Chapitre trois — Justice militaire : Jurisprudence, évolution législative, examens externes, initiatives politiques et autres développements
Introduction
Le présent chapitre met en évidence les principaux développements survenus au cours de la période de référence, notamment les décisions importantes rendues par des cours martiales et d’autres tribunaux, les progrès réalisés dans la mise en œuvre du projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres loisNote de bas de page 1 (projet de loi C-77), le troisième examen indépendant et l’avancement du Système de gestion de l'information et de l'administration de la justice (SGIAJ). Individuellement et collectivement, ces développements favorisent l’évolution et l’amélioration nécessaires et continues du système de justice militaire afin de lui permettre de faire davantage pour combattre tous les types d’inconduites et de renforcer son efficience à soutenir la discipline, l’efficacité et le moral des Forces armées canadiennes.
Jurisprudence
Cour martiale – Décisions importantes
Indépendance judiciaire – Alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés
Contexte
Les juges militaires sont nommés par le gouverneur en conseil, après évaluation par le comité de sélection des juges militaires et sur recommandation du ministre de la Défense nationale. Afin d’être admissible à présenter sa candidature pour un poste de juge militaire, une personne doit avoir été officier des Forces armées canadiennes pendant au moins dix ans et avoir été inscrit au barreau d’une province ou d’un territoire canadien pendant au moins dix ans en tant qu’avocat. À titre d’officiers de la Force régulière, les juges militaires sont assujettis au code de discipline militaireNote de bas de page 2.
Au cours de la période de référence précédente, deux accusés, faisant l’objet de procès distincts, ont soulevé la question de l’indépendance et l’impartialité de la magistrature militaire en cour martialeNote de bas de page 3. Dans les deux cas, les requérants ont fait valoir que l’ordonnance de désignation du chef d’état-major de la Défense datée du 2 octobre 2019 (ordonnance du CEMD)Note de bas de page 4, violait leur droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial garanti par l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte)Note de bas de page 5.
Ces requêtes alléguaient que l’ordonnance du CEMD violait la Charte parce qu’elle soumettait les juges militaires au régime disciplinaire administré par la chaîne de commandement des Forces armées canadiennes et, par conséquent, menaçait le droit des accusés d’être jugés par un tribunal indépendant et impartial. Dans les deux cas, les juges militaires qui présidaient ont statué que l’ordon-nance du CEMD violait les droits de l’accusé protégés par l’alinéa 11d) de la Charte et ont déclaré les dispositions pertinentes de l’ordonnance comme étant nulles et sans effet. Les juges militaires ont autorisé la poursuite des deux procès, estimant que la déclaration d’invalidité des dispositions atténuait les préoccupations liées à la violation du droit stipulé à l’alinéa 11d) de la Charte.
Période de référence 2020-2021
Des demandes similaires ont été présentées par des accusés dans 16 autres procès au cours de la période de référenceNote de bas de page 6.
Dans les affaires R c EdwardsNote de bas de page 7, R c CrépeauNote de bas de page 8, R c FontaineNote de bas de page 9, et R c IredaleNote de bas de page 10, les juges militaires présidant ont conclu que l’ordonnance du CEMD violait l’alinéa 11d) de la Charte. Les juges militaires ont également statué qu’étant donné que le CEMD n’avait pas annulé cette ordonnance, suite aux décisions rendues dans les affaires précédentes, il n’était plus approprié de simplement déclarer les dispositions pertinentes comme étant nulles et sans effet. Par conséquent, le juge militaire a prononcé l'arrêt des procédures dans chaque dossier. Le directeur des poursuites militaires, au nom du ministre de la Défense nationale, a fait appel des quatre décisions devant la Cour d’appel de la cour martiale du Canada.
À la suite de ces décisions, le 15 septembre 2020, le chef d’état-major de la Défense a émis une ordonnance pour suspendre temporairement l’ordonnance du CEMD (ordonnance de suspension)Note de bas de page 11 en attendant le résultat des appels de ces décisions. Il est à noter que l’ordonnance de suspension comprenait une disposition confirmant que l’ordre d’organisation des Forces canadiennes 3763, émise le 27 février 2008 et concernant le Cabinet du juge militaire en chefNote de bas de page 12, demeurait en vigueur. Un ordre d’organisation des Forces canadiennes est un ordre promulgué par le chef d’état-major de la Défense pour officialiser l’organisation d’une unité, d’une formation ou d’un commandement des Forces armées canadiennes. Le paragraphe 9 de l’ordre d’organisation des Forces canadiennes 3763 prévoyait que le personnel militaire du Cabinet du juge militaire en chef était considéré comme faisant partie de l’effectif du Quartier général de la Défense nationale et qu’il devait être assujetti au régime disciplinaire applicable à l’Unité de soutien des Forces canadiennes (Ottawa).
À la suite de cette ordonnance de suspension, les décisions des cours martiales concernant l’alinéa 11d) de la Charte ont commencé à diverger selon trois courants distincts.
Dans le premier courant, qui concerne l'affaire R c MacPherson et Chauhan et J.L.Note de bas de page 13, les accusés ont présenté une requête alléguant que l’ordre d’organisation des Forces canadiennes 3763, ainsi que l’ordonnance de suspension violaient l’alinéa 11d) de la Charte. Le juge militaire a rejeté la demande, rejetant l’argument selon lequel le Cabinet du juge militaire en chef n’était pas suffisamment indépendant. Le juge militaire a conclu que l’ordonnance de suspension respectait l’alinéa 11d) de la Charte et que le Comité d’enquête sur les juges militairesNote de bas de page 14 constituait une garantie suffisante pour apaiser les craintes concernant l’impartialité.
Le deuxième courant a trait aux affaires R c ChristmasNote de bas de page 15, R c JacquesNote de bas de page 16, R c PépinNote de bas de page 17, et R c BrentonNote de bas de page 18. Dans l'affaire R c Christmas, le juge militaire a déclaré que le paragraphe 9 de l’ordre d’organisation des Forces canadiennes 3763 était nul et sans effet, et a prononcé un arrêt des procédures. Il a expliqué que l’ordre d’organisation des Forces canadiennes 3763 soumettait les juges militaires au même régime disciplinaire que les autres officiers, contrairement à l’intention du Parlement qui voulait que le Comité d’enquête sur les juges militaires soit la seule autorité à pouvoir statuer sur la conduite des juges militaires en vertu du code de discipline militaire.
