine d’absolution inconditionnelle.

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Appels

La présente section donne un aperçu des appels auprès de la CACM et de la CSC. Pour connaître le résultat des appels portés devant la CACM, veuillez vous référer à l’annexe B et pour les appels portés devant la CSC, veuillez vous référer à l’annexe C.

Cour d’appel de la cour martiale

Décisions rendues

Canada c Bannister, 2019 CACM 2

Le 27 février 2018, le Capitaine (Capt) Bannister a été acquitté de six chefs d'accusation (trois chefs de conduite déshonorante et trois chefs alternatifs de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline) lors d'une cour martiale permanente.

Le DPM en a interjeté appel de la légalité de la conclusion du juge militaire alléguant que ce dernier avait appliqué un critère trop restrictif qui ne reflétait pas correctement l'objectif de l'infraction de conduite déshonorante et avait commis une erreur en confondant le concept de connaissance judiciaire avec le concept visant à tirer des inférences sur la base de l’expérience militaire et des connaissances militaires générales. Entre autres, le DPM a soutenu que le juge militaire avait refusé d'appliquer son expérience et ses connaissances générales pour déterminer si la conduite était préjudiciable au bon ordre et à la discipline, affirmant qu'il ne pouvait le faire sans avoir recours à la procédure permettant de prendre la connaissance judiciaire d’un fait.

La CACM a déclaré que les cours martiales doivent analyser si quelque chose est déshonorant au moyen d'une norme objective appliquant un certain nombre de paramètres. Comme point de départ, le juge militaire doit analyser la conduite en cause en tenant compte de la totalité du contexte dans lequel elle s'est produite. Le caractère inacceptable de la conduite et le préjudice, ou le risque de préjudice généré par la conduite, font tous deux partie intégrante de l'analyse. Un juge militaire doit décider si quelque chose est déshonorant en appliquant son expérience militaire et ses connaissances militaires générales. La CACM a aussi confirmé que l'analyse du préjudice ne se fait pas sur la base de la connaissance judiciaire. Cela se fait en tirant des inférences de la preuve. Pour tirer ces conclusions, le juge militaire doit s'appuyer sur son expérience militaire et ses connaissances générales. Le juge militaire est obligé d'utiliser le raisonnement par inférence pour examiner l'ensemble du contexte entourant l'infraction présumée.

La CACM a accueilli l'appel, annulé les acquittements et ordonné un nouveau procès devant un juge militaire différent pour chacun des chefs d’accusation.

R c MacIntyre, 2019 CACM 3

Le 27 juin 2018, une cour martiale générale tenue à Halifax, N.-É. a déclaré le Sergent (Sgt) MacIntyre non coupable d'une accusation d'agression sexuelle.

Le 26 juillet 2018, le DPM en a appelé de cette décision devant la CACM pour deux motifs : (1) le juge militaire a commis une erreur de droit en indiquant aux membres du comité de la cour martiale générale qu'ils devaient conclure que l'accusé savait que la plaignante n’avait pas consentie, malgré sa décision antérieure selon laquelle la défense de croyance sincère mais erronée au consentement ne s'appliquait pas et (2) le juge militaire a commis une erreur de droit en indiquant au comité qu'il pouvait trouver l'accusé non coupable de l'infraction reprochée s'il concluait que l'enquête policière a été inadéquate.

La CACM a rejeté les deux motifs d’appel. Elle a d’abord conclu que : « la connaissance de l’absence de consentement de la plaignante ou l’aveuglement volontaire ou l’insouciance à cet égard constitue un élément essentiel de la mens rea de l’agression sexuelle. Bien que le juge du procès ne puisse transformer la défense fondée sur la croyance sincère mais erronée au consentement en élément de la mens rea dans les cas où ce moyen de défense ne possède aucune apparence de vraisemblance, ce n'est pas une erreur de droit que de simplement donner des directives au juge des faits sur l'élément que constitue la connaissance de l'absence de consentementNote de bas de page 36. » Quant au second motif d’appel, la CACM a conclu que le juge militaire n’avait commis aucune erreur dans ses commentaires au comité concernant la conduite de  l'enquête policière. La demande d’autorisation d’appel à la CSC a été refusée.

