Chapitre cinq — La voie à suivre

En novembre 2020, le ministre de la Défense nationale a mandaté l’honorable Morris J. Fish, ancien juge de la Cour suprême du Canada, à procéder à un examen indépendant de la Loi sur la défense nationale. L’examen statutaire requis par la loi elle-même était le troisième examen périodique de ce type depuis 2003. Au total, le juge Fish a formulé 107 recommandationsNote de bas de page 1 , dont la plupart visent à améliorer le système de justice militaire, et toutes ont été immédiatement acceptées en principe par le gouvernement du Canada.

Collectivement, les recommandations représentent une voie à suivre pour faire évoluer la justice militaire vers une nouvelle ère et apporter les changements nécessaires pour assurer à la fois son bon fonctionnement et la confiance du public à son égard. Bien que son rapport identifie les lacunes du système actuel, le juge Fish a néanmoins tenu à exprimer un vote de confiance plein d’espoir envers le commandement des Forces armées canadiennes. Il a déclaré : « Je suis convaincu que la direction actuelle des FAC a la volonté d’améliorer de façon significative son système de justice profondément enraciné. Et j’ai tenté, avec le bénéfice de leur contribution et l’aide de mon équipe, de montrer la voie à suivre »Note de bas de page 2 .

Bien que l’examen statutaire du juge Fish ait été effectué au cours de la période de référence du présent rapport annuel, ses conclusions ont été déposées plus tard, et elles seront donc incluses de manière appropriée dans le rapport annuel 2021-2022. Entre-temps, ses recommandations ont effectivement contribué à « montrer la voie » sur des questions clés telles que l’inconduite et le harcèlement sexuel, et elle guideront le Cabinet du JAG dans sa mission visant à soutenir les Forces armées canadiennes à améliorer de façon notable le système de justice militaire.

Les événements de 2020 ont mis en évidence une dure réalité au sujet du système de justice militaire. Cependant, cette révélation était nécessaire. En particulier, plusieurs cas très médiatisés d’inconduites sexuelles présumées dans les Forces armées canadiennes ont miné la confiance, tant à l’interne qu’au sein du public, à l'égard le système de justice militaire. Mais ils ont également sensibilisé le public quant aux vulnérabilités du système, catalysé une introspection institutionnelle et un dialogue public, et créé un élan vers le changement. Alors que nous nous tournons vers l'avenir, nous savons que le statu quo ne représente pas une option.

L’éradication du harcèlement sexuel, des agressions sexuelles et d'autres formes de comportement discriminatoire et haineux au sein des Forces armées canadiennes nécessitera un profond changement de culture.

Le système de justice militaire est un outil crucial pour réaliser ce changement de culture en luttant contre les inconduites militaires de toutes sortes, tout en soutenant les victimes et les survivants, ainsi que les autres personnes affectées.

Le Cabinet du JAG s’est engagé à contribuer à ce changement. Au cours de la période de référence, par exemple, le Cabinet du JAG a entrepris une série de consultations approfondies avec des organismes de défense et de soutien des victimes et des survivants, ainsi qu’avec des victimes et des survivants d’inconduite sexuelle et d’autres infractions d'ordre militaire. La contribution reçue par le biais de ces consultations s’est avérée essentielle dans la mise en œuvre  de la nouvelle Déclaration des droits des victimes qui fait partie d’une réforme majeure du système de justice militaire. Pour la première fois, les victimes et les survivants d'infractions d'ordre militaire auront un droit statutaire à l’information, à la protection, à la participation au processus judiciaire et à la restitution. Ces réformes et d’autres devraient entrer en vigueur en 2022.

Le Cabinet du JAG appuie également l’honorable Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême du Canada, mandatée par le ministre de la Défense nationale, à effectuer un examen externe complet et indépendant des politiques, des procédures, des programmes et de la culture existants au sein des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale en matière d’inconduite et de harcèlement sexuels. L’examen visera à identifier les obstacles au signalement de comportements inappropriés; à déterminer si le système de réponse aux plaintes est adéquat; à formuler des recommandations pour la prévention et l'élimination des agressions et du harcèlement sexuels. Un compte-rendu détaillé des conclusions et des recommandations sera fourni dans les rapports futurs.

L'un des défis les plus importantes dans l’administration du système de justice militaire a été causée par le manque de données complètes sur le fonctionnement du système et sur les membres des Forces armées canadiennes qui sont affectés par le système. Cela a évidemment entravé le travail des personnes qui sont à la recherche des faits, notamment celui du juge Fish. Mais plus important encore, la chaîne de commandement ne peut pas remédier aux problèmes qu’elle ne peut pas identifier faute de données complètes et précises.

Ce problème est en train d’être résolu grâce au développement et au déploiement d’un nouvel outil puissant de gestion des données appelé le Système de gestion de l'information et d'administration de la justice (SGIAJ). Tout au long de la période de référence 2020-2021, le système a été développé et déployé à la base des Forces canadiennes de Petawawa. Il sera adapté pour s’aligner avec les modifications apportées par le projet de loi C-77 et sera accessible à un plus grand nombre de nouveaux utilisateurs dans l’avenir. 

Une fois le nouveau système entièrement déployé, le Cabinet du JAG sera en mesure d’analyser et de faire rapport sur tous les aspects pertinents du système de justice militaire. Cet effort axé sur les données transformera la capacité du gouvernement à renforcer les opérations et la prestation de services, tout en permettant à la chaîne de commandement de suivre ses dossiers disciplinaires en temps réel et de résoudre les causes sous-jacentes entraînant des retards dans  l’administration de la justice militaire. 

La COVID-19 continue d’être un élément perturbateur et destructeur dans tous les régions du Canada et du monde entier, et le Cabinet du JAG n’y fait pas exception. Pour faire face à la pandémie, nous avons dû innover dans la façon d’utiliser la technologie et accélérer la modernisation de l’administration et de la prestation de la justice militaire. Le Cabinet du JAG continuera donc à s’adapter au contexte de la pandémie tout en veillant à atteindre les objectifs généraux de sa missionNote de bas de page 3 .

Conclusion

Dans une affaire marquante de 2019 connue sous le nom de R c Stillman, la Cour suprême du Canada a noté ce qui suit :

« Le système de justice militaire a beaucoup évolué. Il est passé d’un modèle de discipline centré sur le commandement qui offrait de faibles garanties procédurales à un système de justice parallèle s’apparentant beaucoup au système civil de justice pénale. ... L’évolution continue de ce système est facilitée par les examens périodiques indépendants prescrits par l’art. 273.601 de la LDN; ces examens permettent de veiller à ce que le système soit rigoureusement examiné, analysé et perfectionné à intervalles réguliers… Tout comme le système civil de justice pénale, le système de justice militaire se développe et évolue en fonction de l’évolution du droit et de la société. Nous n’avons aucune raison de croire que ce développement et cette évolution ne se poursuivront pas »Note de bas de page 4 .

Alors que nous tournons la page sur la période de référence 2020-2021 et que nous nous tournons vers l’avenir, notre mission dans les mois et les années à venir est de veiller à ce que la croissance et l’évolution continuent de donner aux Canadiens un système de justice militaire qui est juste et efficace et qui adopte une approche centrée sur la victime; un système qui aide à débarrasser des Forces armées canadiennes du racisme, du sexisme, de la misogynie, du harcèlement et de l’inconduite sexuelle au sein de ses rangs; et un système de justice qui favorise une culture où chaque membre, militaire ou civil, est respecté et valorisé.

Notre mission ultime est de gagner la confiance de tous les membres des Forces armées canadiennes et de tous les Canadiens. Ils ne méritent rien de moins.

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