À la suite de cette décision, le chef d’état-major de la Défense a modifié l’ordre d’organisation des Forces canadiennes 3763 le 18 novembre 2020, en supprimant le paragraphe 9.
Dans les affaires R c Jacques, R c Pépin et R c Brenton, le juge militaire a conclu dans chaque cas que la modification de l’ordre d’organisation des Forces canadiennes 3763, consistant au retrait du paragraphe contesté, combiné à l’ordonnance de suspension, éliminait toute préoccupation résiduelle concernant la violation du droit stipulé à l’alinéa 11d) de la Charte compte tenu du fait que le Comité d'enquête sur les juges militaires constitue un mécanisme indépendant pour examiner tout inconduite des juges militaires en vertu du code de discipline militaire.
Dans le troisième courant, qui concernait les affaires R c ProulxNote de bas de page 19, R c CloutierNote de bas de page 20, et R c BrownNote de bas de page 21, le juge militaire a conclu que la violation de l’alinéa 11d) de la Charte persistait malgré l’ordonnance de suspension. Lors du procès R c Proulx, le juge militaire a conclu que le contenu et la durée de l’ordonnance de suspension violaient l’alinéa 11d) de la Charte puisqu’elle ne reconnaissait pas le droit établi dans l’affaire R c Pett selon lequel un officier qui occupe la fonction de juge militaire ne peut, pendant qu’il est en fonction, être accusé et traité selon le régime disciplinaire administré par les membres de l’exécutif. Par conséquent, le juge militaire a ordonné un arrêt des procédures.
Lors du procès R c Cloutier, le juge militaire a conclu que l’ordre d’organisation des Forces canadiennes 3763 modifié n’a pas permis de rectifier les problèmes touchant l’indépendance de la magistrature militaire. Selon lui, le juge militaire présidant le procès R c Jacques a erré, puisque la violation de l’alinéa 11d) de la Charte ne pouvait être corrigée que par une déclaration claire et sans équivoque du chef d’état-major de la Défense et du directeur des poursuites militaires reconnaissant l’état du droit tel qu’énoncé dans l’affaire R c Pett, à savoir que les juges militaires ne peuvent être accusés et jugés en vertu du code de discipline militaire. En reconnaissance du fait que des tentatives ont été faites pour répondre aux préoccupations de la magistrature militaire, le juge militaire a ordonné la fin de l'instance sans adjudication des procédures au lieu d'un arrêt des procédures. La décision rendue ainsi permettait d'initier immédiatement un appel de celle-ci, et dans une moindre mesure que les accusations puissent être subséquement portées à l'attention de la cour de nouveau.
Dans R c Brown, avant l’audience sur la requête relative à l’alinéa 11d) de la Charte, le juge militaire a émis une ordonnance exigeant que le chef d’état-major de la Défense soit informé qu’il pouvait dissiper les préoccupations de la cour concernant l’alinéa 11d) de la Charte en reconnaissant que le chef d’état-major de la Défense, les commandants subordonnés et les commandants étaient liés par la jurisprudence établie par les juges militaires dans les décisions antérieures relatives à l'alinéa 11d) de la Charte. Le juge militaire a également ordonné que le directeur des poursuites militaires soit informé qu’il pouvait répondre aux préoccupations de la cour concernant l’alinéa 11d) de la Charte en fournissant une reconnaissance similaire de la force obligatoire de la jurisprudence antérieure relative à l’alinéa 11d) de la Charte. Le juge militaire a finalement conclu que les réponses fournies par le chef d’état-major de la Défense par intérim et le directeur des poursuites militaires indiquaient qu’ils n’avaient pas l’intention de fournir la reconnaissance demandée. Le juge militaire a conclu que le droit de l’accusé en vertu de l’alinéa 11d) de la Charte avait été violé par l’obligation qui lui a été imposée de comparaître devant une cour martiale, et que la cour se devait d’imposer un arrêt des procédures.
Appels devant la Cour d’appel de la cour martiale du Canada
Le directeur des poursuites militaires, au nom du ministre de la Défense nationale, a interjeté appel des décisions R c Edwards, R c Crépeau, R c Fontaine, R c. Iredale, R c Proulx et R c Cloutier devant la Cour d’appel de la cour martiale du Canada.
Les appels dans les affaires R c Edwards, R c Crépeau, R c Fontaine et R c Iredale ont été entendus en ligne le 29 janvier 2021. Ces appels visaient à déterminer si les juges militaires avaient erré en concluant que l’ordonnance du CEMD violait l’alinéa 11d) de la Charte et en ordonnant l'arrêt des procédures dans chacun des cas.
Les appels dans les affaires R c Proulx et R c Cloutier ont été entendus en ligne le 11 mars 2021. Ces appels visaient à déterminer si le juge militaire avait erré en concluant que les droits des intimés en vertu de l’alinéa 11d) de la Charte avaient été violés et en ordonnant l'arrêt des procédures dans le procès R c Proulx et la fin à l'instance sans adjudication dans le procès R c Cloutier.
Au nom des accusés dans les affaires R c Crépeau, R c Proulx et R c Cloutier, le directeur du service d'avocats de la défense a déposé des appels incidents au motif que le juge militaire a, dans chaque cas, erré en omettant de faire une déclaration d’invalidité relativement aux articles 12, 17, 18 et 60 de la Loi sur la défense nationale, qui ont trait à l’application du code de discipline militaire, à la nomination et à l’autorité du chef d’état-major de la Défense, et au pouvoir du gouverneur en conseil d’établir des règlements relatifs à l’organisation des Forces armées canadiennes. Les avocats de la défense ont soutenu que ces articles de la Loi sur la défense nationale permettent aux juges militaires d’être jugés en vertu du code de discipline militaire et fournissent à la hiérarchie militaire les outils nécessaires pour exercer des pressions indues sur la magistrature militaire.
Chacun de ces appels a été entendu par les mêmes juges de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada. La Cour a mis ses décisions en délibéré et a indiqué son intention de rendre d’abord une décision sur les appels R c Edwards, R c Crépeau, R c Fontaine et R c Iredale. La Cour a également reconnu l’incidence anticipée que la décision du premier appel aurait sur le système de justice militaire. Bien qu’aucune décision n’ait été rendue pendant la période de référence, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a rendu sa décision sur les appels R c Edwards, R c Crépeau, R c Fontaine et R c Iredale le 11 juin 2021Note de bas de page 22. La décision dans les appels R c Proulx et R c Cloutier a été rendue le 17 juin 2021Note de bas de page 23.