R c Edwards, 2019 CACM 4

Le 16 novembre 2018, une cour martiale permanente tenue à Halifax, N.-É., a déclaré le Matelot de 1ère classe (Mat1) Edwards non coupable d'une accusation de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline. L'infraction alléguait que l'accusé avait consommé de la cocaïne, contrairement à l'article 20.04 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), entre le 25 septembre 2015 et le 23 juillet 2016, à Halifax ou à proximité d'Halifax, N.-É.

Le 11 décembre 2018, le DPM a interjeté appel de cette décision devant la CACM pour deux motifs : (1) le juge militaire a commis une erreur en exigeant des preuves spécifiques sur des éléments non essentiels de l’infraction (date et lieu) et (2) le juge militaire a commis une erreur dans son appréciation des aveux en analysant les éléments de preuve selon une approche fragmentaire, omettant de considérer la preuve dans son ensemble.

La CACM a confirmé que « depuis des temps immémoriaux, une date spécifiée dans un acte d'accusation ou une dénonciation n'a jamais été considérée comme une question importanteNote de bas de page 37 ». Par ailleurs, la CACM a conclu que le lieu de la commission de l’infraction n’importe que pour s’assurer que le tribunal a compétence et que « la compétence territoriale des cours martiales est illimitée et s'étend à l’ensemble du Canada et du monde, sauf en ce qui concerne les infractions présumées commises au Canada mentionnées à l'article 70 de la LDNNote de bas de page 38 ».

Ayant accueilli l’appel quant au premier motif d’appel, la CACM n'a pas eu a examiné le deuxième motif.

R c Banting, 2019 CACM 5

Le 4 avril 2019, le Lieutenant (Lt) Banting a été déclaré non coupable d'une accusation en vertu de l'article 129 de la LDN pour avoir employé un langage à caractère sexuel inapproprié en donnant de l’instruction sur les premiers soins de combat à des militaires au Centre d'entraînement des opérations spéciales du Canada. Le juge militaire a conclu qu'aucune preuve prima facie relative à l’élément essentiel du préjudice n'avait été présentée.

Le 29 avril 2019, le DPM en a appelé de cette décision devant la CACM au motif que le juge militaire avait commis une erreur de droit en décidant qu'il n’y avait aucune preuve prima facie de préjudice sur lequel un comité recevant des directives appropriées pouvait prononcer un verdict de culpabilité.

Dans une décision unanime rendue sur le banc, la CACM a conclu que le juge militaire avait eu raison de conclure qu'il n'y avait aucune preuve de préjudice au bon ordre et à la discipline. Une requête en dépens a été présentée par l’intiméNote de bas de page 39.

R c Darrigan, 2020 CACM 1

Lors d’une cour martiale permanente tenue à Halifax, N.-É. du 14 au 16 mai 2019, le Maître de 2e classe (M2) Darrigan a plaidé coupable à un chef de vol d’un objet dont il avait la responsabilité ainsi qu’à un chef de vente irrégulière de cet objet, infractions énoncées respectivement aux articles 114 et 116(a) de la LDN. Il a été condamné par le juge militaire à une amende de 8 000 $ combinée à un blâme et à une ordonnance de dédommagement de 750 $.

Le DPM a interjeté appel de cette décision devant la CACM pour les motifs suivants : (1) le juge militaire a commis une erreur de principe dans son application de la proportionnalité; (2) le juge militaire a commis une erreur de principe portant sur la parité des peines; (3) le juge militaire a commis une erreur de principe en accordant un poids disproportionné aux facteurs atténuants de la situation du délinquant; et (4) la sévérité de la sentence au motif qu’elle n’était manifestement pas indiquée.