Les détails de ces appels seront examinés en détail dans le rapport annuel 2021-2022, mais il convient de noter que dans sa décision du 11 juin 2021, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a accueilli les appels de la poursuite dans les affaires R c Edwards, R c Crépeau, R c Fontaine et R c Iredale, a annulé l'arrêt des procédures ordonnée dans chaque cas, a rejeté l’appel incident de la défense dans l'affaire R c Crépeau et a ordonné la tenue de nouveaux procès dans chaque cas. La Cour a conclu que les juges militaires répondent aux exigences minimales de l’indépendance judiciaire, que les juges militaires peuvent être accusés en vertu du code de discipline militaire et que l’ordonnance du CEMD ne viole pas l’alinéa 11d) de la Charte. De même, dans sa décision du 17 juin 2021, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a accueilli les appels de la poursuite dans les affaires R c Proulx et R c Cloutier, a rejeté les appels incidents et a ordonné la tenue de nouveaux procès pour essentiellement les mêmes raisons.
Cour d’appel de la cour martiale du Canada
Applicabilité extraterritoriale de la Charte canadienne des droits et libertés
R c McGregor, 2020 CACM 8
Le caporal McGregor était en poste à Washington, D.C. et résidait à Alexandria, en Virginie, lorsqu’il a fait l’objet d’une enquête criminelle par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes après qu’un autre membre des Forces armées canadiennes ait découvert un dispositif d’enregistrement audio dans sa résidence. Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a demandé l’aide du service de police d’Alexandria pour exécuter un mandat de perquisition à la résidence du caporal McGregor afin de saisir tout appareil électronique qui s’y trouvait.
Les enquêteurs du Service national des enquêtes des Forces canadiennes n’ont pas été en mesure d’obtenir un mandat de perquisition en vertu du droit canadien, car, conformément à l’article 106.05 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennesNote de bas de page 24, un commandant n’a pouvoir d'émettre un mandat qu'à l'égard des biens sous le contrôle des Forces armées canadiennes. Le service de police d’Alexandria a accepté de prêter leur concours, mais il a fait savoir qu’il n’était pas en mesure de faire émettre un mandat de perquisition en raison du statut d’agent diplomatique du caporal McGregor pendant toute la durée de son affectation à l’étranger, ce qui lui conférait l’immunité de sa personne, de ses biens et de sa résidence conformément à l’article 31(1) de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiquesNote de bas de page 25.
En conséquence, l’ambassade du Canada à Washington a levé l’immunité diplomatique du caporal McGregor en ce qui concerne sa résidence, conformément à l’article 30 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Cette renonciation a permis au service de police d'Alexandria d’obtenir un mandat de perquisition, délivré par un magistrat de la Cour de l’État de Virginie. Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a effectué la perquisition aux côtés du service de police d’Alexandria et a saisi les appareils électroniques trouvés dans la résidence du caporal McGregor.
Le caporal McGregor a ensuite été arrêté et accusé de sept infractions, dont cinq en vertu de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, contrairement au Code criminelNote de bas de page 26, pour voyeurisme (deux chefs d'accusation), possession d'un dispositif d'interception clandestine de communications privées (deux chefs d'accusation) et agression sexuelle (un chef d'accusation). Les deux autres chefs d’accusation étaient pour une conduite déshonorante, une infraction prévue à l'article 93 de la Loi sur la défense nationale, et, à titre subsidiaire, pour conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, une infraction prévue à l'article 129 de la Loi sur la défense nationale.
Au cours de son procès, le caporal McGregor a présenté une requête en vertu de l’alinéa 24 (2) de la Charte afin d’exclure les preuves obtenues lors de la perquisition, en invoquant une violation de son droit, en vertu de l’article 8 de la Charte, d'être protégé contre des fouilles, des perquisitions et des saisies abusives. Le juge militaire a rejeté la requête et a déclaré que la Charte, en tant que loi canadienne, ne s’appliquait pas de façon extraterritorialeNote de bas de page 27. Le caporal McGregor a été reconnu coupable, au terme de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, de deux chefs d’accusation de voyeurisme, d’un chef d’accusation de possession d’un dispositif d’interception clandestine de communications privées et d’un chef d’accusation d’agression sexuelle, en vertu de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, contrairement au Code criminel, ainsi que d’un chef d’accusation de conduite déshonorante au terme de l’article 93 de la Loi sur la défense nationaleNote de bas de page 28. Il a fait appel de la décision devant la Cour d’appel de la cour martiale du Canada.
La Cour d’appel de la cour martiale du Canada a procédé à une analyse pour déterminer si le critère d’admissibilité des preuves obtenues en sol étranger par des autorités étrangères avait été respecté afin de déterminer si l’admission de ces preuves dans un procès canadien violait le droit de l’appelant à un procès équitable en vertu de l’article 7 et de l’alinéa 11d) de la CharteNote de bas de page 29.
Dans le cadre de cette analyse, la Cour a d’abord examiné l’applicabilité de la Charte en fonction des faits. La Cour s’est référée à l’arrêt R c HapeNote de bas de page 30 pour affirmer que les principes de souveraineté et de non-intervention empêchaient l’application de la Charte aux enquêtes en sol étranger, sauf si la nation hôte y consent ou si les règles du droit international permettent l’exercice de la compétence d’exécution dans un État étranger. La Cour a conclu que même si, en vertu de la Convention de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord sur le statut des forcesNote de bas de page 31, le Canada conservait la compétence pénale principale pour poursuivre le caporal McGregor, cela n’équivalait pas à une renonciation à la souveraineté territoriale américaine à l’égard des biens immobiliers situés aux États-Unis.
La Cour a ensuite examiné si des violations de la Charte découlaient de la conduite de la perquisition et, le cas échéant, si ces violations justifiaient l’exclusion de la preuve.
En rejetant l’appel à l’unanimité, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a jugé que le critère d’admissibilité favorisait l’inclusion de la preuve, car la conduite de l’enquête aurait été conforme à la Charte si elle avait été entièrement menée au Canada. La Cour a également conclu que la fouille et la saisie ont été exécutées de manière raisonnable et conformément à l’autorisation obtenue par le magistrat de l’État de Virginie.
Le caporal McGregor a déposé un avis de demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada le 25 janvier 2021. La décision de la Cour suprême sur la demande n’a pas été rendue avant la fin de la période de référence, mais il convient de noter que dans une décision rendue le 14 octobre 2021, l’autorisation de faire appel devant la Cour suprême du Canada a été accordéeNote de bas de page 32.
Litige sur une question théorique
R c Champion, 2021 CACM 1
Le 13 novembre 2020, le matelot de troisième classe Champion a été arrêté pour ivresse et libéré sous conditions par un officier réviseur de la détention. Il a été arrêté à nouveau le 17 novembre 2020 pour ivresse et pour avoir violé ses conditions. Il a été libéré sous conditions par un juge militaire à la suite de l’audience de révision de la détention. Au moment de sa libération, le matelot de troisième classe Champion n’avait pas encore été accusé.
Peu de temps après sa libération, le matelot de troisième classe Champion a déposé un avis de requête auprès de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada, demandant que ses conditions de libération soient annulées et qu’il soit libéré sans condition. Le matelot de troisième classe Champion s’est appuyé sur la décision de la cour dans l'affaire R c LarocqueNote de bas de page 33 pour soutenir sa position selon laquelle les membres des Forces armées canadiennes doivent être libérés sans condition si aucune accusation n’a été portée au moment où le membre comparaît devant un juge militaire lors d’une audience de révision de la détention.
Bien que le matelot de troisième classe Champion ait finalement été accusé d’infraction d’absence sans permission, en violation de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale, et d’un chef d’ivresse, en violation de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale, son commandant a finalement décidé de ne pas donner suite à ces accusations. Bien que l’objet du litige soit théorique, le matelot de troisième classe Champion a demandé que la requête soit tout de même entendue. Après avoir reçu les observations écrites des parties, la Cour a d’abord dû décider si elle devait entendre l’affaire malgré son caractère théorique.
Le 19 février 2021, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a rendu sa décision sur la requête pour procéder malgré son caractère théorique le 19 février 2021Note de bas de page 34. Dans sa décision, la Cour s’est référée aux cinq facteurs non exhaustifs énoncés par la Cour suprême du Canada dans les arrêts R c SmithNote de bas de page 35 et R c PaulinNote de bas de page 36 pour évaluer si un litige théorique devrait néanmoins être examiné par la cour. Avant de prendre une décision, la Cour a également examiné sa décision antérieure dans l’affaire R c Larocque et a reconnu qu’elle avait créé de la confusion chez les commandants, les procureurs et même les juges militaires quant à savoir si des accusations devaient être portées avant une audience de révision de la détention. La cour a considéré que la question soulevée par le requérant constituait des « circonstances spéciales » et que le système de justice militaire bénéficierait d’une clarification quant à procédure correcte à suivre dans ces cas. La Cour d’appel de la cour martiale du Canada a donc ordonné que la requête soit inscrite pour une audience malgré son caractère théorique.
La requête a été entendue après la période de référence, le 7 mai 2021, et la cour a ensuite rendu sa décision le 29 septembre 2021. Cette décision fera l’objet d’un rapport plus détaillé dans le rapport annuel 2001-2022, mais il convient de noter que la cour a rejeté la requête et a conclu que, sur la base du régime législatif qui permet d’imposer des conditions de libération lorsqu’aucune accusation n’a été portée, la manière dont les conditions ont été imposées en l’espèce respectait les normes constitutionnelles applicablesNote de bas de page 37.
Cour fédérale
Récusation d’une juge militaire
Thibault c Canada (Directeur des poursuites militaires), 2020 CF 1154
Le 18 février 2020, le sergent Thibault a été reconnu coupable en cour martiale d'un chef d'accusation d’agression sexuelle, en vertu de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, contrairement à l'article 271 du Code criminelNote de bas de page 38. Avant sa condamnation, toutefois, des décisions ont été rendues par des cours martialesNote de bas de page 39 dans lesquelles il a été jugé que l’ordre du CEMD, daté du 2 octobre 2019, avait violé le droit des accusés d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial stipulé à l’alinéa 11d) de la CharteNote de bas de page 40.
À la lumière de ces décisions, le 8 juillet 2020Note de bas de page 41, le sergent Thibault a déposé une requête en annulation de procès devant le juge militaire qui présidait sur la base qu’il avait été déclaré coupable par un tribunal qui n’était pas indépendant et impartial, contrairement à l’alinéa 11d) de la Charte. Le 7 octobre 2020, le sergent Thibault a déposé une requête subséquente demandant une audience préliminaire pour la requête en annulation de procès dans le but de demander la récusation de la juge militaire. La requête en récusation a été officiellement déposée le 1er décembre 2020, et elle alléguait une crainte raisonnable de partialité de la part de la juge militaire fondée sur les facteurs suivants : son rôle antérieur en tant que conseillère juridique au sein du bureau du chef d’état-major de la Défense; ses commentaires faits lors d’une conférence téléphonique concernant la requête en annulation de procès où elle a indiqué son intention de se récuser, et sa décision de se récuser dans une autre affaire impliquant une demande similaire alléguant une violation de l’alinéa 11d) de la Charte.
Parallèlement à ces requêtes, le sergent Thibault a déposé une requête auprès de la Cour fédérale le 30 octobre 2020, demandant un bref de prohibition en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédéraleNote de bas de page 42 dans le but d’empêcher la juge militaire d’entendre la requête en annulation de procès. De plus, le 13 novembre 2020, le sergent Thibault a déposé une requête pour un bref de prohibition provisoire en vertu de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales afin d’empêcher la juge militaire d’entendre la requête en récusation sur la base d’une apparence de partialité de la part de la juge militaire et a soutenu cette requête en utilisant les mêmes arguments que ceux invoqués pour la requête en récusation.
La Cour fédérale a rendu sa décision sur la requête en prohibition provisoire le 14 décembre 2020Note de bas de page 43, et a estimé que l’affirmation du requérant selon laquelle il existait une crainte raisonnable de partialité était fondée sur de simples spéculations. La Cour a indiqué que les éléments de preuve présentés n’atteignaient pas le seuil de partialité flagrante, qui était le critère à remplir pour empêcher la juge militaire d’entendre la requête en récusation, et n’étaient pas non plus suffisants pour empêcher la juge militaire d’examiner la question en faisant preuve d’ouverture d’esprit. La Cour fédérale a également souligné que la juge militaire avait déjà démontré sa capacité de considérer la question en faisant preuve d’ouverture d’esprit puisqu’elle avait récemment entendu une requête en récusation dans une autre cause et avait déterminé qu’elle était effectivement tenue de se récuser.