La CACM a rejeté l'appel estimant qu'aucune erreur n'avait été commise dans l'application des principes de détermination de la peine applicables. La Cour a conclu qu'en tant que système distinct, le système de justice militaire n'est pas tenu de suivre la jurisprudence civile lorsqu'il n'est pas dans l'intérêt du maintien de la discipline, de l'efficacité et du moral des FAC. La Cour a en outre rejeté l'argument selon lequel, en l'absence de circonstances exceptionnelles, une peine privative de liberté était requise pour les infractions d'abus de confiance.

Appels interjetés devant la CACM

R c McGregor, CACM-602

À la suite d'une cour martiale permanente, l'ex-Cpl McGregor a été reconnu coupable d'une infraction contraire à l'article 130 de la LDN, c'est-à-dire d'agression sexuelle, contraire à l'article 271 du Code criminel, de deux chefs d'accusation de voyeurisme en vertu de l'article 130 de la LDN, contraire à l'article 162(1) du Code criminel, de possession d'un dispositif d'interception clandestine de communications privées en vertu de l'article 130 de la LDN, contraire à l'article 191(1) du Code criminel, de conduite cruelle ou déshonorante contraire à l'article 93 de la LDN, et de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline contraire à l'article 129 de la LDN. Les infractions ont été commises alors qu'il était affecté à l'état-major de liaison de la Défense canadienne à Washington, DC, États-Unis. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 36 mois et à une destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

À son procès, l'ex-Cpl McGregor a présenté une requête en vertu de l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte), alléguant que la fouille de son domicile en Virginie, et par la suite, la perquisition et la saisie d'appareils électroniques étaient illégales. Cette requête a été rejetée par le juge militaire à l'issue d'une audience contestée le 13 septembre 2018, ce qui a permis aux preuves saisies d’être admises au procès.

L'ex-Cpl McGregor interjette appel de la légalité du verdict relatif à sa requête sous l’article 8 de la Charte et demande l'autorisation d'en appeler de sa condamnation et de sa peine.

R c Pett, CACM-603

Le Caporal-chef (Cplc) Pett a été accusé d'infractions relatives aux articles 85 (comportement méprisant envers un officier supérieur) et 95 (mauvais traitements infligés à un subordonné) de la LDN.

À sa cour martiale permanente, le Cplc Pett a présenté une requête aux fins de non-recevoir alléguant une violation de son droit à être jugé par un tribunal indépendant et impartial protégé par l'article 11d) de la Charte. La requête a été rejetée, le Cplc Pett a été reconnu coupable des deux infractions et il a reçu comme peine une réprimande et une amende de 1 500 $.

Le Cplc Pett avait interjeté appel de la légalité de la conclusion du juge militaire concernant sa requête en vertu de l’article 11d) de la Charte, mais ce dernier a abandonné l’appel le 23 avril 2020, soit après la période de référence visée par ce rapport.

R c Renaud, CACM-604

Le Capt Renaud a été reconnu coupable lors de sa cour martiale permanente de trois chefs de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline pour des commentaires sexuels inappropriés formulés lors de son déploiement dans le cadre de l'Opération RÉASSURANCE en Roumanie. Il a reçu une peine consistant en un blâme et une amende de 2 500 $.

Le Capt Renaud interjette appel de la légalité du verdict du juge militaire sur tous les chefs de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Veuillez consulter l'annexe B pour un aperçu de tous les appels à la CACM pour la période de référence visée.

Cour suprême du Canada

Décisions rendues

R c Stillman, 2019 SCC 40

Prière de vous référer au Chapitre 4 pour une discussion détaillée de l’arrêt Stillman de la CSC.

Demande d’autorisation d’appel

R c MacIntyre (SCC docket 38838)

Le DPM a demandé l'autorisation d'en appeler de l'affaire R c MacIntyre, 2019 CMAC 3, auprès de la CSC. La demande d’autorisation a été rejetée le 9 janvier 2020.

Veuillez vous reporter à l'annexe C pour un aperçu de tous les appels devant la CSC au cours de la période de référence.

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