De plus, lors de son examen des faits, la Cour fédérale a examiné le critère à trois volets de l’arrêt RJR MacDonald Inc c Canada (Procureur général)Note de bas de page 44, qui décrit les critères d’octroi d’une ordonnance de mesures provisoires, et a conclu que les exigences pour obtenir une ordonnance provisoire n’avaient pas été satisfaites.
Selon la Cour, le sergent Thibault n’a pas réussi à démontrer qu’il subirait un préjudice irréparable si la mesure n’était pas accordée ni que la prépondérance des inconvénientsNote de bas de page 45 penchait en sa faveur. La Cour a rejeté la demande et a souligné que la requête était prématurée puisque la juge militaire n’avait pas encore eu l’occasion de rendre une décision sur la requête en récusation.
Le 21 décembre 2020, la juge militaire a entendu, en même temps, la requête en récusation et les requêtes en annulation de procès, et elle a rendu sa décision le 27 janvier 2021Note de bas de page 46. La juge militaire a estimé que l’allégation du sergent Thibault selon laquelle il n’a pas été jugé devant un tribunal indépendant et impartial était sans fondement et spéculative. En rejetant la requête en annulation de procès, la juge militaire a estimé que son poste précédent de conseillère juridique au bureau du chef d’état-major de la Défense ne créait pas une crainte raisonnable de partialité et a souligné que les commentaires qu’elle a faits pendant la conférence préalable au procès étaient simplement l’expression d’une intention et non une décision judiciaire. Elle a également noté que, conformément à l’arrêt R c QuinnNote de bas de page 47, ni la communication d’une telle intention ni sa récusation dans une autre affaire n’étaient suffisantes pour soulever des préoccupations de partialité, et que de telles allégations doivent être analysées au cas par cas, de sorte que sa récusation dans une autre affaire n’était pas contraignante.
Le 5 février 2021, le sergent Thibault a abandonné sa requête de bref de prohibition.
Évolution législative
Projet de loi C-77
Une fois pleinement mises en œuvre, les modifications à la Loi sur la défense nationale qui ont été introduites dans le projet de loi C-77 renforceront le système de justice militaire et l’aligneront davantage sur le système civil de justice pénale tout en respectant les exigences particulières des Forces armées canadiennes. De façon plus significative, ces modifications établiront que la Déclaration des droits des victimes fait partie du code de discipline militaire et donneront aux victimes d’infractions d’ordre militaire des droits particuliers au sein du système de justice militaire. Ces modifications transformeront également le processus de procès sommaire en un processus d’audiences sommaires non pénal et non criminel, conçu pour traiter les manquements mineurs à la discipline militaire au niveau des unités et octroieront aux cours martiales la compétence sur les infractions d’ordre militaire
Au cours de la période de référence, des travaux importants nécessaires à la mise en œuvre des dispositions restantes du projet de loi C-77 se sont poursuivis et ont été axés sur trois activités principales : la tenue de consultations significatives avec les principaux intervenants, y compris les groupes de défense des victimes et des survivants; la tenue de consultations avec des victimes et des survivants d’infractions d’ordre militaire; ainsi que l’élaboration des règlements particuliers requis pour appuyer la mise en œuvre des dispositions restantes. Les détails de ces travaux sont fournis ci-dessous.
Page Web conçue pour les Victimes et survivants d’infractions d’ordre militaire
Afin de regrouper les principales politiques relatives à la justice militaire en un seul endroit, les intervenants pertinents du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes ont été consultés pour élaborer la page Web Victimes et survivants d’infractions d’ordre militaire, qui est en ligne depuis mars 2021Note de bas de page 48. La page Web a été élaborée pour fournir un guichet unique de renseignements pertinents pour les victimes et les survivants, et comprend des détails sur le système de justice militaire, une liste des services et des programmes offerts aux victimes et aux survivants d’infractions d’ordre militaire, ainsi que des renseignements sur les enquêtes et les procédures en cour martiale. Les victimes et les survivants d’infractions d’ordre militaire peuvent également utiliser la page Web pour se renseigner sur les règles relatives aux déclarations de la victime, les ordonnances de dédommagement et des questions telles que la protection de la vie privée et de l’identité. La page Web contient également un lien vers une liste complète de services et de programmes disponibles en dehors du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.
Bien que la page Web ait été mise en ligne en mars 2021, son lancement officiel a eu lieu en mai 2021. Cette ressource importante restera en place et continuera d’être mise à jour tout au long de la prochaine période de référence afin de maintenir à jour les renseignements nécessaire à l'intention des victimes et des survivants, et ce, même après la mise en œuvre des dispositions restantes du projet de loi C-77.
Sondage en ligne sur la Déclaration des droits des victimes et page de rétrocation
Le Cabinet du JAG a poursuivi l’élaboration du Sondage sur la Déclaration des droits des victimes. Ce sondage en ligne a été créé pour recueillir des renseignements auprès des membres des Forces armées canadiennes et des employés du ministère de la Défense nationale (en particulier les victimes et les survivants d’infractions d’ordre militaire) afin de recevoir des commentaires importants des participants au sondage pour obtenir des renseignements et faciliter l’élaboration de règlements et de politiques relatifs à la Déclaration des droits des victimesNote de bas de page 49. Parallèlement, une page de rétroaction a été développée pour être incluse sur la page Web conçue pour les victimes et survivants d’infractions d’ordre militaire afin de donner au public canadien l’occasion de fournir des commentaires sur la mise en œuvre de la Déclaration des droits des victimes.
Le sondage et cette page de rétroaction ont été lancés les 13 et 14 mai 2021, respectivement. Les détails concernant le sondage et la page de rétroaction, ainsi que les résultats du sondage seront inclus dans le rapport annuel 2021-2022Note de bas de page 50. Dans le même ordre d’idées, un deuxième sondage visant à donner aux anciens membres des Forces armées canadiennes l’occasion de donner leur avis sur la mise en œuvre de la Déclaration des droits des victimes a été lancée le 19 juillet 2021, en collaboration avec Anciens Combattants Canada. Ce sondage et ses résultats seront également examinés dans le rapport annuel 2021-2022.
Autres consultations importantes
D’autres consultations importantes ont eu lieu au cours de la période de référence. Entre autres, des consultations ont eu lieu avec plus de 16 organisations externes, dont le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle, le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, le Centre de la politique concernant les victimes du ministère de la Justice, le Service des poursuites pénales du Canada, la Gendarmerie royale du Canada, le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada. De plus, quatre groupes de défense des victimes ont été consultés, notamment « It’s Not Just 700 », le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, l'Office des affaires des victimes d'actes criminels de l'Ontario et l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes. De plus, la chaîne de commandement des Forces armées canadiennes a été consultée au sujet des principaux aspects du système d’audiences sommaires. L’information recueillie lors de ces diverses consultations a été d’une importance vitale et a fourni des renseignements précieux qui ont grandement contribué aux efforts continus d’élaboration de politiques et de règlements.
Le Secrétariat des Forces armées canadiennes du projet de loi C-77
En janvier 2021, le vice-chef d’état-major de la Défense a assumé le rôle de représentant des Forces armées canadiennes chargé de fournir les orientations stratégiques requises pour que les règlements élaborés à l’appui de la mise en œuvre du projet de loi C-77 répondent aux besoins des Forces armées canadiennes. Afin de soutenir le vice-chef d’état-major de la Défense à s’acquitter de cette responsabilité essentielle, il a été décidé d’établir un secrétariat qui coordonnerait les consultations avec les représentants des Forces armées canadiennes et consignerait les commentaires reçus de ces derniers afin d’élaborer le cadre stratégique et les politiques d'orientations nécessaires. À cette fin, une directive de mise en œuvre qui prévoyait la mise sur pied du Secrétariat des Forces armées canadiennes du projet de loi C-77 (Secrétariat C-77) a été émise le 23 mars 2021, et le Secrétariat C-77 a été constitué le 20 avril 2021. Le travail du Secrétariat et son importante contribution au processus d’élaboration de la réglementation et des politiques seront détaillés dans le rapport annuel 2020-2021.
L’effort de rédaction réglementaire
Le Cabinet du JAG a travaillé en étroite collaboration avec le ministère de la Justice pour élaborer le régime réglementaire nécessaire à la mise en œuvre des dispositions restantes du projet de loi C‑77. À cette fin, les services de rédaction des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes du ministère de la Justice ont fourni au Cabinet du JAG des conseils spécialisés sur le choix des instruments législatifs, les pouvoirs habilitants et les risques juridiques associés au régime réglementaire proposé et, à la demande du Cabinet du JAG, ont entamé le processus de rédaction des modifications réglementaires et des décrets du gouverneur en conseil nécessaires. À la fin de la période de référence, la rédaction des règlements requis était bien entamée.
Le troisième examen indépendant de la Loi sur la défense nationale
La Loi sur la défense nationale exige que le ministre de la Défense nationale fasse mener un examen indépendant de certaines dispositions de la Loi sur la défense nationale et que le rapport de cet examen indépendant soit déposé au Parlement dans des délais précisNote de bas de page 51. Les délais pertinents sont prévus à l’article 273.601 de la Loi sur la défense nationale et sont définis en fonction d’événements particuliers, qui amorcent le début de la période prescrite de sept ans. Le rapport doit être déposé avant l’expiration de ces sept ans, à moins qu’un événement déclencheur ultérieur ne réinitie le délai. Les événements déclencheurs comprennent l’entrée en vigueur de la disposition principale, le dépôt d’un rapport précédent et les modifications à la Loi sur la défense nationale, si elles sont fondées sur un examen indépendant.
La Cour suprême du Canada a reconnu l’importance de procéder à des examens indépendants périodiques, comme le prévoit l’article 273.601 de la Loi sur la défense nationale, pour s’assurer que les dispositions examinées, y compris celles qui sous-tendent le système de justice militaire, sont rigoureusement scrutées, analysées et affinées à intervalles réguliers afin de permettre l’évolution continue du système de justice militaireNote de bas de page 52. Ces examens réguliers permettent de s’assurer que le système de justice militaire continue de servir de partenaire à part entière aux côtés du système de justice pénale canadien, et qu’il continue de soutenir efficacement le maintien de la discipline, de l’efficacité et du moral des Forces armées canadiennes tout en reflétant l’évolution de leurs attitudes culturelles ainsi que les valeurs et les normes de la société canadienne.
Le 5 novembre 2020, le ministre de la Défense nationale a mandaté l’honorable Morris J. Fish, ancien juge de la Cour suprême du Canada, en tant qu’autorité du troisième examen indépendant à procéder à l’examen de certaines dispositions de la Loi sur la défense nationale, ainsi que leur applicationNote de bas de page 53. Ces dispositions spécifiées comprennent environ 60 % des dispositions de la Loi sur la défense nationale et incluent les dispositions relatives au code de discipline militaire, au système des griefs des Forces canadiennes, le grand prévôt des Forces canadiennes, ainsi qu'à la police militaire et la surveillance de la police militaire.
L’instruction ministérielle a permis à l'autorité du troisième examen indépendant de jouir d’une entière discrétion pour siéger à l’heure et à l’endroit voulus au Canada, et d’adopter les méthodes et procédures que l'autorité du troisième examen indépendant jugeait appropriées dans l’exécution de son mandat. Afin de permettre l’accès à tous les renseignements nécessaires pour effectuer l’examen, le ministre de la Défense nationale a accordé à l'autorité du troisième examen indépendant, sous réserve des exigences et des limites des lois et des règlements applicables, un accès complet :
- aux employés du ministère de la Défense nationale;
- aux officiers et aux militaires du rang des Forces armées canadiennes;
- aux membres et au personnel du Comité externe d’examen des griefs militaires;
- aux membres et au personnel de la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire;
- à l’ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes et son personnel; et
- à tout renseignement détenu par le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes et pertinent à l’examen.
Afin de fournir le soutien et l’assistance juridiques nécessaires au ministre de la Défense nationale, au ministère de la Défense nationale et aux Forces armées canadiennes, le juge-avocat général a mis sur pied l’équipe de soutien du Juge-avocat général pour l’examen indépendant au cours de la période de référence précédente afin de permettre le respect de l’exigence légale du troisième examen indépendant. Cette équipe dévouée a poursuivi son travail pendant la période de référence actuelle. Ce travail consistait à effectuer la conception et la planification, ainsi qu’à offrir un soutien pendant la conduite de l’examen lui-même.
En décembre 2019, l’équipe de soutien du JAG pour l’examen indépendant a assumé le rôle de secrétariat et a effectué la planification initiale du projet. En outre, il a chargé le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes de coordonner l’examen indépendant jusqu’à ce que le secrétariat de l'autorité indépendante chargée de l'examen (ci-après secrétariat de l'examen indépendant) soit officiellement mis en place. L’équipe de soutien du JAG pour l’examen indépendant a soutenu directement le secrétariat de l’examen indépendant du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes pendant le processus de passation de marchés et la conduite de l’examen. Le secrétariat d’examen indépendant a assuré une fonction de liaison entre les organisations du ministère de la Défense nationale, les Forces armées canadiennes et les partenaires externes, a aidé à la gestion du contrat, a programmé des réunions et a effectué le suivi les demandes de renseignements provenant de l'autorité du troisième examen indépendant.
Pour aider l'autorité du troisième examen indépendant et son équipe à se préparer à mener leur examen, le Cabinet du JAG et l’équipe de soutien du JAG pour l’examen indépendant ont préparé de nombreux documents de référence et ont fourni à l’autorité d’examen indépendant environ 15 heures de séances de familiarisation sur le système de justice militaire et d’autres sujets pertinents au mandat de l’examen. De plus, au cours de l’examen lui-même, le Cabinet du JAG et l’équipe de soutien du JAG pour l’examen indépendant ont répondu à environ 50 demandes de renseignements de l'autorité du troisième examen indépendant sur une gamme de sujets complexes qui ont nécessité d’importantes recherches et analyses qualitatives et quantitatives, y compris des recherches historiques couvrant une période de 25 ans.
Dans le cadre de son mandat, l'autorité du troisième examen indépendant et son équipe ont adopté une méthodologie comprenant la participation à des séances d’information éducatives, des entretiens avec des fonctionnaires du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, des entretiens avec des commentateurs externes et des experts étrangers, la réception de soumissions écrites de la part d’acteurs et d’organisations des Forces armées canadiennes et la tenue de 16 assemblées publiques en ligne avec des membres des Forces armées canadiennes.
Le rapport de l'autorité du troisième examen indé-pendant a été déposé au Parlement le 1er juin 2021Note de bas de page 54, après la clôture de la période de référence, et bien que le rapport sera examiné en détail dans le rapport annuel 2021-2022, il est important de noter que l'autorité du troisième examen indépendant a fait 107 recommandations de grande envergure au ministre de la Défense nationale, dont la majorité concerne le système de justice militaire. Le ministre de la Défense nationale a accepté en principe toutes les recommandations, et l’important travail de mise en œuvre de ces recommandations a déjà commencé. Une approche pangouvernementale sera nécessaire pour mettre en œuvre les recommandations.
Le juge-avocat général a accueilli favorablement le Rapport de l'autorité du troisième examen indépendant. L’autorité d’examen indépendant a formulé des recommandations qui provoqueront des changements profonds et essentiels pour le système de justice militaire et a fourni une occasion importante de poursuivre l’évolution du système de justice militaire, de le faire entrer dans une nouvelle ère de modernisation et de lui permettre de soutenir pleinement le changement de culture au sein des Forces armées canadiennes.
Initiatives politiques
Soutien aux victimes et aux survivants d’infractions d’ordre militaire
Conformément à son engagement à soutenir le changement de culture et l’élimination de l’inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes et à veiller à ce que les victimes et les survivants d’infractions d’ordre militaire soient reconnus et soutenus de façon appropriée, le Cabinet du JAG a participé à un certain nombre d’initiatives connexes au cours de la période de référence.
L'une de ces initiatives comprenaient l’élaboration de la Directive et ordonnance administrative de la défense 9005-1 – Intervention sur l’inconduite sexuelleNote de bas de page 55, qui a été publiée le 18 novembre 2020, afin d’améliorer la réponse des Forces armées canadiennes à l’inconduite sexuelle en définissant et en interdisant l’inconduite sexuelle, en clarifiant les obligations de signalement et en fournissant une section exhaustive portant sur le soutien aux victimes. Au cours de la période de référence, le Cabinet du JAG a contribué à l’élaboration de cette directive en fournissant un soutien juridique direct aux multiples intervenants engagés dans les processus d’élaboration, de rédaction et d’approbation.
Le Cabinet du JAG a également poursuivi le travail de mise en œuvre des modifications restantes introduites dans le projet de loi C-77, qui comprend la Déclaration des droits des victimes. Au cours de la période de référence, le Cabinet du JAG a fait avancer un certain nombre d’initiatives visant à faire progresser les modifications réglementaires requises pour appuyer la mise en œuvre des dispositions restantes du projet de loi C-77 et pour s’assurer que les victimes et les survivants d’infractions d’ordre militaire ainsi que les organismes qui les soutiennent et les représentent soient en mesure de contribuer au processus d’élaboration des règlements. Au total, 16 organisations externes, dont la majorité offre des services de défense et d’autres services de soutien aux victimes et aux survivants d’actes criminels, ont été consultées et ont fourni des commentaires pertinents relativement aux politiques et aux règlements élaborés pour appuyer la mise en œuvre de la Déclaration des droits des victimes.
En outre, deux sondages en ligne ont été élaborés, en collaboration avec le Directeur général - Recherche et analyse (personnel militaire), visant à consulter les victimes et les survivants d'infractions d'ordre militaire, afin de recevoir des renseignements importants qui seront utilisés dans le cadre de l'élaboration des règlements et politiques relatifs à la Déclaration des droits des victimes. Ces sondages ont été créés pour recueillir des renseignements directement auprès des membres actuels et anciens des Forces armées canadiennes, ainsi qu'auprès des employés du ministère de la Défense nationale, et ont été menés après la fin de la période de référence.
Une autre initiative entreprise au cours de la période de référence a été le lancement de la page Web Victimes et survivants d’infractions d’ordre militaire, qui a été développée pour fournir un guichet unique de renseignements pertinents pour les victimes et les survivants. La page Web a été mise en ligne en mars 2021Note de bas de page 56. L’une des caractéristiques importantes de la page Web est de permettre aux victimes et aux survivants d'infractions d'ordre militaire, ainsi qu'à d'autres personnes intéressées, de partager leur rétroaction sur la mise en œuvre de la Déclaration des droits des victimes.
Des détails supplémentaires concernant les initiatives entreprises pour appuyer la mise en œuvre du projet de loi C-77 et de la Déclaration des droits des victimes se trouvent dans la section Évolutions législatives du présent chapitre.
Autres développements
Forum des intervenants en justice militaire
Le Forum des intervenants en justice militaire offre l’occasion aux principaux intervenants du système de justice militaire de se réunir régulièrement et de s’engager dans un échange soutenu de connaissances, d’expertise et de meilleures pratiques sur des sujets d’intérêt commun, tout en respectant les obligations professionnelles et l’indépendance des participants. Les membres réguliers du Forum comprennent le juge-avocat général, le juge en chef de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada, le juge militaire en chef, le grand prévôt des Forces canadiennes, le directeur – Service d’avocats de la défense, le directeur – Poursuites militaires et le juge-avocat général adjoint (justice militaire).
En raison de la pandémie de COVID-19, le rythme régulier des réunions a été suspendu au cours de la période de référence. Les intervenants du Forum ont été convoqués une seule fois pour assister à une réunion en ligne, le 28 mai 2020. Étaient présents à cette réunion le juge-avocat général, le juge en chef de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada, le juge militaire en chef par intérim, le grand prévôt des Forces canadiennes, le juge-avocat général adjoint (justice militaire), le directeur – Poursuites militaires, le directeur – Service d’avocats de la défense, l’administrateur de la cour martiale, le conseiller juridique du Cabinet du juge militaire en chef, et le directeur exécutif et avocat général de la Cour d’appel fédérale et de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada. Cette réunion était la cinquième depuis la création du Forum, et la discussion a porté sur les défis engendrés par la pandémie de COVID-19 sur l’administration de la justice militaire.
Le Système de gestion de l'information et de l'administration de la justice
Le Système de gestion de l'information et de l'administration de la justice (SGIAJ) est un outil électronique de gestion des dossiers pour le système de justice militaire. Avec l’appui du Cabinet du JAG, le sous-ministre adjoint (Gestion de l’information) est en train de concevoir le système pour assurer le suivi électronique et transparent des dossiers de justice militaire, depuis le signalement d’une infraction présumée jusqu’à l’enquête, au dépôt d’accusations, à la décision rendue à l’issue d’un procès et à la révision dans le cadre des procès sommaires et en cour martiale. Le développement du SGIAJNote de bas de page 57 est une initiative clé du Projet d’évaluation et d’amélioration de la surveillanceNote de bas de page 58, qui a été établi pour permettre la collecte de données objectives et mesurables afin de faciliter l’évaluation de l’administration du code de discipline militaire au niveau de l’unité et l’amélioration du système de justice militaire.
La pandémie de COVID-19 et les mesures conséquentes de protection de la santé ont entraîné la suspension du développement du SGIAJ au cours des premiers mois de la période de référence; son développement a repris en juin, ce qui a permis d’améliorer ses fonctionnalités, d’obtenir une plate-forme système plus stable et une interface utilisateur simplifiée. En novembre 2020, une mise à jour du système a été livrée aux utilisateurs existants du SGIAJ. Celle-ci a permis d’améliorer sa fonctionnalité, et a également introduit la capacité de pouvoir effectuer la gestion de toutes les infractions d’ordre militaire et les dossiers de justice militaire à chaque étape du processus, depuis l’enquête sur une infraction présumée jusqu’à l’administration du dossier après le procès, ainsi que le processus de révision de procès sommaire. De plus, les normes de temps du système de justice militaireNote de bas de page 59, qui établissent les délais applicables à chaque phase du processus de justice militaire, ont également été entièrement intégrées au système pour faciliter leur suivi et leur application. Grâce à cette mise à niveau, le SGIAJ est en mesure d’exiger que les décideurs fournissent une justification lorsque les normes de temps établies ne sont pas respectées, ce qui aidera à identifier et à résoudre les causes de délais dans le système de justice militaire.
Les nouvelles mises à niveau introduites en mars 2021 ont permis de renforcer la sécurité des renseignements personnels et d’améliorer la capacité du système à générer un procès-verbal de procédure disciplinaire à partir des données déjà saisies dans le SGIAJ. En outre, cette mise à niveau a également permis l’introduction d’un nouveau processus d’examen des documents par les avocats militaires qui facilitera davantage la surveillance et la supervision du système de justice militaire.
Également au cours de la période de référence, le Cabinet du JAG et le sous-ministre adjoint (Gestion de l'information) ont poursuivi leurs efforts pour intégrer le SAJGI à d’autres plates-formes ministérielles, notamment le Système d’information – Sécurité et police militaire (SISEPM) et le système de la cour martiale (SCM) du Directeur - Poursuites militaires.
Au cours de la prochaine période de rapport, le Cabinet du JAG et le sous-ministre adjoint (Gestion de l'information) entreprendront la prochaine phase de développement du SGIAJ, qui intégrera les changements à la Loi sur la défense nationale qui seront mis en œuvre avec l’entrée en vigueur des autres dispositions du projet de loi C-77. Ces changement transformeront les procès sommaires en un processus d'audiences sommaires et introduiront les manquements d'ordre militaire ainsi que les sanctions qui en découlent. En outre, les changements nécessiteront l’ajout de nouvelles fonctionnalités logicielles pour intégrer les protections qui seront prévues avec la mise en œuvre de la Déclaration des droits des victimes.
Conclusion
Malgré la pandémie de COVID-19 et les défis importants qu’elle a représentés, notamment au début de la période de référence, il y a eu d’importants développements pour le système de justice militaire au cours de la période de référence 2020-2021. Par exemple, des progrès importants ont été réalisés pour mener à bien les consultations nécessaires avec les intervenants, les groupes de défense des victimes et des survivants et les victimes et survivants d’infractions d’ordre militaire, ainsi que pour poursuivre l’élaboration des règlements nécessaires à la mise en œuvre des dispositions résiduaires du projet de loi C-77 visant à modifier la Loi sur la défense nationale, dont la Déclaration des droits des victimes. De plus, l’honorable Morris J. Fish, ancien juge de la Cour suprême du Canada, a été mandaté à mener le troisième examen indépendant de certaines dispositions de la Loi sur la défense nationale. L’examen a été mené au cours de la période de référence et son rapport, qui a été déposé au Parlement le 1er juin 2021, définit une orientation critique qui entraînera des changements profonds et essentiels au sein du système de justice militaire.
Les processus de croissance et d’amélioration observés au cours de la période de référence sont essentiels à la poursuite de la modernisation du système de justice militaire et à l’assurance que le système reçoit les changements nécessaires pour rester en phase avec le droit canadien et les valeurs sociétales, tout en fournissant à la chaîne de commandement un outil efficace pour tenir les militaires responsables de toutes les formes d’inconduite.
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